Toronto
Conception de discussions synchrones et asynchrones significatives pour les cours en ligne par Kim MacKinnon, Lesley Wilton, Shelley Murphy, Brenda Stein Dzaldov; Dania Wattar; Jacob DesRochers; les éléments de l’œuvre d’Alison Mann sont publiés sous la licence internationale « Attribution – Pas d’utilisation commerciale – Partage dans les mêmes conditions 4.0 » de Creative Commons, sauf mention contraire.
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Le présent manuel vise à accompagner les enseignant.e.s qui découvrent l’enseignement en ligne pour la première fois ou qui ne maîtrisent pas encore les outils en ligne de soutien à l’enseignement en classe. Il peut également être utile aux personnes qui enseignent déjà en ligne ou à celles qui intègrent des fonctions de discussion en ligne dans leur cours depuis plusieurs années et qui souhaitent améliorer leurs façons de faire.
L’idée derrière ce livre est née du travail d’un petit groupe de perfectionnement professionnel de l’Université de Toronto qui a commencé ses activités au début de la pandémie de COVID-19, en mars 2020. Ce groupe d’universitaires s’est retrouvé confronté à une réalité inattendue : il fallait transférer l’ensemble des enseignements vers une plateforme d’apprentissage à distance. Certaines personnes enseignaient déjà en ligne depuis de nombreuses années. D’autres n’avaient encore aucune expérience de l’enseignement en ligne et n’avaient pas l’habitude d’intégrer des outils en ligne à leur enseignement en classe. En relevant les défis de l’adaptation à l’enseignement à distance, ce groupe a rapidement réalisé que ce type de soutien au développement professionnel pouvait également répondre à un besoin criant à plus grande échelle dans d’autres programmes et établissements. C’est ainsi que le travail de rédaction du présent ouvrage a commencé. L’intention était de faire connaître les apprentissages tirés de cette expérience dans un format convivial pouvant servir à d’autres enseignants.
Les chapitres peuvent être lus seuls ou en combinaison avec d’autres chapitres, puisqu’ils sont indépendants les uns des autres. Chacun commence par une mise en contexte dans laquelle la personne qui l’a écrit explique l’importance que revêt pour elle le sujet, puis un scénario présentant un exemple de situation en lien avec le sujet en question, et enfin la liste des objectifs d’apprentissage et des termes clés. Le reste des chapitres comprend plusieurs invitations à l’auto-apprentissage (des occasions de s’arrêter pour faire le point, par exemple) qui vous encouragent à réfléchir à ce que vous comprenez du sujet et à vos propres contextes d’enseignement. La dernière partie de chaque chapitre propose chaque fois une brève réflexion sur le scénario original. La personne qui l’a écrit indique alors ce qu’on aurait pu faire différemment en premier lieu.
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Les auteur.e.s souhaitent remercier les personnes suivantes qui ont grandement contribué à ce projet : Kathy Broad, Ph. D. (réviseure finale), Beth McAuley (réviseure).
Ce projet est rendu possible grâce au financement du gouvernement de l’Ontario et au soutien apporté par eCampusOntario à la Stratégie d’apprentissage virtuel. Pour en savoir plus sur la Stratégie d’apprentissage virtuel, consultez https://vls.ecampusontario.ca/fr.
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Kim MacKinnon, Ph. D., EAO
Institut d’études pédagogiques de l’Ontario, Université de Toronto
Est-il bien pertinent de consacrer tout un manuel aux discussions en ligne? La réponse courte : oui. Pour ajouter des fonctions de discussion dans un cours en ligne, il faut avant toute chose, comme pour tout enseignement efficace, procéder à une planification rigoureuse.
Le personnel éducateur qui intègre des discussions en ligne à ses cours de manière désordonnée risque de semer la confusion chez ses étudiant.e.s et de leur causer un stress excessif, voire, dans certains cas, de favoriser par inadvertance la tenue d’échanges potentiellement nuisibles.
Le présent manuel vise à accompagner les enseignant.e.s qui découvrent l’enseignement en ligne pour la première fois ou qui ne maîtrisent pas encore les outils en ligne de soutien à l’enseignement en classe. Il peut également être utile aux personnes qui enseignent déjà en ligne ou à celles qui intègrent des fonctions de discussion en ligne à leur cours depuis plusieurs années et qui souhaitent améliorer leurs façons de faire.
L’idée derrière ce livre est née du travail d’un petit groupe de perfectionnement professionnel de l’Université de Toronto qui a commencé ses activités au début de la pandémie de COVID-19, en mars 2020. Ce groupe d’universitaires s’est retrouvé confronté à une réalité imprévue : il fallait transférer l’ensemble des enseignements vers une plateforme d’enseignement à distance. Certaines personnes enseignaient déjà en ligne depuis de nombreuses années. D’autres n’avaient encore aucune expérience de l’enseignement en ligne et n’avaient pas l’habitude d’intégrer des outils en ligne à leur enseignement en classe. En relevant les défis de l’adaptation à l’enseignement à distance, ce groupe a rapidement réalisé que ce type de soutien à l’apprentissage pouvait également répondre à un besoin criant à plus grande échelle dans d’autres programmes et établissements. C’est ainsi que le travail de rédaction du présent manuel a commencé. L’intention était de faire connaître les apprentissages tirés de cette expérience dans un format convivial pouvant servir à d’autres membres du personnel éducateur.
Il convient de reconnaître que l’apprentissage en ligne (et, par la bande, l’apprentissage collaboratif assisté par ordinateur) fait l’objet de recherches depuis des dizaines d’années, soit bien avant le début de la pandémie de COVID-19 et aussi bien avant que l’enseignement à distance ne devienne un sujet d’intérêt à si grande échelle. Le présent manuel ne vise pas à présenter un condensé de ces recherches, mais s’appuie sur cette expertise approfondie.
Pour commencer, penchons-nous sur certains termes de base liés à l’apprentissage en ligne (ou, plus précisément, à l’apprentissage virtuel). En partant des mêmes définitions, nous serons mieux en mesure de clarifier les rôles des personnes qui assistent au cours et de celles qui le donnent, ainsi que les attentes à leur égard. Nous pourrons également, tout particulièrement en ce qui a trait au sujet qui nous occupe, réfléchir aux différentes manières d’organiser les discussions en ligne dans le cadre d’un cours.
Vous constaterez peut-être que certains de ces termes ne correspondent pas à la définition que vous en faites dans vos propres enseignements. Cette différence s’explique en partie par l’absence de consensus clair dans le milieu sur la manière de conceptualiser l’apprentissage virtuel.
Les termes et définitions qui suivent sont adaptés des définitions révisées de l’apprentissage virtuel du Online Learning Consortium (en anglais seulement). Reportez-vous à l’image 1 pour consulter dans le support visuel une représentation des différents termes utilisés.
Bien que l’apprentissage mixte soit parfois synonyme d’apprentissage hybride, nous considérerons, pour les besoins du présent manuel, les approches mixtes de l’apprentissage virtuel comme n’importe quelle autre approche de l’enseignement réunissant à la fois l’apprentissage sur le Web et l’apprentissage en classe. On établit quatre grandes catégories d’apprentissage mixte : l’apprentissage réalisé en partie sur le Web, l’apprentissage hybride, l’apprentissage à présentation synchrone et l’apprentissage bimodal.
Dans le cas de l’apprentissage réalisé en partie sur le Web, on part du principe que les étudiant.e.s assistent à leur cours en personne et que l’apprentissage se fait principalement en classe. On utilise dans une certaine mesure des outils en ligne dans la classe, mais ceux-ci constituent plus un complément qu’un mode d’apprentissage principal.
Exemples de discussions dans le cadre d’un cours donné en partie sur le Web :
Dans une approche d’enseignement hybride, une partie de l’apprentissage est consacrée à des séances en personne et une autre partie, à des séances en ligne. En général, les personnes qui assistent au cours passent d’une séance en ligne à une séance en personne en même temps, en grand groupe. Il n’y a pas de consensus quant à la durée exacte que doit avoir la portion en ligne d’un cours considéré pleinement hybride par rapport à un cours réalisé en partie sur le Web. Plutôt que de chercher la proportion exacte de séances en personne et de séances en ligne qu’il faudrait viser, on peut se demander quelle est la fréquence des séances en ligne par rapport aux séances en personne (p. ex., assez régulièrement pour l’ensemble des personnes participantes)? Quelle place les séances en ligne prennent-elles dans l’expérience d’apprentissage globale du cours (p. ex., les personnes participantes pourraient indiquer qu’une partie importante de leur apprentissage se déroule en ligne)? Dans quelle mesure la participation à ces séances en ligne favorise-t-elle l’atteinte des objectifs généraux du cours (p. ex., les personnes participantes pourraient affirmer que les portions en ligne alimentent tout naturellement les portions en personne, et vice-versa). Le Online Learning Consortium fait la distinction entre les classes hybrides (le cours a principalement lieu en personne, mais une partie de celui-ci a lieu en ligne) et les classes hybrides en ligne (le cours a principalement lieu en ligne, mais une partie de celui-ci a lieu en personne).
Remarque : On peut considérer la pédagogie inversée comme une forme d’apprentissage hybride.
Exemples de discussions dans le cadre d’un cours hybride :
Chaque cours se déroule simultanément en personne et en ligne. Les personnes participantes peuvent choisir le mode d’apprentissage qui leur convient le mieux ou s’en voir assigner un. Dans certains cas, il peut arriver qu’elles fassent l’expérience à la fois de l’apprentissage en personne et de l’apprentissage en ligne pour un même cours, mais pas nécessairement au même moment que leurs collègues (p. ex., pendant la pandémie, dans de nombreuses écoles secondaires de l’Ontario, la moitié des élèves d’une même classe suivait le cours en personne, tandis que l’autre moitié le suivait en ligne au même moment; les groupes passaient ensuite d’un mode à l’autre selon un calendrier établi). Les personnes qui enseignent dans le cadre de la présentation synchrone planifient l’enseignement en personne et l’enseignement en ligne au même moment afin que l’expérience d’apprentissage soit équivalente pour l’ensemble des personnes participantes. Dans le cadre d’une véritable présentation synchrone, aucun des deux modes d’apprentissage (en personne ou en ligne) n’a priorité sur l’autre. Au contraire, ils favorisent tous deux une expérience d’apprentissage complète, quel que soit celui qu’adoptent les étudiant.e.s.
Exemples de discussions dans le cadre de cours à présentation synchrone :
Les étudiant.e.s peuvent participer à n’importe quel cours en personne, en ligne de façon synchrone ou en ligne de façon asynchrone. Les personnes choisissent le mode d’apprentissage qui convient le mieux à leurs besoins et peuvent le modifier à tout moment pendant le cours. Dans certains cas, elles peuvent choisir un seul mode pour toute la durée de l’apprentissage ou bien passer d’un mode à l’autre à chaque séance. Un peu comme dans le cas de l’apprentissage à présentation synchrone, les personnes qui enseignent dans le cadre d’un mode d’apprentissage bimodal se préparent à donner leur cours à la fois en personne et en ligne (bien que certaines personnes y assistent en ligne en direct, tandis que d’autres y assisteront en ligne à leur propre rythme), l’objectif étant de créer une expérience d’apprentissage équivalente, quelle que soit la situation. Dans le cadre d’un véritable apprentissage bimodal, aucun des deux modes d’apprentissage (en personne ou en ligne) n’a priorité sur l’autre. Même chose pour l’apprentissage synchrone et l’apprentissage asynchrone. Au contraire, ils favorisent tous une expérience d’apprentissage complète, quel que soit celui qu’adoptent les étudiant.e.s.
Exemples de discussions dans le cadre d’un cours bimodal :
Dans le cadre d’un cours donné entièrement en ligne, la totalité de l’apprentissage a lieu à distance. Il n’y a généralement aucune forme d’apprentissage en personne.
Dans le cadre d’un cours en ligne synchrone, la date et l’heure des séances sont établies. Les étudiant.e.s participent au cours à distance en même temps (généralement au moyen d’un outil de vidéoconférence comme Zoom ou Google Meet).
Exemples de discussions dans le cadre d’un cours en ligne synchrone :
Les personnes qui participent à un cours en ligne asynchrone peuvent apprendre à leur propre rythme, en respectant un délai convenu. Règle générale, dans le cadre d’un cours asynchrone qui repose sur l’apprentissage collaboratif en ligne (Harasim, 2017), les personnes participantes progressent dans le programme en respectant le même délai prolongé, ce qui leur d’évoluer à leur propre rythme, tout en profitant d’une expérience d’apprentissage collective.
Exemples de discussions dans le cadre d’un cours en ligne asynchrone :
Ce type de cours est semblable à un cours hybride. Une partie de l’apprentissage de toutes les personnes participantes est consacrée à des séances en ligne synchrones et une autre partie, à des séances en ligne asynchrones. En général, les personnes qui assistent à ce type de cours passent d’une séance synchrone à une séance asynchrone en même temps, en groupe. Il n’y a pas de consensus dans le milieu quant au temps qu’il convient d’accorder aux séances en ligne synchrones par rapport aux séances en ligne asynchrones. On recommande toutefois au personnel éducateur de tenir compte du temps que les personnes participantes devraient normalement consacrer, de manière continue, à l’apprentissage synchrone (le temps d’écran) et à la charge de travail découlant des activités d’apprentissage en ligne asynchrones (le volume de travail par rapport aux résultats qu’il procure et aux contraintes de temps). Si l’enseignant.e n’a pas bien pris en compte le temps et la charge de travail nécessaires dans la planification globale du cours, il n’est pas rare de constater que les étudiant.e.s trouvent les activités d’apprentissage asynchrone fastidieuses.
Exemples de discussions dans le cadre d’un cours en ligne mixte :
Il s’agit d’un cours principalement asynchrone par défaut qui intègre néanmoins des possibilités de réunions synchrones, selon les besoins des personnes participantes. Celles-ci travaillent à leur propre rythme, à partir de documents et d’activités en ligne qu’on leur a assignés. Elles peuvent également choisir de participer aux activités synchrones à leur disposition (réunions en personne avec la personne qui donne le cours ou avec un conseiller ou une conseillère, séances libres programmées, etc.). Les personnes qui assistent au cours ne sont pas tenues de rencontrer leurs collègues à des périodes synchrones convenues.
Exemples de discussions dans le cadre d’un cours en ligne flexible :
Pendant la pandémie, le concept d’apprentissage (ou d’enseignement) à distance en situation d’urgence a fait son apparition en réponse aux demandes répétées des spécialistes visant à distinguer l’apprentissage virtuel qui se déroule dans un contexte d’urgence et celui qui se déroule normalement. L’apprentissage à distance en situation d’urgence s’entend donc d’une réponse situationnelle visant la continuité académique, et non d’un type d’apprentissage virtuel en tant que tel. Au cours de la pandémie, l’apprentissage à distance en situation d’urgence a pris plusieurs des formes susmentionnées et a, dans certains cas, changé d’approche en fonction des avis émis par les autorités sanitaires locales. Il faut aussi savoir que l’apprentissage à distance en situation d’urgence n’est pas nécessairement fidèle en tous points aux définitions qui précèdent en raison des circonstances extrêmes dans lesquelles il se déroule (p. ex., dans un cours à présentation synchrone, l’apprentissage en ligne et l’apprentissage en personne n’ont alors pas nécessairement procuré une expérience entièrement équivalente).
