L’apprentissage en plein air au Canada

L’apprentissage en plein air au Canada

Simon Priest; Stephen Ritchie; et Daniel Scott

Table des matières

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Reconnaissance du financement

Cette ressource est financée par le gouvernement de l’Ontario. Les opinions exprimées dans cette publication sont celles des auteur.e.s et ne reflètent pas nécessairement celles du gouvernement de l’Ontario.

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Assistante à la publication

  • Megan Mertz, Université Laurentienne

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Reconnaissance du territoire

Nous reconnaissons que le territoire que nous appelons aujourd’hui Canada est le territoire traditionnel d’un grand nombre de peuples, de communautés et de nations autochtones à la grandeur de ce vaste pays. Nous reconnaissons et apprécions profondément leurs liens historiques avec les territoires régionaux et leurs contributions continues à la société et à la culture canadiennes. Nous reconnaissons également les répercussions de la colonisation et de l’oppression systémique actuelle et nous nous engageons à travailler à la réconciliation et à la décolonisation grâce à diverses recherches et pratiques liées à l’apprentissage en plein air au Canada.

I

Présentation de l’apprentissage en plein air au Canada

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1.

REDÉCOUVRIR LE CANADA!

Simon Priest et Stephen D. Ritchie

Le Canada est un vaste pays d’Amérique du Nord et dans le monde. Dans le contexte de l’apprentissage en plein air au Canada, il est donc important de rappeler certaines caractéristiques sociopolitiques distinctes. Malgré l’immensité du territoire, la population de 39 millions d’habitants (Statistique Canada, 2022a) est faible par rapport à de nombreuses autres nations. De plus, la majeure partie vit à proximité de la frontière sud près de l’influent voisin américain. Le Canada est une démocratie sociale progressiste dotée d’une structure de pouvoir et de gouvernance répartie : l’éducation, la santé, les services sociaux et de la gestion des ressources relevant des compétences des dix provinces et des trois territoires. Pour en savoir plus, visitez le www.cmec.ca/298/L_%c3%a9ducation_au_Canada___une_vue_d_ensemble.html

Le français et l’anglais sont les langues et cultures officielles au Canada, qui compte également 7 millions (18 %) de personnes immigrées qui parlent d’autres langues et ont leurs propres pratiques culturelles (EduCanada, 2022). Les 1,8 million (5 %) d’Autochtones au pays se composent des Premières Nations, des Inuits et des Métis (Statistique Canada, 2022b). Ces populations représentent des centaines de communautés, des dizaines de langues distinctes et des histoires uniques. Elles vivent dans des territoires géographiquement dispersés d’un océan à l’autre, y compris dans le Grand Nord (gouvernement du Canada, 2022a). L’apprentissage en plein air au Canada est donc aussi diversifié que les caractéristiques sociopolitiques du pays.

Cependant, malgré l’ombre et l’influence du plus proche voisin, les États-Unis, le Canada possède une culture et un esprit du siècle qui lui sont propres (gouvernement du Canada, 2021). Le pays subit de fortes influences britanniques, françaises et américaines, comme en témoignent différentes orthographes en anglais (colour/color, theatre/theater, grey/gray) et les unités de mesure (Celsius pour la température extérieure, mais Fahrenheit pour la cuisson, poids des aliments en kilogrammes, mais poids du corps en livres, et longueurs en mètres, mais hauteurs en pieds). D’emblée, nous aimerions rappeler quelques autres faits canadiens dont nous sommes fiers et qui sont d’actualité au moment de la publication : 2023.
Le saviez-vous?

  • Le Canada est le deuxième plus grand pays du monde (9 984 670 km2) après la Russie, mais est faiblement peuplé par une population de près de 38 millions d’habitants (4 par km2), dont 75 % vivent principalement le long de la frontière sud, à moins de 100 km des États-Unis (World Atlas, 2021).
  • Alors que plus de 80 % des terres du Canada sont inhabitées, plus de 27 % du territoire (2 728 800 km2) est situé au nord de la limite forestière (Statistique Canada, s. d.).
  • Le Canada possède certaines des plus vastes étendues sauvages de la planète (non perturbées par l’activité humaine) et certains des écosystèmes naturels et fragiles les plus diversifiés, notamment la toundra arctique, la taïga subarctique, les forêts de feuillus du bouclier boréal, les Rocheuses ou la Cordillère montagnarde, les forêts mixtes, la forêt pluviale de conifères, les plaines et les prairies, les zones humides, les lacs et les écozones marines (Classification écologique des terres, 2017).
  • Le pays possède le plus long littoral de la planète (243 042 km), soit un tiers des côtes mondiales, qui touche trois océans. Façonné par l’évolution géologique des glaciations de l’ère glaciaire, il est composé des abondants fjords du Pacifique, des nombreuses îles de l’archipel arctique et des nombreux goulets de l’Atlantique, d’où cette impressionnante longueur (World Factbook, 2021).
  • En raison de son emplacement dans l’hémisphère nord, le Canada est un pays plus froid et enneigé, ce qui lui vaut le surnom de Grand Nord blanc (World Atlas, s. d.).
  • Il figure dans le Livre Guinness des records (2019) pour le plus grand labyrinthe de neige (Saint-Adolphe, Manitoba) et la plus longue route d’hiver. Long de 752 km, le sentier Wapusk est reconstruit chaque année en janvier sur la neige et la glace pour se rendre aux villages isolés dans le nord de la province.
Carte du Canada montrant les écozones terrestres
Les dix provinces, les trois territoires et les quinze écozones terrestres du Canada.
  • Le Canada possède la plus longue frontière terrestre du monde (8 890 km), une frontière internationale avec les États-Unis, non protégée et non militarisée ou défendue (Statistique Canada, s. d.).
  • On retrouve à Nakwakto, en Colombie-Britannique, les rapides en eau salée ayant le plus fort courant (30 km/h) et les plus hautes marées (variation moyenne de 16 m) dans la baie de Fundy, au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse (Statistique Canada, s. d.).
  • L’île de Baffin dans l’Arctique est la plus grande île en eau salée au pays et la cinquième en importance dans le monde par sa superficie. Manitoulin, dans le lac Huron, est la plus grande île en eau douce au monde (Statistique Canada, s. d.).
  • Le Canada abrite 25 % des zones humides de la planète et détient 20 % des réserves mondiales d’eau douce dans plus de lacs (60 %) que tous les autres pays (Messager et coll., 2016).
  • Environ 85 % du sirop d’érable de la production mondiale provient du Canada, dont 70 % du Québec (Agriculture et Agroalimentaire Canada, 2011). Lors du vol de sirop d’érable du siècle en 2011 et 2012, près de 3 000 tonnes entreposées au Québec ont été dérobées, pour une valeur de près de 19 millions de dollars, dépassant le coût total des vols au Canada à ce jour (Histoire 101, 2022).
  • La feuille d’érable rouge sur le drapeau canadien, arboré pour la première fois en 1965, est un symbole national représentant l’érable à sucre et d’autres arbres similaires bien avant la Confédération en 1867 (gouvernement du Canada, s. d.).
Le drapeau canadien
  • Le castor, qui a reçu la sanction royale en 1975, est l’emblème officiel du Canada. Il a frôlé l’extinction en raison de la traite des fourrures lancées dans les années 1530. Dotés de dents proéminentes orangées qui poussent continuellement, ils sont l’un des rares animaux, en dehors de l’homme, à modifier leur habitat. Ils mâchent et coupent les jeunes arbres pour construire des barrages de boue et digérer les copeaux de bois (Canadian Geographic, 2019).
  • Le peuple canadien est pacifique et jouit d’une renommée internationale pour sa politesse. Au moins une province a adopté des lois importantes empêchant les parties d’utiliser des excuses comme déclaration de faute ou de responsabilité devant un tribunal (Protecteur du citoyen de la C.-B., 2006).
  • Bien que les Canadiens raffolent de beignets (plus d’un milliard consommés chaque année), la poutine (frites et fromage en grains fondus dans une sauce) est un plat typique, originaire du Québec (la Banquise, s. d.).
  • Les Canadiens aiment patiner et la majorité sait mieux patiner que nager. Le Canada possède la plus longue rivière de patinage (11 km) à Forks à Winnipeg, au Manitoba, et la plus grande zone de patinage entretenue (0,2 km2) sur le canal Rideau dans la capitale, Ottawa, en Ontario (Livre Guinness des records, 2019).
  • Si le hockey est le sport le plus populaire au pays et le sport d’hiver officiel, le sport national d’été officiel est la crosse, observée pour la première fois par les Européens dans les années 1630 et pratiquée par de grandes équipes d’Algonquins au Québec (Lacrosse Canada, 1995).
  • La route Transcanadienne n° 1 (7 821 km) et le Sentier Transcanadien (réseau en plein air de 28 000 km) sillonnent le pays et sont les plus longs au monde (Sentier Transcanadien, s. d.).
  • Schitt’s Creek, une comédie télévisée créée par des Canadiens (Dan et Eugene Levy, père et fils), filmée au Canada et mettant en vedette des acteurs canadiens (à l’exception d’un seul), a remporté sept Primetime Awards et neuf Emmys en 2020, raflant la mise dans la catégorie comédie (Bahr, 2020).
  • En anglais, l’expression canadienne « eh » à la fin d’une phrase est un vrai mot défini dans plusieurs grands dictionnaires anglais et « Canada » est en fait orthographié : C-eh-N-eh-D-eh!
  • Le Canada a un numéro de téléphone sans frais pour les services gouvernementaux : 1 800 O CANADA!
  • Le père Noël reçoit des lettres au Pôle Nord au Canada et le code postal est le H0H 0H0.
  • En 2018, le Canada devient le deuxième pays à avoir légalisé le cannabis, après l’Uruguay (gouvernement du Canada, 2022b).
  • Le taux de scolarisation au Canada se classe au second rang mondial après la Corée du Sud, avec un taux d’alphabétisation de 99 % et 63 % de Canadiens ont obtenu un diplôme collégial ou universitaire (OCDE, 2021).
  • L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE, 2021) a récemment désigné le Canada comme meilleur pays au monde lorsqu’il est question de droits des minorités.
  • Le Canada se classe au premier rang parmi les pays nord-américains et européens pour l’entrepreneuriat, l’ambition et les nouvelles entreprises en phase de démarrage, et il est le mieux placé dans la relance économique après la récente pandémie (Global Entrepreneurship Monitor, 2021; OCDE, 2021; Desai, 2016). La culture d’innovation de la nation a été attribuée à une forte diversité ethnique d’immigrants prêts à prendre des risques (Fondation Rideau Hall, 2019).
  • Le Canada est souvent considéré comme le meilleur endroit où vivre, offrant la meilleure qualité de vie (US News & World Report, 2021). Jusqu’à présent, le Canada s’est inspiré du rêve américain, mais offre des soins de santé universels et ne connaît pas autant de violence armée ou de suprématie blanche.
  • Les découvertes, inventions et créations canadiennes sont nombreuses : le téléphone (Alexander Graham Bell en Ontario et en Nouvelle-Écosse), l’insuline (Frederick Banting et Charles Best en Ontario), la découverte des cellules souches (James Till et Ernest McCulloch en Ontario), la cocréation de Superman (Joe Shuster aux États-Unis), le jeu Trivial Pursuit (Scott Abbot et Chris Haney au Québec), la projection IMAX (Graeme Ferguson, Roman Kroitor et Robert Kerr au Québec), le bras spatial canadien (scientifiques et ingénieurs de SPAR en Ontario), la souffleuse à neige (Arthur Sicard au Québec), la motoneige (Joseph-Armand Bombardier au Québec) et la pizza hawaïenne (Sam Panopoulos en Ontario).
  • Les Canadiens ont également inventé le hockey, le basket-ball (James Naismith), le football (à l’université McGill en 1874) et le gant de base-ball (Arthur Albert « Foxy » Irwin) pour le « bassball » joué pour la première fois en Grande-Bretagne vers 1740 (CBC Sports, 2017).
  • Les Canadiens aiment se moquer des Américains et mettre en avant les célébrités canadiennes.

Compte tenu de la taille du pays, du long littoral, des lacs d’eau douce abondants, de la population dispersée et de la riche nature sauvage, on comprend mieux comment les peuples autochtones ont conçu des modes de déplacement uniques comme le canoë, le kayak et la raquette. Ces moyens de locomotion canadiens ont joué un rôle central dans l’évolution de l’apprentissage en plein air au Canada et ont été adoptés par plusieurs pays, où le mot « canadien » accompagne souvent canoë, kayak ou raquette pour les distinguer des variantes locales. Ces contributions autochtones sont bien documentées (Newhouse et coll., 2005).

 

Carte du Canada montrant les œuvres d’art autochtones associées à chaque province et territoire
Dessin original du Canada (styles autochtones utilisés avec autorisation)

Ce dernier fait rend d’autant plus honteux le traitement réservé par le Canada aux populations autochtones, notamment lorsqu’il est question de santé et d’histoire de la colonisation (McCallum, 2017). Comme de nombreuses nations, le Canada s’est excusé pour l’oppression impériale et a mis en place une Commission de vérité et réconciliation pour corriger les erreurs du passé. Cependant, le pays n’a pas guéri les blessures antérieures en ne favorisant pas ouvertement l’autodétermination des Autochtones et en refusant de leur remettre leurs terres (Corntassel et Holder, 2008).

  • La population autochtone connaît la croissance la plus rapide au Canada, ce qui en fait également la plus jeune, près de la moitié ayant moins de 25 ans (Statistique Canada, 2022b).
  • Au Canada, plus de 70 langues autochtones sont parlées dans plus de 600 communautés des Premières Nations et 50 communautés inuites ainsi que dans plusieurs groupes représentant le peuple métis (Statistique Canada, 2022a).
  • La gouvernance des Premières Nations comprend les chefs et les conseils. Les conseils tribaux représentent plusieurs nations et les organisations provinciales et territoriales et l’Assemblée des Premières Nations représentent tous les membres au Canada (gouvernement du Canada, 2022).
  • En inuktitut, le mot inuit signifie « le peuple » et les Inuits vivent dans l’Inuit Nunangat, « l’endroit où vivent les Inuits » et qui comprend l’Inuvialuit (Territoires du Nord-Ouest), le Nunavik (Nord du Québec), le Nunatsiavut (Labrador) et le Nunavut (gouvernement du Canada, 2022).
  • Les Métis ne se définissent pas seulement par leur ascendance mixte (autochtone et francophone). Ils ont leur propre langue (le michif), leur propre culture, leurs propres revendications territoriales et une riche histoire au Canada (Encyclopédie canadienne, 2023).

Du point de vue des Autochtones, l’apprentissage en plein air est souvent appelé « apprentissage axé sur la terre », ou simplement « connexion avec la terre ». Les peuples autochtones du Canada sont reconnus pour leur profonde compréhension de la terre et le lien qui les unit à elle, pour leur gestion passionnée des ressources naturelles et pour leur leadership en conservation et d’activisme environnemental. Ainsi, les connaissances et les enseignements autochtones sur la terre et l’ensemble de la création sont une ressource inestimable pour les spécialistes de l’apprentissage en plein air au Canada.

Native Land Digital a été créé par des Canadiens en 2018 afin de fournir une ressource centralisée en ligne (native-land.ca/?lang=fr) pour trouver les territoires autochtones aux quatre coins du monde. Elle peut donc être utilisée par les spécialistes de l’apprentissage en plein air pour trouver les territoires traditionnels, les langues et les traités associés à la région où ils enseignent, n’importe où dans le pays et à l’étranger.

L’apprentissage en plein air offre une occasion unique de guérir les traumatismes intergénérationnels et de contribuer à la réconciliation grâce à un processus inhérent de réparation de l’injustice sociale, de remise en question des systèmes de privilèges et de formation de citoyens qui résoudront les grands problèmes du monde de demain (Priest et Asfeldt, 2022; Priest et Henderson, 2021).

Bibliographie

Agriculture et Agroalimentaire Canada. (2011). Le sirop d’érable canadien. https://www5.agr.gc.ca/resources/prod/Internet-Internet/MISB-DGSIM/CB-MC/PDF/4689-fra.pdf

Barh, S. (2020, 20 septembre). ‘Schitt’s Creek’ sets an Emmy record. New York Times. https://www.nytimes.com/2020/09/20/arts/television/emmys-schitts-creek.html

BC Ombudsperson. (2006). Quick tips of apologies. https://bcombudsperson.ca/assets/media/Quick-Tips-Apology.pdf

L’Encyclopédie canadienne. (2023). Métis (résumé en langage simple). https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/metis-resume-en-langage-simple

Canadian Geographic. (2019). Animal facts : Beaver. https://canadiangeographic.ca/articles/animal-facts-beaver/

CBC Sports. (2017, 15 juin). How Canada invented “American” football, baseball, basketball and hockey. https://www.cbc.ca/sportslongform/entry/how-canada-invented-american-football-baseball-basketball-and-hockey

Corntassel, J. et Holder, C. (2008). Who’s sorry now? Government apologies, Truth commissions, and Indigenous self-determination in Australia, Canada, Guatemala, and Peru. Human Rights Review, 9, 465-489.

Desai, N. (2016, 26 février). Opinion : Myth of Canadian complacency has permeated our highest echelons. https://www.theglobeandmail.com/report-on-business/rob-commentary/myth-of-canadian-complacency-has-permeated-our-highest-echelons/article28915265/

Classification écologique des terres. (2017). https://www.statcan.gc.ca/fr/sujets/norme/environnement/cet/cet2017

EduCanada. (2022). Langues au Canada. https://www.educanada.ca/study-plan-etudes/during-pendant/languages-langues.aspx?lang=eng

Global Entrepreneurship Monitor. (2021). Rapport 2020/2021. https://www.gemconsortium.org/report

Gouvernement du Canada. (2021). Relations Canada-États-Unis. https://www.international.gc.ca/country-pays/us-eu/relations.aspx?lang=fra

Gouvernement du Canada. (2022a). Les Autochtones et leurs communautés. https://www.rcaanc-cirnac.gc.ca/fra/1100100013785/1529102490303

Gouvernement du Canada. (2022 b). Ce qu’il faut savoir sur le cannabis. https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/drogues-medicaments/cannabis/consommation-personnelle/reduisez-risques-choisissez-legal.html

Gouvernement du Canada. (sans date). Histoire du drapeau national du Canada. https://www.canada.ca/fr/patrimoine-canadien/services/drapeau-canada-histoire.html

Livre Guinness des records. (2019). https://www.guinnessworldrecords.com/

History 101. (2022, 11 mai). Le vol de sirop d’érable du siècle. https://www.history101.com/the-great-canadian-maple-syrup-heist/

La Banquise. (sans date). Histoire de la poutine. https://labanquise.com/poutine-histoire.php

Crosse Canada. (1995). Histoire de la crosse. https://crossecanada.ca/content/Histoire

McCallum, M. J. L. (2017). Starvation, experimentation, segregation, and trauma : Words for reading Indigenous health history. The Canadian Historical Review, 98(1), 96-113.

Messager M., Lehner, B., Grill, G., Nevada, I. et Schmitt, O. (2016). Estimating the volume and age of water stored in global lakes using a geo-statistical approach. Nature Communications, 7, 13603.

Newhouse, D. R., Voyageur, C. J. et Beavon, D. (2005). Hidden in plain sight: Contributions of Aboriginal peoples to Canadian identity and culture. Les presses de l’Université de Toronto.

Organisation de coopération et de développement économiques. (2021). https://data.oecd.org/fr/canada.htm

Priest, S. et Asfeldt, M. (2022). The history of outdoor learning in Canada. The International Journal of the History of Sport, 39(5), 489-509.

Priest S. et Henderson, B. (2021). Why is outdoor learning not a bigger part of Canadian education? Pathways: The Ontario Journal of Outdoor Education, 34(1), 4-18.

Fondation Rideau Hall. (2019). L’indice de la culture de l’innovation du Canada. https://rhf-frh.ca/fr/indice-innovation/

Statistique Canada. (2022a). Estimations de la population du Canada, troisième trimestre de 2022. https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/221221/dq221221f-fra.htm

Statistique Canada. (2022 b). La population autochtone continue de croître et est beaucoup plus jeune que la population non autochtone, malgré un ralentissement de son rythme de croissance. https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/220921/dq220921a-fra.htm

Statistique Canada. (sans date). Annuaire du Canada (information archivée). https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/11-402-x/2012000/chap/geo/geo-fra.htm

Sentier Transcanadien. (sans date). Bienvenue sur le Sentier Transcanadien. https://sentier.ca/

US News & World Report. (2021). https://www.usnews.com/news/best-countries/rankings-index

World Atlas. (2021, 25 février). https://www.worldatlas.com/maps/canada

World Atlas. (sans date). https://www.worldatlas.com/articles/which-country-is-known-as-the-great-white-north.html

World Factbook. (2021). https://www.cia.gov/the-world-factbook/field/coastline/

À propos des auteurs

Simon Priest a été professeur universitaire en apprentissage en plein air par l’aventure et l’environnement en Ontario. Sur la scène internationale, il a été doyen, vice-recteur principal, vice-chancelier, vice-président principal, président, commissaire et conseiller ministériel en éducation. Il est lauréat de nombreux prix et été plus de 30 fois chercheur invité aux quatre coins du monde dans le domaine de l’apprentissage en plein air. Nouvellement retraité en Colombie-Britannique, il s’adonne à la randonnée, au jardinage, à la recherche, à l’enseignement et à l’écriture.

Stephen D. Ritchie est professeur agrégé à la Faculté de kinésiologie et des sciences de la santé de l’Université laurentienne à Sudbury, en Ontario. Ses recherches et ses intérêts pédagogiques portent sur : (1) la compréhension de la promotion de l’écosanté dans le contexte de l’épanouissement personnel et de la santé holistique par l’apprentissage en plein air, l’aventure et le contact avec la nature, et (2) l’application de diverses approches d’évaluation de programmes dans l’apprentissage en plein air, la santé autochtone et d’autres contextes.

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L’article Redécouvrir le Canada! (2024), par Simon Priest et Stephen D. Ritchie, est distribué sous la licence Creative Commons Attribution – Pas d’utilisation commerciale – Partage dans les mêmes conditions 4.0 International, sauf indication contraire.

2

2.

INTRODUCTION : QU’EST-CE QUE L’APPRENTISSAGE EN PLEIN AIR?

Simon Priest

Note de l’auteur : Dans ce chapitre, le concept de spiritualité fait référence à la compréhension de notre place dans le monde, notre recherche de satisfaction ou de sérénité, la raison pour laquelle nous sommes ici et le rôle que nous sommes censés jouer avec les autres et la nature, pendant notre bref séjour sur la planète, en lien ou non avec quelconque religion ou concept de transcendance.