Outre la réflexion sur les modes de présentation (voir, plus haut, les descriptions de l’apprentissage mixte et de l’apprentissage réalisé entièrement en ligne), le personnel éducateur doit se poser un certain nombre de questions au moment de planifier l’ajout de fonctions de discussion en ligne à ses cours. Les voici :
Nous traiterons de bon nombre de ces sujets dans les autres chapitres du présent manuel. Au chapitre 2, Lesley Wilton présente quelques-unes des grandes compétences numériques qui sont essentielles à la réussite des personnes qui participent à un cours intégrant des fonctions de discussion en ligne. Au chapitre 3, Shelley Murphy aborde des méthodes permettant de réagir de façon proactive au stress que peuvent ressentir les membres du personnel éducateur et de la communauté étudiante dans un contexte d’apprentissage et dans d’autres contextes. Au chapitre 4, Bendra Stein Dzaldov explique comment tirer parti de différents types d’évaluation authentique pour favoriser l’apprentissage des personnes participantes dans le cadre de discussions en ligne synchrones et asynchrones. Au chapitre 5, Dania Wattar propose quelques idées pour anticiper et gérer les différences entre les personnes participantes qui sont susceptibles d’influer sur les discussions en ligne. Au chapitre 6, Jacob DesRochers recommande des méthodes permettant de gérer les conversations difficiles, prévues ou non, qui peuvent survenir dans le cadre de discussions en ligne. Et pour finir, au chapitre 7, Alison Mann suggère des façons d’intégrer d’autres formes de communication aux discussions en ligne.
Les chapitres peuvent être lus seuls ou en combinaison avec d’autres chapitres, puisqu’ils sont indépendants les uns des autres. Chacun commence par une mise en contexte dans laquelle la personne qui l’a écrit explique l’importance que revêt pour elle le sujet, puis un scénario présentant un exemple de situation en lien avec le sujet en question, et enfin la liste des objectifs d’apprentissage et des termes clés. Le reste du chapitre comprend plusieurs invitations à adopter l’auto-apprentissage (des occasions de s’arrêter pour faire le point, par exemple) pour réfléchir à ce que l’on comprend du sujet et de ses propres contextes d’enseignement et à les mettre en relation avec les idées et les exemples présentés. La dernière partie de chaque chapitre propose chaque fois une brève réflexion sur le scénario original. La personne qui l’a écrit indique alors ce qu’on aurait pu faire différemment en premier lieu.
HARASIM, L. (2017). Learning Theory and Online Technologies. London : Routledge.
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Lesley Wilton, Ph. D., EAO
Université York
Après plus de dix ans d’enseignement en ligne, j’en suis venue à bien connaître les occasions que rend possibles la création de discussions asynchrones bien conçues dans différents modes de communication. Mon expérience de nombreuses plateformes d’apprentissage, auprès de milliers d’étudiant.e.s, m’a appris que les discussions en ligne peuvent soutenir l’apprentissage sur le plans cognitif et social ou émotionnel. En mars 2020, dans le contexte de la pandémie de COVID-19, la plupart des activités d’enseignement et d’apprentissage, de la maternelle à l’enseignement supérieur, sont passées à une formule entièrement en ligne. J’enseignais alors à la fois au niveau de l’enseignement supérieur (formation initiale et formation des diplômé.e.s) et au primaire en tant qu’enseignante occasionnelle à long terme. J’ai eu de la chance : mes étudiant.e.s et mes élèves avaient déjà une certaine connaissance des outils technologiques d’apprentissage. Les élèves de maternelle grâce aux tablettes iPad et à Seesaw, et les adultes grâce aux plateformes d’apprentissage des établissements d’enseignement. Bien que je n’aie pu me préparer à l’ampleur du passage de l’enseignement en classe à l’enseignement entièrement à distance comme la plupart d’entre vous, j’ai vite appris que c’était le bon contact avec autrui et le sentiment d’appartenance que les étudiant.e.s de tous les niveaux avaient le plus à cœur, au-delà de l’aisance et de l’expérience que j’avais en enseignement en ligne. Les difficultés rencontrées par le personnel enseignant que je présente dans ce chapitre illustrent un ensemble de problèmes que j’ai rencontrés et surmontés (dans la plupart des cas), en particulier dans le contexte de l’isolement social à l’école comme ailleurs. Je m’efforce de créer des contextes d’apprentissage en ligne qui soutiennent les personnes participantes de manière sûre et accueillante. Malgré tout, les défis restent nombreux, d’autant plus que nos vies hors du contexte d’apprentissage formel sont affectées par celui de la pandémie, qui évolue rapidement. Mes succès, mes échecs et l’évolution de ma compréhension de la littératie et des pratiques sociales en ligne orientent mon parcours d’enseignement. J’espère que le présent chapitre vous amènera à réfléchir à la planification de discussions asynchrones pour l’apprentissage entièrement en ligne et l’apprentissage mixte.
Ali est enseignant. Il a l’habitude d’intégrer des discussions en personne à ses cours pour favoriser des expériences d’apprentissage et de renforcement du sentiment d’appartenance enrichissantes. Il a récemment commencé à enseigner en ligne. On pourrait penser que l’apprentissage asynchrone est synonyme de solitude et d’isolement. Après tout, il probable que plusieurs des personnes participantes ne se rencontrent jamais en personne. On pourrait aussi voir l’apprentissage en ligne comme une expérience asociale. Comment peut-on tisser des liens avec des personnes éloignées qu’on ne voit pratiquement pas? Pour le personnel enseignant, l’apprentissage est un processus cognitif qu’influence le contexte social. On peut alors voir les discussions en ligne comme des occasions de rehausser l’apprentissage et de favoriser le sentiment d’appartenance. Sachant que les résultats scolaires constituent un incitatif important à l’engagement étudiant et que la participation à des discussions authentiques exige un certain investissement en temps, Ali a prévu d’organiser des discussions d’apprentissage en ligne régulières donnant droit à une note de participation de 20 %. Au moment de planifier ces discussions asynchrones, il a commencé à se poser ces questions :
Termes clés : communautés d’apprentissage en ligne, littératie de l’apprentissage en ligne, pratiques sociales pour l’apprentissage en ligne, précarité technologie, plateforme d’apprentissage
Une communauté d’apprentissage en ligne s’entend d’un groupe de personnes qui font des apprentissages ensemble dans un espace numérique. Le cadre de la communauté d’apprentissage par l’enquête peut nous aider à bien comprendre comment fonctionne cet espace. Pour en savoir plus, rendez-vous à l’adresse https://coi.athabascau.ca/coi-model/ (en anglais seulement).
À l’instar des compétences, la littératie de l’apprentissage en ligne favorise l’utilisation efficace des modes de communication numériques . Il pourrait s’agir, par exemple, de créer ou de lire et interpréter un sujet informatif concernant une note ou une nouveau message dans une discussion en ligne.
De nos jours, les pratiques sociales pour l’apprentissage en ligne font en sorte qu’il faut savoir s’adapter à l’environnement numérique pour favoriser l’interaction des personnes apprenantes avec le contenu du cours, mais aussi avec les autres personnes qui y participent et l’enseignant.e. Pour concevoir des environnements d’apprentissage en ligne productifs, il est important de changer de pédagogie et d’encourager une littératie déterminée par les règles sociales qui régissent la communication. Il pourrait s’agir, par exemple, de modéliser des modes d’interaction courants, comme le fait de s’adresser à d’autres personnes dans un environnement d’apprentissage en ligne. La fréquence des publications, le contenu des notes et les types d’interaction sont des exemples de pratiques sociales avec lesquelles les personnes apprenantes se familiariseront lors de chaque séance ou de chaque cours.
Muilenburg et Berge (2015) définissent la précarité technologique comme la prolifération rapide des outils technologiques, leur mise à jour fréquente et leur durée de vie de plus en plus courte (p. 93). Ce terme signifie qu’en matière de médias numériques, nous devons constamment nous adapter à de nouvelles méthodes de travail. Le personnel enseignant doit atteindre ses objectifs pédagogiques en adoptant des technologies en constante évolution. Nos étudiant.e.s, de leur côté, doivent constamment adopter de nouveaux outils technologiques.
Ce terme désigne l’espace numérique où l’apprentissage en ligne a lieu.
Remarque : Dans le cadre du présent chapitre, j’utilise indifféremment les termes « note », « message » et « publication » pour désigner toute forme de participation à une discussion en ligne asynchrone.
Bon nombre d’enseignant.e.s considèrent que des discussions en ligne bien conçues constituent une pratique pédagogique extrêmement efficace. Les activités de lecture et de rédaction dans les discussions en ligne ont été caractérisées comme étant comparables à l’écoute et à l’expression orale (Wise, Hausknecht et Zhao, 2013). Nous savons que la lecture et l’écriture sont des compétences en littératie que l’on développe dès les premières années. Par ailleurs, ces dernières pourraient correspondre aux activités d’écoute et d’expression orale pour les discussions écrites. L’écoute et l’expression orale dans les discussions en ligne n’impliquent toutefois pas nécessairement le même ensemble de compétences en littératie.
Voici quelques-uns des avantages possibles de la littératie dans les discussions d’apprentissage en ligne :
Du point de vue du personnel enseignant :
Du point de vue des personnes qui participent au cours :
Compte tenu des avantages qui précèdent, il peut être utile de bien comprendre les pratiques sociales et la littératie essentielles aux discussions d’apprentissage en ligne.
Un élément H5P interactif a été exclu de cette version du texte. Vous pouvez le consulter en ligne ici (en anglais seulement) :
https://ecampusontario.pressbooks.pub/designingforonlinediscussion/?p=25#h5p-2
Le modèle de Clay (1991) relatif aux comportements en matière de littératie « respecte la complexité, propose une analyse du recoupement des connaissances et suppose que différentes compétences sont interactives et que les étudiant.e.s comprennent bien les méthodes permettant de contrôler cette structure » (p. 3). Dans un environnement numérique, les pratiques sociales et la littératie dans les discussions sont réalisées à distance, avec le temps, par des personnes qui ne les connaissaient probablement pas jusque là. À l’inverse, dans une salle de classe, on peut acquérir ces pratiques en observant les autres. Ce processus peut toutefois être long. Les personnes qui apprennent en ligne pour la première fois ne savent pas nécessairement quelles sont les attentes, ni par où commencer. Ne supposons pas que les étudiant.e.s savent comment participer aux discussions d’apprentissage en ligne que nous avons conçues; prenons plutôt soin de bien expliquer nos attentes.
Enfin, il ne faut surtout pas sous-estimer la valeur des communautés d’apprenant.e.s. Pour Cazden (2001), « lorsque les salles de classe se transforment en communautés d’apprenant.e.s, les propos des personnes participantes deviennent partie intégrante du programme d’études de leurs pairs » (p. 3). Une conversation asynchrone bien conçue peut aider les étudiant.e.s sur les plans cognitif, social et émotionnel.
Les recommandations suivantes montrent comment Ali peut s’y prendre pour concevoir des discussions asynchrones en ligne fructueuses en soutien à la communauté d’apprenant.e.s.
Ali cherchait à organiser les discussions en ligne de manière à ce que les sujets soient bien clairs et que les activités en classes soient faciles à repérer. Si l’on organise des discussions en ligne chaque semaine, la formulation du titre, du forum ou du dossier peut correspondre à la date et au sujet (p. ex., « Semaine 5 : 12-17 oct. – Les évaluations dans un contexte numérique »). De cette façon, les personnes participantes peuvent facilement connaître la période et le sujet de la discussion.
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https://ecampusontario.pressbooks.pub/designingforonlinediscussion/?p=25#h5p-3
Ali veut que les personnes qui participent à son cours sentent qu’elles font partie de la communauté d’apprentissage. Il a donc prévu un espace où elles peuvent se présenter. Même si les étudiant.e.s se connaissent d’une manière ou d’une autre, il peut être utile de leur offrir à ce moment une occasion de se saluer et de parler de ce qui compte à leurs yeux, par exemple. On peut leur demander de publier une image, une vidéo ou un lien correspondant à une personne importante (une personne qui les inspire, comme un membre de leur famille, une célébrité ou une figure de la culture populaire). On encourage alors les autres étudiant.e.s à répondre de manière positive pour montrer leur appréciation de ce que la personne a publié. On évite par ailleurs de demander aux étudiant.e.s de parler de leur vie personnelle ou d’un sujet délicat, ou encore de consacrer beaucoup de temps à cette activité. Ce n’est qu’un point de départ. On leur propose plutôt une série de thèmes en les invitant à choisir celui qui les inspire le plus. Ali s’efforce toujours d’envoyer une réponse privée à chaque personne pour lui souhaiter la bienvenue dans le cours.
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https://ecampusontario.pressbooks.pub/designingforonlinediscussion/?p=25#h5p-4
Ali est bien conscient que les personnes qui participent à son cours ne savent pas nécessairement par où commencer. Il prévoit donc publier une note qui explique clairement comment s’y prendre. Quelques points que peut comprendre la note d’accueil :
Ali prévoit enregistrer un message d’accueil vidéo dans lequel il présentera brièvement le cours et expliquera comment utiliser la plateforme d’apprentissage. Voici, à titre d’exemple, un extrait d’un message d’accueil : https://youtu.be/rtm6mJAb_ss et un extrait d’un aperçu conceptuel d’un autre cours : https://youtu.be/EInMaN0KSx0. Il faut s’assurer que les vidéos sont courtes (idéalement, de deux à cinq minutes). Il est possible de produire différentes vidéos pour traiter de sujets distincts.
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https://ecampusontario.pressbooks.pub/designingforonlinediscussion/?p=25#h5p-5
Dans l’espace hebdomadaire, Ali a créé une publication bien visible pour expliquer le fonctionnement des activités qui ont lieu chaque semaine (p. ex., une publication À propos de la semaine X, comme dans l’image ci-après, pour orienter les personnes apprenantes).
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https://ecampusontario.pressbooks.pub/designingforonlinediscussion/?p=25#h5p-6
La présence sociale s’entend de la capacité des participant.e.s en ligne à se projeter socialement et émotionnellement. Dans un environnement informatisé comme celui des discussions en ligne, cette réalité peut s’exprimer par des réponses affectives (humour, communication volontaire, utilisation d’images expressives comme des avatars, des émoticônes, des images de format GIF ou des mèmes), par des réponses interactives en répondant aux autres ou en leur faisant référence, par des réponses solidaires en utilisant les référents notre groupe, nous ou notre, ou encore par des indicateurs de la formation d’un sentiment de communauté et d’appartenance (Rourke et coll., 2001). Dans le cadre des activités hebdomadaires, Ali envisage de présenter les discussions de la semaine en invitant d’abord les étudiant.e.s à participer à une activité brise-glace favorisant la présence sociale. Cette façon de faire ne vise pas principalement à approfondir l’apprentissage, mais plutôt à faciliter l’établissement d’un sentiment d’appartenance. Les activités brise-glace peuvent prendre la forme de jeux amusants comme la création d’avatars ou de mèmes, ainsi que de discussions permettant aux personnes participantes de parler d’elles et d’apprendre à mieux se connaître dans cet environnement numérique. En voici un exemple :
Autres exemples d’activités brise-glace : demander aux apprenant.e.s de publier une image de leur destination voyage de rêve ou de leur plat préféré, une citation inspirante, deux vérités et un mensonge, une ressource en ligne… Il pourrait même s’agir de publier les résultats d’un jeu comme https://quickdraw.withgoogle.com/. Les possibilités sont infinies, du moment qu’elles sont inclusives et accueillantes. En outre, après avoir donné l’exemple pour la première activité brise-glace, Ali a l’intention d’inviter les étudiant.e.s à animer les suivantes afin d’accroître le taux de participation.