Le terme générique « apprentissage en plein air » a été difficile à définir en raison de la grande variété de programmes qui existent, prospèrent et survivent selon ce concept. La figure 1 présente quelques-unes de ses autres appellations. L’une des premières définitions récentes vient d’Angleterre : « L’apprentissage en plein air est un terme général qui englobe : les jeux en plein air dans les premières années, les projets sur les terrains d’écoles, l’éducation en matière d’environnement, les activités récréatives et d’aventure, les programmes de croissance personnelle et sociale, les expéditions, les activités de consolidation d’équipe, la formation en leadership, le perfectionnement des cadres, l’éducation à la durabilité et la thérapie par l’aventure, pour ne nommer que ces concepts. » (English Outdoor Council, 2018; Greenaway, 2005).

Image d’un parapluie représentant l’apprentissage en plein air, divisé en quatre catégories : Loisirs en plein air, éducation en plein air, développement en plein air et thérapie en plein air.
Figure 1 : Le terme générique « apprentissage en plein air » couvre une grande variété de programmes.

Un autre organisme britannique a malheureusement utilisé les mots « apprentissage » et « plein air » pour définir l’apprentissage en plein air comme « des approches animées activement inclusives qui utilisent principalement des activités et des expériences en plein air qui mènent à l’apprentissage, à l’amélioration de la santé et du bien-être et à la sensibilisation à l’environnement » (Institute for Outdoor Learning, 2021). Les termes « plein air » et « apprentissage » ont plus tard été remplacés respectivement par « nature » et « changement ». Cependant, l’apprentissage entraîne plus que des résultats en matière de bien-être et d’environnement.

Le National Curriculum of Australia (2020) stipule que « le développement de relations positives avec les autres et avec l’environnement par l’interaction avec le monde naturel sont essentiels pour le bien-être et la viabilité des personnes, de la société et de notre environnement. L’apprentissage en plein air places les étudiant.e.s dans des expériences d’apprentissage pratiques et actives dans des milieux et des contextes naturels, et se déroule généralement en dehors de la salle de classe. Dans ces milieux, les étudiant.e.s acquièrent les aptitudes et les connaissances nécessaires pour se déplacer en toute sécurité et avec compétence, tout en valorisant une relation positive avec les milieux naturels et en promouvant l’utilisation durable de ces environnements. »

Aux États-Unis, les Américains utilisent le terme « éducation expérientielle » pour mettre l’accent sur les méthodes d’apprentissage et les méthodes d’enseignement et d’animation novatrices largement utilisées avec les participants en plein air. « L’éducation expérientielle est une philosophie d’enseignement qui oriente de nombreuses méthodes dans lesquelles les éducateurs s’engagent délibérément avec les apprenant.e.s dans une expérience directe et une réflexion ciblée afin d’augmenter les connaissances, de développer les compétences, de clarifier les valeurs et de développer la capacité des personnes à contribuer à leur communauté » (Association for Experiential Education, s. d.).

Les définitions des pays ci-dessus certains éléments en commun : l’expérience, les relations et la nature ou les milieux naturels. Dans cet ouvrage, le terme générique d’apprentissage en plein air au Canada est défini, en fonction de ces points communs, comme « un processus expérientiel qui se déroule principalement par l’exposition au plein air, où l’accent est mis sur cinq types de relations entre les personnes et les ressources naturelles » (Priest, 1986, p. 13). Ces cinq types de relations sont les suivants :

  • Personnelle : le participant se rapporte à lui-même (estime de soi, résilience, confiance, etc.);
  • Interpersonnelle : le participant est en relation avec les autres (compétences prosociales, confiance, communication, etc.);
  • Écosystémique : les éléments de la nature qui interagissent les uns avec les autres (chaînes alimentaires, réseau de vie, etc.);
  • Ékistique : les interactions entre l’humain et la nature (pollution de l’eau potable, etc.);
  • Spirituelle : le participant comprend sa place ou son rôle dans le monde (Priest et Gass, 2018).

L’apprentissage en plein air consiste à enseigner à l’aide d’un concept de « deux par quatre » : deux branches d’activités et quatre types de programmes. Un apprentissage en plein air très efficace met en œuvre les deux branches d’activités de chacun des quatre types de programmes pour enseigner et apporter les changements nécessaires associés aux cinq relations. En fait, il peut être difficile pour les spécialistes d’avoir une incidence sur les relations positives sans d’abord avoir abordé les quatre autres types de relations. Les participants qui se connaissent eux-mêmes et savent comment travailler avec les autres et qui comprennent les écosystèmes et leurs effets sur eux peuvent décider comment s’intégrer.

Une planche de bois sur laquelle les mots « Loisirs, Éducation, Développement ou Thérapie » sont inscrits sur le dessus et les mots « par l’aventure et l’environnement » sont inscrits sur le côté.
Figure 2 : Une planche de 2 x 4 utilisée comme représentation métaphorique de l’apprentissage en plein air : deux branches et quatre types de programmes.

L’apprentissage en plein air comporte deux aspects : l’aventure et l’environnement. Les activités d’aventure peuvent être très variées, des jeux et des activités de résolution de problèmes, des parcours de cordes et d’obstacles, en passant par les excursions d’une journée ou les expéditions de plusieurs jours (p. ex., raquettes, ski, vélo, randonnée, escalade, spéléologie d’exploration, canoë, kayak, voile). Les activités liées à l’environnement vont de l’immersion sensorielle dans la nature à la méditation attentive ou à la contemplation, en passant par des exercices écologiques scientifiques ou artistiques réalisés en plein air dans un milieu naturel (Canadian Outdoor Therapy and Healthcare, s. d.).

L’apprentissage en plein air se décline en quatre types de programmes en fonction de ce que le cours souhaite changer, les sentiments, la réflexion, les comportements ou la résistance aux efforts visant à créer un changement positif, comme le montre le tableau 1 ci-dessous. Les loisirs en plein air (y compris le tourisme) modifient la façon dont les participants se sentent par le jeu, le plaisir et l’apprentissage de nouvelles compétences. L’éducation en plein air modifie la façon de penser des participants en leur faisant acquérir de nouveaux concepts, en renforçant les anciens et en leur faisant prendre conscience de la nécessité de changer de comportement. Le développement en plein air modifie le comportement des participants en renforçant les actions positives et en améliorant leur fonctionnement. La thérapie de plein air modifie la façon dont les participants résistent aux efforts visant à les transformer positivement en réduisant les comportements négatifs ou inadaptés afin de soulager leur dysfonctionnement (Priest, 2021).

Tableau 1. Types de programmes en fonction de ce que le programme veut modifier et de l’objectif d’apprentissage.

LOISIRS EN PLEIN AIR

ÉDUCATION EN PLEIN AIR

DÉVELOPPEMENT EN PLEIN AIR

THÉRAPIE EN PLEIN AIR

Vise à modifier

Les émotions

La réflexion

Le comportement

La résistance au changement

Sujet sur lequel est axé l’apprentissage

S’amuser, jouer, avoir du plaisir, acquérir de nouvelles compétences en matière d’activités

Acquérir de nouveaux concepts ou en consolider d’anciens, prendre conscience de la nécessité de procéder à des changements

Renforcer les comportements ou les actions positives (renforcer le fonctionnement)

Réduire les comportements ou les actions
négatifs (atténuer les dysfonctionnements)

Par exemple, les activités d’aventure vont de l’escalade guidée en montagne ou de la voile avec des touristes, à des jeux de socialisation dans les cours d’école et à des activités de consolidation d’équipe dans les entreprises, en passant par des expéditions en nature pour des jeunes ayant des antécédents de toxicomanie ou de délinquance. De même, les activités liées à l’environnement peuvent aller de l’interprétation écologique ou de l’identification de la faune et de la flore avec un naturaliste, en passant par des exercices de sensibilisation au développement durable dans les écoles secondaires et des mesures en faveur de l’environnement inculquées par les enseignants, à la gestion du stress, de l’anxiété ou de la dépression chez les adultes par l’immersion dans un espace vert naturel avec un thérapeute.

Ce chapitre a présenté une très brève introduction de ce qu’est l’apprentissage en plein air. Les quelques chapitres suivants présentent un aperçu de l’apprentissage en plein air au Canada. Les chapitres suivants abordent divers sujets que les praticiens peuvent trouver utiles dans leur travail d’apprentissage en plein air avec des participants canadiens. Chaque chapitre définira les termes au fur et à mesure qu’ils seront abordés. Pour le présent chapitre, l’apprentissage en plein air au Canada est un processus expérientiel qui se déroule principalement par l’exposition à la nature et au plein air, où l’accent est mis sur les liens entre l’homme et la nature.

L’apprentissage par l’aventure développe les relations personnelles et interpersonnelles, tandis que l’apprentissage environnemental développe les écosystèmes et les relations ékistiques. Conjointement, ces deux approches de l’apprentissage en plein air peuvent développer des relations spirituelles. L’amélioration de ces cinq relations peut aider les participants à modifier la manière dont ils se sentent, pensent, se comportent ou résistent aux efforts positifs de changement (Priest et Gass, 2018).

Futures orientations

Cette définition historique trace un portrait de l’apprentissage en plein air qui satisfait les décideurs politiques et les responsables des procédures de notre société. Toutefois, à l’avenir, nous devrons sortir des sentiers battus. À bien des égards, le Canada est en retard sur les autres pays développés lorsqu’il s’agit d’examiner les pratiques de pointe en matière d’apprentissage en plein air. Nous avons toutefois un avantage dans nos efforts de vérité et de réconciliation avec les Autochtones et dans nos partenariats avec la nature favorisant le changement. En nous concentrant sur les solutions, nous devons continuer de faire ce qui fonctionne pour nous.

L’apprentissage en plein air au Canada est prêt pour une révolution d’idées nouvelles, tout en continuant d’honorer les efforts du passé. Le point de départ de certaines de ces nouvelles idées se trouve ici, avec des chapitres sur l’autochtonie, la décolonisation, l’écologie de la santé, l’effondrement climatique, la réciprocité de la nature, les soins tenant compte des traumatismes, les déséquilibres raciaux, la capacité temporaire, et les différentes façons de penser et d’agir.

Compte tenu de la myriade de problèmes liés aux systèmes terrestres qui résultent de modes de pensée et d’action antérieurs, nous devons également commencer à « en faire plus » et inclure des perspectives d’experts de tous les genres, ethnies, origines autochtones et orientations. Le Canada est une société pluraliste et diversifiée. L’apprentissage en plein air doit donc inclure tous ces éléments. Pour ce faire, nous invitons et accueillons volontiers des contributions supplémentaires à ce manuel évolutif, en particulier d’auteurs qui ne sont pas simplement définis par une identité masculine blanche cis plus âgée.

Bibliographie

Association for Experiential Education. (2024). What is experiential education. https://www.aee.org/what-is-experiential-education

Australian Curriculum, Assessment and Reporting Authority. (2020). Outdoor learning. Australian Curriculum. https://www.australiancurriculum.edu.au/resources/curriculum-connections/portfolios/outdoor-learning/

Canadian Outdoor Therapy & Healthcare. (sans date). Best practices: Activities. Canadian Outdoor Therapy & Healthcare. Consulté le 11 février 2024 à l’adresse : http://coth.ca/prac.html#ACT

English Outdoor Council. (2018). What is outdoor learning? https://www.englishoutdoorcouncil.org/outdoor-learning/what-is-outdoor-learning

Greenaway, R. (2005). What is outdoor learning. https://web.archive.org/web/20231003040318/https://www.outdoor-learning-research.org/Research/What-is-Outdoor-Learning

Institute for Outdoor Learning. (2021). Outdoor learning. https://www.outdoor-learning.org/Portals/0/IOL%20Documents/About%20Outdoor%20Learning/RR1%20-%20Describing%20Outdoor%20Learning%202-8-21.pdf?ver=2021-08-10-133755-690

Priest, S. (1986). Redefining outdoor education: A matter of many relationships. The Journal of Environmental Education, 17(3), 13-15. https://doi.org/10.1080/00958964.1986.9941413

Priest, S. (2021). Adventure therapy in Canada. Academia Letters. https://doi.org/10.20935/AL3831

Priest, S. et Gass, M. A. (2018). Effective leadership in adventure programming (3e éd.). Human Kinetics.

À propos de l’auteur

Simon Priest a été professeur d’université en apprentissage en plein air par l’aventure et l’environnement en Ontario. Sur le plan international, il a été doyen, vice-recteur principal, vice-chancelier, vice-président directeur, président, commissaire et conseiller d’un ministre de l’éducation. Il a reçu de nombreux prix et a accepté plus de 30 postes de professeur invité dans le monde entier dans le domaine de l’apprentissage en plein air. Maintenant nouveau retraité en Colombie-Britannique, il consacre son temps à la randonnée, au jardinage, à la recherche, à l’enseignement et à l’écriture.

 

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L’article Introduction : Qu’est-ce que l’apprentissage en plein air?  (2024), par Simon Priest, est distribué sous la licence Creative Commons Attribution – Pas d’utilisation commerciale – Partage dans les mêmes conditions 4.0 International, sauf indication contraire.

II

Vue d’ensemble

3

3.

INTERPRÉTATION DE LA NATURE

Glen T. Hvenegaard, Clara-Jane Blye et Elizabeth Halpenny

Note des auteurs : Nous tenons à remercier John Shultis et Jim Butler pour leur contribution à ce chapitre.

Qu’est-ce que l’interprétation de la nature?

L’un des fondateurs de l’interprétation, Freeman Tilden (1977, p. 8), a défini cette notion comme « une activité éducative qui vise à révéler des significations et des relations par l’utilisation d’objets originaux, par une expérience concrète et par des supports visuels, plutôt que de simplement communiquer des informations factuelles ». Interprétation Canada suggère qu’en fait, aucune définition unique ne peut rendre compte du dynamisme du domaine, mais chacune représente un point de départ pour une compréhension du concept. Selon eux, « l’interprétation est un processus de communication conçu pour révéler au public les sens et les liens qui unissent le patrimoine naturel et culturel au moyen d’une interaction directe avec un objet, un artéfact, un paysage ou un lieu » (Interprétation Canada, 1976). En fonction de ces définitions, l’interprétation se distingue des autres méthodes de communication en révélant les significations de cette information et en cherchant à provoquer (Tilden, 1977) et à inspirer les visiteurs (Gilson, 2020). L’objectif du chapitre est de décrire les caractéristiques de l’interprétation (par rapport à l’éducation), son histoire au Canada et les recherches sur les effets positifs et les stratégies efficaces de l’interprétation.

L’interprétation se fait de différentes manières et dans différents lieux (zoos, musées, parcs et zones protégées, paysages de loisirs en plein air, sites d’écotourisme), mais elle se divise en deux grandes catégories. Premièrement, l’interprétation personnelle consiste en un contact direct entre l’interprète et le visiteur, notamment :

  1. Les visites guidées et les randonnées, dirigées par des interprètes, favorisent les interactions entre les visiteurs et le milieu naturel.
  2. Les programmes de théâtre de plein air intègrent le jeu, les costumes, le chant, la danse et la participation du public dans le but de divertir, d’éduquer et d’inspirer les visiteurs.
  3. Les causeries avec accessoires, qui utilisent des artéfacts comme point central, permettent également une participation directe très utile.
  4. Le service d’interprétation fixe consiste à assigner un interprète à un endroit bien en vue ou à un lieu de rassemblement pendant les périodes de forte affluence et peut inclure des accessoires ou des activités interactives passionnantes.
  5. Le service d’interprétation mobile et le service itinérant sont semblables; l’interprète se déplace dans une zone, et offre une interprétation informelle des sites et des objets aux touristes qu’il rencontre.
  6. L’interprétation vivante présente un mode de vie historique différent de celui des visiteurs. Des interprètes vivants, en costumes d’époque et dans des décors authentiques, mènent des activités quotidiennes pour montrer aux visiteurs comment les gens vivaient réellement et discutent avec eux de renseignements techniques ou de produits authentiques.

L’interprétation non personnelle, quant à elle, crée des liens entre les visiteurs grâce à l’utilisation de supports inanimés, par exemple :

  1. Les centres d’accueil fournissent aux visiteurs des renseignements importants sur une région et ses caractéristiques particulières, ainsi que sur les possibilités qui s’offrent à eux. Ils permettent également au personnel de discuter directement avec les visiteurs.
  2. Les expositions au centre d’accueil, dans le parc ou à l’extérieur peuvent comprendre des kiosques, des dioramas, des artéfacts, des reconstitutions et des maquettes.
  3. Les panneaux interprètent les caractéristiques naturelles ou culturelles des environs immédiats; les lecteurs peuvent décider de ce qu’ils lisent et à quelle vitesse ils le font.
  4. Les sentiers d’interprétation autoguidés utilisent des panneaux ou des brochures pour guider les visiteurs vers des éléments intéressants qui pourraient autrement être négligés ou ne pas être appréciés à leur juste valeur.
  5. Les dépliants et brochures donnent des renseignements détaillés et peuvent être conservés en souvenir et consultés à de nombreuses reprises après la visite.
  6. Les ressources numériques telles que les sites Web, les blogues, les groupes de médias sociaux et les infolettres peuvent être consultés à l’extérieur du site, ce qui permet aux visiteurs d’être mieux renseignés avant la visite et de continuer à participer et à apprendre sur les sites de conservation après leur visite.

Une interprétation efficace comprend généralement les aspects suivants (adapté de Hvenegaard et Shultis, 2016) :

  • L’interprétation a lieu sur place et met l’accent sur les expériences directes avec le milieu naturel (c’est-à-dire que les visiteurs voient, entendent, sentent et touchent directement les paysages, la faune et la flore et l’eau).
  • L’interprétation est une forme d’éducation informelle (donc qui n’utilise pas une approche de type scolaire).
  • L’interprétation s’adresse à un public volontaire et libre et se déroule souvent pendant le temps libre des visiteurs.
  • L’interprétation répond à l’attente de satisfaction du visiteur.
  • L’interprétation est une source d’inspiration et de motivation en nature.
  • L’interprétation vise à offrir des expériences de loisirs satisfaisantes, augmenter les connaissances, modifier les attitudes, favoriser un comportement respectueux de l’environnement, développer des relations avec les lieux et créer des souvenirs positifs.

L’interprétation de la nature se fait régulièrement dans les zoos, les parcs et les zones protégées, les musées et d’autres contextes de loisirs en plein air. Parallèlement, une grande partie de l’interprétation de la nature se déroule en contexte d’écotourisme, où les visiteurs participent à des activités basées sur la nature qui ont une composante éducative importante et favorisent une éthique de la conservation (p. ex., observation des oiseaux et des baleines, photographie en nature, étude botanique) (Weaver, 2002). En revanche, les programmes d’éducation à l’environnement proposés par les organismes de conservation de la nature s’adressent généralement aux enfants de la maternelle à la 12e année et s’inscrivent dans le cadre de leur programme scolaire. Dans l’ensemble, l’interprétation apporte des avantages importants aux participants par l’apprentissage et le plaisir, mais également aux milieux naturels, aux organismes de conservation, aux parcs et aux zones protégées, à la faune et à la société en général grâce à des attitudes éclairées, des comportements modifiés et des relations avec le lieu.

Histoire de l’interprétation de la nature au Canada

Au Canada, l’interprétation de la nature a commencé dans les parcs, les loisirs de plein air et les organismes municipaux. En réfléchissant à sa carrière dans les services publics, James Harkin (1957, p. 15), le premier commissaire des parcs nationaux au Canada, a affirmé que le Canada avait besoin « d’une opinion publique informée qui exprimera une protestation indignée contre toute vulgarisation de la beauté de nos parcs nationaux ». L’interprétation de la nature dans les parcs nationaux a commencé en 1887, deux ans après la création de ce qui allait devenir le parc national de Banff, lorsqu’un guide a organisé des randonnées d’interprétation dans la grotte inférieure des sources thermales. Le premier musée d’interprétation de parc a été créé à Banff en 1895 et les visites d’interprétation ont commencé dans les grottes de Nakimu, dans le parc national des Glaciers, en Colombie-Britannique, en 1905. En 1929, les parcs nationaux embauchent des guides de nature saisonniers, puis des guides de nature permanents en 1931. Dans les années 1940, Hubert Green fait pression sur le gouvernement fédéral pour qu’il consacre des fonds à l’éducation en matière d’environnement à Banff. Au cours des 20 années suivantes, il réussit à obtenir le soutien, le financement et les politiques nécessaires pour embaucher le premier naturaliste permanent en 1964 (Federation of Alberta Naturalists, 2005).

Outre les parcs nationaux, les programmes d’interprétation dans les parcs provinciaux de l’Ontario ont commencé en 1954. Alan Helmsley y est embauché en 1955, près de 10 ans après son premier été en tant que naturaliste saisonnier dans le parc provincial Algonquin. Sous la supervision de Helmsley, le programme d’interprétation de l’Ontario est reconnu mondialement, en plus d’être un leader dans les parcs canadiens, ceux-ci passant de deux à onze. La participation quadruple également de 1956 à 1964 (Killian, 1993). D’autres provinces et territoires suivent rapidement; les parcs provinciaux de l’Alberta embauchent leur premier naturaliste en 1968 pour établir un centre d’interprétation dans le parc provincial de Cypress Hills (Alberta Parks, 2018) et continuent à se développer au cours des 50 dernières années pour desservir aujourd’hui plus de 450 000 visiteurs par année (Alberta Parks, 2016).

Le premier centre d’interprétation du Service canadien de la faune se trouve en dehors des parcs nationaux et provinciaux et a ouvert ses portes en 1965 à Wye Marsh, près de Midland (Ontario). Interprétation Canada est un organisme national qui favorise le réseautage, le professionnalisme et l’embauche et il a été créé en 1977. De nombreuses municipalités canadiennes disposent désormais de centres d’interprétation de la nature et de programmes d’interprétation.

L’interprétation au Canada a souvent évolué en fonction des efforts de planification, des changements de politique, de l’embauche et de la formation des interprètes, des demandes des visiteurs et des nouvelles technologies. Ces changements se présentent en quatre phases (Hvenegaard et Shultis, 2016). La phase 1 est la familiarisation des visiteurs avec les caractéristiques les plus uniques et les plus majestueuses d’une région (par exemple, les sources thermales et les chutes d’eau) et les explications. Puis, au début des années 1960, comme le public étant de plus en plus sensibilisé à l’environnement, la phase 2 s’est concentrée sur le paysage dans son ensemble, sur les nombreuses relations entre les écosystèmes et sur les questions de gestion (par exemple, la surpopulation et les effets des loisirs sur l’environnement). Au début des années 1970, lors de la phase 3, l’interprétation commence à sensibiliser les visiteurs à l’écologie en se concentrant davantage sur les écosystèmes régionaux. Enfin, à partir des années 2000, la phase 4 voit les organismes d’interprétation se déplacer au-delà des sites pour atteindre des personnes qui n’ont pas visité les parcs et les sites naturels (par exemple, les jeunes, les nouveaux Canadiens, les minorités ethniques et les résidents urbains), en utilisant souvent des technologies qui s’améliorent rapidement, telles que les représentations en réalité virtuelle des aires de conservation éloignées et difficiles d’accès et les publications sur les médias sociaux pour atteindre les jeunes générations qui sont nées à l’ère du numérique. L’interprétation a peut-être changé au fil des décennies, mais les éléments de l’intendance et les approches plus larges au niveau des systèmes se sont maintenus tout au long des phases.

Pourquoi vouloir interpréter la nature? Est-ce que ça fonctionne?

Alors que l’homme détériore de plus en plus nos milieux naturels, il est de plus en plus important de communiquer efficacement sur les principes de gérance et l’éthique environnementale. Si l’éducation en matière d’environnement poursuit un objectif similaire, l’interprétation est unique dans son approche de provocation et se concentre sur l’apprentissage libre et les personnes dans des contextes de loisirs. Il existe donc de nombreuses raisons de tenter d’interpréter la nature.

Premièrement, l’interprétation a la capacité de susciter la passion des participants, d’influencer les valeurs, les attitudes et les comportements à l’égard de la durabilité et de l’intendance, et de sensibiliser le public aux questions environnementales et culturelles pertinentes (Stern et Powell, 2020). Les recherches montrent que l’interprétation permet d’améliorer considérablement la connaissance et la prise de conscience des questions environnementales. Par exemple, les connaissances des visiteurs sont passées de 37 % d’informations correctes avant une excursion de rafting dans le parc national du Grand Canyon à 60 % après la descente (Powell et coll., 2009). De même, plus des trois quarts des participants à une « discussion sur les animaux » au zoo de Wellington (Nouvelle-Zélande) ont amélioré leurs connaissances et ont pu se souvenir du message sur la conservation (MacDonald et coll., 2016).

Deuxièmement, de nombreux visiteurs veulent de l’interprétation parce qu’elle ajoute de la valeur à leur expérience. En général, les visiteurs des parcs s’attendent à la présence du personnel d’interprétation et l’apprécient. De plus, la participation à des programmes d’interprétation augmente la satisfaction des visiteurs (dans les parcs et dans presque tous les contextes) par rapport à ceux qui ne participent pas à un programme d’interprétation personnel (Ham et Weiler, 2007; Stern et coll., 2011). Plus de 80 % des visiteurs de la zone du bassin versant du canal de Panama se sont déclarés très satisfaits de leur expérience et ont été particulièrement satisfaits des présentations d’interprétation personnelle et des expositions (par rapport aux autres services ou à l’interprétation non personnelle). La satisfaction (découlant des programmes d’interprétation) a également augmenté les intentions comportementales pro-environnementales et les attitudes de conservation des visiteurs des centres de villégiature d’écotourisme (Lee et Moscardo, 2005).

Enfin, selon le contexte, l’interprétation relève des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ou des municipalités. Les objectifs et les approches d’interprétation sont donc façonnés par la législation et les politiques pertinentes. Par exemple, les parcs nationaux sont créés pour « le bénéfice, l’éducation et le plaisir » du peuple canadien (gouvernement du Canada, 1990 : 3). De même, la vision des parcs provinciaux de l’Alberta est d’« inspirer les gens à découvrir, valoriser, protéger et apprécier la nature » (gouvernement de l’Alberta, 2009). L’interprétation soutient les objectifs du parc en améliorant l’expérience des visiteurs, en renforçant les comportements d’intendance et en améliorant la sensibilisation et l’éducation. Ces résultats permettent de concrétiser les décisions concernant les politiques et la gestion (Hvenegaard et coll., 2023).

Malgré les nombreuses raisons d’offrir des possibilités d’interprétation de la nature, de nombreux participants potentiels se heurtent à des obstacles. La participation aux activités d’interprétation personnelle est parfois faible, représentant de 10 à 25 % des visiteurs (Stern et coll., 2011; Hvenegaard, 2011). Les contraintes sont notamment le temps disponible, la connaissance des programmes, l’accessibilité des renseignements, l’étape de la vie du participant potentiel, les perceptions concernant les choix de programmes, les activités concurrentes, le coût et le calendrier (Hvenegaard, 2017).

Études de cas au Canada

Il existe quelques études canadiennes sur l’efficacité de l’interprétation de la nature qui présentent des approches typiquement canadiennes. Dans la réserve de parc national Pacific Rim, en Colombie-Britannique, Randall et Rollins (2006) ont examiné le rôle des guides d’excursion en kayak dans l’éducation des visiteurs et l’influence sur les comportements. Environ 82 % des visiteurs guidés étaient des kayakistes moins expérimentés, tandis que 71 % des visiteurs non guidés étaient plus expérimentés. Pour les visiteurs des excursions non guidées, les scores de connaissances avant l’excursion (basés sur dix questions de type « vrai ou faux ») n’étaient pas différents des scores après l’excursion. Toutefois, pour les visiteurs des excursions guidées, les scores sont passés de 5,3 avant l’excursion à 6,5 après l’excursion. En ce qui concerne les comportements, les chercheurs ont demandé aux visiteurs guidés s’ils étaient pour ou contre la politique, voire indifférents à celle-ci, encourageant les visiteurs à renoncer volontairement à la pêche lors de leurs voyages en raison des potentielles répercussions sur la population de sébastes menacée. Les visiteurs étaient plus enclins à appuyer la politique empêchant la pêche à la suite de commentaires des guides que si ceux-ci n’en parlaient simplement pas. Dans l’ensemble, les guides touristiques ont contribué à développer les connaissances et à façonner les comportements des visiteurs.

Bueddefeld et coll. (2023) ont développé du matériel d’apprentissage et des ressources post-visite et ont défini des résultats d’interprétation pour le parc national Elk Island, en mettant l’accent sur la coexistence de l’homme et de la faune. En raison des restrictions entraînées par la pandémie de COVID-19, l’équipe de recherche a utilisé une technologie numérique innovante pour produire une vidéo d’interprétation en ligne pour aider les visiteurs à comprendre comment coexister avec la faune sauvage dans le parc en toute sécurité. La vidéo a suivi les méthodes d’interprétation dialogique narrative et les quatre étapes de l’arc du dialogue : (1) créer une communauté; (2) discuter d’expériences personnelles; (3) explorer les expériences des autres et (4) synthétiser et conclure. Les connaissances des visiteurs se sont bien améliorées après avoir visionné la vidéo, tout comme leur probabilité d’adopter des comportements favorables à l’environnement, comme se tenir à distance sécuritaire de la faune. Cette vidéo d’interprétation a été un succès et devrait inciter d’autres interprètes à utiliser la narration dialogique et les outils numériques.

Hvenegaard (2017) a examiné l’utilisation et les perceptions des programmes d’interprétation au parc provincial du Lac-Miquelon, en Alberta. Parmi les visiteurs, 85 % ont reconnu que les programmes d’interprétation étaient importants pour la mission d’Alberta Parks et 68 % ont reconnu que les programmes d’interprétation augmentaient la valeur de leur expérience. Les visiteurs ont mentionné qu’ils participaient aux programmes d’interprétation parce qu’ils pensaient qu’ils seraient utiles aux membres de leur groupe, qu’ils seraient divertissants, qu’ils seraient éducatifs, qu’ils permettraient d’apprendre quelque chose sur un sujet particulier et que « c’était une activité à faire dans le parc ». La plupart des participants (> 80 %) étaient d’accord ou tout à fait d’accord pour dire que les programmes d’interprétation ont contribué à accroître leurs connaissances sur la nature du parc, l’intérêt à participer à d’autres programmes, l’appréciation du parc et d’Alberta Parks. Cook et coll. (2021) ont étendu cette étude au parc provincial de la vallée de Bow, au parc provincial William A. Switzer et au parc provincial du Lac-Miquelon. Les visiteurs ont à nouveau fait état d’une grande satisfaction à l’égard des programmes. La plupart d’entre eux ont indiqué de plus grandes connaissances et une plus grande compréhension des questions environnementales et près de 80 % des personnes interrogées ont remarqué un changement d’attitude positif.

Dans le parc national de Banff, Macklin et coll. (2010) ont examiné les effets de l’interprétation novatrice (p. ex., des jeux d’improvisation théâtrale) sur le plaisir des enfants et leur perception de l’apprentissage (voir Hvenegaard et coll., 2008). Les activités d’improvisation ont été les préférées des enfants parce qu’elles combinaient plaisir, activité physique, créativité, défis, dynamique de groupe positive et nouveauté. Cependant, les activités dont les enfants ont le plus appris sont les excursions plus traditionnelles dirigées par des interprètes et les conversations sur la nature, qui incluent la sensibilisation sensorielle, l’implication physique, l’interaction guidée, la collaboration avec les pairs et des messages simples. Il est clair que les enfants ont besoin d’une combinaison d’approches adaptées.

Kath (2009) décrit un programme d’éducation dans le sud de l’Alberta qui permet de sensibiliser les parties prenantes aux espèces envahissantes. La composante la plus efficace était une activité autour d’un feu de camp en soirée où l’on distribuait des bouquets d’herbes envahissantes « attrayants » avant de les inviter à jeter les herbes dans le feu pour représenter symboliquement leurs efforts de « purger le parc de ses mauvaises herbes » (p. 12).

La recherche de Wolfe (1997) met en lumière quelques études canadiennes moins récentes. Dans la région de Kananaskis, en Alberta, une campagne d’affiches innovantes illustrant des fleurs couramment cueillies (par exemple, « Wanted ALIVE not dead ») a permis de réduire de 50 % le nombre de visiteurs réprimandés par le personnel du parc pour avoir cueilli des fleurs. En proposant des randonnées d’interprétation guidées dans la zone d’accès limité du parc provincial Dinosaur, en Alberta, le nombre de visiteurs non autorisés observés dans ces zones a diminué de près de 90 % (Wolfe, 1997).

Comment l’interprétation de la nature peut-elle devenir plus efficace?

En plus de l’utilisation de diverses théories pour comprendre les mécanismes à l’œuvre dans l’interprétation de la nature (Hvenegaard et Shultis, 2016), deux revues systématiques récentes soulignent la valeur de l’interprétation et la nécessité de continuer à en élargir la compréhension et les pratiques (He et coll., 2022; Kidd et coll., 2019). Des chercheurs ont souligné le besoin de disposer d’outils de communication innovants en raison des lacunes des stratégies actuelles et des résultats prometteurs d’études récentes (He et coll., 2022; Byerly et coll., 2018; Kidd et coll., 2019; Skibins et coll., 2012). Les possibilités d’élargir et d’améliorer les pratiques d’interprétation comprennent l’intégration de programmes et de messages fondés sur la théorie, la segmentation du public, l’évocation des répercussions émotionnelles, la fourniture de ressources pour agir après la visite, la sollicitation d’engagements et de promesses auprès des visiteurs et l’utilisation de la réalité virtuelle et de la réalité augmentée. Les deux études indiquent le besoin de mener des recherches plus approfondies et de se concentrer sur les résultats longitudinaux de l’interprétation, ainsi que sur une meilleure compréhension des divers participants et de leurs expériences. De tous ces éléments ressortent une orientation pour l’avenir et des possibilités d’amélioration. Voici quelques précisions sur deux sujets à prendre en compte.

  1. S’appuyer sur les valeurs, les émotions et les programmes fondés sur l’éthique. Blye et ses collègues (2023) ont étudié le rôle des émotions (parmi d’autres facteurs psychologiques) pour mieux comprendre ce qui influence les comportements en faveur de l’environnement des visiteurs de parcs qui ont participé à un programme d’interprétation en personne dans les parcs provinciaux de l’Alberta. Les émotions (positives et négatives) ont influencé de manière significative la probabilité que les visiteurs adoptent des comportements pro-environnementaux. Un sentiment de fierté inspiré par des changements environnementaux positifs grâce à l’action peut être très motivant pour les gens et encourager un engagement nouveau ou renouvelé en faveur de comportements pro-environnementaux (Blye et coll., 2023). Les programmes d’interprétation peuvent utiliser notre peur de l’avenir des milieux naturels ou notre culpabilité envers les répercussions de nos comportements sur la nature (comme la vitesse des changements climatiques) pour soutenir les changements. Réfléchissez à ce que vous ressentez après avoir vu des images d’animaux prisonniers de déchets. Votre sentiment de culpabilité vous incite-t-il à vous débarrasser correctement de vos déchets? Pensez aussi à la campagne (trop) réussie de « Smoky the Bear » et à la peur qui en a découlé, à savoir que tout feu est mauvais et qui a donné lieu à des décennies de pratiques de lutte active contre les incendies qui ont contribué à l’intensification des feux de forêt. La réaction de peur peut être très puissante. Toutefois, il est très important de veiller à ce que les émotions négatives soient appuyées par des suggestions de changements positifs et de comportements réalisables (Whitburn et coll., 2020), sans quoi les visiteurs peuvent vivre des sentiments d’inaction et d’apathie, qui peuvent mener au désespoir. En plus de susciter des émotions, l’interprétation permet d’éduquer et d’apporter des solutions, si possible.
  2. Mettre l’accent sur les innovations et les engagements (aller au-delà de l’éducation). Les parcs, les organismes de conservation, les zoos et les organismes d’écotourisme ont récemment commencé à utiliser les promesses et les engagements comme outil pour faire changer les comportements (Ballantyne et coll., 2018). L’utilisation de promesses d’engagement permet de combiner une communication persuasive avec des actions d’engagement, qui se sont toutes deux avérées efficaces pour influencer les comportements pro-environnementaux (Byerly et coll., 2018; He et coll., 2022). Mann et ses collègues (2018) ont demandé aux visiteurs d’une exposition sur la faune sauvage d’écrire des « promesses » de comportements pour aider à soutenir les manchots et leur environnement (par exemple, utiliser moins d’eau, choisir des fruits de mer durables et réduire la consommation d’électricité). Près de la moitié des participants se sont souvenus de leur promesse plus d’un an plus tard et ont affirmé l’avoir tenue. Les visiteurs qui avaient inscrit des mesures plus spécifiques étaient plus susceptibles de se souvenir de leurs promesses et de les tenir, contrairement à ceux qui ont écrit des déclarations plus générales du type « s’occuper des manchots et des animaux ». Une autre étude réalisée en Australie, en Nouvelle-Zélande et aux États-Unis s’est penchée sur l’utilisation des zoos de sites Web spécialement conçus pour soutenir les visiteurs après leur visite (Ballantyne et coll., 2018). Les sites Web ont fourni un contenu basé sur les expériences sur le terrain et les programmes d’interprétation, tout en favorisant un engagement continu et une volonté d’en apprendre plus sur la faune et la flore. Ces sites Web offraient la possibilité de s’engager à adopter des comportements pro-environnementaux spécifiques (p. ex., ramasser au moins un déchet par jour et utiliser des sacs réutilisables). Les participants qui ont visité les sites Web ont décrit l’engagement comme étant motivant et utile. Ils ont également davantage augmenté leurs comportements pro-environnementaux que ceux qui ne les ont pas visités (Ballantyne et coll., 2018).

Conclusion

L’interprétation de la nature améliore l’expérience des visiteurs et soutient une gestion efficace des sites de conservation de la biodiversité. Malgré tout, l’interprétation de la nature est confrontée à de nombreux défis. L’interprétation est souvent sous-financée, ce qui diminue sa capacité d’atteindre ses objectifs. Dans de nombreux cas, le secteur de l’interprétation est le premier à connaître des restrictions budgétaires et le dernier à voir un rétablissement de son financement. Le personnel d’interprétation est souvent relégué à des postes saisonniers et à temps partiel, plutôt qu’à des postes permanents et à temps plein. De plus, de nombreux sites qui proposent des activités d’interprétation de la nature intègrent mal l’interprétation dans la planification et la gestion des activités de l’organisme et de nombreux organismes n’ont pas été en mesure d’évaluer pleinement l’interprétation afin de déterminer les relations de cause à effet pour certains programmes et techniques d’interprétation. De même, de nombreux membres du personnel de première ligne et de supervision ne connaissent pas les études publiées sur l’efficacité de l’interprétation. De plus, de nombreux gestionnaires de sites chargés des budgets n’ont pas d’expérience ou d’appréciation des avantages potentiels de l’interprétation.

Afin d’améliorer les avantages de l’interprétation de la nature et d’être en mesure de l’apprécier, le secteur a plusieurs besoins. Premièrement, les interprètes de la nature et les chercheurs peuvent s’engager dans une recherche plus large, basée sur des cadres théoriques solides, pour évaluer l’efficacité des différentes techniques. Deuxièmement, les interprètes de la nature devraient s’engager dans des programmes éducatifs hors site afin de développer de nouvelles relations entre la nature et les visiteurs actuels et futurs. Troisièmement, les interprètes doivent chercher à intégrer leur travail dans tous les aspects des activités d’un site. En fait, tout le personnel du site peut être interprète dans un certain sens. Finalement, les interprètes devraient collaborer avec tous les secteurs de l’interprétation et de l’environnement afin d’améliorer la synergie et les résultats (Ostrem et Hvenegaard, 2023).

En conclusion, l’interprétation de la nature peut fournir aux visiteurs, aux touristes, aux animateurs de loisirs et aux résidents des renseignements et des expériences significatives qui leur permettront de mieux connaître et comprendre les milieux naturels et d’établir un lien entre ces expériences et la vie moderne. La réalisation de cet objectif aidera les gens à mieux apprécier le patrimoine naturel et culturel de leur région, à vouloir poursuivre leur apprentissage et à transférer ces valeurs et cette expérience dans leur vie quotidienne. Même si elle ne peut être le seul mécanisme permettant de transformer les gens en citoyens engagés et attentifs, l’interprétation de la nature, et les techniques connexes d’éducation à l’environnement et de guide touristique, semble être la meilleure approche dont nous disposons pour apporter des changements aussi substantiels au niveau individuel et sociétal dans les zones protégées.

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À propos des auteur.e.s

Glen T. Hvenegaard

Université de l’Alberta

Glen Hvenegaard est professeur en science de l’environnement au campus Augustana de l’Université de l’Alberta à Camrose, en Alberta. Il étudie les interactions entre l’humain et la nature, en particulier sur l’interprétation, les parcs, les oiseaux, le tourisme basé sur la nature et la durabilité rurale. Il est corédacteur de Parks and Protected Areas: Mobilizing Knowledge for Effective Decision-Making (2021) et de Tourism and Visitor Management in Protected Areas: Guidelines for Sustainability (2018).

Clara-Jane Blye

Université Dalhousie

Clara-Jane Blye est membre de la faculté de gestion des loisirs de l’Université Dalhousie. Ses recherches portent sur la politique des loisirs en plein air, la gestion des parcs, la psychologie de l’environnement et les relations avec la nature. Elle utilise des méthodes de recherches mixtes et son travail est fortement axé sur l’application. Elle a travaillé avec des ONG et des agences de gestion des parcs pour élaborer des recherches théoriques et pratiques qui alimentent les politiques et les stratégies. Elle étudie actuellement les expériences des nouveaux arrivants qui visitent le parc national d’Elk Island.

Elizabeth Halpenny

Université de l’Alberta

Elizabeth Halpenny travaille à la Faculté de kinésiologie, du sport et des loisirs de l’Université de l’Alberta. Elle enseigne et mène des recherches dans les domaines du tourisme, du marketing, de la psychologie de l’environnement et de la gestion des zones protégées. Ses recherches portent sur les expériences des visiteurs et la gérance de l’environnement. Ses projets actuels portent sur l’utilisation récréative et la gestion des aires naturelles, l’agrotourisme et la conservation des médias sociaux liés au tourisme et aux changements climatiques. Elle a obtenu son doctorat en études des loisirs à l’Université de Waterloo en 2006.

 

Icône de la licence Creative Commons Attribution – Pas d’utilisation commerciale – Partage dans les mêmes conditions 4.0 International

L’article Interprétation de la nature (2024), par Glen T. Hvenegaard, Clara-Jane Blye et Elizabeth Halpenny, est distribué sous la licence Creative Commons Attribution – Pas d’utilisation commerciale – Partage dans les mêmes conditions 4.0 International, sauf indication contraire.

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4.

TOURISME D’AVENTURE AU CANADA

Robert Vranich, Jerry Isaak et James Rodger

Tour d’horizon

Les vacances offrent l’occasion de rompre avec la routine quotidienne. Certains optent pour le luxe et la détente dans une station balnéaire ou en croisière dans les Caraïbes. D’autres en font une expérience éducative ou une immersion culturelle. Pour bon nombre, les voyages inoubliables sont imprégnés d’aventure. Il n’est donc pas surprenant que le tourisme commercial se soit adapté au cours des dernières décennies pour répondre aux besoins et aux désirs des voyageurs en quête d’explorations.

Les gens ont leurs propres conceptions d’une aventure parfaite. Le volet aventure de l’industrie touristique mondiale très diversifié propose toute une gamme d’activités, allant de courtes excursions en paravoile et des sauts à l’élastique aux expéditions fluviales de plusieurs jours et aux ascensions guidées du mont Everest. Cette variété d’offres reflète, en partie, la taille impressionnante et la croissance continue du secteur. En 2014, le marché du tourisme d’aventure était estimé à 263 milliards $ US (OMT, 2014), dépassant les 900 milliards en 2020 pour atteindre 1,16 billion d’ici 2028 (ATTA, 2020).

Le potentiel économique du tourisme d’aventure est énorme. Les passionnés d’aventure dépensent plus pour leurs expériences que les autres touristes pour leurs voyages et activités (ATTA, 2022). Néanmoins, le Canada reste à la traîne à mesure que la concurrence mondiale s’intensifie dans ce marché lucratif. Selon l’Adventure Tourism Development Index (2020), il se classe au septième rang mondial des pays développés ayant un fort potentiel de compétitivité dans le tourisme d’aventure. Cependant, depuis 2016, le pays régresse dans le classement des destinations prisées pour les voyageurs d’aventure. De nouveaux projets gouvernementaux, comme la stratégie fédérale pour la croissance du tourisme et d’autres démarches similaires provinciales et municipales, visent à rectifier le tir par l’augmentation d’investissements publics et privés dans l’industrie canadienne du tourisme. De telles stratégies misent sur la richesse touristique pour stimuler l’économie et la création d’emplois dans toutes les régions du pays. Le tourisme d’aventure connaît une croissance exponentielle et est un des secteurs de l’industrie les plus lucratifs au monde. Il sera la clé pour la prospérité du milieu au Canada.