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https://ecampusontario.pressbooks.pub/designingforonlinediscussion/?p=25#h5p-7
Lorsque les discussions en ligne ont lieu dans de plus grands groupes, les personnes participantes peuvent se sentir dépassées par la quantité de réponses à lire en un seul endroit. Il est par conséquent préférable d’organiser les discussions en petits groupes de six à huit personnes. Ali a créé une section distincte dans ces petits groupes pour chaque question de discussion. Il faut idéalement organiser chaque semaine les activités sensiblement de la même manière, de façon à ce que les personnes participantes puissent savoir où trouver les lectures, les activités brise-glace et les questions auxquelles leur groupe doit répondre. Ali a envisagé plusieurs possibilités pour répartir les étudiant.e.s en groupes. Voici quelques exemples de propositions ludiques de formation de groupes :
Sherry (2020) propose trois stratégies pour améliorer les discussions en ligne et suggère de faciliter celles-ci en encourageant l’emploi d’un langage informel pour aider les personnes apprenantes à se familiariser avec la formulation du contenu. Ali encouragera l’utilisation de plusieurs modes de communication (p. ex., réponses visuelles, audio et vidéo). Conscient que certaines personnes sont moins familières avec ces façons de faire, il acceptera aussi toutefois les réponses écrites. Ali évitera de poser des questions fermées et encouragera plutôt « les interprétations multiples et complexes (des questions ouvertes suscitant des réflexions de haut niveau), qui mènent à davantage de réponses et à des discussions plus substantielles » (p. 11). Il est aussi utile d’inviter les personnes à approfondir leurs réponses (p. ex., « Pourquoi sommes-nous de cet avis? », « Qu’est-ce que l’auteur veut que nous pensions? »). L’objectif est de stimuler les conversations et la participation plusieurs fois par semaine.
Ali concevra les discussions en tenant compte de ce que Hewitt (2005) qualifie de freins aux discussions, comme les réponses personnelles (p. ex., « Chère Zoé, »), les notes hors sujet, les commentaires superficiels ou le fait d’exprimer simplement son accord avec une autre personne sans expliquer pourquoi. Il se fera volontairement moins visible dans les discussions, les réponses du personnel enseignant pouvant elles aussi être considérées comme des freins, puisqu’elles peuvent être perçues comme étant la bonne réponse, et ce, même s’il n’y en a pas nécessairement qu’une.
Un élément H5P interactif a été exclu de cette version du texte. Vous pouvez le consulter en ligne ici (en anglais seulement) :
https://ecampusontario.pressbooks.pub/designingforonlinediscussion/?p=25#h5p-8
Pour finir, Ali invitera de petits groupes d’étudiant.e.s à mener les discussions hebdomadaires afin de renforcer la participation et d’accroître le sentiment de confiance des personnes apprenantes qui recadrent le contenu du cours pour leurs collègues. Les étudiant.e.s deviendront alors, dans une certaine mesure, des spécialistes du sujet, ce qui leur permettra de faire l’expérience des processus derrière la planification des discussions hebdomadaires. Cette occasion fera augmenter la participation à d’autres discussions hebdomadaires, puisque les objectifs sous-jacents de la conception de discussions en vue d’un engagement accru à l’égard du contenu et des autres étudiant.e.s sont désormais bien compris.
Fournir des lignes directrices aux personnes apprenantes est un bon moyen de développer leur littératie et leurs pratiques sociales dans les discussions en ligne. Cette stratégie est d’autant plus importante que de nombreuses personnes apprenantes s’appuient peut-être sur des expériences tirées des médias sociaux, qui diffèrent des environnements ou des expériences d’apprentissage officiels dans le cadre d’autres cours ou auprès d’autres enseignant.e.s.
Il est possible de concevoir les discussions asynchrones de manière à encourager les personnes qui y participent à répondre à une question, puis à interagir avec les autres en répondant à une autre publication. Dans la mesure du possible, les discussions d’apprentissage en ligne devraient comprendre diverses interactions avec le contenu, le personnel enseignant et les autres étudiant.e.s. Après avoir lu un article, regardé une vidéo ou participé à une activité pour se familiariser avec le sujet, les personnes participantes interagissent avec l’enseignant.e et leurs collègues, généralement à l’écrit, pour mettre en commun ce qu’elles ont compris.
Voici un exemple de directive concernant les discussions en ligne qu’Ali a l’intention d’adopter pour établir des méthodes d’enseignement en ligne fructueuses :
Quelques questions à se poser au sujet de sa participation pour s’assurer d’être sur la bonne voie :
Ali réfléchira au fait que l’objectif de concision susmentionné au point 2 peut être mesuré au moyen d’un compte de mots. Toutefois, comme il est préférable d’éviter d’imposer un compte de mots, il n’y a pas de quota.
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La création de sujets est une compétence que les étudiant.e.s en ligne n’ont généralement pas déjà acquise dans le cadre de discussions en personne, où l’on n’annonce généralement pas ce qu’on s’apprête à dire. On n’attend généralement pas non plus que la personne à qui l’on s’adresse élabore sa pensée sur le sujet. Dans le cadre d’une discussion en ligne, en revanche, on attend des personnes participantes qu’elles fassent précéder leurs messages d’un sujet concis. Le titre du message peut aider les autres à décider de la pertinence ou de l’importance de son contenu avant de le consulter. Il n’est pas nécessaire de lire la totalité des messages que les autres ont publiés. Le sujet peut aussi permettre aux personnes participantes de retrouver facilement un message qu’elles aimeraient relire.
Ali a fourni un article sur la conception rétrospective et les résultats d’apprentissage en demandant aux personnes participantes de répondre dans une discussion en ligne. Les réponses que les étudiant.e.s ont données peuvent correspondre à l’un des scénarios suivants :
Quelques conseils pour créer un sujet informatif :
Des études indiquent que le fait de s’adresser à une personne en particulier dans un message général a des répercussions sur la participation des autres personnes apprenantes (Hewitt, 2005). En général, il n’est pas nécessaire d’inclure une forme de salutation (ou de conclusion) dans le message. Après tout, si la même discussion avait lieu dans une salle de classe où les gens sont présents sur place, les idées communiquées pourraient s’adresser à n’importe quelle personne participant à la discussion. Certaines personnes considèrent que de ne s’adresser qu’à un ou une destinataire peut amener les autres à penser que le message ne les concerne pas et, donc, à ne pas y répondre. Pour faciliter l’approfondissement des opinions soulevées par les autres, beaucoup de plateformes d’apprentissage permettent l’ajout de liens vers des messages publiés par d’autres personnes participantes. Ces liens intégrés dans une publication sont extrêmement pratiques parce qu’ils permettent aux personnes participantes de revenir sur des idées pertinentes soulevées dans d’autres messages qu’indique la personne qui les a ajoutés.
Enfin, Ali doit apprendre à connaître les étudiant.e.s et leurs habitudes de participation. Une étude sur les modes de participation a montré qu’une participation discrète ne témoigne pas nécessairement d’un désengagement ou d’un manque d’intérêt (Wilton, 2019). Certaines personnes apprenantes préfèrent apprendre en lisant les idées et les réflexions des autres, mais ne se sentent pas à l’aise de publier plusieurs messages. Par conséquent, leur participation se fait moins remarquer. Les personnes qui apprennent le français, par exemple, peuvent devoir prendre plus de temps pour rédiger et publier une réponse. Pour déterminer la participation, il faut aussi tenir compte du temps passé à lire les réponses des autres. Ali est bien conscient de l’importance d’apprendre à connaître l’ensemble des étudiant.e.s.
Malgré son manque d’expérience de l’enseignement en ligne, Ali a conçu un environnement de discussion asynchrone inclusif qui favorise la formation du sentiment de faire partie d’un groupe chez les personnes apprenantes. Ali ne se sert pas des discussions en ligne pour créer des tâches que les étudiant.e.s pourraient considérer comme étant peu utiles dans le cadre de leur apprentissage. Il s’en sert plutôt pour leur permettre d’interagir avec le contenu, lui-même, au besoin, et les autres personnes participantes. Voici quelques éléments clés :
En favorisant la littératie en ligne, les pratiques sociales et un sentiment d’appartenance dans les discussions asynchrones, Ali s’assure que les membres de sa communauté d’apprenant.e.s discutent ensemble en tirant parti des moyens de soutien cognitifs, sociaux et émotionnels qu’il a pris. Maintenant plus que jamais, nous devons fournir à nos étudiant.e.s des espaces numériques stimulants qui leur permettront d’apprendre ensemble.
CAZDEN, C. B. (2001). Classroom discourse: The language of teaching and learning (2e édition). Heineman
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Shelley Murphy, Ph. D.
Institut d’études pédagogiques de l’Ontario, Université de Toronto
Il y a seulement deux ans, ayant alors déjà enseigné durant plusieurs décennies, j’ai commencé à avoir une bonne idée de ce qu’est une personne qui enseigne avec compétence. J’étudie et j’enseigne la pleine conscience en éducation pour le bien-être du personnel enseignant et de la communauté étudiante, en plus d’effectuer des recherches et d’écrire sur le sujet. Ayant enseigné au primaire et maintenant à l’Université de Toronto, j’ai pris l’engagement d’assurer d’abord le bien-être dans les milieux d’apprentissage que je crée avec mes étudiant.e.s. Puis est arrivée la pandémie de COVID-19, qui m’a contraint d’adapter rapidement le contenu de mes cours pour les donner en ligne. Dans les faits, mon manque d’expérience en enseignement virtuel m’a fait remettre en question ma conception de l’enseignement et les limites d’un milieu d’enseignement en ligne. Je me demandais comment j’allais compenser la perte des bons contacts, du sentiment d’appartenance, du bien-être et des discussions significatives qui prévalaient durant les cours donnés en personne. Avant la pandémie, je n’aurais pas choisi d’enseigner en ligne. Je réalise maintenant que j’étais fermée à cette idée surtout parce que je ne me sentais pas bien outillée pour le faire. Je ne pensais pas pouvoir établir le même contact avec mes étudiant.e.s ni à contribuer à leurs relations en classe et à discuter ensemble. À ma grande surprise, alors que j’apprenais comment enseigner en ligne, j’ai trouvé comment continuer de mettre l’accent sur le bien-être du personnel enseignant et de la communauté étudiante. J’ai adapté mes stratégies éprouvées à l’environnement virtuel, en plus d’avoir appris et mis au point des stratégies que je n’avais pas envisagées auparavant. J’ai alors compris que je n’avais pas besoin de tout réapprendre pour m’aventurer dans l’univers inconnu de l’enseignement en ligne. J’ai donc utilisé mon expérience et mes connaissances en tant que guides dans la création d’une pédagogie bienveillante, inclusive et réceptive au sein d’un nouvel environnement d’apprentissage. Le présent chapitre décrit l’expérience dont j’ai tiré parti et ce que j’ai appris en cours de route.
Kelly vient de terminer une réunion virtuelle avec une personne qui avait besoin d’aide pour s’adapter à l’augmentation de son stress et de son anxiété. Il s’agit d’une situation inquiétante pour son bien-être et ses responsabilités scolaires d’étudiant.e, dont sa capacité à se sentir à l’aise de participer aux discussions dans un environnement virtuel. Par exemple, au cours des dernières années, Kelly a remarqué une augmentation des besoins des étudiant.e.s et de l’aide demandée en matière de santé mentale et de bien-être. Le nombre de personnes qui lui demandent de l’aide a augmenté drastiquement avec ces temps difficiles. Elle reconnaît que grâce à ses interactions fréquentes avec ses étudiant.e.s, elle est bien placée pour offrir du soutien, tant proactif que réactif. Toutefois, elle ne se sent pas assez outillée pour le faire. Comme beaucoup de ses étudiant.e.s, Kelly souffre aussi de stress et d’anxiété. Ces difficultés sont notamment liées à la rigueur et aux attentes inhérentes à son poste, mais sont aussi attribuables aux barrières systémiques. Nous pouvons aussi blâmer la complexité et l’étendue des besoins de ses étudiant.e.s en matière de bien-être dans un environnement d’apprentissage inconnu, en pleine pandémie. En plus d’intervenir auprès des étudiant.e.s aux prises avec des enjeux de santé mentale et de les diriger vers le centre d’aide en santé mentale de l’université, Kelly se demande comment elle peut concevoir ce nouvel environnement d’enseignement en ligne centré sur une pédagogie bienveillante. Elle souhaite aider la communauté étudiante à se sentir plus à l’aise de participer aux discussions virtuelles et à se sentir bien en général. Elle aimerait aussi pouvoir reconnaître ses propres besoins en santé mentale avant d’atteindre l’épuisement et savoir comment y remédier.
Termes clés : bien-être du personnel enseignant, bien-être de la communauté étudiante, stress, pédagogie bienveillante, outils et stratégies, environnement d’enseignement en ligne, discussion en ligne
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Pourquoi y a-t-il un chapitre sur le bien-être des étudiant.e.s et du corps enseignant dans un livre sur les discussions significatives lors de cours en ligne? Bonne question. Le contenu du présent chapitre élargit notre perspective sur la façon d’apporter notre soutien à la communauté étudiante et à vos collègues par l’adoption d’une approche axée sur la compassion et sur la reconstitution. Cette approche nous permet de mieux soutenir les discussions et les apprentissages centrés sur les étudiant.e.s dans nos salles de classe, tout en nous ressourçant comme pédagogues. Ce chapitre décrit quelques façons dont nous pouvons voir notre bien-être comme la voie de passage vers la résilience et l’épanouissement dans l’exercice de nos fonctions de pédagogues. Il y est aussi question des stratégies pour instaurer une pédagogie bienveillante en soutien à la santé mentale et au bien-être de la communauté étudiante. Grâce à ces solutions, nous avons accès à une multitude de discussions et d’apprentissages significatifs pour favoriser le bien-être dans nos salles de classe.
Rappelons-nous que, bien que le stress et l’anxiété soient décrits comme des problèmes liés au bien-être dans ce chapitre, ils sont aussi profondément influencés par de mauvaises conditions institutionnelles, sociales et politiques. Quand nous regardons la santé mentale et le bien-être selon la perspective intersectionnelle, nous reconnaissons les façons dont ces enjeux peuvent être causés par le racisme, le sexisme, le capacitisme, la pauvreté, l’homophobie et la sous-représentation culturelle (personnes autochtones, noires et de couleur [PANDC]). De plus, la pandémie de COVID-19 a accentué les structures discriminatoires et injustes qui touchaient les communautés marginalisées de façon disproportionnée. Le fait d’ignorer ces réalités ne causerait que du tort, autant pour le personnel enseignant que pour la communauté étudiante. Les stratégies décrites dans ce chapitre ne constituent pas des moyens d’aider le corps enseignant et la communauté étudiante à s’ajuster au stress, à la colère et au mécontentement ressentis face aux systèmes d’oppression. Elles y sont présentées dans l’espoir que les dirigeants du milieu de l’éducation s’engagent à analyser avec rigueur comment les conditions contribuent à ces expériences que vivent les étudiant.e.s, et comment apporter des changements au sein du corps enseignant.