Le présent chapitre présente le contexte des récentes évolutions. Il présente d’emblée une réflexion sur la notion du tourisme d’aventure et sur son évolution comme secteur unique de l’économie touristique. S’ensuivent une courte section décrivant la situation actuelle au Canada et une autre résumant certains défis et problèmes auxquels font face le secteur et les acteurs au pays.

Qu’est-ce que le tourisme d’aventure?

Les définitions sont multiples, mais ne s’accordent pas. La plupart sont très générales et ne définissent guère le tourisme d’aventure ou les caractéristiques. Par exemple, Destination BC, organisme responsable de la promotion de destinations en Colombie-Britannique, définit le tourisme d’aventure comme une activité qui présentent un risque et un défi (Destination BC, 2014, p. 1). Les activités sont réparties en deux catégories : l’aventure dure et l’aventure douce. Les aventures dures comme le rafting et l’héliski exigent plus d’expérience, une bonne condition physique et un engouement pour le risque et les défis plus élevés que les aventures plus douces comme l’observation de la faune et de la flore ou les tours en télécabine. Bien que risques et défis accompagnent une telle expérience, ils n’expliquent ni ne définissent ce qu’est le tourisme d’aventure et les particularités.

L’Adventure Travel Trade Association (ATTA), groupe de pression mondial pour l’industrie des voyages d’aventure, propose sa définition générale. Elle soutient que le tourisme d’aventure implique un voyage qui comprend au moins deux des trois facteurs suivants : activité physique, environnement naturel et immersion culturelle (OMT, 2014, p. 10). Bien que la définition n’exige que deux des trois composantes, les voyages qui les intègrent toutes offrent généralement aux touristes l’expérience d’aventure la plus enrichissante, par exemple, un voyage au Pérou proposant randonnée d’aventure (activité physique) sur les sentiers du Machu Picchu (environnement naturel) et interaction avec les locaux ou les peuples autochtones (immersion culturelle). Cela dit, selon la définition de l’ATTA, une visite à pied (activité physique) des anciennes ruines de Rome (immersion culturelle) serait aussi du tourisme d’aventure.

Pour parvenir à une définition plus claire du tourisme d’aventure, il faut d’abord préciser ce qu’est le tourisme, et la classification des différentes catégories. Le tourisme comporte généralement une organisation commerciale et des voyages à des fins de loisirs et d’affaires. L’industrie se compose de cinq secteurs d’activité : l’hébergement, le transport, la restauration, les services de voyage et les attractions, divertissements et loisirs (Goeldner et Ritchie, 2011). Le secteur des attractions, divertissements et loisirs est lui-même composé de cinq catégories d’incontournables : attractions culturelles (musées, galeries d’art, sites archéologiques), attractions naturelles (parcs nationaux, plages, aurores boréales), événements (festivals, compétitions sportives, salons), loisirs (golf, randonnées, visites touristiques) et divertissements (parcs thématiques, centres commerciaux, casinos). Cette classification est souvent utilisée pour définir tout type de tourisme. Par exemple, des vacances de golf peuvent être qualifiées de « tourisme de golf », la participation à un festival de musique de « tourisme de festival » et une dégustation de vin de « tourisme gourmand ». Le tourisme d’aventure serait donc un ensemble d’activités récréatives et d’attractions naturelles ou, plus précisément, d’une organisation commerciale et des visites et des activités guidées et non guidées dont l’attrait principal est une forme aventureuse de loisirs dans la nature (Hudson, 2003; Buckley, 2006; Varley, Taylor et Johnson, 2013; Huddart et Stott, 2020).

Dans un milieu naturel et unique en son genre, les activités récréatives en plein air comme la randonnée, le traîneau à chiens, le rafting, le saute-mouton, le kayak de mer, le ski et l’alpinisme permettent aux touristes d’aventure de vivre une expérience extraordinaire (Priest, 1990; Varley, 2013). L’aventure en plein air tend à susciter de vives émotions sous la forme d’excitation et de sensations fortes dans une activité comme le saut en parachute en tandem, ou du calme et de la sérénité lors d’une descente en kayak sur une rivière ou un lac calme et pittoresque. Des activités récréatives de plein air deviennent aventureuses lorsque le risque est élevé et est assumé par les participants et les organisateurs (Krein, 2007).

Cette notion comprend les dangers naturels, humains et opérationnels associés à une expérience d’aventure, ainsi que le risque perçu, ou le sentiment de danger ressenti. Par exemple, un voyage d’alpinisme ou une excursion en kayak en eaux vives sont risqués en raison des dangers associés à l’ascension de montagnes isolées ou à la descente de rivières tumultueuses. En revanche, le saut à l’élastique et la balançoire en canyon sont plus sûrs en raison de l’environnement contrôlé. Les activités dites extrêmes, comme le saut en parachute en tandem, sont souvent considérées comme plus risquées que la réalité. Réel ou perçu, le risque doit être géré, atténué et manipulé par l’opérateur et le guide pour que le touriste ressente à la fois sécurité et sueur froide (Holyfield, 1999; Fletcher, 2010; Urry, 2013).

La popularité d’une expérience d’aventure est également liée au niveau de difficulté (Buckley, 2007). Les activités d’aventure commerciales les plus prisées sont les circuits en groupe à faible risque pour monsieur madame Tout-le-Monde, qui se déroulent dans des destinations accessibles comme Whistler (Colombie-Britannique), Banff (Alberta) et Mont-Tremblant (Québec). Inversement, lorsque la difficulté technique et le niveau d’expérience requis pour une activité augmentent et que le lieu est plus éloigné, l’activité tend à être plus risquée, plus coûteuse et plus longue. Par exemple, une excursion en tyrolienne à Whistler avec Ziptrek Ecotours ne nécessite aucune aptitude physique, dure environ deux heures, se déroule en grands groupes plusieurs fois par jour et coûte environ 200 $ CA par personne. En revanche, une descente en canoë de la rivière Thelon, au Nunavut, avec Jackpine Paddle, requiert des aptitudes en pagaie, dure environ deux semaines, n’est organisée en petits groupes qu’une ou deux fois par été et coûte plus de 10 000 $ CA par personne. Sans surprise, plus de personnes s’adonnent à la tyrolienne à Whistler en un seul après-midi que de personnes à une descente de la rivière Thelon en un été.

Développement du tourisme d’aventure au Canada

Ce n’est qu’au début des années 1990 que le tourisme d’aventure a été reconnu comme un secteur distinct de l’industrie mondiale. Or, ses racines historiques remontent à plus de 200 ans. À la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle, le romantisme européen donne naissance à une nouvelle façon d’embrasser et d’apprécier la nature. Les paysages sauvages, plutôt que d’être considérés comme des éléments à apprivoiser ou à exploiter, sont désormais des lieux d’une grande beauté naturelle et des terrains de jeu pour la classe européenne s’adonnant aux loisirs. Les villages montagneux comme Chamonix, en France, deviennent dès lors des destinations touristiques très prisées qui attirent un afflux de visiteurs qui viennent admirer le Mont-Blanc et marcher sur le célèbre glacier de la mer de Glace. Ce nouvel engouement pour la nature sauvage et sublime touche également l’Amérique du Nord et une version du Grand Tour si populaire au sein de l’élite européenne s’y impose. Les monts Adirondack, la vallée du Saint-Laurent, les chutes du Niagara et Algonquin Highlands deviennent des destinations touristiques populaires le long du réseau ferroviaire en expansion dans l’est de continent (Jasen, 1995).

Le tourisme de nature s’étendra à l’ouest du Canada avec l’achèvement du chemin de fer du Canadien Pacifique en 1885. La compagnie construit des hôtels luxueux dans les parcs nationaux récemment créés, comme Banff (les Rocheuses) et Glacier (chaîne Columbia), et fait même appel à une équipe de guides de montagne suisses pour accompagner les visiteurs canadiens et étrangers dans des excursions de randonnée et d’escalade dans les parcs montagneux (Hart, 1983; Robinson et Slemon, 2016). D’autres services de guides et de pourvoiries voient le jour dans d’autres destinations touristiques populaires et les alentours, qui sont accessibles partout au pays, comme dans les régions de Temagami et d’Algonquin dans le centre de l’Ontario. Cependant, ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale que se développe une industrie touristique canadienne autour de la nature.

Dans les années 1950 et 1960, les loisirs en plein air ont gagné en popularité auprès d’un plus grand public au Canada. L’après-guerre laisse place à un degré de prospérité et de liberté personnelle sans précédent pour beaucoup : une économie en plein essor, de nouvelles technologies et les droits du travail laissent à la population canadienne plus de temps libre. De plus, l’automobile permet une mobilité sans précédent. Par conséquent, les personnes se consacrent davantage à la quête de loisirs et d’aventures en dehors de la ville. Une « vague de loisirs en plein air » déferle sur les centres urbains du Canada, entraînant une demande aux quatre coins du pays de « ressources récréatives » comme les parcs nationaux et provinciaux, les terrains de camping, les motels, les stations de ski, les centres de villégiature en pleine nature et les services de guide et de pourvoirie (Killan, 1993; Wilson, 1991).

Les autorités fédérales et provinciales ont comblé la forte demande de services et d’infrastructures liés au voyage et au tourisme et axés sur la nature en développant les réseaux de parcs provinciaux et nationaux et en consacrant davantage de fonds au développement et à la commercialisation de l’industrie. Le secteur privé a pris les devants en créant des services de guide et de pourvoirie. Bon nombre d’entreprises en tourisme d’aventure les plus prospères au Canada à ce jour ont été créées dans la foulée de l’explosion des loisirs en plein air de l’après-guerre. Citons notamment Canadian Mountain Holidays, Mike Wiegele Helicopter Skiing, Yamnuska Mountain Adventures, Canadian River Expeditions, Blackfeather Adventures et Wilderness Tours.

Le paysage contemporain

Depuis les années 1970, le tourisme d’aventure progresse avec peu de soutien et d’intervention de la part des autorités fédérales et provinciales au Canada. L’expansion des réseaux de parcs provinciaux et nationaux a favorisé la croissance des formes privées et commerciales de loisirs de plein air partout au pays. Néanmoins, contrairement à la Nouvelle-Zélande, où les autorités fédérales ont encadré le développement du secteur, leurs homologues canadiens ont adopté une approche plus passive. Par conséquent, le secteur canadien du tourisme d’aventure est essentiellement autoréglementé. Plutôt que de se conformer à un ensemble de réglementations et de lignes directrices fédérales sur la sécurité, les acteurs du milieu ont tendance à établir leurs propres normes de sécurité, leurs pratiques exemplaires et leurs processus de certification, souvent en collaboration avec des associations professionnelles comme la British Columbia River Outfitters Association ou des organismes de guides comme l’Association canadienne des guides de montagne et Aventure Ecotourisme Québec. Le bémol de ce manque général de contrôle fédéral et provincial entraîne une grande variabilité dans la qualité des expériences de tourisme d’aventure au pays, ainsi que dans les compétences et la formation des guides du milieu. Les conséquences nuisent donc à la protection des personnes et de l’environnement.

Malgré cette lacune et la récente chute du Canada dans le classement mondial, le secteur demeure florissant. Cependant, il est difficile d’étayer cette affirmation par des statistiques économiques. Les provinces et territoires ne font pas tous la distinction entre les dépenses liées au tourisme traditionnel et celles liées au tourisme d’aventure. L’utilisation de différentes définitions du tourisme d’aventure pour estimer ou calculer l’impact économique du secteur complique la situation. Les chiffres qui incluent les revenus générés par les voyages privés à des fins de loisirs en plein air seront à coup sûr plus importants que ceux qui portent exclusivement sur les activités commerciales de tourisme d’aventure. Les estimations générales de la valeur du tourisme d’aventure (voir ci-dessus) tendent à inclure tous les voyages indépendants liés à des activités récréatives de plein air privées ou commerciales, les revenus des voyages d’aventure organisés, les revenus associés aux activités d’aventure sur place (les stations de ski). Elles regroupent également la plupart des revenus générés par les entreprises auxiliaires liées au tourisme d’aventure, provenant de l’équipement récréatif, des vêtements de marque d’aventure, ainsi qu’une part importante du marché des biens immobiliers lié à la migration d’agrément (Buckley, 2010). Cette formule n’a pas encore été appliquée aux calculs de la valeur du secteur du tourisme d’aventure au Canada. Toutefois, les autorités provinciales de la Colombie-Britannique ont utilisé une formule similaire pour calculer la valeur de leur économie dans le secteur. La dernière étude réalisée dans la province a révélé que les recettes annuelles du tourisme d’aventure dépassaient 1,2 milliard $ CA. Les revenus ont permis de soutenir 2 200 entreprises et plus de 21 000 employés (Destination BC, 2014).

Le tourisme d’aventure en Colombie-Britannique doit son essor à la géographie physique unique du territoire. Un long littoral, plusieurs chaînes de montagnes enneigées, des centaines de rivières et de lacs sauvages, des forêts denses et une faune abondante en font une destination rêvée pour les aventureux. De plus, la géographie et le climat de la Colombie-Britannique offrent des conditions naturelles optimales pour la pratique de nombreuses activités récréatives de plein air, comme le ski, la planche à neige, le vélo de montagne, la randonnée, l’alpinisme, l’escalade, le surf, la planche à pagaie, le kayak de mer, le kayak en eaux vives et le rafting. C’est évidemment pourquoi la province est souvent classée par de nombreuses publications comme l’une des meilleures destinations de tourisme d’aventure de la planète.

Sans surprise, de nombreuses « capitales de l’aventure » au Canada sont en Colombie-Britannique. Ces destinations prisées offrent une grande variété de circuits d’aventure, avec ou sans encadrement, à longueur d’année. Parmi les incontournables au Canada, nommons les villes montagneuses de Whistler, Squamish et Revelstoke, ainsi que les collectivités côtières de Tofino et Ucluelet. Banff et Jasper en Alberta, Waskesiu Lake en Saskatchewan, les régions de Muskoka, Temagami et Algonquin dans le centre de l’Ontario, et Mont-Tremblant au Québec se démarquent également. S’y rendre est assez simple en raison de la proximité avec les centres métropolitains et les aéroports internationaux ou régionaux très fréquentés.

La prospérité économique et la popularité des capitales canadiennes de l’aventure ont encouragé d’autres destinations similaires à se rebaptiser « destinations d’aventure » ou à mousser la promotion auprès des voyageurs aventureux. Par exemple, depuis une décennie, les chutes du Niagara, en Ontario, l’une des toutes premières destinations touristiques au Canada, et parmi les plus connues, sont devenues une destination de tourisme d’aventure. Outre les attractions naturelles, les casinos, les vignobles et les parcs thématiques, la ville de Niagara Falls et sa grande région offrent désormais des expériences en vogue : descente de rapides en canot motorisé, tyrolienne et parachutisme en tandem. Dans les Maritimes, la Nouvelle-Écosse s’est récemment classée comme destination d’aventure quatre saisons, offrant une panoplie de circuits allant du surf, du cyclisme, de l’observation des baleines et du rafting dans les mascarets, au ski de fond et au ski alpin, à la motoneige et à la pêche sur glace. Par ailleurs, municipalités, provinces et territoires aux quatre coins du pays s’emploient activement pour promouvoir leur image de marque.

L’avenir du tourisme d’aventure au Canada

Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux du Canada ont reconnu le potentiel économique du secteur du tourisme d’aventure. Tout laisse donc croire que la croissance restera forte. Malgré le bon présage, les défis demeurent nombreux. La dernière section du chapitre met en évidence quatre principaux défis auxquels le secteur est confronté aujourd’hui. Certains sont communs au tourisme d’aventure dans l’ensemble, tandis que d’autres sont propres à la réalité canadienne.

Au Canada, le milieu doit composer avec des enjeux de ressources humaines. Les organisateurs de voyages d’aventure se heurtent à différents problèmes : pénuries de main-d’œuvre, guides sous-qualifiés et roulement continuent du personnel, depuis bien avant que les répercussions économiques de la pandémie de COVID-19 n’exacerbent la situation. Les faibles salaires et le travail saisonnier contribuent au taux élevé de rotation. De nombreux guides d’aventure quittent le milieu à la recherche d’« emplois stables » après seulement quelques saisons d’été ou d’hiver. Ceux qui restent pendant plus de deux ans parviennent à travailler toute l’année, soit en alternant les saisons d’été et d’hiver au même endroit, soit en trouvant un emploi hors saison à l’étranger. La forte rotation du personnel coûte du temps et de l’argent investis dans l’embauche et la formation. La baisse récente des inscriptions ou tout bonnement l’annulation de nombreux programmes post-secondaires en loisirs et en récréation au Canada ne fait qu’aggraver les choses. Il y a un manque criant de candidats qualifiés pour les emplois dans le tourisme d’aventure au Canada. Certains employeurs se sont donc tournés vers les bassins de main-d’œuvre immigrante pour pourvoir les postes. La formation et la fidélisation du personnel sont désormais des priorités absolues pour la plupart des organisateurs de voyages d’aventure au pays.

Qui plus est, le secteur souffre d’un problème de culture du lieu de travail associée au tourisme d’aventure. L’environnement de travail a longtemps dominé par des hommes blancs. Les femmes ont lutté au fil des ans pour s’imposer dans cette sphère très masculine et parfois misogyne. Il en est de même pour les peuples autochtones et les autres minorités raciales et ethniques. Alors que de nombreuses industries ont adopté des pratiques d’embauche et de nouvelles politiques sur le lieu de travail pour promouvoir l’équité, la diversité, l’inclusion et la décolonisation, le tourisme d’aventure au Canada demeure à la traîne. De nombreuses entreprises ont changé leur culture en intégrant les principes d’équité, de diversité, d’inclusion et de décolonisation dans leurs politiques organisationnelles et leurs pratiques certes, mais la route est longue.

Par ailleurs, l’industrie est depuis longtemps exposée à la menace d’une surexploitation (surtourisme) des sites les plus populaires. Ce problème est souvent appelé le paradoxe du tourisme de nature. Plus un milieu naturel est prisé, plus il risque de subir une dégradation environnementale; plus il subit une dégradation environnementale, plus il perd en popularité. Le développement durable des sites touristiques d’aventure est depuis longtemps une priorité du secteur, mais le problème a été aggravé ces dernières années par l’ère du numérique de la vie moderne et l’essor des médias sociaux. Les touristes d’aventure consultent de plus en plus les médias sociaux pour choisir voyage et destination. Une simple photo sur Facebook ou Instagram, ou un gazouillis captivant peuvent offrir une inspiration soudaine pour le voyage et l’aventure. Pourtant, si les médias sociaux rapportent à l’économie du tourisme d’aventure, ils peuvent aussi provoquer une croissance non durable et une dégradation de l’environnement lorsque des visiteurs affluent vers un site « instagrammable ». Prenons le parc provincial Joffre Lakes, en Colombie-Britannique, doté d’un trio spectaculaire de lacs de montagne entourés de pics enneigés et de glaciers suspendus. En 2015, la fréquentation a augmenté de 250 % après la publication par des touristes de photos du paysage devenues alors virales (de l’Église, 2019). L’afflux de visiteurs qui s’en est suivi a laissé place à des détritus et provoqué l’érosion des sentiers. Pour atténuer les répercussions, BC Parks a réorganisé le réseau de sentiers de randonnée pour élargir l’accès, mais a par le fait même transformé un « joyau caché » en une attraction touristique très fréquentée. C’est pourquoi le développement touristique durable requiert une planification minutieuse et une réflexion approfondie.

De surcroît, on ne pourrait pas passer outre sans parler de la crise climatique. Le réchauffement climatique menace la planète entière : augmentation du niveau des océans, changements météorologiques, fonte des glaciers et de la calotte polaire, blanchissement des récifs coralliens, feux de forêt et ouragans de plus en plus fréquents et violents. Les acteurs du tourisme d’aventure ne sont pas à l’abri des changements climatiques. La baisse des températures dans l’Arctique et la fonte accélérée des glaces des mers polaires ont entravé les excursions d’observation d’ours polaire à Churchill, au Manitoba, la capitale canadienne de cet animal captivant. Des hivers plus chauds et des chutes de neige moins abondantes ont miné le secteur du ski et de la planche à neige au Canada, notamment en Colombie-Britannique et en Alberta. Les saisons des feux de forêt plus intenses et plus longues dans l’Ouest canadien ont freiné de nombreux pourvoyeurs régionaux de rafting, de randonnée et de canotage. La fonte des glaciers et la hausse des températures dans les montagnes font peser de nouvelles menaces sur les activités d’escalade et d’alpinisme dans la Cordillère nord-américaine, car l’instabilité des terrains a provoqué une augmentation des chutes de pierres en été et des avalanches en hiver. Malgré tout, l’avenir du tourisme d’aventure au Canada reste prometteur. En dépit des répercussions négatives des effets de la crise climatique sur le secteur au Canada, les acteurs du milieu et les touristes ont de nouvelles cartes à jouer. La débouchée la plus importante est l’extension de la saison touristique estivale aux mois de printemps et d’automne, en particulier dans les régions de l’extrême nord du pays où le climat glacial a longtemps entravé le développement du tourisme. Par ailleurs, les investissements publics et privés sont en hausse, de même que le nombre de touristes s’adonnant à des aventures en plein air. Le secteur est déjà bien implanté en Colombie-Britannique, en Ontario et au Québec, et il y a beaucoup de place pour l’expansion, dans les grands centres urbains et alentour, mais également dans des régions plus éloignées et rurales partout au pays, en particulier dans le Nord et le Grand Nord. Les touristes nationaux et internationaux ont soif d’aventures et à ce propos, la croissance du milieu restera forte.

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À propos des auteur.e.s

Robert Vranich

Université de l’Alberta

Robert Vranich est candidat au doctorat à la Faculté de kinésiologie, de sport et de loisirs de l’Université de l’Alberta. Ses recherches portent sur l’histoire des loisirs en plein air, du tourisme de nature et de la préservation de la nature sauvage au Canada.

Jerry Isaak

Université de Thompson Rivers

Jerry Isaak est professeur agrégé et responsable du programme de ski de randonnée au département d’études sur les aventures de l’Université Thompson Rivers. Ses recherches portent sur la formation aux avalanches, la prise de décision dans des environnements extrêmes et la pédagogie des expéditions éducatives dans l’enseignement supérieur.

James Rodger

Université de Thompson Rivers

James Rodger est professeur adjoint et coordonnateur du programme d’études sur les aventures à l’Université Thompson Rivers. Ses travaux portent sur l’industrie de l’aventure et l’accessibilité. Ses centres d’intérêt et son orientation professionnelle sont les loisirs en rivière, la diversité dans l’aventure et la gestion des risques. Il enseigne d’ailleurs le sauvetage en eaux vives et le rafting. Il est également guide au Canada et à l’étranger.

 

Icône de la licence Creative Commons Attribution – Pas d’utilisation commerciale – Partage dans les mêmes conditions 4.0 International

L’article Tourisme d’aventure au Canada (2024), de Robert Vranich, Jerry Isaak et James Rodger, est distribué sous la licence Creative Commons Attribution – Pas d’utilisation commerciale – Partage dans les mêmes conditions 4.0 International, sauf indication contraire.

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5.

UN PROCESSUS MERVEILLEUSEMENT DÉSORDONNÉ : L’ÉDUCATION EN PLEIN AIR AU CANADA

Morten Asfeldt

Remarque de l’auteur : Ce chapitre est une version révisée et mise à jour de l’article suivant : Asfeldt, M. « A beautiful messy process: Outdoor education in Canada », Pathways: The Ontario Journal of Outdoor Education, vol. 33, no 2, p. 4-17.

L’éducation en plein air m’a sauvé la vie. Bon, j’exagère peut-être un peu, mais c’est vrai que l’éducation en plein air (EPA) a inspiré un changement dans ma vie. Mon premier cours en plein air a été d’une durée d’un mois, en mai 1981. Je n’avais aucune idée de ce qui m’attendait. À l’époque, il me manquait trois crédits pour terminer le secondaire au Camrose Lutheran College, qui offrait la 12e année et les deux premières années d’université. Le Dr Garry « Gibber » Gibson, qui donnait les cours universitaires en plein air, m’offrait les crédits manquants si je suivais son cours d’éducation physique 30, d’une durée d’un mois. J’aimais l’idée et, comme on dit, le reste appartient à l’histoire. À la fin de ce mois de mai 1981, fort de cette remarquable expérience de groupe, de nouvelles perspectives sur le monde naturel et d’un grand sentiment de confiance, mon voyage personnel et professionnel dans le monde du plein air commençait. Au cours des 40 dernières années, j’ai pu voir et ressentir les bienfaits de l’EPA à la fois en tant qu’étudiant et enseignant.

Au cours de ma carrière universitaire de près de 30 ans, j’ai vu les universités « découvrir » l’enseignement actif, pratique, en groupe et sur le terrain, où les étudiants participent directement au processus d’apprentissage et où les enseignants établissent des liens entre le contenu du cours et la vie quotidienne des étudiants. En observant la tendance des universités à améliorer l’expérience de l’enseignement et de l’apprentissage, je me suis souvent demandé comment les établissements d’enseignement supérieur ont pu mettre autant de temps à découvrir qu’une salle de classe interactive et participative ou un espace extérieur est une idée innovante. L’apprentissage actif et participatif a toujours été le modus operandi des enseignants en plein air et aussi celui de nombreux autres en salle de classe, et je pense que la plupart n’ont jamais considéré leur pratique comme nouvelle ou innovante. Je crois plutôt qu’au plus profond de leur âme d’enseignant, la plupart d’entre eux savent que les traditions et les pratiques d’EPA ne sont que de bonnes vieilles méthodes d’enseignement (Raffan, 1996).

Cette observation, associée à mon constant combat professionnel pour obtenir des ressources et justifier mes pratiques d’EPA (qui ironiquement, s’alignent maintenant aux priorités émergentes et aux objectifs déclarés des établissements d’enseignement supérieur en ce qui concerne ces nouvelles pratiques pédagogiques actives et novatrices et les résultats d’apprentissage) nous a menés, un collègue et moi-même, à diriger une étude nationale sur l’EPA au Canada. Cette étude cherchait à déterminer les principes directeurs, les buts principaux et les caractéristiques distinctives de l’EPA au Canada, dans l’espoir d’approfondir la compréhension de cette approche au Canada et en améliorer la prestation. Nous avons publié les résultats de notre étude dans Purc-Stephenson et coll., (2019), Asfeldt et coll., (2020), Asfeldt et coll., (2022a) et Asfeldt et coll., (2022b).

En résumé, les résultats démontrent que les enseignants de plein air sont un groupe engagé et passionné qui forme et inspire les étudiants en s’appuyant sur des pratiques pédagogiques bien fondées. Dans Asfeldt et coll., 2020 nous écrivons : « Au Canada, l’éducation en plein air est fondée sur l’apprentissage par l’expérience en plein air, qui fait le pont entre les disciplines universitaires et présente l’avantage d’aider les élèves à établir des liens avec la terre, ses habitants et le passé » (p. 11). Dans Asfeldt et coll., (2022a), nous affirmons que « la nature holistique et intégrée de l’EPA est toute indiquée pour préparer les enfants et les jeunes à relever les défis de la vie au XXIe siècle, qui correspondent bien à l’objectif et à la mission de l’enseignement primaire et secondaire au Canada » (p. 15). Enfin, dans Asfeldt et coll., (2022b), nous affirmons que « l’EPA fournit généralement un apprentissage participatif, innovant, actif et expérientiel en groupe dans un lieu propice à un large éventail d’objectifs d’apprentissage que les collèges et les universités considèrent comme prioritaires » (p. 306). À bien des égards, l’EPA est en avance sur les nouvelles tendances pédagogiques qui favorisent l’apprentissage actif et innovant.

Dans ce chapitre, je ferai part de nos conclusions et j’espère qu’elles confirmeront le bon travail que les enseignants en plein air accomplissent depuis des décennies, tout comme les éducateurs talentueux et engagés de nombreuses autres disciplines. En outre, j’espère que ces résultats permettront à nos collègues, aux administrateurs, aux gouvernements et à d’autres parties prenantes de mieux comprendre la valeur de l’éducation en plein air afin d’aider les camps d’été, les écoles primaires et secondaires, les collèges et les universités à atteindre leurs objectifs éducatifs tout en préparant les étudiants à vivre une vie utile et éthique.

Survol de l’étude

Pour consulter les détails de notre méthodologie et de notre processus de recherche, veuillez lire Asfeldt et coll., (2020), Asfeldt et coll., (2022a), et Asfeldt et coll., (2022b). Ce chapitre aborde l’essentiel. Tout d’abord, nous voulions échantillonner des programmes de l’ensemble du Canada. L’un de nos objectifs était de voir si on pouvait observer une ou plusieurs « manières canadiennes » de prodiguer l’EPA. Deuxièmement, nous savions que nous devions limiter l’étendue de notre étude, sans quoi elle deviendrait ingérable. C’est pourquoi nous avons choisi de nous concentrer sur les programmes d’EPA des camps d’été ainsi que des secteurs de l’enseignement primaire, secondaire et postsecondaire. Troisièmement, nous voulions inclure des visites dans les établissements et des entretiens en personne pour obtenir des données précieuses qu’un sondage ne peut tout simplement pas fournir. Quatrièmement, nous visions une participation beaucoup plus large que possible par les visites sur place et les entretiens seulement. Par conséquent, après une analyse approfondie de la littérature sur l’EPA au Canada (Purc-Stephenson et coll., 2019), nous avons effectué 22 visites de sites et entretiens (six camps d’été, dix programmes d’enseignement primaire et secondaire, cinq programmes postsecondaires et un collège d’enseignement général et professionnel [CÉGEP] au Québec) (voir Asfeldt et coll., 2020). En nous fondant sur ces entretiens, nous avons créé un sondage en ligne pour lequel nous avons eu 215 répondants, soit 93 camps d’été, 100 programmes d’enseignement primaire et secondaire et 22 programmes d’enseignement supérieur. Les visites sur place, les entretiens et les sondages ont porté sur trois aspects spécifiques de chaque programme : (1) les valeurs et philosophies sous-jacentes du programme; (2) les objectifs centraux du programme; et (3) les activités communes incluses dans chaque programme.

Résultats des visites et entretiens

Les conclusions de nos visites et de nos entretiens sur le terrain indiquent que l’EPA est une méthode qui permet de relever d’importants défis et problèmes éducatifs, environnementaux et sociaux que le Canada et le monde entier doivent surmonter aujourd’hui. En 1972, John Passmore a mené une étude nationale sur l’EPA au Canada et tiré la conclusion suivante :

« L’éducation en plein air n’est certainement pas la réponse à tous nos problèmes en enseignement, mais on reconnaît de plus en plus qu’il s’agit d’une méthode d’enseignement qui ajoute un aspect important à chaque matière du programme scolaire, soit la pertinence de la matière sur le monde dans lequel vivent nos jeunes » (p. 61).

Nos conclusions montrent que les idées de Passmore sont aussi vraies aujourd’hui qu’elles l’étaient en 1972 : l’EPA reste une pratique éducative saine, guidée par des principes pédagogiques solides, qui produit des résultats d’apprentissage valables et pertinents.

Philosophies

Sur la base de nos visites et de nos entretiens, nous avons formulé cinq thèmes qui représentent les philosophies les plus courantes qui animent les programmes d’EPA au Canada. Nous avons intitulé ces thèmes :

  1. Fondateurs influents
  2. Apprentissage pratique et expérimental
  3. Apprentissage holistique et intégré
  4. Voyager sur nos terres
  5. Religion et spiritualité

Au Canada, les programmes d’EPA sont souvent lancés par des fondateurs influents, comme un enseignant (ou un groupe d’enseignants) inspiré et passionné qui a vécu cette expérience dans son parcours et a constaté les nombreux avantages par rapport aux disciplines, salles de classe et programmes traditionnels. Cela dit, je tiens à préciser que de nombreux enseignants inspirés et passionnés accomplissent un travail remarquable dans les limites de ce cadre et nous ne suggérons en aucun cas que l’EPA est la seule solution. Elle permet néanmoins de relever de nombreux défis en éducation et les fondateurs influents décrits lors des entretiens ont utilisé leur expérience et leur vision pour transmettre la soif d’apprendre à leurs étudiants. Bon nombre des répondants ont raconté qu’un fondateur influent avait été leur professeur ou leur mentor et les avait tellement inspirés par son travail qu’ils avaient consacré leur carrière en enseignement à poursuivre cette vision. Malheureusement, les programmes d’EPA sont souvent interrompus lorsque leur fondateur prend sa retraite, faute d’un remplaçant pour poursuivre le programme. On constate la différence entre les programmes d’EPA et ceux des disciplines traditionnelles comme les mathématiques, la biologie ou l’anglais, qui sont bien établies dans les écoles et les universités et pour lesquelles il est relativement facile d’embaucher un remplaçant lorsqu’un enseignant ou un membre de la faculté part à la retraite. Cependant, comme elle se situe en marge de nombreux programmes primaires et postsecondaires, sans un défenseur passionné et inspiré, l’éducation en plein air est plus susceptible d’être laissée à la dérive. Il est intéressant de noter que lors de nos visites, nous avons observé que dans les établissements d’enseignement primaire et secondaire et dans ceux d’enseignement supérieur, la plupart de ces programmes sont donnés dans des sous-sols, des placards réaffectés, de vieux garages et des remises situés dans des coins reculés de la propriété de l’école. Pas une seule fois nous n’avons observé un espace spécialement conçu à cet effet. Ce manque d’espace dédié suggère que l’EPA continue d’exister en marge de l’enseignement primaire et secondaire et de l’enseignement postsecondaire au Canada.

Il n’est pas surprenant que l’apprentissage pratique par l’expérience soit l’un des thèmes dominants décrivant les philosophies sous-jacentes des programmes d’EPA. Pratiquement toutes les personnes que nous avons interrogées ont parlé de l’importance de l’apprentissage pratique par l’expérience, qu’elles décrivent comme permettant aux étudiants de sortir de la salle de classe pour participer à une forme active d’apprentissage. De plus, les répondants ont déclaré être convaincus que l’apprentissage pratique était central à leur programme parce qu’il favorise une meilleure compréhension du contenu des cours et rend ce contenu intéressant et pertinent. Une observation notable est que peu d’enseignants ou de responsables de l’EPA ont relié l’apprentissage expérientiel pratique à une philosophie de l’éducation ou à un fondement théorique particulier, notamment ceux de John Dewey (éducation expérientielle) ou Jack Mezirow (apprentissage transformationnel). D’une manière générale, les entretiens nous ont laissé l’impression que les enseignants et les responsables savent intuitivement que l’apprentissage pratique par l’expérience est tout simplement logique, qu’il s’agit d’une manière évidente d’enseigner dont la mise en œuvre ne nécessite pas de principes académiques ni de fondement théorique identifiable ou articulé. Cette constatation est quelque peu surprenante et nous amène à nous demander à quoi pourraient ressembler l’EPA et d’autres pratiques éducatives si les enseignants et les responsables avaient une meilleure compréhension de certains principes et théories qui y sont couramment associés?

La notion que l’EPA est un moyen de faciliter l’apprentissage holistique et intégré était également un thème bien défini. Essentiellement, les enseignants et les responsables estiment que l’un des points forts de cette approche est qu’elle brouille les frontières des disciplines scolaires traditionnelles et aide les étudiants à reconnaître la nature interconnectée de la vie et du monde. Par exemple, les programmes d’EPA peuvent aider les étudiants à relier les connaissances en physique et en éducation physique en utilisant les connaissances des deux disciplines lorsqu’ils apprennent à faire du canoë. Ils peuvent également faire appel à des connaissances historiques et littéraires pour enrichir une excursion en rivière ou en raquettes en donnant vie aux histoires du passé et du présent dans la terre, les arbres et l’eau. De plus, les connaissances en biologie, en chimie et en environnement peuvent être liées aux études sociales lors de sorties sur le terrain local ou à des endroits éloignés pour étudier l’impact de la pollution et de la réhabilitation de l’environnement. L’un des répondants a éloquemment décrit son programme comme un processus « où les études comptent, les relations comptent, l’environnement compte, et tout est lié dans cette belle expérience ».

L’expérience du plein air sur le terrain est devenue un élément important de nombreux programmes, où les enseignants et les responsables sont convaincus que les excursions d’aventure en plein air en petits groupes sont riches en enseignements. Il est facile de voir qu’une expérience de voyage dans un territoire éloigné ou même local est une forme naturelle d’apprentissage pratique, expérientiel, holistique et intégré dans une belle synergie. De plus, les enseignants et les responsables estiment que le simple fait de passer du temps dans la nature constitue en soi une expérience importante qui ne nécessite aucune structure ou direction supplémentaire de la part de l’enseignant, puisque la nature elle-même est une excellente enseignante. Il a été démontré que les sorties sur le terrain sont favorables pour de nombreux résultats d’apprentissage qui seront décrits plus loin, entre autres le développement personnel et social, en plus d’être un moyen d’en apprendre davantage sur l’histoire et la culture du Canada, et en particulier sur les peuples autochtones. Certains ont estimé que les excursions d’aventure en plein air sont une expérience canadienne par excellence.

Les philosophies et les valeurs ancrées dans les traditions religieuses et spirituelles façonnent également l’EPA au Canada. Certains affirment que les programmes sont guidés par les valeurs chrétiennes traditionnelles, mais pour la plupart des programmes le terme « spiritualité » est utilisé pour décrire l’idée que le monde et la vie comportent un élément mystérieux qui n’est pas enraciné dans une tradition religieuse définie. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’une forme d’apprentissage holistique intégré qui encourage diverses formes de connaissances. En revanche, l’enseignement traditionnel est trop souvent compartimenté dans des disciplines distinctes d’une manière qui ne reflète pas les interconnexions et les réalités complexes (mais parfois simples) et désordonnées (mais aussi magnifiques) de la vie d’un étudiant et du monde tel qu’il le vit.

Objectifs d’apprentissage

Il n’est pas surprenant que les programmes d’EPA aient des objectifs d’apprentissage variés et ne se limitent pas à apprendre à pagayer sur un canoë, à allumer un feu ou à identifier un chant d’oiseau spécifique. Ces compétences ont une certaine importance, mais pour la plupart, pas lorsqu’elles sont acquises isolément. Il s’agit plutôt d’activités importantes qui reflètent les principes qui guident ces programmes et permettent d’atteindre les objectifs d’apprentissage spécifiques. Là encore, il y a une raison d’être à ce qui pourrait apparaître comme une folie désordonnée ou un apprentissage récréatif. Les objectifs d’apprentissage décrits par les répondants ont été regroupés en cinq thèmes :

  1. Esprit de communauté
  2. Croissance personnelle
  3. Conscience des personnes et des lieux
  4. Gestion de l’environnement
  5. Employabilité et développement des compétences

Ici encore, nous voyons la nature diversifiée et interreliée de cette approche. La création d’une communauté est apparue comme l’un des principaux objectifs de l’EPA. Les personnes que nous avons interrogées ont parlé avec passion de l’objectif de promouvoir le travail d’équipe et de favoriser les relations au sein des groupes avec lesquels elles travaillent. Bon nombre d’enseignants et de responsables étaient d’avis que les étudiants d’aujourd’hui manquent d’occasions de vivre des expériences authentiques de travail en équipe et de relations honnêtes, et que l’EPA est un bon moyen d’y parvenir. Il est facile d’imaginer qu’une excursion d’aventure en plein air dans une région éloignée crée un esprit de communauté au sein du groupe. Autrement dit, les voyages en région éloignée favorisent le sentiment d’appartenance à une communauté, car les étudiants sont tenus de collaborer dans la plupart des aspects de leur expérience en vue d’atteindre un ou plusieurs objectifs communs, comme le reflètent les divers objectifs d’apprentissage liés à l’EPA.

Cette approche pédagogique pour promouvoir le développement personnel est tout aussi courante que la création d’une communauté et il existe un lien naturel entre le développement personnel et l’appartenance à une véritable communauté. Il se produit souvent une prise de conscience des forces et des faiblesses personnelles lorsque nous nous engageons à surmonter des défis mentaux et physiques pertinents et intéressants en groupe. Ce lien entre le développement d’une communauté et l’épanouissement personnel a été reconnu par de nombreux répondants et a souligné certaines racines communes de l’EPA au Canada, comme la tradition des camps d’été de l’Ontario (Wall, 2009), qui visait à développer le caractère, ainsi que les traditions britanniques des scouts et des programmes Outward Bound, qui ont toutes deux influencé l’EPA au Canada. Ces premiers modèles reflètent le concept selon lequel « l’éducation est essentiellement un processus social » (Dewey, 1938, p. 58), qui se manifeste aujourd’hui dans les thèmes de la création d’une communauté et de l’épanouissement personnel.

La prise de conscience des personnes et des lieux reflète l’objectif d’enseigner l’importance historique d’un lieu ou de personnes en particulier. Comme l’a souvent dit Henderson (2005) : « Chaque sentier a son histoire. » Le point de vue d’Henderson est que lorsque nous pagayons sur une rivière ou que nous marchons sur un sentier, nous pagayons sur une rivière particulière et nous marchons sur un sentier particulier. Il ne s’agit pas seulement de rivières et de sentiers anonymes non découverts, mais bien de rivières et de sentiers qui ont un passé et une histoire uniques et particuliers. L’idée d’Henderson, selon laquelle « chaque sentier a son histoire », repose sur le fait que la connaissance de ces passés et de ces histoires permet d’enrichir l’expérience de la rivière et du sentier et de comprendre l’histoire et la culture canadiennes, qui sont parfois profondément troublantes. Toutefois, comprendre que notre passé houleux a entraîné des générations de préjudices et de relations difficiles avec les Autochtones au Canada, ainsi que de nombreuses atteintes à l’environnement, est une occasion de profonds apprentissages. Comme le soulignent Meerts-Brandsma et coll. (2020), l’EPA est bien placée pour aborder de nombreux problèmes de privilèges qui nécessitent une attention urgente.

La gestion de l’environnement est également apparue comme un objectif d’apprentissage important. Les personnes interrogées ont particulièrement insisté sur l’importance de sensibiliser les étudiants à un avenir durable et de leur donner les connaissances et les compétences nécessaires pour mettre en œuvre des pratiques durables dans leur vie quotidienne. Au cours des expéditions, les pratiques de camping et de voyage respectueuses de l’environnement sont couramment enseignées. Les préoccupations environnementales des années 1960 et 1970 ont été des vecteurs importants de l’émergence de l’EPA au Canada, qui continue d’être un moyen d’éduquer les étudiants sur ces préoccupations persistantes, mais aussi sur des questions d’actualité, en particulier au moment où nous luttons contre l’accélération du changement climatique.

Le dernier objectif d’apprentissage concernait les questions liées à la préparation des étudiants à l’employabilité dans les domaines liés aux activités de plein air. L’accent est généralement mis sur le développement des compétences, ce qui permet d’obtenir un certificat de compétences en plein air, comme le canoë, ainsi qu’une formation à la sécurité, comme les premiers secours.

Activités

Dans le cadre de nos entretiens et de nos visites sur le terrain, nous avons cherché à nous faire une idée des activités couramment incluses dans les programmes d’EPA. La liste est longue. Après avoir combiné toutes les activités incluses dans les camps d’été, les programmes d’enseignement primaire et secondaire et les programmes postsecondaires, nous avons dressé une liste de 33 activités différentes. Pour mieux comprendre ces 33 activités, nous les avons classées en sept grandes catégories : compétences de vie en plein air (monter un feu, cuisiner); activités sportives et récréatives (canoë, kayak); expérience professionnelle et certification (observation au poste de travail, formation aux premiers secours); les activités d’éducation à l’environnement (promenades dans la nature, observation des oiseaux); les jeux (jeux de groupe ludiques pour promouvoir le développement personnel et social); la réflexion (tenue de journal, discussions de groupe); et l’art et l’artisanat (fabrication de pagaies et de mocassins). En moyenne, les programmes proposent 14 activités différentes. Les activités les plus courantes relèvent des catégories « compétences de vie en plein air » et « activités sportives et récréatives ».

Résultats du sondage

Comme déjà mentionné, une fois l’analyse documentaire et les entretiens terminés, nous avons créé trois sondage, s distincts pour chaque secteur, soit les camps d’été, les programmes d’enseignement primaire ) »et secondaire et les programmes d’enseignement supérieur. Ces sondages visaient à déterminer dans quelle mesure les résultats et les thèmes des entretiens s’appliquent à l’ensemble du Canada et aux trois secteurs cibles. Même si chaque enquête a recueilli des données spécifiques à chaque secteur, elles ont toutes recueilli des données concernant les principes directeurs, les principaux objectifs et les activités distinctives pour nous permettre de présenter des données spécifiques à chaque secteur. J’en donnerai ici un aperçu. Des résultats de recherche plus approfondis pour les programmes d’enseignement primaire et secondaire sont présentés dans Asfeldt et coll. (2022a) et pour les programmes postsecondaires dans Asfeldt et coll. (2022b).