Il existe une multitude de façons qui aident tant nos étudiant.e.s que nous-mêmes à faire preuve de résilience et à mieux gérer le stress. Nous devons d’abord comprendre nos propres mécanismes de réaction au stress. Le fait de mieux comprendre le fonctionnement du stress et des systèmes nerveux nous permet d’apprendre à gérer notre stress de façon beaucoup plus réfléchie. Commençons par distinguer le facteur de stress du stress lui-même. L’American Psychological Association définit le facteur de stress comme étant une force ou une condition qui entraîne un stress émotionnel ou physique (source non titrée, s. d.). En gros, le facteur de stress est un événement qui cause le stress. Le stress, quant à lui, est une réaction physiologique et psychologique à un ou plusieurs facteurs de stress.
La plupart des gens croient que le stress est toujours associé à des expériences négatives. En fait, ce n’est pas le cas. Il existe deux types de stress : le stress positif (eustress) et le stress négatif (détresse). Le stress positif se manifeste lorsqu’on commence un nouvel emploi ou une nouvelle relation, qu’on apprend une nouvelle compétence ou qu’on fait une présentation, par exemple. Ces expériences nous apportent souvent une dose d’énergie, de motivation, de concentration et de rythme. Elles évoquent généralement des émotions positives. En revanche, le stress négatif se manifeste lorsqu’une situation ou un événement présent ou futur est perçu comme une menace ou un danger. Vivre une rupture, attendre des résultats de tests médicaux ou faire face à une pandémie peut causer de l’accablement ou provoquer de la détresse lorsqu’on ne s’y prépare pas bien physiquement, mentalement ou émotionnellement.
L’expérience personnelle du stress, comme la façon dont il affecte le corps et l’esprit, dépend d’une multitude de facteurs génétiques, sociaux, culturels, physiques, psychologiques, environnementaux et comportementaux. Différentes personnes seront affectées de différentes façons par un même facteur de stress selon leur interprétation du stress, leurs expériences et la capacité de leur système nerveux à l’affronter. Le seuil de tolérance est différent pour chaque personne en matière de métabolisation et de gestion du stress avant d’en ressentir des répercussions négatives au quotidien. Heureusement, on ne réagit pas au stress de façon passive; étudiant.e.s et enseigant.e.s apprennent à limiter les difficultés causées par les facteurs de stress et à y réagir efficacement à l’aide d’approches cognitives, physiques et environnementales. Ce chapitre décrit quelques-unes de ces approches.
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Bien que les membres du personnel enseignant soient responsables de leur propre bien-être, il incombe à l’employeur d’offrir des conditions qui favorisent l’épanouissement en milieu de travail. Rappelons-nous que la mise en lumière du bien-être et du soin de soi au sein du corps enseignant faite dans ce chapitre ne représente pas une tentative de contourner la nécessité primordiale de nous assurer que soient atténuées ou évitées les causes et les conditions entourant la détresse physique et émotionnelle dans nos milieux de travail. La culture organisationnelle est souvent un grand obstacle à la santé et au bien-être. Il est raisonnable de s’attendre à ce qu’un employeur offre des conditions de travail qui assurent la santé mentale et le bien-être de son personnel enseignant. Il est tout aussi important de reconnaître nos besoins en matière de bien-être et notre responsabilité de prioriser notre bien-être.
En tant que pédagogues, nous nous dévouons à soutenir l’apprentissage, le développement et le bien-être des autres. En nous concentrant sur notre propre bien-être, nous établissons un équilibre essentiel. Un sentiment de culpabilité éclipse souvent l’importance et les avantages de prioriser par nous-mêmes notre bien-être. Toutefois, plusieurs raisons expliquent pourquoi le fait de prioriser notre propre bien-être est bénéfique pour nos étudiant.e.s et pour nous. Considérons notre rôle d’enseignant.e dans un environnement virtuel comme celui de la tête dirigeante du système nerveux de la salle de cours. Les recherches expliquent les effets contagieux du stress et ses répercussions sur les niveaux de stress, de fatigue et d’épuisement du personnel enseignant. Quand nous sommes à l’aise, nos étudiant.e.s sont plus susceptibles de l’être aussi. Et cela s’applique aussi à l’inverse : quand nos étudiant.e.s ressentent moins de stress et sont plus à l’aise, nous sommes plus susceptibles d’être dans le même état d’esprit également. Le fait de nous concentrer sur notre bien-être et sur celui de la communauté étudiante est avantageux pour tout le monde.
Voici quelques recommandations :
Discuter avec des collègues pour obtenir du soutien : Comme nous sommes nombreuses à travailler en solo, nous nous heurtons souvent au manque de structures sur lesquelles s’appuyer pour se soutenir mutuellement. Presque dès le début de la pandémie, quand je suis passée à l’enseignement en ligne, j’ai reçu une invitation à participer à une réunion informelle bimensuelle avec des collègues. Le but était de nous soutenir à travers le territoire inconnu qu’était l’enseignement en ligne pendant la pandémie, car la moitié d’entre nous ne connaissait pas du tout cet environnement. Ces réunions, qui ont encore lieu aujourd’hui, ont mené à un développement professionnel et à une amélioration significative pour tout le monde. La connivence, la collégialité et le bien-être que ces réunions nous ont apportés ne sont pas non plus à négliger.
Éviter d’accepter sur-le-champ : Il ne s’agit pas de « refuser tout simplement ». Ce n’est pas tout à fait pareil. En tant que spécialistes en éducation, nous recevons toujours plus de demandes de service. Souvent, nous obtenons une promotion ou un titre si nous acceptons de répondre à ces demandes de service. Pour éviter de nous faire prendre de court, nous pourrions planifier et mettre en place un processus conçu pour que nous puissions prendre le temps d’évaluer ces demandes et d’y répondre. Pour ce faire, commencez par vous donner le temps de réfléchir : est-ce que cette demande est réaliste? Est-elle importante ou bénéfique pour moi? Si la réponse est non, rappelez-vous des mots de l’économiste Tim Harford : « Chaque fois que nous acceptons une demande, nous refusons tout ce que nous pourrions accomplir pendant ce temps » (Harford, 2015).
Savoir reconnaître les signes d’une réaction au stress : Le fait d’avoir les bons outils pour gérer le stress avant qu’il ne grimpe à des niveaux néfastes peut en influencer les répercussions. Un certain niveau de stress peut agir en tant que protecteur naturel. Il guide nos comportements afin d’assurer notre sécurité, et ce, grâce à l’intelligence naturelle et à la sagesse du corps et de l’esprit. Toutefois, nous devons nous assurer d’éviter d’entrer dans un cercle vicieux où le stress ne nous protège plus. L’activation chronique des réactions au stress peut avoir des répercussions sur la santé physique et psychologique. Nous devons donc apprendre comment désamorcer les fausses alarmes (Murphy, 2019).
L’une des premières étapes dans l’apprentissage de la gestion du stress est de reconnaître comment nous exprimons notre stress. Les premiers signaux ou indicateurs d’une montée de stress imminente ne sont pas les mêmes pour tout le monde. Pour certaines personnes, ces premiers signaux d’alerte peuvent prendre différentes formes : difficultés respiratoires légères, irritabilité, tensions musculaires à la poitrine ou à l’abdomen, chaleur et picotement aux extrémités des membres. L’image 1 présente des exemples d’indices de stress d’autres spécialistes en éducation.
En portant attention à nos propres premiers signaux de stress, nous avons une meilleure marge de manœuvre pour interrompre une avalanche de réactions au stress grâce à des outils d’adaptation et à des stratégies d’apaisement.
Établir un plan pour calmer ou réguler notre système nerveux avant d’entrer dans nos environnements d’enseignement en ligne : Sachons faire la différence entre procrastination et adoption de stratégies d’apaisement pour renforcer le système nerveux. Les activités de procrastination sont celles que nous faisons pour éviter ou repousser les tâches à faire, et à nous en distraire. Les gens tentent parfois de trouver le repos grâce aux médias sociaux, aux aliments réconfortants, au visionnage en rafale, etc. Aucun de ces comportements n’est intrinsèquement négatif. Toutefois, ils ne contribuent pas à nous ressourcer pour nous aider à mieux gérer notre stress à long terme. Un exemple de façon de nous ressourcer en préparation à l’enseignement synchrone est de prendre une ou deux minutes avant de se connecter à nos plateformes en ligne pour activer la réaction parasympathique ou d’apaisement dans notre corps. Au fil du temps, l’action répétée de calmer ou de réguler notre système nerveux de façon intentionnelle aide à faire en sorte que le calme devienne notre état par défaut. S’il devient facile de nous concentrer sur notre respiration, il est bon de prendre quelques respirations intentionnelles, en inspirant et en expirant profondément et lentement. Nous pouvons tenter d’étirer notre expiration de quelques secondes de plus que l’inspiration. Cela permet d’activer le système nerveux parasympathique, qui contrôle la capacité du corps à se détendre. Cliquez ici pour le faire avec un outil en ligne. Nous pouvons également activer une réaction de relaxation en faisant appel à un ou à plusieurs sens. On peut s’arrêter pendant 30 à 60 secondes pour écouter les sons de notre environnement, regarder autour de nous et nous concentrer sur les différentes formes et couleurs ou prendre conscience de notre corps et de ses points de contact en position assise, couchée ou debout. Chaque exercice susmentionné nous invite à entrer dans un état de pleine conscience, ce qui nous aide à activer la réaction d’apaisement. Nous pouvons choisir l’exercice de relaxation avec lequel nous sommes le plus à l’aise.
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Plusieurs études prouvent que la plupart des étudiant.e.s universitaires considèrent l’anxiété comme l’une de leurs principales préoccupations en matière de santé (par exemple, National College Health Assessment, 2019). En fait, une étude menée auprès d’étudiant.e.s de plus de 34 campus au Canada a montré que 89 % des étudiant.e.s de niveau collégial ou universitaire affichent un haut niveau de stress psychologique (Rashid et Di Genova, 2020). Mis à part les contraintes et les attentes liées aux programmes d’études, plusieurs autres conditions contribueraient à la hausse de ces niveaux de stress et d’anxiété. Celles-ci comprennent le grave manque de ressources, les maladies, les traumatismes d’enfance ou les expériences actuelles de racisme interpersonnel, systémique et structurel, d’oppression et d’injustice dans le système d’éducation comme ailleurs. Sans surprise, la pandémie a ajouté plus de facteurs de stress alors que la plupart des étudiant.e.s ont dû s’adapter à l’incertitude constante, à l’instabilité des modes d’apprentissage à distance et en personne, et à ne plus pouvoir compter sur les systèmes de soutien qui les empêchaient de tomber dans l’isolement et la perte de contact avec leurs pairs. Les communautés PANDC ont connu des répercussions disproportionnées dans tous ces aspects, ce qui a créé plus de barrières en matière d’accès, d’occasions et de succès.
De plus, beaucoup d’étudiant.e.s disent avoir ressenti du stress et de l’anxiété lorsqu’on leur demandait de participer aux discussions en ligne de façon synchrone ou asynchrone. La plupart des spécialistes en éducation s’entendraient pour dire que le dialogue représente un outil essentiel en classe. Toutefois, des études suggèrent qu’une personne sur cinq ressentirait une grande appréhension à l’idée de prendre la parole (Richmond et coll., 2013). Cette appréhension peut être influencée par de nombreux facteurs, dont l’introversion, la timidité et le stress ou l’anxiété. Avec la popularité grandissante de l’apprentissage en ligne à l’aide de plateformes qui offrent des occasions de discuter, l’appréhension de la prise de parole peut être exacerbée par l’incapacité à remarquer des indices non verbaux ou à y réagir, entre autres (Rombalski, 2021). Donc, comment pouvons-nous créer un environnement d’apprentissage en ligne qui suscite un sentiment de sécurité, qui favorise le bien-être et dans lequel la communauté étudiante se sentira à l’aise?
En tant que pédagogues et grâce à nos interactions fréquentes avec les étudiant.e.s, nous avons tout ce qui’il faut pour être les promoteurs de leur bien-être. Plusieurs étudiant.e.s se tournent vers leur enseignant.e pour obtenir des conseils ou du soutien avant de contacter des spécialistes. C’est sans doute la raison pour laquelle les membres du corps enseignant évoquent de plus en plus leur besoin de se faire guider dans ce domaine. Bien que les formations spécialisées et les ressources concrètes offertes par nos établissements soient cruciales, il existe des façons d’intégrer du soutien dans nos enseignements afin de tirer avantage de la résilience de la communauté étudiante.
Les recherches démontrent que nous pouvons y arriver en instaurant une pédagogie bienveillante qui met l’accent sur un environnement sécuritaire et inclusif dans nos salles de cours. La culture de la bienveillance se crée quand le personnel enseignant et les systèmes d’éducation répondent aux besoins des étudiant.e.s en matière de bien-être holistique (par exemple, dans leur développement scolaire, émotionnel et social) et lorsque les enseignant.e.s priorisent le développement de relations bienveillantes au sein de la communauté étudiante (Noddings, 1992). L’application au domaine de l’éducation de cette approche de reconstitution centrée sur l’intégralité de la personne contribue à réunir les conditions pour que nos étudiant.e.s puissent apprendre, s’épanouir et participer aisément aux discussions en ligne. Cliquez ici pour regarder la conférence TED Talk de la pédagogue Rita F. Pierson sur l’importance de la bienveillance.
Voici quelques façons dont nous pouvons inspirer une culture de bienveillance dans nos salles de classe en ligne :
Donner la priorité à notre propre bien-être : Lorsque nous donnons la priorité à notre propre bien-être, les bénéfices sont nombreux pour l’environnement de la salle de classe et le bien-être des étudiant.e.s. (Voir la section 2 : Le bien-être des pédagogues.)
Communiquer et instaurer une pédagogie centrée sur l’équité :
Proposer un message de présentation qui communique de façon explicite votre engagement en matière de bienveillance envers la communauté étudiante. En tant que philosophe de l’éducation et théoricienne de la bienveillance, Nel Noddings (2009) a affirmé que l’éducation centrée sur la bienveillance ne nuit pas au développement intellectuel ni à la réussite scolaire. Elle sert, au contraire, de bases solides à ces deux aspects (p. 7). Gita Mehrotra, Ph. D., professeure en travail social, a écrit le message suivant durant la pandémie :
Nos expériences en matière d’enseignement en ligne, nos niveaux d’aisance avec la technologie, les divers défis liés à la pandémie, les diverses réalités et les divers événements qui prennent place dans nos vies personnelles en ce moment diffèrent pour chacune et chacun d’entre nous. Je demande donc que nous fassions de cet espace un lieu rempli de bienveillance, autant pour nous-mêmes que pour les autres. J’aimerais que nous fassions preuve de flexibilité, d’indulgence et de compassion dans notre parcours ensemble. Nous aurons des pépins informatiques, nous changerons sûrement de plan au fil des cours et nous ferons des erreurs. Mais nous serons là, et nous prendrons soin les uns des autres. Nous lirons des choses intéressantes, nous nous poserons des questions difficiles à propos du travail social et de la justice sociale, nous ferons de notre mieux, et nous continuerons d’apprendre et de grandir. Je m’engage à faire de mon mieux pour vous soutenir. Je m’intéresse à vous et à votre apprentissage. Nous vivons cela ensemble (Mehrotra, 2021, p. 539).