Philosophies

La figure 1 montre comment les camps d’été, les programmes d’enseignement primaire et secondaire et les programmes postsecondaires ont évalué l’incidence de sept philosophies et valeurs sous-jacentes. Vous remarquerez qu’il y a ici sept thèmes plutôt que les cinq utilisés dans les entretiens. En effet, certains des cinq thèmes initiaux ont été subdivisés afin d’obtenir une compréhension plus nuancée (p. ex., nous avons ajouté la philosophie de l’éducation, renommé « voyage sur nos terres » pour « excursion d’aventure en plein air » et divisé la religion et la spiritualité en deux thèmes distincts). Les répondants ont été invités à indiquer dans quelle mesure ils sont d’avis qu’une philosophie ou une valeur en particulier a une incidence sur leurs programmes. Autrement dit, plus l’évaluation moyenne d’une philosophie ou d’une valeur particulière est élevée, plus elle façonne un programme. Par exemple, compte tenu de nos résultats, une division raisonnable serait une incidence faible (0,00 à 2,5), une incidence neutre (2,6 à 3,5) et une incidence forte (3,6 à 5,0).

Scores moyens pour les camps d’été, l’EPA aux niveaux primaire et secondaire et au niveau postsecondaire
Figure 1 : L’importance des philosophies et des valeurs dans trois secteurs de l’éducation en plein air

Dans l’ensemble, le schéma d’influence est resté sensiblement le même que celui révélé par l’examen des entretiens. Par exemple, l’apprentissage pratique par l’expérience, l’apprentissage holistique intégré et l’impact des fondateurs influents sont restés dominants. Il existe néanmoins des différences entre les secteurs. Par exemple, les camps d’été sont la catégorie la moins influencée par les philosophies éducatives et la plus influencée par les traditions religieuses. Cette constatation est logique, puisque de nombreux camps d’été sont soutenus par des églises et d’autres organismes religieux.

Les traditions religieuses n’ont pratiquement aucune incidence sur les programmes d’enseignement, primaire, secondaire et postsecondaire, mais la spiritualité y a sa place. Cette constatation s’explique probablement par le fait que les établissements d’enseignement primaire et secondaire et ceux d’enseignement supérieur sont souvent financés par des fonds publics et ont donc une approche plus large de la spiritualité, par opposition à une approche confessionnelle spécifique. L’apprentissage holistique intégré a une plus grande incidence sur les programmes d’enseignement primaire et secondaire, ce qui confirme l’idée que l’EPA est un moyen courant de brouiller les frontières des disciplines scolaires traditionnelles. Les idées directement liées à des philosophies éducatives spécifiques ont un effet plus prononcé sur les programmes d’enseignement postsecondaire, ce qui n’est pas surprenant étant donné que les universitaires sont généralement plus immergés dans la littérature académique, qui abordent plus couramment les philosophies sur l’éducation.

Après avoir demandé aux répondants d’évaluer l’incidence de ces sept philosophies et valeurs sur leurs programmes, nous leur avons demandé de nommer les deux philosophies les plus essentielles à l’approche de leur programme (figure 2). Ces données varient davantage d’un secteur à l’autre, mais l’apprentissage pratique par l’expérience est clairement la philosophie qui a la plus grande incidence sur les programmes dans les trois secteurs. Compte tenu de la tendance récente à favoriser l’apprentissage par l’expérience dans l’enseignement primaire et secondaire, et en particulier dans l’enseignement postsecondaire au Canada, cette constatation montre que l’EPA est en avance sur les nouvelles tendances pédagogiques et est même un chef de file. Parmi les autres résultats notables, citons l’affirmation de la forte incidence des traditions religieuses dans les camps d’été et de l’apprentissage holistique intégré dans les programmes d’enseignement primaire et secondaire. Les excursions d’aventure ont eu une plus grande incidence sur les programmes d’enseignement postsecondaire, où les fondateurs influents ont en revanche eu le moins d’influence.

Diagramme à barres des deux principales philosophies choisies par les répondants, réparties entre les camps d’été, l’enseignement primaire et secondaire, et l’enseignement postsecondaire
Figure 2 : Les philosophies et les valeurs les plus fondamentales des programmes dans trois secteurs de l’éducation en plein air

Objectifs d’apprentissage

Les données relatives aux objectifs d’apprentissage révèlent que les programmes d’EPA comprennent généralement un certain nombre d’objectifs importants, ce qui est logique compte tenu de son importance en tant que forme holistique d’apprentissage intégré (figure 3), où les frontières des disciplines traditionnelles sont brouillées pour établir des liens entre ces disciplines qui reflètent la réalité de la vie des étudiants. Cette approche correspond bien à l’idée de Dewey selon laquelle l’éducation est un processus de vie et non une préparation à une vie future (Dewey, 1981, p. 445), qui est l’un des fondements de sa philosophie l’éducation expérientielle. Dewey était l’un des pionniers du mouvement d’éducation progressiste en Amérique du Nord au début du XXe siècle et il est souvent considéré par les érudits comme l’un des fondateurs de l’éducation expérientielle, laquelle a façonné l’éducation moderne au plein air et à l’aventure.

Diagramme à barres des scores moyens pour les objectifs d’apprentissage dans les camps d’été, l’enseignement primaire et secondaire, et l’enseignement postsecondaire
Figure 3 : L’importance des objectifs d’apprentissage dans les trois secteurs de l’éducation en plein air

Comme pour les philosophies et les valeurs, nous avons demandé aux répondants d’indiquer, à leur avis, quels sont les deux objectifs d’apprentissage les plus importants de la liste (figure 4). Là encore, on constate une certaine variabilité entre les secteurs, mais dans l’ensemble, les deux objectifs les plus importants de l’EPA sont le développement personnel et la création d’une communauté. Ces réponses pourraient indiquer que le personnel enseignant en plein air reconnaît que le processus social de l’apprentissage est essentiel à une éducation efficace. Comme l’a souvent dit mon mentor Gibson : « Vous n’enseignez pas tout bonnement l’éducation en plein air, vous enseignez à des personnes à part entière. » (communication personnelle, 1992). De ce point de vue, ces résultats peuvent indiquer que les enseignants d’EPA reconnaissent qu’un rôle essentiel de l’éducation est d’aider les étudiants à apprendre à se connaître eux-mêmes et que la création d’un cadre communautaire sûr et positif favorise non seulement l’apprentissage de soi, mais fournit également une base pour l’apprentissage, dans ce cas, de la gestion de l’environnement et de la conscience des personnes et des lieux. Il est certain que les éducateurs en plein air sont plus enclins à considérer l’éducation comme un processus de transformation que comme un processus transactionnel de transfert de connaissances. Un processus transactionnel de transfert de connaissances vise principalement à inculquer aux étudiants un contenu d’une discipline spécifique (par exemple, la culture numérique), où l’on accorde peu d’attention à la manière dont ces connaissances peuvent avoir un effet sur les étudiants, voire les transformer. En revanche, une perspective transformationnelle vise non seulement à ce que les étudiants apprennent des connaissances disciplinaires spécifiques, mais aussi à ce que le processus d’apprentissage modifie, ou transforme, leur compréhension et leur perspective d’eux-mêmes, des autres et du monde dans lequel ils vivent. On pourrait dire qu’une approche transactionnelle est un processus efficace, propre et net, tandis qu’une approche transformationnelle embrasse la nature désordonnée et imprévisible de l’apprentissage qui valorise l’efficacité plutôt que l’efficience (Asfeldt et Beames, 2017). De ce point de vue, l’EPA est un processus merveilleusement désordonné.

Diagramme à barres montrant les pourcentages de prestataires proposant des activités dans les secteurs des camps d’été, de l’enseignement primaire et secondaire, et de l’enseignement postsecondaire
Figure 4 : Les objectifs d’apprentissage les plus fondamentaux dans les trois secteurs de l’éducation en plein air
Tableau 1 : Nombre et pourcentage de prestataires proposant des activités dans les trois secteurs de l’éducation en plein air.

PLAGE

Camps d’été n = 93

K-12 n = 100

Postsecondaire n = 22

80 – 100 %

n = 86, (92,5 %)

n = 82, (88,2 %)

Feux de camp

Jeux

Aucune activité

rapportée

n = 20 (90,9 %)

n = 19 (86,4 %)

n = 19 (86,4 %)

n = 19 (86,4 %)

Camping

Feux de camp

Canoë

Randonnée

60 – 79 %

n = 76, (81,7 %)

n = 70, (75,3 %)

n = 69, (74,2 %)

n = 67, (72,0 %)

n = 66, (71,0 %)

n = 66, (71,0 %)

n = 66, (71,0 %)

Canoë

Camping

Tir à l’arc

Randonnée

Études de la nature

Orientation

Natation

n = 79 (79,0 %)

n = 77 (77,0 %)

n = 77 (77,0 %)

n = 70 (70,0 %)

n = 70 (70,0 %)

n = 69 (69,0 %)

n = 65 (65,0 %)

n = 62 (62,0 %)

n = 61 (61,0 %)

Camping

Jeux

Feux de camp

Études de la nature

Orientation

Randonnée

Cuisine

Raquettes à neige

Canoë

n = 17 (77,3 %)

n = 16 (72,7 %)

n = 16 (72,7 %)

n = 16 (72,7 %)

n = 15 (68,2 %)

n = 15 (68,2 %)

n = 14 (63,6 %)

n = 13 (59,1 %)

n = 13 (59,1 %)

Journal de bord

Formation à la sécurité

Orientation

Études de la nature

Cuisine

Raquettes à neige

Certification

Escalade

Ski

40 – 59 %

n = 59, (63,4 %)

n = 57, (61,3 %)

n = 54, (58,1 %)

n = 48, (51,6 %)

n = 42, (45,2 %)

Escalade

Hébertisme aérien

Service communautaire

Kayak

Cuisine

n = 52 (52,0 %)

n = 50 (50,0 %)

n = 43 (43,0 %)

Journal de bord

Ski

Escalade

n = 12 (54,5 %)

n = 11 (50,0 %)

n = 11 (50,0 %)

n = 10 (45,5 %)

n = 10 (45,5 %)

n = 10 (45,5 %)

Kayak

Jeux

Vélo

Solos

Service communautaire

Expérience de travail

20 – 39 %

n = 36, (38,7 %)

n = 35, (37,6 %)

n = 35, (37,6 %)

n = 32, (34,4 %)

n = 28, (30,1 %)

n = 25, (26,9 %)

n = 23, (24,7 %)

n = 19, (20,4 %)

n = 19, (20,4 %)

Journal de bord

Vélo

Expérience de travail

Formation à la sécurité

Raquettes à neige

Certification

Pêche

Jardinage

Équitation

n = 37 (37,0 %)

n = 36 (36,0 %)

n = 36 (36,0 %)

n = 35 (35,0 %)

n = 32 (32,0 %)

n = 31 (31,0 %)

n = 30 (30,0 %)

n = 29 (29,0 %)

n = 24 (24,0 %)

n = 24 (24,0 %)

n = 21 (21,0 %)

n = 20 (20,0 %)

Tir à l’arc

Formation à la sécurité

Certification

Service communautaire

Vélo

Natation

Hébertisme aérien

Pêche

Kayak

Jardinage

Patinage

Tente d’hiver

n = 8 (31,8 %)

n = 6 (27,3 %)

n = 5 (22,7 %)

Hébertisme aérien

Tente d’hiver

Pêche

0 – 19 %

n = 17, (18,3 %)

n = 14, (15,1 %)

n = 14, (15,1 %)

n = 13, (14,0 %)

n = 8, (8,6 %)

n = 6, (6,5 %)

n = 2, (2,2 %)

n = 1, (1,1 %)

n = 1, (1,1 %)

n = 0, (0 %)

Ski

Patinage

Yoga

Solos

Rafting

Spéléologie

Tente d’hiver

Traîneau à chiens

Chasse

Loi sur les autochtones

n = 19 (19,0 %)

n = 17 (17,0 %)

n = 13 (13,0 %)

n = 8 (8,0 %)

n = 8 (8,0 %)

n = 7 (7,0 %)

n = 6 (6,0 %)

n = 5 (5,0 %)

n = 0 (0 %)

Expérience de travail

Yoga

Solos

Équitation

Chasse

Rafting

Traîneau à chiens

Spéléologie

Loi sur les autochtones

n = 4 (18,2 %)

n = 4 (18,2 %)

n = 3 (13,6 %)

n = 3 (13,6 %)

n = 2 (9,1 %)

n = 1 (4,5 %)

n = 1 (4,5 %)

n = 0 (0 %)

n = 0 (0 %)

n = 0 (0 %)

n = 0 (0 %)

Rafting

Natation

Traîneau à chiens

Jardinage

Chasse

Patinage

Yoga

Équitation

Spéléologie

Tir à l’arc

Loi sur les autochtones

Activités

Deux questions ont été posées pour comprendre l’ampleur et la fréquence des activités proposées dans le cadre des programmes d’EPA. Tout d’abord, les répondants devaient nommer toutes les activités proposées dans leurs programmes. Ensuite, ils devaient déterminer les trois activités les plus courantes dans leurs programmes. Le tableau 1 indique le nombre de programmes et le pourcentage du secteur qui propose chacune des 33 activités de la liste, établie en fonction des résultats des entretiens et des visites sur place. Au total, 86 camps d’été sur 93 (92,5 %) comportaient des feux de camp, 79 programmes sur 100 (79 %) du primaire et du secondaire comportaient du camping, et 20 programmes postsecondaires sur 22 (90,9 %) proposaient du camping.

Tableau 2 : Les activités les plus courantes dans chaque secteur de l’éducation en plein air.

SECTEUR

n (%)

ACTIVITÉ

Camps d’été n = 93

n = 27 (29,0)

Hébertisme aérien

n = 25 (26,9)

Canoë

n = 24 (25,8)

Natation

n = 20 (21,5)

Escalade

n = 18 (19,4)

Tir à l’arc

K-12 n = 100

n = 40 (40,0)

Randonnée

n = 27 (27,0)

Canoë

n = 24 (24,0)

Camping

n = 23 (23,0)

Études de la nature

n = 18 (18,0)

Jeux

Postsecondaire n = 22

n = 10 (45,5)

Canoë

n = 7 (31,8)

Camping

n = 5 (22,7)

Randonnée

n = 4 (18,5)

Ski

n = 3 (13,6)

Kayak

Le tableau 2 présente les activités les plus courantes proposées par les programmes dans chaque secteur. Les parcours d’hébertisme aérien ont été identifiés comme l’une des trois activités les plus courantes dans les camps d’été par 27 des 93 (29 %) personnes interrogées sur les camps d’été. De même, 40 programmes sur 100 (40 %) du primaire au secondaire ont mentionné la randonnée comme l’une des trois activités les plus courantes. De plus, 10 des 22 programmes postsecondaires (45,5 %) ont nommé le canoë comme l’une des trois activités les plus courantes dans leurs programmes.

Un résultat particulièrement intéressant concernant les activités est qu’aucun répondant n’a indiqué avoir inclus des activités autochtones dans ses programmes. Il convient d’approfondir cette question pour mieux la comprendre. Nous avons ajouté les activités autochtones à notre liste d’activités puisque lors de l’entretien, de nombreux répondants ont indiqué que l’apprentissage des traditions autochtones fait partie des objectifs de leur programme. Cette constatation peut s’expliquer par le fait que l’apprentissage autochtone est un objectif émergent qui n’est pas encore lié à une activité en particulier. Il se peut aussi que nous ayons tort de nous attendre à ce que les objectifs d’apprentissage autochtones soient directement liés à une activité. Il se pourrait que l’objectif de l’apprentissage autochtone soit intégré dans tous les aspects du programme et qu’il ne soit donc pas lié à une activité en particulier.

Notions à retenir

Bien que ces résultats concernant les philosophies, les objectifs d’apprentissage et les activités soient intéressants en soi, le projet vise principalement à approfondir la compréhension de l’EPA au Canada afin d’en améliorer la prestation. Voici donc quelques éléments clés qui, nous l’espérons, vous aideront à atteindre cet objectif. Ceux d’entre vous qui travaillent dans des secteurs différents et dans des contextes politiques et culturels uniques peuvent en tirer des enseignements supplémentaires, voire différents. Si c’est le cas, je vous encourage à en faire part afin de poursuivre le développement et la compréhension de l’EPA au Canada.

Sous-estimé et mal compris

Dyment et Potter (2021), qui écrivent sur l’EPA dans l’enseignement postsecondaire à l’échelle internationale, affirment que l’une des raisons pour lesquelles les programmes d’EPA sont souvent abandonnés et mal soutenus est qu’ils sont fréquemment sous-évalués et mal compris. De plus, les auteurs suggèrent que l’EPA est souvent perçue comme manquant de rigueur pédagogique par les collègues et les administrateurs qui ne sont pas spécialistes de cette approche. L’un des répondants a décrit cette philosophie éducative comme étant « un ramassis de toutes sortes de choses ». Son point de vue était que l’EPA ne se résume pas à une philosophie ou à une valeur, ne vise pas à atteindre un objectif d’apprentissage et s’apparente plutôt à une discipline et à une méthode de synthèse qui offre une forme d’éducation plus organique, désordonnée et difficile à décrire et à définir proprement, mais en même temps magnifique. Alors que les établissements d’enseignement primaire et secondaire et les établissements d’enseignement supérieur poursuivent leur incessante quête d’amélioration de l’apprentissage des étudiants, la nature pratique, interdisciplinaire et intégrée de l’EPA, qui la rend si difficile à décrire, à définir et à expliquer clairement pourrait ironiquement être l’une de ses principales forces.

Cet avantage peut constituer un modèle important pour l’éducation de nos enfants et de nos jeunes. Cependant, il est beaucoup plus facile pour les administrateurs et les gouvernements de classer l’éducation dans des catégories disciplinaires bien définies, avec des résultats d’apprentissage précisément identifiés qui font bonne figure dans les documents de vision et de financement, mais qui ne reflètent peut-être pas la réalité de la façon dont les étudiants apprennent le mieux ni de comment les préparer aux défis et aux complexités de la vie qu’ils mènent. Par conséquent, l’une des utilités de cette recherche est qu’elle apporte la preuve que l’EPA a des racines pédagogiques bien ancrées dans l’apprentissage par l’expérience pratique qui est holistique et intégré par nature, et qu’elle souligne que de nombreux programmes d’EPA sont conçus pour atteindre une variété d’objectifs d’apprentissage interdisciplinaires. Ces philosophies et objectifs sont en phase avec les pédagogies émergentes qui visent à être plus expérientielles et interdisciplinaires, à développer les compétences sociales et émotionnelles, et à préparer les étudiants à aborder de manière créative les questions environnementales et sociales urgentes. Une suggestion pour le personnel enseignant en plein air est d’examiner les objectifs et les missions des ministères de l’Éducation de leur province, des conseils scolaires locaux et des collèges et universités, puis d’utiliser ces données pour démontrer comment l’EPA peut aider ces organismes à atteindre leurs missions et objectifs déclarés.

Il est facile d’imaginer que certains collègues et administrateurs peuvent percevoir l’EPA comme une dérive pédagogique en raison de la nature récréative des principales activités qui y sont associées, par exemple les compétences de plein air et les activités sportives et récréatives. Cette perception est probablement renforcée par le fait qu’il ne s’agit pas d’une discipline bien établie comme l’anglais, l’histoire ou d’autres disciplines fondamentales. Cependant, cette recherche démontre que les activités d’EPA sont plus que des activités récréatives agréables. Au contraire, les activités d’EPA sont intentionnellement utilisées pour atteindre des objectifs d’apprentissage spécifiques et importants au moyen de méthodes actives qui renforcent la participation des étudiants.

Discipline ou méthode

Dans certains cercles d’adeptes de l’EPA, on se demande s’il s’agit d’une discipline, ou plutôt d’une méthode d’enseignement (Dyment et Potter, 2015; Potter et Dyment, 2016). D’une part, ce n’est pas important, mais d’autre part, c’est une question peut-être essentielle. J’ai l’impression que les éducateurs en plein air essaient depuis des décennies de distinguer leur approche comme une discipline similaire aux disciplines traditionnelles bien établies. Si le résultat le plus important de ce débat est de fournir aux enfants et aux jeunes les types d’occasions d’apprentissage qu’offre l’EPA, peut-être devrions-nous envisager de concevoir cette approche comme une méthode d’enseignement permettant d’atteindre les objectifs d’une grande variété de disciplines émergentes et traditionnelles. De cette manière, nous promouvons une pédagogie active et innovante en ligne avec les tendances émergentes, plutôt que de poursuivre la lutte pour faire de l’EPA une discipline autonome. Cette stratégie a fonctionné et fonctionne toujours dans certains secteurs, comme les programmes intégrés dans les écoles secondaires et un certain nombre de programmes universitaires.

Comme le révèlent ces résultats, le Canada ne dispose pas d’un modèle unique pour l’EPA. S’il existe des similitudes et des philosophies, des activités et des objectifs d’apprentissage communs, il règne également une grande diversité. La notion que l’EPA est une méthode de synthèse adaptée à chaque camp, à chaque établissement d’enseignement primaire et secondaire et à chaque établissement d’enseignement postsecondaire (p. ex., sur les plans géographique, culturel et historique) peut être considérée comme une « méthode canadienne ». Autrement dit, une « manière canadienne » guidée par les philosophies, les objectifs d’apprentissage et les activités répertoriées dans l’étude, mais en même temps façonnée et modelée en fonction des réalités géographiques, historiques et culturelles locales, ce qui donne lieu non pas à une seule « manière canadienne » de concevoir l’EPA, mais bien à de nombreuses « manières canadiennes ». De ce point de vue, pour un observateur novice, l’EPA peut sembler être un processus désordonné, alors que pour un connaisseur, il s’agit d’un « processus merveilleusement désordonné » qui a une finalité. Par conséquent, il est peut-être plus juste de situer l’EPA comme une méthode plutôt que comme une discipline, comme l’a affirmé Passmore en 1972.

Réconciliation, racisme et privilèges

Le Canada et les Canadien.ne.s se sont engagés à se réconcilier avec les Autochtones au Canada, comme en témoigne le récent rapport final de la Commission de vérité et réconciliation (Commission de vérité et réconciliation du Canada, 2015). Compte tenu des philosophies et des valeurs qui sous-tendent l’EPA et de ses objectifs d’apprentissage communs, cette approche est bien placée pour aborder la réconciliation ainsi que le racisme et les privilèges d’une manière plus générale. Par exemple, faire travailler les étudiants en groupes diversifiés lors d’excursions d’aventure sur des terres traditionnelles, tout en apprenant l’histoire et la culture des lieux visités ou des espaces locaux, contribue déjà au processus de réconciliation. Faire participer les étudiants à de telles expériences pratiques de personnes et de lieux diversifiés peut être une expérience d’apprentissage très féconde. Même si ce travail peut être intimidant et difficile, de plus en plus de ressources sont offertes ou en cours de développement pour nous aider dans cette tâche. Voici quelques ressources qui m’ont été utiles (Erickson et Wylie Krotz, 2021; Henderson et Blenkinsop, 2022; Lowen-Trudeau, 2014; Lowen-Trudeau, 2019; Meerts-Brandsma et coll., 2020).

Repenser l’humilité

Dyment et Potter (2021) encouragent les éducateurs en plein air à faire preuve de moins d’humilité. Nous devons croire en notre travail et nous devons être prêts à plaider pour obtenir du soutien à nos programmes d’éducation en plein air. Ce travail de plaidoyer peut être épuisant. Cependant, il ressort clairement des entretiens et des visites sur le terrain que les éducateurs en plein air constituent un groupe d’enseignants et de leaders engagés et passionnés qui offrent des expériences profondément enrichissantes aux étudiants et aux campeurs. De plus, comme nous le savons tous, il y a des moyens plus faciles de conserver notre emploi d’enseignant et de professeur que d’emmener les étudiants faire des excursions d’apprentissage hors du campus. Qui plus est, comme j’espère que vous avez pu le constater, même si certains collègues et administrateurs peuvent sous-estimer notre travail et remettre en question la substance pédagogique de l’EPA, ces données racontent une histoire bien différente. Les éducateurs en plein air accomplissent un travail remarquable, tandis que de nombreux établissements d’enseignement primaire, secondaire et postsecondaire s’efforcent de rattraper leur retard pédagogique par la mise en œuvre d’un apprentissage intégré davantage axé sur l’expérience et permettant d’atteindre des objectifs d’apprentissage interdisciplinaires. Il y a bien sûr toujours place à l’amélioration pour l’EPA, mais jusqu’ici nous sommes sur la bonne voie!

Enfin, je vous encourage tous à soutenir vos organismes pédagogiques locaux, régionaux, nationaux et internationaux, tant traditionnels qu’en plein air, dans l’élaboration d’un discours éclairé et uni sur l’EPA. Il est important que nous soyons capables d’articuler les nombreux avantages de l’EPA et de démontrer comment elle peut contribuer à la réalisation des objectifs et des missions des camps d’été, des écoles primaires et secondaires et des établissements d’enseignement supérieur. De nombreux avantages s’ajoutent à ceux révélés par cette étude. Cependant, cette recherche fournit des mots et des preuves supplémentaires pour soutenir votre programme, inspirer votre enseignement et vous encourager à vous rappeler que vous faites un travail important. L’EPA n’est pas la solution miracle à tous nos défis pédagogiques ni à nos problèmes environnementaux ou sociaux, mais elle présente de nombreux atouts et avantages qui peuvent grandement contribuer à atteindre ces objectifs.

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À propos de l’auteur

Morten Asfeldt

Morten Asfeldt est professeur d’éducation physique et enseignant en plein air. Les excursions pédagogiques en milieu sauvage sont son principal mode d’enseignement. Il voyage souvent avec des étudiants dans le nord du Canada lors d’excursions estivales et hivernales. Ses recherches portent sur les aspects pédagogiques de ces excursions, l’éducation fondée sur le lieu, ainsi que sur l’histoire et la philosophie de l’éducation en plein air. Il a récemment terminé un projet financé par le CRSH intitulé « Outdoor Education in Canada: Guiding Philosophies, Defining Characteristics, and Central Goals ».

 

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L’article Un processus merveilleusement désordonné : L’éducation en plein air au Canada (2024), par Morten Asfeldt, est distribué sous la licence Creative Commons Attribution – Pas d’utilisation commerciale – Partage dans les mêmes conditions 4.0 International, sauf indication contraire.

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6.

THÉRAPIE PAR L’AVENTURE AU CANADA

Steve Javorski

La thérapie par l’aventure est difficile à définir dans la littérature. Bien qu’il soit généralement admis qu’elle est couramment pratiquée dans le cadre du camping thérapeutique, de la thérapie en milieu sauvage ou de la psychothérapie fondée sur l’activité (Alvarez et Stauffer, 2001; Bandoroff et Newes, 2004; Gass, 1993; Gass et coll., 2012), une définition formellement acceptée s’est avérée problématique en raison de la diversité des pratiques à l’échelle internationale. En fait, la communauté internationale de la thérapie par l’aventure a résisté à une définition singulière afin de rester largement inclusive et a choisi de ne noter que des composantes essentielles : l’engagement dans des activités stimulantes avec une intention thérapeutique (International Adventure Therapy, 2022).

Inventée aux États-Unis, la thérapie par l’aventure a été définie au sens large comme « toute utilisation intentionnelle et facilitée d’outils et de techniques d’aventure pour guider le changement personnel vers les objectifs thérapeutiques souhaités » (Alvarez et Stauffer, 2001, p. 87) et au sens étroit comme « l’utilisation prescriptive d’expériences d’aventure fournies par des professionnels de la santé mentale, souvent menées dans des environnements naturels qui sollicitent kinesthésiquement les client.e.s sur les plans cognitif, affectif et comportemental » (Gass et coll., 2020, p. 1). En Europe, la thérapie par l’aventure a été décrite comme « une combinaison d’apprentissage expérientiel et d’approches thérapeutiques personnelles ou individuelles différentes » faisant appel au défi, à la nature et à la réflexion (Vossen et coll., 2017, p. 2). En Australie, la thérapie par l’aventure, qui associe la nature, les petits groupes, « l’aventure et les environnements en plein air dans l’intention d’obtenir des résultats thérapeutiques » (Australian Association for Bush Adventure Therapy, 2008), inclut « la guérison, les voyages et les relations en essayant de décrire les moyens, les méthodes et les objectifs de la pratique » (Carpenter et Pryor, 2004, p. 237).

Au Canada, la thérapie par l’aventure utilise des activités de défi expérientiel, généralement menées en petits groupes, pour s’engager avec le ou la thérapeute, à des fins variées d’autonomisation, de renforcement de la résilience, de réduction du stress, d’élaboration de stratégies d’adaptation, d’amélioration des compétences prosociales, de résolution des traumatismes, de transformation du comportement, de réduction de la résistance au changement (Priest, 2021) et d’amélioration de l’écosanté en général (Ritchie et coll., 2022). Globalement, la thérapie par l’aventure se différencie des autres domaines d’aventure par l’utilisation des défis habituels en plein air par l’ajout des « techniques d’animation avancées qui offrent des comportements optionnels bénéfiques ou rehaussent ce qui est déjà bien fait » afin de réduire la résistance de la clientèle à un changement sain (Priest et Gass, 2018, p. 418).

Thérapie ou thérapeutique?

La tentative de délimiter les concepts de « thérapie » et de « thérapeutique » est au cœur de ces arguments définitionnels. Dès le début de l’évolution historique de la thérapie par l’aventure, Gass (1993) a suggéré que les programmes d’aventure existent sur un continuum de profondeur d’intervention : les programmes récréatifs occupent l’extrémité superficielle du spectre, les programmes éducatifs se situent quelque part au milieu, tandis que les interventions de traitement auxiliaire (perfectionnement) et primaire (thérapie) sont considérées comme « profondes ». Ce continuum est expliqué dans le premier chapitre définitionnel de ce manuel (Priest, 2023).

Afin de distinguer les programmes de perfectionnement (thérapeutiques ou complémentaires) des programmes de thérapie (traitement principal), Williams (2004) a proposé un modèle à six facteurs. Selon ce modèle, pour qu’une intervention soit considérée comme une thérapie, elle doit inclure les éléments suivants :

  1. Un problème diagnostiqué
  2. Objectifs spécifiques du traitement
  3. Une intervention ciblée spécifique au problème présenté
  4. Planification des programmes fondée sur la théorie
  5. Recherche systématique et évaluation des processus et des résultats
  6. Animation par des clinicien.ne.s formé.e.s (Williams, 2004)

Les programmes thérapeutiques peuvent toujours avoir des résultats bénéfiques pour les client.e.s, mais ne pas nécessairement inclure les composantes essentielles de la thérapie ou la présence d’un.e thérapeute autorisé.e (Williams, 2004). En résumé, la thérapie par l’aventure comprend généralement plusieurs éléments : un petit groupe de client.e.s, avec des besoins individuels, dont les défis incluent des risques, des conflits ou des exercices, avec une immersion dans la nature suivie d’une réflexion sous la direction d’un animateur.trice en plein air dans le cadre d’un processus psychothérapeutique guidé par un.e thérapeute superviseur.e (Priest, 2023). Les deux derniers éléments distinguent la thérapie de la programmation thérapeutique.

Thérapie par l’aventure au Canada

La thérapie par l’aventure a connu une croissance significative au cours des 25 dernières années, en particulier aux États-Unis, en Australasie, au Royaume-Uni et en Europe (Norton et coll., 2015). Toutefois, la croissance au Canada a été beaucoup plus lente (Ritchie et coll., 2016). À partir des années 1970, les programmes d’aventure thérapeutique conçus comme des interventions de déjudiciarisation des jeunes qui risquent de faire face au système judiciaire de la jeunesse sont devenus courants en Colombie-Britannique, atteignant un pic de 26 programmes financés. Pourtant, les deux seuls qui restaient en 2014 (Barnett et Howell, 2014) ont fermé en 2019. Ils n’incluaient pas de services de santé mentale par des clinicien.ne.s autorisé.e.s et étaient davantage décrits comme des programmes de perfectionnement que comme des thérapies. Ces programmes de Colombie-Britannique visaient le perfectionnement de compétences qui amélioraient la qualité de la vie quotidienne des participant.e.s plutôt que de s’attaquer à la résistance au changement ou au traitement des traumatismes (Priest et Gass, 2018). Bien que ces programmes de perfectionnement ne répondent pas à la définition de la thérapie par l’aventure décrite précédemment, les programmes en milieu sauvage affiliés au tribunal de la jeunesse étaient assez courants au Canada et servaient de tremplin vers les programmes de thérapie par l’aventure. L’un d’eux est le projet DARE, un programme de garde en milieu ouvert sauvage qui a débuté en 1971. Wendigo Lake Expeditions a pris le contrôle du programme après sa privatisation par le gouvernement et a fourni des services de 2000 à 2021. Elle se distingue de ses homologues occidentaux par le fait que son programme inclut des professionnel.le.s de la santé mentale autorisé.e.s (Russell, 2006).

Enviros Wilderness Camp Association, actuellement basée à Calgary, en Alberta, se résumait au début à un seul programme en milieu sauvage conçu par des travailleur.euse.s sociaux.ales en 1976 avant de devenir une grande agence qui fournit une variété de services sociaux, de santé mentale et d’aide aux toxicomanes (About Enviros, 2023). En 2010, le programme de traitement des dépendances en milieu sauvage du centre de rétablissement Shunda Creek d’Enviros s’est associé à Gillis et Russell (2017) pour créer un programme de suivi des résultats visant spécifiquement à évaluer la valeur ajoutée de l’intégration de composantes de thérapie par l’aventure dans le traitement de la toxicomanie, ce qui a finalement conduit à l’élaboration de l’échelle Adventure Therapy Experience Scale (ATES). Le centre Shunda Creek poursuit son programme de traitement de 90 jours sous la supervision de professionnel.le.s de la santé mentale autorisé.e.s près de Kananaskis, en Alberta.

Les Canadien.ne.s ont participé aux neuf conférences internationales sur la thérapie par l’aventure (CITA), et la troisième CITA s’est tenue à Victoria, en Colombie-Britannique, en 2003. Lors de la quatrième CITA à Rototura, à Aotearoa (Nouvelle-Zélande) en 2006, un groupe de Canadien.ne.s s’est réuni pour discuter de l’état actuel et du développement de la thérapie par l’aventure au Canada, ce qui a donné lieu à une série de symposiums canadiens sur la thérapie par l’aventure (SCTA) (Ritchie et coll., 2016). Depuis le premier SCTA de 2009, qui s’est tenu à Victoria, en Colombie-Britannique, sept autres ont eu lieu au Canada, notamment au Québec, en Ontario, en Alberta, en Nouvelle-Écosse et au Yukon (Cornell, 2019). Les SCTA ont été intentionnellement organisés dans des régions distinctes du pays afin d’encourager la participation d’un large éventail d’éducateur.trice.s, de clinicien.ne.s, de chercheur.euse.s, d’étudiant.e.s, de communautés autochtones et de prestataires de programmes à travers le pays; environ 50 % des participant.e.s aux SCTA ont indiqué fournir des services de thérapie ou des services thérapeutiques, tandis que les autres ont mentionné d’autres domaines de services primaires (Cornell, 2019). Cette diversité de participant.e.s a permis de centrer les conversations de la conférence sur les avantages potentiels et les pratiques de la thérapie par l’aventure dans de nombreux secteurs.

De nombreuses communautés autochtones du Canada ont une longue tradition de pratiques de guérison axées sur la terre pour favoriser la santé, le bien-être et la culture. Bien que les pratiques de guérison axées sur la terre ne puissent être définies de manière exhaustive dans ce chapitre, en voici la description au Canada :

… un programme ou un service de santé ou de guérison qui se déroulent dans un endroit rural, éloigné ou non urbain, sur un terrain qui a été intentionnellement cultivé spirituellement pour garantir que la terre est honorée et respectée. La terre est considérée comme un hôte actif et un partenaire des personnes engagées dans le processus de guérison. La culture d’une terre sous l’intendance des Premières Nations se fait généralement par le développement d’une relation intime avec l’esprit par le biais de cérémonies, d’offrandes, d’expression de gratitude et de demandes de permission à la terre pour y entrer et l’utiliser à des fins de guérison (Hanson, 2012, p. 2).

À première vue, il peut y avoir des similitudes entre les pratiques de guérison traditionnelles axées sur la terre et la thérapie par l’aventure; les deux pratiques visent à soutenir la santé mentale et le bien-être et se déroulent en plein air. Malgré ces similitudes, il est important de ne pas confondre les deux pratiques. Les thérapeutes par l’aventure canadien.ne.s doivent veiller à éviter l’appropriation culturelle des pratiques traditionnelles dans leur travail, mais il est utile que les thérapeutes occidentaux.ales et autochtones se réunissent pour partager, apprendre et se soutenir mutuellement. Un exemple de cette collaboration a eu lieu au septième SCTA à Whitehorse, au Yukon. Le grand chef Peter Johnston a prononcé un discours sur la valeur de l’engagement envers la terre pour la santé, le bien-être et le progrès en tant que société, ainsi que sur les traités et l’autonomie des Premières Nations du Yukon (Cornell, 2019). Les futures réunions des professionnel.le.s canadien.ne.s de la thérapie par l’aventure devraient continuer à inviter les Autochtones à la table pour approfondir les conversations sur la façon dont toutes les parties peuvent soutenir le travail de guérison des uns et des autres en plein air.

Un recensement récent des thérapeutes canadien.ne.s par l’aventure a révélé que, si quelques grands programmes offrent des services de thérapie par l’aventure dans tout le pays (p. ex., Enviros en Alberta, Pine River Institute en Ontario, Le Grand Chemin au Québec), la majorité de ces thérapeutes le font par l’intermédiaire de petits cabinets privés (Priest et Javorski, 2021). Les programmes de thérapie par l’aventure tendent à compléter les services de santé mentale plus traditionnels et comprennent des consultations plus courtes inspirées de la nature dans des espaces naturels locaux, des excursions d’une journée comprenant de l’escalade, du canoë, du kayak, de la randonnée ou de la voile, ainsi que des expéditions de courte durée (2 à 10 jours) en milieu sauvage (Priest et Javorski, 2021). Bien que la formation formelle ou l’enseignement postsecondaire en thérapie par l’aventure soit rare au Canada (Ritchie et coll., 2016), une maîtrise en thérapie par l’aventure a récemment été lancée à l’Université du Québec à Chicoutimi. Les services de thérapie par l’aventure se développent également dans les agences de Terre-Neuve. Même s’il ne semble pas y avoir de marché pour soutenir des programmes de thérapie par l’aventure à long terme, qui sont populaires aux États-Unis et dans les pays européens, l’intérêt et le besoin d’un soutien à la santé mentale basé sur la thérapie par l’aventure se font de plus en plus sentir au Canada.

Les éléments essentiels de la thérapie par l’aventure

La thérapie par l’aventure entraîne les client.e.s dans des défis (expériences dont les résultats sont inconnus) afin de susciter des pensées, des sentiments et des comportements différents (Priest et Gass, 2018). Elle les amène à prendre des risques, à résoudre des conflits, à faire des exercices difficiles et à s’imprégner de la nature. De manière interactive, ces défis apportent des bénéfices intrapersonnels, interpersonnels et sur la santé physique et mentale (Priest, 2023; Ritchie et coll., 2022). Ils sont normalement animés au moyen de techniques de réflexion adaptées du cycle d’apprentissage expérientiel de Kolb (1984). Les thérapeutes par l’aventure présentent une activité qui exigent que les client.e.s fassent appel à des pensées, à des sentiments ou à des comportements conformes à un objectif thérapeutique, qu’ils réfléchissent à l’expérience et au moyen de transférer les apprentissages de l’expérience dans leur vie de tous les jours (Priest et Gass, 2018). Au-delà de ce cadre général de défis et de réflexion, et quelles que soient les activités entreprises, les éléments essentiels de la thérapie par l’aventure s’expriment mieux à l’aide de l’acronyme SUPRA : solutions saturées, univers unique, programmation ciblée, résistance réduite et aventure authentique.

S = Solutions saturées

Contrairement aux thérapies par la conversation traditionnelles, qui utilisent principalement des voies cognitives pour atteindre les objectifs thérapeutiques, les interventions thérapeutiques par l’aventure sollicitent activement les client.e.s par des voies cognitives, comportementales et affectives (Gass et coll., 2020). Les interventions thérapeutiques par l’aventure sont immersives, qu’il s’agisse de courtes sessions thérapeutiques par l’aventure, d’expériences d’une demi-journée ou d’une journée entière, ou de programmes de thérapie par l’aventure plus longs en milieu sauvage qui maintiennent les client.e.s dans la thérapie 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 pendant plusieurs semaines (Gass et coll., 2020). Les thérapeutes par l’aventure utilisent des compétences d’animation avancées, notamment le cadrage isomorphique, l’anticipation et l’entonnoir, pour concevoir des activités transformatrices qui soutiennent la croissance des client.e.s vers des objectifs thérapeutiques (Priest et Gass, 2018).

Dans le contexte nord-américain, le processus de thérapie par l’aventure a été décrit comme suit : les thérapeutes et les client.e.s fixent un objectif et participent à une aventure ensemble, puis font le point pour aider les client.e.s à transférer les compétences, les connaissances ou les idées acquises lors de l’aventure à leur vie quotidienne (Alvarez et coll., 2020; Gass et coll., 2020). Alors que Dobud et Natynczuk (2022) affirment que les objectifs d’apprentissage ne devraient pas être abordés avant l’aventure (en particulier les expériences inspirées de la nature), le reste de leur modèle de solutions de thérapies en plein air suit un processus similaire. Gass et coll. (2020) ont également plaidé en faveur d’une composante axée sur la solution dans les interventions thérapeutiques par l’aventure où les thérapeutes aident les client.e.s à cerner les points forts mis en évidence pendant ces expériences. Un point commun à tous les modèles est la conviction que les aventures fournissent un environnement sûr qui permet aux client.e.s de découvrir différentes façons d’être. Les participant.e.s peuvent ainsi tester de nouvelles solutions aux défis de leur vie quotidienne lors d’une activité, explorer les avantages et les inconvénients de chaque solution avec le ou la thérapeute par l’aventure et le reste du groupe, et réfléchir à l’option qui leur conviendrait le mieux au-delà du programme de thérapie par l’aventure (Alvarez et coll., 2020; Dobud et Natynczuk, 2022; Gass et coll., 2020).

U = Univers unique

S’inspirant des travaux de Satir (1972), Walsh et Gollins (1976) et Whitaker (1978), les interventions thérapeutiques par l’aventure sollicitent généralement des groupes suffisamment grands pour permettre la réciprocité, la diversité et les conflits, mais suffisamment petits pour que les membres s’unissent autour d’un objectif, évitent la formation de cliques et gèrent les conflits de manière saine. La nature active des interventions thérapeutiques par l’aventure favorise la santé physique en proposant à la clientèle une alimentation saine, des habitudes de sommeil régulières et des exercices fréquents. Les interventions thérapeutiques par l’aventure, quel que soit le contexte, sont sans écran et offrent à la clientèle la possibilité de développer des relations de confiance avec des pairs, des clinicien.ne.s et eux-mêmes, sans les effets négatifs sur la santé (santé physique, qualité de vie et relations familiales moins bonnes) associés à la consommation de médias sur écran (Iannotti et coll., 2009).

L’utilisation d’environnements uniques est au cœur du processus de thérapie par l’aventure depuis plus de cinq décennies de littérature (Alvarez et coll., 2020; Carpenter, 2008; Deane et Harré, 2014; Gass et coll., 2020; Jansen et Pawson, 2012; Nadler, 1993; Priest et Gass, 1997; Schoel et coll., 1988; Walsh et Gollins, 1976). La nouveauté, qu’il s’agisse du cadre (p. ex., la nature) ou du choix de l’activité, offre de meilleures possibilités d’évaluation. Les projections du client sur l’environnement nouveau et l’activité nouvelle offrent aux thérapeutes par l’aventure des possibilités d’observation des comportements de la clientèle plus approfondies que lors d’une séance de thérapie par la conversation dans un bureau (Priest et Gass, 2018). En outre, l’utilisation d’environnements physiques prescrits non familiers (souvent dans la nature) qui contrastent avec la vie quotidienne de la clientèle est utile : 1) permettre aux client.e.s d’acquérir une nouvelle perspective sur leurs comportements habituels (Gass et coll., 2020); et 2) créer une dissonance adaptative (Walsh et Gollins, 1976) qui peut les motiver à explorer des façons plus saines d’être dans l’environnement inconnu grâce au soutien de leurs pairs et de l’animateur.trice (Gass et coll., 2020). L’utilisation d’environnements contrastés et peu familiers favorise l’autonomie des client.e.s; la volonté de se sentir plus à l’aise dans le nouvel environnement exige des participant.e.s qu’ils développent une motivation interne pour penser au changement (Gass et coll., 2020).