Se familiariser avec les signes de détresse et les façons d’y réagir : Plusieurs de nos étudiant.e.s ont vécu des traumatismes, des deuils et de l’accablement, particulièrement au cours de la pandémie des dernières années. Les spécialistes en éducation jouent un rôle crucial dans le soutien des étudiant.e.s en matière de santé mentale, surtout grâce à leur position, qui leur permet de remarquer des changements ou des signes de détresse. Souvent, les étudiant.e.s se tournent vers nous directement. Même si nous n’avons pas de formation en counseling, nous pouvons les aider à obtenir le soutien nécessaire. Nous pouvons y arriver en étant à l’écoute des étudiant.e.s en détresse ou en les dirigeant vers les services universitaires en santé mentale au besoin.
Consulter nos étudiant.e.s : Le fait de poser des questions peut nous aider à mieux comprendre leurs expériences et à mieux répondre à leurs besoins personnels et scolaires. Quelques questions seulement sont nécessaires pour en savoir plus sur leurs expériences, leurs forces, leurs défis et leurs besoins.
Commencer chaque cours avec une discussion ou une vérification de leur état d’esprit, ou prise de la température : Les expériences émotionnelles des personnes apprenantes ne sont pas facilement perceptibles par le personnel enseignant, particulièrement dans les environnements d’apprentissage en ligne, et ce, même à caméras ouvertes. En fait, elles ne sont pas toujours perceptibles par la personne elle-même non plus. En invitant les étudiant.e.s à prendre le temps de se questionner et d’échanger sur leur sentiment au début du cours, nous faisons preuve de bienveillance et mettons de l’avant des connaissances de nature plus holistique. La recherche suggère également que le fait d’inviter les étudiant.e.s à accommoder leurs systèmes nerveux et à nommer leurs émotions les aide à atténuer leurs réactions au stress (Lieberman et coll., 2007). De plus, cela donne aux pédagogues de précieuses informations concernant les inquiétudes des personnes qui suivent leurs cours en ligne. Pour faire une courte prise de la température au début du cours, on peut leur accorder 30 secondes pour évaluer et faire part de leur état émotionnel ou physique actuel. Cela peut prendre la forme de quelques mots dans le clavardage (en public ou en privé), d’une réponse à un sondage ou de quelques émoticônes ou émojis (voir l’image 3). Il s’avère que l’utilisation d’émoticônes ou d’émojis dans les environnements en ligne aide à réduire la distance transactionnelle dans des espaces d’apprentissage virtuels si on accorde aux étudiant.e.s le temps d’avoir eu des interactions et ressenti une proximité psychologique avec leurs pédagogues (Zhou et Landa, 2020). En les invitant à s’arrêter et à se concentrer sur leur humeur ou sur leur état physique, on permet aux étudiant.e.s d’échapper aux inquiétudes de leurs esprits surchargés. Cela les force à rester dans le moment présent et à se sentir plus à l’aise pour apprivoiser les discussions et les apprentissages en ligne.
Encourager la discussion en petits groupes : Au cœur de la pandémie plus particulièrement, les étudiant.e.s ressentaient l’augmentation de leur stress et de leur anxiété, ce qui a mené à l’isolement social et à la perte de contact avec le groupe, entre autres. Ces obstacles ont des répercussions négatives sur l’attention, la cognition et le bien-être en général. Le fait d’offrir des occasions de collaboration, d’interaction et de discussion en petits groupes peut aider à éviter le stress et l’anxiété chez les étudiant.e.s, tout en établissant le sentiment d’appartenance et la connivence. Ces avantages, quant à eux, peuvent appuyer la réflexion, le raisonnement et le bien-être.
Inclure des pauses actives : Les études menées lors des 25 dernières années montrent l’incidence positive des courtes pauses actives sur les apprentissages et sur le bien-être des étudiant.e.s (par exemple, Donnelly et Lambourne, 2011; Rhoads et coll., 2020). Se lever et s’étirer, faire des mouvements guidés sont des exemples de pauses actives efficaces. L’activité physique et une période sans écran font également un grand bien aux yeux des étudiant.e.s. Cliquez ici pour regarder des vidéos de pauses actives guidées d’une durée de 3 minutes, qui peuvent être incluses dans vos environnements d’apprentissage synchrones ou même asynchrones.
Donner l’exemple de l’adoption en classe de stratégies d’apaisement ou de reprise de contact avec l’ici-maintenant : Une étude démontre que de prendre de brèves séances d’apaisement au début d’un cours permettent l’amélioration et l’approfondissement des apprentissages, en plus du développement de compétences utiles pour s’adapter au stress, dans la salle de classe et ailleurs (Murphy, 2018). De plus, les étudiant.e.s sont plus susceptibles de se sentir à l’aise de prendre part aux discussions en ligne synchrones et asynchrones lorsqu’on les invite à tirer parti de leur système nerveux parasympathique (« se reposer et digérer »).
Voici quelques exemples de stratégies :
Comme nous l’avons vu dans le scénario, Kelly souhaitait apprendre comment créer un environnement d’apprentissage en ligne centré sur la bienveillance, le sentiment d’appartenance, ainsi que sur le dialogue et l’apprentissage significatifs, qui répond aux besoins de santé mentale et de bien-être de la communauté étudiante. Kelly voulait aussi répondre à ses propres besoins en matière de bien-être. Voici quelques idées essentielles que Kelly a retenues et instaurées :
C’est grâce à la promotion et à la protection de notre propre bien-être, ainsi qu’au développement d’un environnement d’apprentissage qui favorise et encourage le bien-être des étudiants, que nous pouvons instaurer les conditions nécessaires à la culture de bienveillance, au dialogue significatif et au soutien de la résilience et de l’épanouissement, dans nos classes comme à l’extérieur. Comme l’a écrit Bell Hooks en 1994, « il est essentiel d’enseigner de façon à prendre soin de nos étudiant.e.s et de les respecter pour cultiver les conditions nécessaires aux apprentissages profonds » (Hooks, 1994).
AMERICAN COLLEGE HEALTH ASSOCIATION. (2019). National College Health Assessment, Spring 2019: Executive Summary. https://www.acha.org/documents/ncha/NCHA-II_SPRING_2019_US_REFERENCE_GROUP_EXECUTIVE_SUMMARY.pdf
American Psychological Association. (30 janvier 2022). APA Dictionary of Psychology. https://dictionary.apa.org/stressor
J. DONNELLY et K. LAMBOURNE. (2011). « Classroom-based physical activity, cognition, and academic achievement ». Preventive Medicine, vol. 52, (suppl. 1, p. S36 à S42. https://doi.org/10.1016/j.ypmed.2011.01.021
HARFORD, T. (20 janvier 2015). « The Power of Saying “No” ». TimHartford.com. https://timharford.com/2015/01/the-power-of-saying-no/
HOOKS, B. (1994). Teaching to Transgress. New York : Routledge.
LIEBERMAN, M. D., N. I. EISENBERGER, M. J. CROCKETT, S. M. TOM, J. H. PFEIFER et B. M. WAY. (2007). « Putting Feelings Into Words ». Psychological Science, vol. 18, no 5, p. 421 à 428. https://doi.org/10.1111/j.1467-9280.2007.01916.x
MEHROTRA, G. (2021). « Centering a pedagogy of care in the pandemic ». Qualitative Social Work, 20(1–2), p. 537 à 543. https://doi.org/10.1177/1473325020981079
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RHOADS, M. C., R. KIRKLAND, C. A. BAKER, J. T. YEATS et N. GREVSTAD. (2020). « Benefits of movement-integrated learning activities in statistics and research methods courses ». Teaching of Psychology, vol no 48, p. 197 à 203. doi:10.1177/0098628320977265
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ROMBALSKI, B. (2021). Communication apprehension: A pressing matter for students, a project addressing unique needs using communication in the discipline Workshops [Thèse de doctorat, California State University]. Electronic Theses, Projects, and Dissertations, 1304. https://scholarworks.lib.csusb.edu/etd/1304
ZHOU, S. et N. LANDA. (5 au 8 juillet 2021). « Using emoticons to reduce transactional distance in virtual learning during the COVID-19 crisis » [présentation lors de la conférence]. Quinzième conférence générale : L’avenir de l’enseignement supérieur en Afrique, Legon, Accra, Ghana. https://event-mgt.aau.org/event/50/contributions/84/contribution.pd
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Brenda Stein Dzaldov, Ph. D., EAO
Institut d’études pédagogiques de l’Ontario, Université de Toronto
Auparavant enseignante puis directrice d’école en Ontario, j’ai commencé à travailler dans une grande université ontarienne après avoir obtenu mon doctorat en 2012. Au cours de mes 25 années de service dans les écoles de l’Ontario, j’ai dirigé et soutenu plusieurs plans d’amélioration qui ont bien fonctionné. L’idée centrale de ces efforts : des pratiques d’évaluation transparentes pour les élèves favorisent un enseignement prometteur et un apprentissage significatif. J’ai vite constaté que, dans le monde universitaire, le principal moyen d’évaluer les étudiant.e.s était l’évaluation de leur apprentissage (notation, pondération) au moyen de travaux, de devoirs ou d’examens. En appliquant mon expérience en matière d’évaluation au contexte universitaire, j’ai intégré la rétroaction continue dans mes pratiques d’évaluation, défini clairement les critères de réussite et permis aux étudiant.e.s de co-établir les critères d’évaluation et d’utiliser la rétroaction de leurs pairs et des enseignant.e.s pour améliorer leur apprentissage. J’ai aussi utilisé les discussions en classe et la présentation d’exemples tirés de travaux de mes étudiant.e.s pour guider mon enseignement, dans la mesure où un cours de 36 heures sur 12 semaines le permettait.
En mars 2020, lorsque tous les cours en classe sont passés en ligne à cause de la pandémie de COVID-19, j’ai soudainement dû présenter mes cours de façon synchrone et asynchrone, ce qui représentait un défi pour moi, puisque je n’avais jamais enseigné en ligne. Certes, j’avais déjà utilisé une plateforme d’apprentissage pour publier des devoirs, des diapositives PowerPoint et des articles, mais mon expertise technologique en enseignement se limitait à cela. Au début, j’ai passé beaucoup de temps à simplement essayer d’organiser mes cours sur Zoom, mais j’ai vite rejoint une communauté enseignante, et, ensemble, nous avons appris à ajuster nos pratiques d’enseignement en personne afin de pouvoir discuter, enseigner et apprendre de façon intentionnelle en ligne. Dès 2021, nous avons adopté d’autres technologies de soutien comme le préenregistrement et l’édition de cours, l’utilisation d’applications comme Google Jamboard et Google Slides avec des modules complémentaires, puis nous avons étudié plusieurs façons de comprendre, de promouvoir et d’évaluer les discussions en ligne. Développer des modes d’évaluation authentique qui favorisent l’apprentissage constituait un défi évident incontournable, et c’est devenu mon moteur pour m’améliorer. Évidemment, certains de mes essais n’ont pas réussi, mais voici les leçons et certaines des applications fructueuses que j’en ai tirées!
BSD enseigne à l’université depuis plus de 10 ans. Lorsqu’elle a commencé à enseigner en ligne en mars 2020, elle a commis plusieurs erreurs d’évaluation, comme essayer de noter des discussions asynchrones sans critères de réussite clairs ou juger la participation selon le nombre de fois qu’un.e étudiant.e avait répondu ou pris la parole lors d’une réunion de groupe sur Zoom. Elle s’est rendu compte qu’elle notait et évaluait ses étudiant.e.s en fonction de leur présence et de ses impressions générales. Ses étudiant.e.s ont commencé à lui demander : « Qu’est-ce qui compte pour cette partie de la note? » ou « Que faire si je ne suis pas à l’aise de parler devant tout le groupe sur Zoom? ». BSD souhaitait favoriser une évaluation authentique en créant des occasions pour ses étudiant.e.s d’utiliser les « compétences, connaissances, valeurs et attitudes acquises dans le contexte de performance de la discipline visée » (Conrad et Openo, 2018, p. 5; Goff et coll., 2015, p. 13). Elle s’est efforcée d’éviter les pièges d’évaluation courants qu’elle avait déjà rencontrés en enseignant à l’université (p. ex., trop de notation, attentes floues difficiles à expliquer aux étudiant.e.s, manque d’occasions pour les étudiant.e.s de mettre la rétroaction en pratique, discussions et cours magistraux sans rapport avec l’objectif d’apprentissage). Ce nouvel environnement d’apprentissage en ligne lui a permis d’appliquer plusieurs approches d’évaluation authentique grâce à des discussions en ligne qu’elle mènerait de façon à ni privilégier ni exclure d’étudiant.e.s postsecondaires participant à ses cours.
En examinant certains des outils utilisés dans le cours en ligne de 36 heures de BSD présentés dans le présent chapitre, on cherchera à aider le corps enseignant universitaire à aller au-delà des processus d’évaluation habituels et à tirer parti de l’environnement virtuel pour offrir des occasions d’évaluation et d’apprentissage authentique aux étudiant.e.s postsecondaires, sans que chaque tâche doive être « notée » pour être pertinente ou significative aux fins de leur apprentissage.
Termes clé : asynchrone, synchrone, évaluation au service de l’apprentissage, évaluation en tant qu’apprentissage, évaluation de l’apprentissage, applis, plateforme d’apprentissage
Il est impératif de tenir compte des principes fondamentaux et des recherches qui orientent l’évaluation. On doit envisager l’évaluation dans une optique intersectionnelle afin d’évaluer les étudiant.e.s en tenant compte de l’impact de leurs antécédents et de leurs expériences sur leur apprentissage.
Pour assurer la validité et la fiabilité des évaluations et des notes, il faut adopter des pratiques qui sont :
Pour l’évaluation en milieu postsecondaire, il est impératif d’inclure certaines pratiques d’évaluation prometteuses dans votre enseignement en ligne, même si cela peut impliquer plus d’organisation de votre part à certains moments (p. ex., la notation ne se fait pas uniquement à la fin du cycle d’apprentissage). Voici certaines pratiques d’évaluation prometteuses :
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Dans les écoles et établissements postsecondaires de l’Ontario, l’évaluation ne se résume plus simplement à la notation. C’est plutôt un processus visant à recueillir des renseignements qui reflètent avec exactitude l’apprentissage d’une personne (Ministère de l’Éducation de l’Ontario, 2010, p. 28).
Il existe trois types d’évaluation qui favorisent l’apprentissage, que ce soit en ligne ou en personne :
Voici certains outils servant à l’« évaluation au service de l’apprentissage » qui s’appliquent aux discussions en ligne :
Voici certains outils servant à l’« évaluation en tant qu’apprentissage » qui s’appliquent aux discussions en ligne :
Voici certains outils servant à l’« évaluation de l’apprentissage » qui s’appliquent aux discussions en ligne :
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Puisqu’on a parfois tendance à noter les dissertations et les tests ou à conceptualiser la participation des étudiant.e.s d’une façon qui avantage ou désavantage certains apprenant.e.s, on peut rendre l’évaluation plus authentique en adoptant une ou plusieurs pratiques d’évaluation au service de l’apprentissage ou en tant qu’apprentissage. Les enseignant.e.s peuvent fournir des critères de participation clairs et variés dans leurs pratiques pédagogiques. La discussion et la rétroaction en cours de route peuvent aider les étudiant.e.s à progresser et à réaliser un travail noté de façon plus porteuse.
L’évaluation authentique de l’apprentissage par la discussion synchrone ou asynchrone en ligne.
On peut placer les étudiant.e.s dans des petites salles de discussion (synchrones) ou dans des petits groupes (asynchrones) formés à l’avance, et leur soumettre une question ou un énoncé pour susciter la discussion. Dans le cas d’une discussion synchrone, on désigne une personne qui présentera les points forts de la discussion à l’ensemble du groupe.
On peut fournir des documents ou des outils interactifs permettant aux étudiant.e.s de discuter, de commenter ou d’ajouter des idées. On peut choisir l’un des outils suivants : un Google Jamboard (image 4), un dossier dans une plateforme d’apprentissage (image 5), un Padlet (image 6) ou un document Google (image 7). Ces outils permettent d’avoir un enregistrement permanent des discussions pour faciliter la planification et l’enseignement.
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Il existe de nombreuses façons pour les étudiant.e.s de participer activement au processus d’évaluation. L’une d’entre elles consiste à s’assurer que les critères d’évaluation sont clairs (voir l’image 8). On peut envisager d’ajouter ou de clarifier des critères si les étudiant.e.s présentent des arguments raisonnables en ce sens.
Afin de rendre les évaluations accessibles à un large éventail d’apprenant.e.s, on peut éviter de toujours demander ou privilégier un seul type de travaux ou de devoirs (p. ex., généralement des rédactions). On peut inviter les étudiant.e.s à faire part de leurs réflexions de différentes façons (p. ex., sous forme de listes, d’enregistrements audio ou vidéo, de graphiques). Voir les images 9 et 10 ci-dessous.
Il faut s’assurer de fournir de l’aide aux étudiant.e.s qui en ont besoin (transcriptions en direct, sous-titres, remarques, diapositives, etc.) afin d’élargir l’accès à la discussion et à l’apprentissage, et de rendre l’évaluation plus authentique.
L’idée est d’offrir des options et une rétroaction en cours de route, même lors de la notation, qui aidera les étudiant.e.s à évaluer leur propre apprentissage et à planifier ou à indiquer leurs prochaines étapes.
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La participation et le professionnalisme sont des éléments difficiles à évaluer avec justesse.
Certain.e.s enseignant.e.s se basent sur ce qui suit :
Points à ne pas oublier lorsqu’on utilise l’un des critères ci-dessus pour évaluer le professionnalisme :
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Les discussions et les évaluations en ligne ont changé de façon importante les cours de BSD. Elle utilise divers outils pour suivre les discussions en ligne et y participer. Elle forme des petits groupes, parfois au hasard et parfois en fonction des informations d’évaluation qu’elle a recueillies. Les étudiant.e.s peuvent soumettre leurs travaux pour avoir une rétroaction descriptive de leurs pairs et de BSD. Lorsqu’elle donne son avis sur les discussions et les travaux, elle répète plusieurs fois l’information à divers endroits et moments (rappelant les objectifs d’apprentissage et les critères de réussite, les attentes relatives aux travaux). Elle utilise de vrais scénarios tirés de la vie des étudiant.e.s et de sa propre expérience qui permettent d’appliquer les nouveaux apprentissages à des situations authentiques. Elle lit et commente les discussions de ses étudiant.e.s, puis corrige leurs travaux finaux, qui sont soumis dans le format de leur choix. Pour BSD, l’évaluation de l’apprentissage est très claire et très axée sur les objectifs du cours. Les occasions de discuter et d’appliquer la rétroaction font la différence pour l’apprentissage en ligne de ses étudiant.e.s.
Les images 13 à 16 résument l’approche d’évaluation qui oriente l’enseignement et indique les prochaines étapes d’apprentissage des étudiant.e.s. Allez-y tranquillement, une idée à la fois, et allez au-delà des processus d’évaluation conventionnels dans un environnement en ligne afin de créer une évaluation authentique et des occasions d’apprentissage pour vos étudiant.e.s postsecondaires.
Les étudiant.e.s avaient à faire un devoir de réflexion de façon asynchrone pour chaque lecture ou visionnement effectué avant le cours dans ce domaine. On leur demande d’effectuer quatre devoirs sur cinq pendant la durée du cours. Tout d’abord, on leur donne des énoncés pour guider leur travail.
L’étudiant.e a soumis sa première réponse et a reçu une note ainsi qu’une rétroaction pratique.
La réponse suivante de l’étudiant.e était excellente et elle abordait les éléments soulevés dans la rétroaction.
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CONRAD, D. et J. OPENO. (2018). Assessment strategies for online learning: Engagement and authenticity. Athabasca University Press.
GOFF, L., M. K. POTTER, E. PIERRE, T. CAREY, A. GULLAGE, E. KUSTRA et G. VAN GASTEL. (2015). Learning outcomes assessment: A practitioner’s handbook. Toronto, ON: Higher Education Quality Council of Ontario. Learning Outcomes Assessment A Practitioner’s Handbook (uwindsor.ca)
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Dania Wattar, Ph. D., EAO
Institut d’études pédagogiques de l’Ontario, Université de Toronto
Le présent chapitre réunit deux de mes domaines d’intérêt et d’expertise : le soutien aux apprenant.e.s multilingues et l’enseignement en ligne. Ces deux domaines sont d’une grande importance pour moi, tant sur le plan professionnel que personnel. Ce chapitre s’appuie sur mon parcours d’apprenante multilingue en constante interaction avec des étudiant.e.s multilingues dans divers contextes. Mon parcours personnel a orienté mes recherches et ma pratique de l’enseignement vers le soutien aux apprenant.e.s multilingues et aux étudiant.e.s venant de familles immigrantes ou réfugiées. Intégrer la technologie et l’enseignement en ligne représente un autre domaine d’intérêt en enseignement et en recherche. Cependant, le passage à l’apprentissage en ligne après la pandémie de COVID-19 a renforcé la nécessité d’approfondir les enjeux liés à l’enseignement et aux discussions en ligne. Depuis le début de la pandémie en mars 2020, j’ai aidé plusieurs personnes du corps enseignant à passer à l’enseignement en ligne. J’ai aussi fait partie d’un réseau de perfectionnement professionnel comprenant plusieurs membres du corps enseignant de l’Université de Toronto. Le présent chapitre résulte de la collaboration et des discussions qui ont eu lieu au sein de ce réseau afin de cerner les pratiques prometteuses dans les domaines de l’enseignement et de l’apprentissage en ligne. Plusieurs études de cas, suggestions et exemples dans ce chapitre sont basés sur des conversations réelles que j’ai eues avec des étudiant.e.s et des mentoré.e.s. Leurs commentaires, leurs difficultés et leurs réussites m’ont incité à écrire sur ce sujet afin d’aider les enseignant.e.s en ligne à répondre aux besoins des apprenant.e.s multilingues. En résumé, ce chapitre présente certains des défis qui touchent les étudiant.e.s multilingues dans les discussions en ligne et propose des conseils pour encourager la conception de discussions en ligne significatives qui répondent aux besoins et aux intérêts des apprenant.e.s multilingues.
Mme Lalumière enseigne dans le cadre du programme de maîtrise en enseignement. Son étudiante Sara est généralement silencieuse et participe rarement aux discussions synchrones en personne et très peu aux forums en ligne. Lors de la correction du premier devoir du cours, Mme Lalumière a été surprise de constater que le travail de Sara était d’excellente qualité. Ses idées étaient bien articulées et son travail a été très agréable à corriger. Ravie de lire ce travail, Mme Lalumière s’est alors demandé pourquoi Sara ne participait pas aux discussions en ligne. Sara avait remis un travail d’excellente qualité qui témoignait de son intérêt pour le cours.
Après avoir rendu les travaux, Mme Lalumière a laissé une note à Sara l’invitant à venir la voir après leur prochain cours. Elle voulait savoir pourquoi Sara ne participait pas en classe, alors qu’elle semblait comprendre en profondeur le contenu du cours. Lors de la rencontre, Sara a expliqué qu’elle hésite à parler pendant les discussions en direct, puisque, comme elle apprend le français, il lui faut du temps pour formuler ses idées dans cette langue. Par ailleurs, Sara a dit toujours être préoccupée par ce que ses camarades de classe pensent de ses interventions aux forums de discussion. C’est pourquoi elle a dit s’efforcer d’être aussi brève que possible.
La conversation a laissé Mme Lalumière perplexe. Elle avait pensé à tort que Sara n’était pas intéressée par le cours. Elle s’est dit qu’elle devait faire quelque chose pour aider Sara à participer aux discussions, mais quoi?
Termes clés : étudiant.e.s multilingues, apprenant.e.s en langues, pratiques prometteuses, discussion en ligne, apprentissage synchrone, apprentissage asynchrone, pédagogie translangagière
Le nombre d’étudiant.e.s multilingues suivant un programme d’études supérieures est en hausse dans beaucoup de pays. Cette hausse est due aux progrès technologiques, à la mondialisation et au nombre croissant de personnes immigrantes et réfugiées dans plusieurs sociétés (Guo-Brennan, 2020). Par ailleurs, le passage à l’apprentissage à distance en raison de la pandémie de COVID-19 a contraint plusieurs établissements d’enseignement à adopter des modèles en ligne (Ferdig et coll., 2020), ce qui en a amené plusieurs d’entre nous à envisager d’adopter des outils de discussion en ligne pour favoriser l’apprentissage. Cette tendance croissante à l’enseignement en ligne, conjuguée au nombre croissant d’étudiant.e.s multilingues, justifie d’étudier les discussions en ligne asynchrones et synchrones, et leurs conséquences sur les étudiant.e.s multilingues.
Les apprenant.e.s multilingues ont souvent des forces et des besoins qui leur sont propres. En tenant compte des besoins de ces étudiant.e.s dans le cadre de l’enseignement en ligne (et des discussions en ligne en particulier), on peut leur permettre de faire part de leurs riches expériences et d’apporter des perspectives et des points de vue uniques qui profiteront à l’ensemble des étudiant.e.s.
Les discussions en ligne peuvent prendre différentes formes. Plusieurs cours comprennent des éléments de discussion en ligne pour favoriser un apprentissage approfondi. Il existe plusieurs modalités pour les discussions en ligne : forums, fils de discussions, publications sur des plateformes comme Google Jamboard, Padlet et Mentimeter, et discussions vidéo en direct. Les défis des apprenant.e.s multilingues sont nombreux dans les discussions en ligne, notamment la difficulté de comprendre et de s’exprimer, ainsi que des différences culturelles.
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Les apprenant.e.s multilingues souvent deux fois plus de travail lorsqu’il s’agit de formuler des idées et d’en discuter. Il leur faut d’abord s’assurer de comprendre la langue et la terminologie du contenu en français. Il leur faut ensuite être capables de communiquer leurs idées dans la langue cible. Plusieurs apprenant.e.s ont des idées claires et élaborées, mais doivent prendre le temps de les traduire en français. Il leur faut du temps pour formuler leurs idées et en discuter en personne. Certains indicateurs, souvent plus faciles à détecter en personne dans une salle de cours, peuvent nous échapper dans les discussions synchrones en ligne. Il est parfois difficile de remarquer que des étudiant.e.s ont besoin de plus de temps pour formuler leurs idées.
Pour participer à une discussion en ligne textuelle, il faut disposer des compétences particulières. Cela peut poser certains problèmes au départ, puisque les apprenant.e.s multilingues doivent apprendre à interagir avec leurs pairs de manière virtuelle, par exemple en apprivoisant l’étiquette encadrant les discussions en ligne. Zengilowski et Schallert (2020) indiquent que la plupart des étudiant.e.s ces trente dernières années ont interagi en ligne avec des outils virtuels, publié des réflexions et répondu à des questions liées à des lectures assignée avant leurs cours. Si c’est effectivement le cas pour les étudiant.e.s de pays comme le Canada et les États-Unis, ce ne l’est pas nécessairement pour les apprenant.e.s multilingues. Plusieurs apprenant.e.s multilingues ont grandi et étudié à l’étranger dans des lieux où l’accès à Internet, et parfois à l’électricité, est limité. Ces étudiant.e.s n’ont donc peut-être pas eu l’occasion de participer à des discussions scolaires via des plateformes en ligne. Par ailleurs, il y a des étudiant.e.s multilingues qui ne maîtrisent pas nécessairement l’expression écrite axée sur la réflexion personnelle (Kiernan, 2018). Par conséquent, beaucoup d’apprenant.e.s multilingues se heurtent au style et au genre d’écriture souvent requis dans les discussions en ligne et textuelles. C’est particulièrement vrai pour les étudiant.e.s des disciplines telles que les sciences et l’ingénierie où l’on écrit davantage dans un style procédural et informatif que dans un style personnel.
En résumé, les apprenant.e.s multilingues font souvent face à des défis supplémentaires lorsqu’il s’agit de discussions en ligne. Il leur faut notamment plus de temps pour comprendre et communiquer des idées en français, et apprivoiser le style d’écriture requis pour la réflexion personnelle et les brèves discussions reposant sur l’écrit.
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La première étape consiste à apprendre à connaître les étudiant.e.s, leurs points forts et leurs besoins. On peut procéder de différentes manières, notamment grâce à un sondage préalable au cours pour apprendre à connaître les étudiant.e.s (voir l’annexe A), qui les invite à parler des différents accommodements qui leur ont été utiles. On peut par exemple poser des questions simples, comme « Comment peut-on vous aider à répondre à vos besoins? », « Comment apprenez-vous le mieux? » ou des questions plus précises sur leurs expériences en matière d’apprentissage, de publications en ligne et de fils de discussions en ligne. On peut aussi organiser un appel téléphonique ou une conférence en ligne pour parler aux étudiant.e.s, apprendre à les connaître personnellement et comprendre leurs besoins. Les sondages permettent de conserver et de consulter les données au fil du cours, alors que les appels avec les étudiant.e.s permettent d’établir un lien personnel et de s’informer sur leurs antécédents, etc.
Il est important de donner des exemples lors des discussions, puisque cela peut profiter à tous les apprenant.e.s, surtout les apprenant.e.s multilingues. Par exemple, dans un cours, un professeur avait demandé aux étudiant.e.s de choisir une citation et d’écrire un texte à partir de cette citation dans un forum de discussion en ligne. Une personne de ce cours en était à sa première année d’un programme d’études supérieures. Malgré son intelligence, le sens du mot « citation » lui échappait, et cette démarche de rédaction lui était étrangère. Une citation lui semblait être une phrase exceptionnelle ou célèbre prononcée par une personne renommée. Il ne lui était pas venu à l’esprit qu’une citation pouvait être n’importe quel extrait du texte que l’on pouvait choisir de commenter. La réponse à sa question lui a permis d’apprendre qu’analyser d’une citation signifiait essentiellement choisir un extrait du texte qui avait attiré son attention, puis d’en traiter.
Cette tâche, qui semblait d’abord ardue pour un.e apprenant.e multilingue, est soudainement devenue plus facile à comprendre grâce à l’utilisation d’un exemple. On aurait pu lui éviter bien des maux de tête en lui donnant dès le départ des exemples de citations tirées d’une lecture du cours. En résumé, définir les attentes dans les discussions en ligne et donner des exemples de publications peuvent aider les étudiant.e.s multilingues à apprendre à mieux interagir dans les discussions textuelles.
Il est bon de reconnaître les expériences que les étudiant.e.s apportent au cours, tout particulièrement lorsque l’on donne un cours à des apprenant.e.s multilingues. On encourage le corps enseignant à tirer profit de la richesse des expériences des apprenant.e.s multilingues, plutôt que de s’en tenir à leur faire acquérir des compétences. Pour ce faire, on peut inviter les étudiant.e.s à discuter des questions liées à leurs expériences multilingues et culturelles, et à établir des liens culturels et linguistiques. Lors de discussions en ligne, on peut aussi aborder des sujets axés sur les identités linguistiques et culturelles des étudiant.e.s qui pourront alors exploiter leurs expériences propres.
Puisque les expériences des apprenant.e.s multilingues varient, il se peut que plusieurs apprenant.e.s maîtrisent l’écriture formelle, sans toutefois bien connaître ou maîtriser l’écriture réflexive. Pour aider les étudiant.e.s à apprivoiser de nouveaux milieux d’apprentissage et de nouvelles tâches d’écriture, Kiernan (2018) suggère de leur proposer un « exercice de traduction ». Cet exercice peut prendre la forme d’un devoir comprenant trois parties : « une traduction en groupe, une réflexion sur la traduction et une analyse de la traduction » (p. 98). On peut par exemple concevoir une activité ou une discussion en ligne pour encourager la compréhension interculturelle et aider les apprenant.e.s à faire partager leur expertise. Par exemple, on leur demande de trouver un extrait de texte dans une langue qui leur est connue, de le traduire et de mettre en commun leurs idées dans le cadre d’une discussion. On peut demander aux étudiant.e.s qui ne parlent que le français de choisir un texte composé de termes très techniques et d’essayer de le simplifier en vue de l’expliquer à leurs collègues.
Ces activités peuvent mobiliser les apprenant.e.s en leur permettant de puiser dans leurs ressources linguistiques et d’établir des liens entre l’apprentissage en français et dans leur langue maternelle. En outre, ces activités permettent aux étudiant.e.s de bénéficier d’une pédagogie translangagière (García, 2009; García et Leiva, 2014). Cette approche leur permet d’utiliser la richesse de leur répertoire linguistique pour apprendre des concepts et de donner un sens aux idées dans une nouvelle langue. La pédagogie translangagière permet aux étudiant.e.s multilingues d’utiliser leurs différentes ressources linguistiques pour apprendre à la fois la langue et le contenu (Baker, 2006; Mazak, 2018). C’est une approche pédagogique qui tient compte des identités multilingues et multiculturelles des étudiant.e.s (Mazak, 2018) et qui améliore leur apprentissage parce qu’elle les aide à utiliser de nombreuses ressources linguistiques pour mieux communiquer. Un exercice de traduction est un exemple de ce processus dans lequel la langue source (la langue de lecture) est une langue familière et la langue cible (la langue écrite) est une autre langue, comme le français.
Le tableau suivant (tableau 1) comprend des exemples de sujets de discussion qui peuvent aider les apprenant.e.s multilingues à exploiter leurs ressources culturelles et linguistiques, et à mieux comprendre les différents cours.
Tableau 1 : Domaines d’étude et exemples de textes qui orientent la discussion
Domaine | Exemples d’énoncés qui orientent la discussion |
Architecture | Trouvez un texte qui traite des principes fondamentaux de l’architecture. Traduisez le texte. Expliquez en quoi ce texte est lié à la discussion sur les principes fondamentaux que nous avons eue lors des cours précédents. Le texte peut être écrit dans une autre langue que le français. Si le français est la seule langue que vous parlez, vous pouvez choisir un texte sur l’architecture rédigé dans un autre pays. |
Éducation | Trouvez des ressources en ligne sur l’engagement parental présentées dans différentes langues. Traduisez l’un des textes. Il peut s’agir d’un article publié dans un formulaire en ligne, un blogue, etc. Expliquez comment l’engagement parental est analysé dans cette ressource. Comment cette ressource soutient-elle notre pratique comme spécialistes en éducation? |
Mathématiques | Trouvez un concept mathématique et cherchez sa signification dans différentes langues. Qu’est-ce que sa traduction nous apprend sur la façon dont ce concept est perçu dans différentes cultures? |
Biologie | Recherchez des exemples de biodiversité dans une région du monde. Trouvez un texte dans une langue étrangère qui parle des plantes et des animaux de cette région. Traduisez le texte et dites-nous comment la biodiversité de cette région se compare à celle des prairies canadiennes. |
Français | Trouvez un extrait de poème dans une autre langue. Traduisez-le. Parlez-nous de l’essence du poème, de ses similitudes et de ses différences avec les autres poèmes étudiés dans cette leçon. |
En plus d’encourager les étudiant.e.s à utiliser différentes langues pour les faire participer à des discussions en ligne, on peut proposer des modèles ou des phrases à compléter (Rodriguez-Mojica et Briceno, 2018) pour les aider à entamer des conversations. Cette approche aide les apprenant.e.s multilingues, qui ont souvent besoin de directives explicites, à se concentrer sur les questions et à faire partager leurs idées. Voici quelques exemples de phrases à compléter pouvant être utilisées pour faciliter les discussions en ligne :
Dans cet article, l’auteur discute de l’importance de ____________.
Je suis d’accord avec ________, mais je pense que ________.
Ça me fait penser à ________.
J’ai choisi cet extrait parce que ________.
Dans ce chapitre, j’ai appris que ________.
Les auteurs ont formulé d’importantes recommandations concernant ________.
Je me demande si ________.
Je pense que ______ parce que _______.
Cet article m’a fait penser à ________.
J’ai remarqué que _______.
Les contrôles à mi-parcours aident à comprendre comment les étudiant.e.s se débrouillent, à connaître leurs expériences et à savoir comment on peut les soutenir. On peut par exemple discuter avec les étudiant.e.s ou leur envoyer un formulaire en ligne (comme contrôle à mi-parcours) pour les aider à communiquer leurs besoins d’apprentissage dans le cours en général et la discussion en ligne en particulier (voir l’annexe B).
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On peut ajouter à la plateforme d’apprentissage un dossier de ressources contenant des outils et des idées pour aider les apprenant.e.s multilingues. Ce dossier peut contenir des conseils et des astuces pour faciliter la discussion en ligne, comme des stratégies de lecture et d’écriture, des stratégies translangagières et des outils technologiques pour aider à parcourir le texte et à écrire. Il peut aussi inclure des ressources offertes par l’établissement pour favoriser la progression des apprenant.e.s multilingues, comme un centre d’aide à la rédaction ou des séances de développement professionnel. Le dossier peut aussi contenir des conseils sur les discussions, des exemples et des vidéos sous-titrées. On peut aussi inviter les étudiant.e.s à partager les ressources qui leur ont été utiles dans le passé afin de s’entraider.
Comme spécialistes en éducation, nous pouvons exploiter les ressources de nos cours et inviter les étudiant.e.s à s’entraider. L’une des façons d’y parvenir est de créer un fil de discussion en ligne où les étudiant.e.s peuvent partager leurs conseils et astuces pour mieux travailler. Par exemple, en début de semestre, on peut leur demander de donner trois conseils pratiques pour mieux participer aux discussions en ligne, ainsi que les ressources de l’établissement, les outils, les sites Web ou les blogues qui leur ont été utiles. Enfin, on peut créer un fil ou un dossier de questions pour permettre aux étudiant.e.s de poser leurs questions et d’obtenir des réponses de leurs pairs.
Les étudiant.e.s et les enseignant.e.s peuvent utiliser des outils technologiques pour comprendre et communiquer plus facilement. On pense notamment aux logiciels de traduction (Google Translate, DeepL, etc.) et aux outils de sous-titrage ou de transcription en direct qui génèrent des sous-titres et des traductions en temps réel, ce qui aide les étudiant.e.s à mieux comprendre les discussions. On peut utiliser des outils comme Mentimeter, Padlet et Google Jamboard pour intégrer des éléments visuels aux discussions, afin de favoriser la participation et l’apprentissage des apprenant.e.s. En partageant des liens vers ces outils et des messages-guides avant les cours et en prévoyant assez de temps pour les discussions textuelles, on aide les apprenant.e.s multilingues à traiter l’information, à réfléchir et à communiquer leurs idées de façon plus efficace dans les discussions en ligne.
Bref, on peut recourir à de nombreuses stratégies pour épauler les apprenant.e.s multilingues. Pour utiliser ces stratégies, il faut tout d’abord comprendre les apprenant.e.s multilingues et leur façon d’apprendre. On peut recourir à des stratégies et des approches pédagogiques qui soutiennent les apprenant.e.s multilingues, comme la transposition langagière. Ensuite, on doit rechercher différentes occasions d’écouter les étudiant.e.s, de connaître leurs expériences et de savoir ce qui leur convient le mieux. Pour apprendre à mieux connaître les étudiant.e.s, on peut mener un sondage, faire des conférences téléphoniques et effectuer des contrôles à mi-parcours. On peut aussi recourir à des activités de discussion qui se basent sur les connaissances des étudiant.e.s et les encourager à tirer parti de leurs atouts culturels et linguistiques. On peut par exemple les inviter à faire un exercice de traduction ou les encourager à faire part d’idées et de textes provenant de cultures et de langues différentes en relation avec la matière étudiée. Enfin, les outils technologiques et les technologies d’assistance peuvent aider les apprenant.e.s à participer aux discussions parce qu’ils les aident à mieux comprendre et leur laissent plus de temps pour échanger.
Si on reprenait l’exemple de Sara pour y appliquer certaines des connaissances acquises dans le présent chapitre, on pourrait commencer par examiner les raisons pour lesquelles elle a excellé dans ses travaux écrits, mais a hésité à participer aux discussions. Sara a appris à rédiger des dissertations et à écrire dans un style universitaire. Elle aime le sujet du cours et s’y intéresse, mais elle n’a pas assez d’expérience dans la rédaction de messages qui exigent la réflexion et les discussions entre pairs. Elle craint que ses pairs aient une opinion négative de ses textes, puisqu’elle apprend le français et s’inquiète de la perception que ses pairs francophones auront de son travail et de son intelligence. Il lui faut plus de temps que ses camarades pour traiter les nouvelles idées en français, y réfléchir et formuler ses pensées pour en discuter en français. Pour aider Sara à participer davantage en classe, Mme Lalumière peut mettre en œuvre les stratégies suivantes :
BAKER, C. (2006). Foundations of bilingual education and bilingualism (4e éd.). Multilingual Matters.
FERDIG, R.E., E. BAUMGARTNER, R. HARTSHORNE, R. KAPLAN-RAKOWSKI et C. MOUZA. (2020). Teaching, technology, and teacher education during the COVID-19 pandemic: Stories from the field. Association for the Advancement of Computing in Education (AACE). https://www.learntechlib.org/p/216903/
GARCÍA, O. (2009). Bilingual education in the 21st century: A global perspective. Wiley-Blackwell.
GARCÍA, O. et C. LEIVA (2014) « Theorizing and enacting translanguaging for social justice ». Dans CREESE, A. et A. BLACKLEDGE (éd.), Heteroglossia as practice and pedagogy (p. 199 à 216). Springer.
GUO-BRENNAN, L. (2020). « Critical online conversations for global educators: Andragogical considerations and assessment strategy ». Dans WILTON, L. et C. BRETT (éd.), Handbook of research on online discussion-based teaching methods (p. 128 à 144). IGI-Global.
KIERNAN, J. E. (2018). « Translation narratives: Engaging multilingual learners in translingual writing practices ». Dans D.M. Palfreyman et C. van der Walt (éd.), Academic biliteracies: Multilingual repertoires in higher education. Multilingual Matters. (p. 96 à 112). https://doi.org/10.21832/9781783097425-008
MAZAK. (2018). Introduction: Theorizing translanguaging practices in higher education. Dans C. M. Mazak et K. S. Carroll (éd.), Translanguaging in higher education: Beyond monolingual ideologies. Multilingual Matters. (p. 1 à 10). https://doi.org/10.21832/9781783096657-003
RODRIGUEZ-MOJICA, C. et A. BRICENO. (2018). « Sentence stems that support reading comprehension », The Reading Teacher, 72(3), 398-402, https://doi.org/10.1002/trtr.1705
ZENGILOWSKI, A. et D. L. SCHALLERT. (2020). « Using “plain vanilla” online discussions to foster students’ learning: From research to practice ». Dans L. Wilton et C. Brett (éd.). Handbook of research on online discussion-based teaching methods, . IGI-Global, p. 26 à 54.
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Jacob DesRochers
Université Queen’s
Ma première conversation difficile en enseignement supérieur a eu lieu lors d’un séminaire sur la prévention de la violence sexuelle. J’étais un nouvel animateur, et je n’étais absolument pas préparé au degré élevé de désinformation que la nouvelle cohorte d’étudiant.e.s de première année allait apporter à la conversation, en pleine semaine d’initiation. J’ai rapidement compris que je devrais m’équiper d’outils pour « faire participer les étudiants » plutôt que de « faire sortir les étudiants » lorsque l’on dissipe les mythes sur la survie. J’ai commencé à travailler sur la prévention de la violence sexuelle en tant que survivant de la violence sur les campus. Toutefois, ma relation avec ce travail a servi de base de réflexion sur des questions élargies sur l’équité, la diversité, l’inclusion et l’identité autochtone dans l’enseignement supérieur.
Avec l’arrivée de l’apprentissage et de l’enseignement à distance, j’ai commencé à avoir des conversations générales sur la façon de tenir des conversations difficiles dans le cadre de l’apprentissage à distance et de la formation du personnel enseignant. J’ai développé des ressources qui abordent le sujet pour la Faculté des Arts et des sciences à l’Université Queen’s, j’ai animé des ateliers à la Faculté d’éducation (où je travaille et étudie actuellement) et au Centre pour l’enseignement et l’apprentissage. J’ai aussi été invité à donner des conférences à l’Université dominicaine de la Californie, où j’ai fait participer du personnel enseignant en poste et en formation initiale à des exercices d’autoréflexion pour les aider à évaluer la difficulté des personnes en place à converser selon leur identité, leurs relations et leur position sociale.
Ce chapitre propose des stratégies et des perspectives qui se sont avérées efficaces dans mon propre enseignement et mon propre apprentissage. Ceci étant dit, je transmets ces méthodes non pas comme de « meilleures pratiques » ou des « pratiques prometteuses », mais plutôt comme des réflexions qui peuvent être utiles pour développer des approches personnalisées aux conversations difficiles et sa propre éthique de l’attention.
Ezra entre à la faculté d’éducation d’une petite université de l’Ontario comme membre du personnel enseignant. Le trimestre commence en force : Ezra enseigne trois sections d’un cours donné sur plusieurs trimestres, mais a récemment commencé à superviser deux étudiant.e.s nouvellement diplômé.e.s et fait office de partenaire de l’équité, de la diversité et de l’inclusion à la faculté, à la demande de la personne doyenne associée. Avec une charge de travail croissante et des délais serrés, Ezra a des craintes quant à la possibilité d’assurer un apprentissage efficace dans la salle de cours virtuelle.
Ezra vient tout juste de présenter un module de formation sur la conception universelle de l’apprentissage (CUA) à la première cohorte de candidat.e.s aux postes d’enseignant.e de deuxième année. Ezra a pris l’habitude de consacrer 15 minutes à la réflexion sur le contenu du cours, les interactions avec les étudiant.e.s, les difficultés éprouvées durant le cours et les succès pédagogiques (des pratiques qu’Ezra gardera pour les cours à venir). Ezra note que surveiller une salle de cours sur Zoom était un défi de taille, mais qu’observe également que certain.e.s étudiant.e.s font part d’opinions avec plus de confiance qu’en situation d’enseignement en personne. Lors de la lecture du plan de cours pour la prochaine cohorte d’étudiant.e.s, Ezra reçoit un courriel d’une personne de cette cohorte. L’étudiant.e explique l’inconfort ressenti lors des séances en petits groupes, puisque l’un.e de ses pairs monopolise l’attention continuellement, en plus d’avoir véhiculé des stéréotypes dégradants sur les personnes ayant une déficience intellectuelle, ce qui inquiète l’étudiant.e quant à la sécurité de ces séances. Rédigeant sa réponse à l’étudiant.e, Ezra reçoit un deuxième courriel : un.e autre étudiant.e a observé un problème similaire, mais cette fois, c’est un commentaire préjudiciable publié dans un fil de discussion asynchrone incitant les étudiant.e.s à engager d’autres discussions après les cours. Ezra réalise qu’il est dur de tenir une conversation difficile dans une salle de cours virtuelle.
Termes clés : discussions planifiées et discussions non planifiées, désinformation
Avant le début de mon premier trimestre d’enseignement, une personne d’expérience m’a posé une question inoffensive à première vue : « Pourquoi vous et pas quelqu’un d’autre? » Anticipant mon désir de répondre sur le champ, cette même personne a ajouté : « Posez-vous cette question lorsque vous concevrez votre plan de cours. En quoi votre soutien aux étudiant.e.s sera différent de celui d’un.e autre candidat.e? »
Outre les qualifications liées au diplôme, j’étais un candidat de choix en raison de ma longue expérience en matière de soutien pédagogique et, à l’époque, j’étais titulaire d’un contrat avec l’université dans le cadre duquel je conseillais le personnel éducateur en élaboration d’objectifs et d’outils d’apprentissage pour l’enseignement à distance. La question de mon mentor m’a plongé dans une crise existentielle. La question n’était pas d’être le « meilleur candidat ». Au contraire, on me demandait plutôt d’analyser les particularités propres à mon identité avant de penser aux besoins de mes étudiant.e.s. Il s’agit là d’une relation autoreflexive à la conception pédagogique . Ça me rappelle une affiche au-dessus d’un bureau de collègue : Nous enseignons qui nous sommes.
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Lorsque je pense à mon plan de cours, ou lorsque j’aide une personne à concevoir ou à réviser son plan de cours, je prends la liste de questions représentées dans le Tableau 1. La réflexion sur ses identités et ses expériences est le premier pas vers la construction d’une communauté d’apprentissage où les conversations difficiles peuvent être abordées. La façon dont on répond aux questions sur ses identités est un exercice précieux pour évaluer le travail personnel à effectuer avant le dialogue.
Tableau 1 : Réflexion sur les particularités de son identité
Connaissance de soi | Qui suis-je et comment les particularités de mon identité et mes polytonalités façonnent-elles mes pratiques d’enseignement? Par exemple :
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Objectifs des relations que l’on a établies |
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Le travail sur l’identité, en tant que pratique de réflexion, prépare le terrain pour comprendre la façon que l’on parvient à tenir une conversation difficile dans les salles de cours. Par exemple, lorsque j’anime des ateliers sur la prévention de la violence sexuelle, je me pose souvent la question suivante :
Qui suis-je, et comment ma position identitaire influence-t-elle ma pratique de l’enseignement?
Je suis un homme blanc, allosexuel et cisgenre. Je suis un survivant. Je suis un colonisateur.
En tant qu’homme blanc travaillant dans le domaine de la prévention de la violence sexuelle dans une université, il m’arrive souvent de réfléchir à la manière dont j’occupe les espaces où se déroulent les activités d’anti-violence. J’ai appris à réfléchir au processus de développement d’alliés contre la violence chez les hommes blancs; cela consiste souvent à révéler ma situation de survivant, à mettre fin aux mythes concernant les agressions sexuelles des hommes et les garçons, et à composer avec les microagressions qui ont tendance à surgir à cause du malaise des hommes blancs à parler de la prévention de la violence sexuelle parce que ceux-ci doivent participer à un atelier durant la semaine d’orientation des étudiant.e.s de première année ou parce que leur activité d’athlétisme universitaire l’exige. En tant que survivant, j’ai appris à reconnaître les sujets sensibles, et je tente d’éviter de parler de ces sujets en m’appuyant sur des diapositives didactiques ou d’autres outils pédagogiques. En tant que descendant de colonisateurs blancs, j’ai également appris à me responsabiliser sur la manière dont je peux être complice d’un système permanent de racisme et de colonialisme, au sein de l’institution où je travaille. Je suis honnête lorsque je parle de mes rôles et de mes responsabilités et je suis ouvert à la rétroaction sur les domaines dans lesquels j’ai besoin d’en apprendre davantage, en tant qu’animateur.
La connaissance de soi repose aussi sur l’établissement d’une éthique de l’attention que l’on porte à la communauté dans laquelle on s’investit. Les moyens pris pour déterminer les situations sociales permet de créer l’espace nécessaire pour prendre en compte les identités de chaque étudiant.e.
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Comment veut-on contribuer aux gens autour de soi? Pour savoir tenir des conversations difficiles, il faut comprendre les raisons pour lesquelles elles doivent avoir lieu ou les conditions institutionnelles qui en sont les causes. Quel est le but de ce dialogue? Il faut aussi réfléchir à la façon dont notre enseignement tient compte du contexte et permet d’aborder des réalités plus vastes. Soutenir des conversations difficiles nécessite des documents d’apprentissage dans lesquels les étudiant.e.s peuvent se reconnaître. Cet outil d’apprentissage permet de valoriser les connaissances tacites que les étudiant.e.s possèdent, ce qui donne l’occasion de valoriser l’apprenant.e en le désignant spécialiste.
Sait-on quelles sont les personnes dont le discours est privilégié dans les plans de cours et les outils pédagogiques? Nous devons rechercher des outils pédagogiques qui éveillent une myriade de particularités de l’identité pour assurer la représentativité des expériences authentiques. Nous devons nous demander ceci : « Est-ce que je dois intervenir ici? » Il est possible de donner la parole à d’autres érudit.e.s ou à d’autres personnes dans son enseignement, en s’appuyant sur des expériences vécues, plutôt que sur les interprétations de ces expériences.
Enfin, nous devons nous demander si nous portons attention à la capacité de chaque étudiant.e à faire preuve de réceptivité aux sujets sensibles. Souvent, la salle de cours virtuelle ne permet pas les mêmes dynamiques sociales. L’affectivité ainsi que la possible hostilité ne sont pas visibles en raison des écrans masqués, ce qui complique la capacité à évaluer comment un sujet est reçu. Nous devons prendre le temps de bâtir les compétences en salle de cours avant de réussir à intéresser les étudiant.e.s à des sujets qui suscitent des réponses contradictoires. Lorsque nous concevons notre atelier ou notre plan de cours, nous pouvons nous poser la question suivante :
On ne doit pas tenir des conversations difficiles dans l’isolement. À la suite d’une conversation difficile, il est important, tant pour soi que pour l’étudiant.e, de disposer d’un espace pour obtenir du soutien ou y avoir accès, tout en continuant d’apprendre. Qui peut-on consulter pour avoir du soutien en toute confiance? Des amis, des collègues, des mentors, des thérapeutes. Dans le même ordre d’idées, à qui les étudiant.e.s peuvent-ils s’adresser pour faire le point sur une conversation difficile? Aux services de santé mentale pour la communauté étudiante, aux aumônier.ère.s multiconfessionnel.le.s, aux aîné.e.s autochtones et aux systèmes de soutien par les pairs.
Tableau 2 : Établissement de relations
Prévoir | Évaluer | S’engager |
Qui sera présent dans les communautés d’apprentissage dont on fait partie? Comment peut-on répondre à leurs besoins? Quelles sont les connaissances tirées? | Quelles positions idéologiques a-t-on et comment entravent-elles son enseignement? Quels espaces occupe-t-on? De quelle façon ces espaces et ces positions ont un impact sur sa manière de communiquer ses connaissances? | Déterminer ses émotions, ses préjugés et les ressources de la boîte à outils. Qu’est-ce que l’on peut analyser avant d’entrer dans les communautés d’apprentissage? |
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Il existe deux types de conversations difficiles : celles qui sont planifiées et celles qui ne le sont pas (voir le tableau 3 et le tableau 4). Dans les deux cas, il faut faire preuve de sensibilité pour que les conversations restent équitables et que le climat de la communauté reste accueillant.
Tableau 3 : Discussions planifiées
Tableau 4 : Discussions non planifiées
Maintenant que nous avons établi la différence entre les deux types de conversations, imaginons à quoi elles pourraient ressembler dans le contexte de conception universelle de l’apprentissage (CUA) d’Ezra pour son module de formation de candidat.e.s du corps enseignant de deuxième année.
Deux personnes de la communauté étudiante ont exprimé par courriel leurs inquiétudes à propos de la sécurité des discussions en ligne. La première personne répond à des préoccupations que nous aborderons plus loin, sous « Discussions synchrones planifiées ». La deuxième personne aborde plutôt des préoccupations que nous aborderons sous « Discussions asynchrones planifiées ». Dans les deux cas, je présenterai des stratégies qu’Ezra aurait pu mettre en œuvre pour atténuer tout préjudice causé lors de discussions synchrones et asynchrones (voir le tableau 5 et le tableau 6).
Tableau 5 : Déroulement de discussions synchrones planifiées
Tableau 6 : Déroulement de discussions asynchrones planifiées
Les conversations difficiles et les sujets controversés peuvent être de très belles occasions d’apprentissages pour la communauté étudiante. Ce type de cas permet d’être confronté à ses privilèges, de remettre en question ses préjugés et d’analyser la manière dont ses croyances et ses valeurs façonnent sa vision du monde.
Nous pouvons modéliser l’intérêt critique que suscite le matériel pédagogique et donner à la communauté étudiante les outils permettant d’examiner minutieusement les hypothèses et les préjugés. Nous devons encourager l’utilisation d’un langage et d’une terminologie appropriés aux groupes marginalisés dans une perspective fondée sur la valorisation des points forts.
Nous pouvons veiller à aborder les discussions délicates après avoir accordé un délai et un espace qui suffisent à renforcer les capacités de la communauté étudiante.
La capacité de la classe à maintenir un environnement d’apprentissage équitable peut être évaluée avant une discussion de cours afin d’atténuer les dommages éventuels.
Par exemple : « la semaine prochaine, nous parlerons des pensionnats et nous regarderons un film détaillé sur les expériences de deux survivant.e.s… » plutôt qu’un message d’avertissement tel que celui-ci : « Certain.e.s d’entre vous pourraient trouver le contenu de la semaine prochaine pénible ».
Cela garantit que nous fournissons un sommaire du contenu, sans suggérer ce que la communauté étudiante pourrait en penser. Plutôt que d’offrir aux étudiant.e.s la possibilité de refuser le contenu, nous pouvons justifier l’inclusion du contenu dans le cours et expliquer comment il est lié aux objectifs d’apprentissage.
La désinformation durant les discussions en salle de cours provoque souvent des tensions. Il est dur pour tous les membres du corps enseignant d’apprendre à évaluer la réaction d’un.e étudiant.e à des sujets difficiles et à assurer la médiation de revendications litigieuses et potentiellement inéquitables. Voici quelques suggestions sur la façon de gérer ces moments en classe :
À la relecture de notre scénario, nous nous rappelons qu’Ezra venait tout juste de terminer un module de formation sur la conception universelle de l’apprentissage (CUA) pour la première cohorte de candidat.e.s du corps enseignant de deuxième année. Examinons quelques-unes des stratégies mentionnées ci-dessus que le corps enseignant pourrait utiliser pour ses prochaines séances d’enseignement :
Ezra pourrait envisager d’indiquer au début des cours des moments où les étudiants peuvent utiliser la fonction de clavardage pour poser des questions. Ou bien, Ezra pourrait tirer profit d’une plateforme collaborative en temps réel où les étudiant.e.s pourraient poser des questions et où les réponses seraient données à des moments précis pendant le cours. Ces plateformes sont parfois utiles pour la transmission de questions qu’on n’oserait jamais poser autrement, pour diverses raisons (par crainte du jugement de l’instructeur ou des pairs, par exemple).
Avant chaque cours, Ezra peut utiliser une diapositive de « gestion de dossiers » qui rappelle aux étudiant.e.s la politique du cours en matière de participation à toute forme de discussions. Le cours pourrait aussi commencer par une séance d’écriture dans un journal, ce qui permet de réfléchir avant de parler entre pairs ou de discuter avec toute la classe.
Ezra devra peut-être réévaluer les instructions et les types de questions utilisées durant les séances en petits groupes. Pour les questions sur lesquelles on doit donner son opinion ou son point de vue, on prévoit un moment de réflexion préalable. Quand une question est très délicate, Ezra doit l’utiliser comme une incitation à la réflexion personnelle. Une séance en petits groupes devrait être précise et limitée dans le temps, avec un objectif d’apprentissage précis.
Avant la séance en petits groupes, Ezra peut également prévoir un contexte qui invite les étudiant.e.s à s’investir profondément dans une réflexion ou une lecture assignée. Cet exercice donne l’occasion aux étudiant.e.s de formuler leur opinion avec soin. Avant de mettre un terme à la séance, Ezra peut insister sur l’importance de réfléchir à sa contribution avant d’en faire part aux membres de la communauté d’apprentissage.
Ezra peut associer le forum de discussion à un élément d’évaluation secondaire où les étudiant.e.s doivent produire un texte de réflexion critique et le soumettre aux fins d’évaluation avant de pouvoir participer au forum de discussion asynchrone. Le fait de rappeler aux étudiant.e.s que les forums de discussion sont un espace d’apprentissage et qu’un élément d’évaluation peut les aider vient renforcer les types de dialogues souhaités dans un tel espace. Plus encore, Ezra peut ainsi envisager d’établir une présence (ou celle d’une personne qui assure le soutien) dans le forum de discussion en modélisant les contributions, mais aussi en fournissant des réponses à la communauté étudiante participante. Établir une présence active dans cet espace peut ainsi atténuer les préoccupations de nétiquette soulevées durant le module CUA d’Ezra.
Bien que les stratégies présentées ici aient été utiles dans ma pratique d’enseignement, je pense qu’il est important de reconnaître que des conversations difficiles émergent toujours dans mes communautés d’apprentissage. Avec de la répétition et au fil du temps, on peut tous apprendre à tenir des conversations difficiles dans la salle de cours (à distance). Je pense sincèrement qu’il y faut une certaine humilité pour « évoluer » dans cet apprentissage, car j’admets qu’on navigue avec précaution, et non sans difficulté, dans ces espaces.
Merci à Lee Airton, Ph. D., pour le soutien et le mentorat continu. Merci également à Wanda Beyer, à Lindsay Brant et à Katherine Lewis pour avoir établi une place à l’exploration des façons de mener des conversations difficiles dans les salles de cours (à distance) et dans la formation du corps enseignant.
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