P = Programmation ciblée

Les thérapeutes par l’aventure qui travaillent aux côtés des client.e.s pour élaborer des objectifs et des plans de traitement participent généralement aux aventures avec eux (Alvarez et coll., 2020; Gass et coll., 2020). Les thérapeutes sont ainsi en excellente position pour travailler à un consensus sur les objectifs, à une collaboration et à des facteurs d’alliance de manière intense sur une période plus courte que les thérapies par la conversation grâce à une expérience commune. Une première méta-analyse des résultats de la psychothérapie, comprenant 375 évaluations de la psychothérapie par rapport à des groupes de contrôle sans traitement, a révélé que si, en moyenne, les client.e.s en thérapie se portaient mieux que 75 % des personnes non traitées, les différences de traitement en fonction de la modalité psychothérapeutique étaient négligeables (Smith et Glass, 1977). Au contraire, c’est la qualité de l’alliance thérapeutique qui a le plus d’effet sur l’évolution positive de la clientèle au cours du traitement (Smith et Glass, 1977). Des méta-analyses plus récentes sur les résultats des traitements pour les jeunes ont spécifiquement trouvé des différences négligeables similaires dans les tailles de l’effet des traitements par modalité (Weisz et coll., 2017; Weisz et coll., 2019). L’ouvrage de Wampold et Imel (2015) présente un modèle contextuel de thérapie basé sur une comparaison des tailles de l’effet pour le changement positif des client.e.s trouvé dans une recherche bibliographique d’essais de résultats de psychothérapie. Les auteur.trice.s ont constaté que si les différences de traitement étaient le facteur le plus souvent étudié dans la littérature sur la psychothérapie, la modalité psychothérapeutique était associée à une petite taille de l’effet dans l’ensemble (Wampold et Imel, 2015). Leurs résultats confirment la conclusion de Smith et Glass (1977) selon laquelle l’alliance thérapeutique est plus fortement associée à des résultats positifs; l’empathie, l’alliance, la considération ou affirmation positive et la congruence ou générosité ont toutes montré des tailles de l’effet moyennes pour le changement positif du client par le biais de la psychothérapie (Wampold et Imel, 2015). Plus intéressant encore, Wampold et Imel (2015) ont constaté que le consensus sur les objectifs et la collaboration entre les thérapeutes et les client.e.s, bien qu’ils aient été le moins étudiés, ont démontré les tailles de l’effet les plus fortes pour le changement positif des client.e.s au cours du traitement.

Les interventions thérapeutiques par l’aventure proposent des défis prescriptifs conçus de telle sorte que pour réussir, les client.e.s doivent adopter des pensées, des comportements ou des sentiments adaptatifs ciblés en tant qu’objectifs dans leurs plans de traitement (Alvarez et coll., 2020; Gass et coll., 2020). Les activités exigent souvent que les client.e.s s’engagent dans un domaine affectif, comportemental, cognitif, social ou kinesthésique pour relever les défis dans le moment présent et faire l’expérience de l’eustress, l’application consciente de la compétence personnelle pour surmonter les risques perçus (Priest et Gass, 2018). Que les activités d’aventure soient conçues pour permettre aux client.e.s d’atteindre des objectifs de traitement spécifiques (Alvarez et al., 2020; Gass et coll., 2020) ou que les expériences inspirées de la nature visent des résultats plus émergents (Dobud et Natynczuk, 2022), les thérapeutes par l’aventure s’efforcent d’aider les client.e.s à transférer l’apprentissage axé sur des objectifs cocréés de l’expérience à leur quotidien.

R = Résistance réduite

Les interventions thérapeutiques par l’aventure entraînent les client.e.s dans des processus associés au cycle d’apprentissage par l’expérience (Kolb, 1984). Ces processus soutiennent les client.e.s à travers des activités, une réflexion sur ces expériences, l’intégration ou l’identification des enseignements tirés des expériences et la poursuite ou l’engagement à appliquer ces enseignements à l’avenir par le biais de changements spécifiques dans la pensée et le comportement. Les thérapeutes par l’aventure pratiquent souvent à partir d’une orientation axée sur les solutions, ce qui aide les client.e.s à privilégier celles qui sont efficaces et à délaisser celles qui ne le sont pas (Gass et coll., 2012). Les activités sont sélectionnées de manière à miser sur les points forts et les intérêts des client.e.s, ce qui réduit encore la probabilité que ceux-ci résistent au traitement (Bandoroff et Newes, 2004). De plus, les interventions thérapeutiques par l’aventure sont conçues pour soutenir l’autonomie, la compétence et la relation des client.e.s, les trois besoins psychologiques fondamentaux décrits par la théorie de l’autodétermination (Ryan et Deci, 2000). Ryan et Deci (2000) estiment que lorsque ces besoins sont satisfaits, les client.e.s sont plus susceptibles de développer une motivation intrinsèque au changement, ce qui réduit la résistance à la thérapie. L’utilisation délibérée de la réciprocité (Walsh et Gollins, 1976) dans les interventions thérapeutiques par l’aventure permet également de réduire cette résistance.

La participation à des expériences de groupe qui requièrent l’attention et l’effort de tous afin d’atteindre un objectif peut convaincre les client.e.s qui pourraient être autrement réfractaires à l’apprentissage et à la croissance (Bruner, 1966). Fetterman et coll. (2016) ont constaté que le fait de demander aux participant.e.s à l’étude d’écrire sur des expériences de vie négatives et des symptômes dépressifs en termes métaphoriques conduisait à des réductions plus importantes de l’affect négatif et des symptômes dépressifs au fil du temps que s’ils étaient invités à le faire en termes littéraux. Qui plus est, le groupe de chercheur.euse.s a constaté que le traitement métaphorique pouvait être enseigné aux participant.e.s qui étaient plus prédisposé.e.s à penser littéralement (Fetterman et coll., 2016).

Les interventions thérapeutiques par l’aventure sont souvent conçues pour être isomorphiquement liées aux objectifs de traitement des client.e.s; l’activité elle-même est une métaphore d’un problème qu’ils cherchent à résoudre et la résolution réussie de l’activité devient un processus parallèle à la réalisation d’un objectif de traitement dans la vie réelle. Aborder le problème d’un.e client.e par le biais de la métaphore structurée d’une activité suscite souvent moins de résistance que lorsqu’il est abordé directement (Priest et Gass, 2018). Le processus de création d’interventions thérapeutiques par l’aventure à cadre isomorphe et de facilitation du transfert direct ou indirect de l’apprentissage de l’expérience de l’aventure à la vie quotidienne des client.e.s a été bien décrit dans la littérature (Bacon, 1983; Gass, 1993; Gass et coll., 2012; Gass et coll., 2020). Les métaphores thérapeutiques peuvent contribuer à réduire la résistance des client.e.s au changement fonctionnel et à améliorer l’efficacité des interventions thérapeutiques (Erikson, 1980), car elles permettent souvent de communiquer des concepts complexes ou abstraits de manière plus compréhensible (Hayes et coll., 1999). Les métaphores obligent les client.e.s à effectuer une recherche transdérivationnelle de toutes leurs expériences, valeurs et croyances passées afin de donner un sens à l’expérience métaphorique actuelle (Bacon, 1983). Ce processus inconscient contourne la résistance consciente au changement que les client.e.s peuvent avoir et leur permet de créer leur propre sens (Gass, 1993). Gass (1993) a également expliqué que les métaphores correctement formées dans la thérapie par l’aventure s’appuient sur leur application dans les thérapies traditionnelles pour les raisons suivantes : 1) la tendance des client.e.s à réagir de manière automotivée à des interventions thérapeutiques par l’aventure correctement formées; et 2) l’orientation des interventions thérapeutiques par l’aventure vers une résolution réussie.

A = aventure authentique

Au cours des cinq dernières décennies, la littérature nord-américaine a considérablement évolué en ce qui concerne l’éthique et l’efficacité de la thérapie par l’aventure, mais les éléments fondamentaux de telles interventions ont toujours inclus une expérience physique concrète. Walsh et Golins (1976) ont décrit le rôle essentiel d’un ensemble caractéristique de tâches de résolution de problèmes physiques dans le processus de changement lié à la thérapie par l’aventure. Schoel et coll. (1988) ont fourni un cadre pour l’utilisation de défis expérientiels de résolution de problèmes en groupe et d’activités de défi (p. ex., des parcours de cordes hautes et basses) pour faciliter le changement social, émotionnel et comportemental, tandis que Nadler (1993) a décrit comment l’engagement kinesthésique dans des activités éprouvantes pouvait provoquer un déséquilibre chez les client.e.s et un changement de comportement. Norton (2010) a constaté que le défi physique était essentiel au changement positif chez les client.e.s de la thérapie en milieu sauvage, et la méta-analyse de Bowen et Neill (2013) a révélé que l’apprentissage par l’engagement physique significatif dans des activités d’aventure et l’utilisation positive du stress qui y est associé (eustress) étaient essentiels au processus de changement.

Les interventions thérapeutiques par l’aventure sont concrètes, directes et donnent aux client.e.s le sentiment d’avoir le choix (Priest et Gass, 2018). Les expériences de thérapie par l’aventure comportent des risques réels ou perçus qui correspondent aux compétences des client.e.s dans un domaine donné, et ceux-ci doivent utiliser leurs compétences existantes ou élaborer de nouvelles façons d’être pour réussir l’activité. Elles sont organisées dans le but d’atteindre collectivement les objectifs de traitement des client.e.s et structurées d’une manière gérable, de sorte que la confiance de ceux-ci est renforcée par la résolution de problèmes de plus en plus difficiles (Priest et Gass, 2018). Les activités sont conséquentes; les client.e.s reçoivent de la rétroaction naturelle sur leurs performances mentales, émotionnelles, sociales et physiques, et les thérapeutes par l’aventure les aident à y réfléchir afin de comprendre comment s’améliorer (Gass et coll., 2020). Les interventions thérapeutiques par l’aventure favorisent la réciprocité entre les membres, de sorte qu’ils doivent exploiter les forces variées de chacun.e pour surmonter des défis qu’il leur serait impossible de relever individuellement (Gass et coll., 2020).

Devenir thérapeute par l’aventure

Les interventions thérapeutiques par l’aventure exigent des thérapeutes une expertise dans divers domaines : activités en plein air et leadership, animation et thérapie, connaissance de la clientèle et de la culture, qualités et qualifications personnelles (Priest et Gillis, 2023). Pour acquérir ces compétences, il faut se former dans deux professions ou plus, soit en tant que clinicien.ne autorisé.e en santé mentale et en tant qu’instructeur.trice accrédité.e pour toute activité en plein air à mener dans le cadre de la pratique de la thérapie par l’aventure. Il faut donc obtenir une maîtrise dans un domaine de la santé mentale (p. ex., psychologie de la consultation, travail social, thérapie conjugale et familiale, soins aux enfants et aux adolescent.e.s), un droit d’exercice dans la province de travail, maintenir une qualification de premier.ère intervenant.e en milieu sauvage, en plus d’obtenir et de maintenir une qualification d’instructeur.trice pour toute activité en plein air applicable (p. ex., canoë, kayak, escalade, cyclisme, etc.). L’obtention et le maintien de ces titres en tant que personne nécessitent un investissement important en temps et en ressources. Comme le notent Priest et Gillis (2023), il est également possible de créer des équipes d’animation composées de plusieurs thérapeutes, chacun.e apportant un ensemble unique de compétences afin de garantir que l’équipe de direction dispose d’une expertise dans tous les domaines requis pour fournir des programmes de thérapie par l’aventure éthiques et efficaces.

Plusieurs publications récentes ont détaillé les éléments essentiels d’une bonne pratique de la thérapie par l’aventure (Borroel et coll., 2020; Borroel et coll., 2021; Priest et Gillis, 2023). Bien qu’ils ne soient pas identiques, les principes fondamentaux de la thérapie par l’aventure décrits dans chacun d’eux se recoupent étroitement (voir tableau 1) et ils constituent un bon guide pour les nouveaux ou nouvelles thérapeutes qui veulent acquérir les compétences nécessaires pour faciliter la programmation de la thérapie par l’aventure, que ce soit individuellement ou en tant que membres d’une équipe. En 2018, 24 thérapeutes par l’aventure de 11 pays se sont réunis pendant trois jours dans les Blue Mountains, à l’ouest de Sydney, en Australie, pour discuter des éléments essentiels de la thérapie par l’aventure et de la pratique dans un contexte international (Borroel et coll., 2020). L’un des résultats de la réunion a été une liste de 16 éléments essentiels pour une pratique sûre et efficace de la thérapie par l’aventure, présentés dans la colonne « Groupe de réflexion » du tableau 1. L’Association for Experiential Education (AEE) a commencé à proposer le titre de thérapeute par l’aventure clinique certifié.e en 2021 (Borroel et coll., 2021). Le titre américain de thérapeute par l’aventure autorisé.e requiert une expertise dans 10 catégories de compétences. Plus récemment, Priest et Gillis (2023) ont présenté les thérapeutes par l’aventure tricompétent.e.s et décrit quatre domaines d’expertise essentiels à leur pratique en Amérique du Nord.

Remarque : La communauté internationale de thérapie par l’aventure n’exige pas de maîtrise ni de permis, mais les exigences en matière de formation varient en fonction du contexte culturel local.

Tableau 1. Éléments essentiels de la thérapie par l’aventure
Thérapeute par l’aventure clinique certifié.e : AEE (Borroel et coll., 2020) Thérapeute par l’aventure tricompétent.e : 2000 (Priest et Gillis, 2023) Groupe de réflexion CITA-8 : Huitième conférence internationale sur la thérapie par l’aventure (Borroel et coll., 2021)
1 Compétences techniques

2 Organisation ou administration

ÉLÉMENTS MANQUANTS : compétences pédagogiques et méta, mais elles peuvent déjà être inhérentes à un.e thérapeute de la santé mentale autorisé.e

Expérience (technique, gestion de la sécurité et des risques, environnement, planification, compétences méta, instruction) Évaluation des risques et gestion des crises Compétences techniques en plein air

Aventure (au cœur du changement)

3 Animation et traitement

4 Connaissances conceptuelles

5 Établissement de l’alliance thérapeutique

6 Évaluation

Réflexion (théorie, transformation, psychothérapie, animation, métaphores, alliance, prise en compte des traumatismes) Travail de groupe (animation et traitement holistique)

Interventions inspirées de la nature (la nature en tant qu’enseignante et guérisseuse)

Pratique tenant compte des traumatismes

Théories et modèles de consultation

Alliance thérapeutique (relations et communication)

7 Interventions (conçues spécifiquement pour les client.e.s)

8 Considérations socioculturelles ou environnementales

Clientèle (préoccupations, adaptation, indications, contre-indications, culture, autochtonie, justice sociale, autonomisation, socialisation) Sensibilisation aux cultures et aux autochtones

Bien-être holistique

Interventions et trousse à outils (pleine conscience, métaphores, initiatives, etc.)

Connaissances spécifiques aux client.e.s

9 Suivi thérapeutique

10 Documentation

11 Professionnalisme

CONDITIONS PRÉALABLES : diplôme d’études supérieures, vérification du droit d’exercice, analyse de l’apprentissage antérieur et de l’expérience sous supervision, etc.

Personnel (diplôme, conscience de soi, intentionnalité, confort général, éthique professionnelle, travail d’équipe prosocial, attitude holistique, résilience omniprésente, volonté d’apprendre, évaluation, traits) Pratique sûre, éthique et efficace

Conscience de soi

Professionnalisme (pratique réflexive et supervision)

Évaluation de l’efficacité

Bien que les trois descriptions des compétences essentielles pour les programmes de thérapie par l’aventure varient légèrement, les éléments fondamentaux sont tous similaires. Par conséquent, afin de fournir des interventions thérapeutiques par l’aventure sécuritaires, éthiques et efficaces au Canada, les thérapeutes devraient posséder une expertise en tant qu’équipes d’animation individuelle ou collective dans les domaines suivants :

  1. Expertise en matière d’activités en plein air pour toutes les activités proposées dans le cadre d’une intervention de thérapie par l’aventure, avec qualification d’instructeur.trice le cas échéant et formation appropriée de premiers secours en milieu sauvage
  2. Expertise administrative comprenant la gestion des risques physiques, sociaux, émotionnels et comportementaux, l’assurance, la documentation relative aux dérogations et à la prise en charge des risques, la logistique, l’environnementalisme, le suivi des résultats et la réponse aux incidents critiques
  3. Expertise de la clientèle, y compris les questions de justice sociale, la culture et l’autochtonie, la langue, l’adaptation des interventions aux besoins individuels, le bien-être holistique et les indications ou contre-indications pour des activités ou interventions spécifiques
  4. Expertise en matière de consultation avec une maîtrise et un droit d’exercice, y compris la connaissance des modèles de changement, des modèles de psychothérapie, des métaphores, des interventions inspirées de la nature, de l’alliance thérapeutique et des soins tenant compte des traumatismes
  5. Expertise en matière d’animation dans l’exécution d’activités et le traitement pour transférer l’apprentissage des client.e.s de l’activité à leur vie quotidienne, à la gestion de groupes et au leadership de groupes

Conclusion

Au Canada, la thérapie par l’aventure est encore un domaine en développement, mais elle présente un grand potentiel en tant que traitement de la santé mentale et du bien-être. Afin de fournir des soins sûrs, éthiques et efficaces, les thérapeutes par l’aventure canadien.ne.s devraient posséder l’expertise nécessaire en matière d’activités, d’administration, de clientèle, de consultation et d’animation pour offrir toutes les activités incluses dans un programme de thérapie par l’aventure. Les thérapeutes par l’aventure canadien.ne.s devraient participer à l’évaluation des programmes et à la recherche sur les résultats des client.e.s afin d’évaluer l’efficacité des interventions thérapeutiques par l’aventure pour différentes populations; les résultats de ce travail pourraient être utilisés pour promouvoir un accès accru aux programmes de thérapie par l’aventure par le biais des réseaux provinciaux de santé et de services sociaux et des fournisseurs d’assurance. Le travail du SCTA devrait être poursuivi en mettant l’accent sur le rassemblement des thérapeutes par l’aventure, des communautés autochtones et des parties prenantes gouvernementales pour continuer les conversations sur la valeur de la connexion avec les lieux naturels, la conservation, l’accès à la terre, le partage des connaissances et les solutions que les programmes de thérapie par l’aventure pourraient apporter à certains des 94 appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation du Canada (CVR, 2015). Enfin, la prochaine édition du SCTA devrait réunir des thérapeutes par l’aventure, d’ancien.ne.s client.e.s, des thérapeutes en développement et des universitaires pour discuter de la formation en thérapie par l’aventure au Canada. Le partage de l’expérience des thérapeutes et des client.e.s peut aider les universitaires à créer des possibilités de formation, par exemple des microcrédits ou des diplômes d’études supérieures, pour préparer la prochaine génération de thérapeutes par l’aventure canadien.ne.s.

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À propos de l’auteur

Steve Javorski

Université Vancouver Island

Steve Javorski est professeur de soins aux enfants et aux jeunes à l’Université Vancouver Island. Il a plus de 20 ans d’expérience dans l’offre de programmes éducatifs et thérapeutiques aux jeunes et aux jeunes adultes en tant qu’animateur, guide, gestionnaire de programmes et conseiller. Il est titulaire d’une maîtrise en psychologie transpersonnelle avec une spécialisation en thérapie en milieu sauvage de l’Université Naropa. Il termine actuellement son doctorat en éducation expérientielle en plein air, axé sur la santé comportementale en plein air, à l’Université du New Hampshire.

 

Icône de la licence Creative Commons Attribution – Pas d’utilisation commerciale – Partage dans les mêmes conditions 4.0 International

L’article Thérapie par l’aventure au Canada (2024), de Steve Javorski, est distribué sous la licence Creative Commons Attribution – Pas d’utilisation commerciale – Partage dans les mêmes conditions 4.0 International, sauf indication contraire.

III

Clientèle

7

7.

LOISIRS EN PLEIN AIR ACCESSIBLES, ADAPTÉS ET INCLUSIFS

Carinna Kenigsberg et Jason Cole

La vie d’une personne peut changer en un instant : une personne passionnée d’exploration peut être victime d’une blessure qui l’empêche de faire de la randonnée, un parent ayant un enfant neurodivergent peut avoir besoin de connaître les trousses de soutien sensoriel pour un voyage de camping, un enfant peut développer une maladie qui l’oblige à ne participer qu’à des activités supervisées. Pour aller de l’avant et continuer d’évoluer, notre profession doit prendre en compte que n’importe qui, à n’importe quel moment, peut avoir besoin d’aide pour se ressourcer en nature et être actif en plein air. Les praticien.ne.s doivent maintenir leurs compétences à jour et être prêt.e.s à soutenir tous les types de personnes de la manière qui leur convient le mieux et qui crée les plus belles expériences.

« Je n’aurais jamais pu faire ce voyage de camping seul. J’ai dormi dehors et j’ai entendu le bruit de la rivière. Être dans la nature m’a permis d’approfondir ma relation avec elle : (plus) que les quelques heures que j’avais l’habitude de vivre. » – Participant.e de Power To Be

L’élaboration et la mise en œuvre de programmes en plein air pour des personnes aux capacités diverses nécessitent une combinaison d’approches centrées sur la personne et interpersonnelles ainsi que des aptitudes et des compétences techniques. Pour concevoir et proposer une expérience de plein air de qualité, il faut tenir compte de plusieurs points de vue, notamment de la manière d’inclure les participant.e.s tout en assurant la sécurité de tous. Pour ce faire, les praticien.ne.s se tournent vers les personnes ayant des expériences vécues et apprennent d’elles ainsi que vers les normes du secteur des activités de plein air.

Introduction

Notre organisation, Power To Be, estime que l’accès à la nature est un droit fondamental. Nous pensons que chacun.e appartient à la nature et que « la nature appartient à chacun.e » (Child, 2022). Power To Be travaille avec des membres de la communauté et des partenaires de différents secteurs, y compris des personnes ayant des expériences vécues très diversifiées. Notre objectif est de changer les discours dépassés qui entourent l’inclusion et l’accessibilité afin que nous puissions permettre à davantage de personnes de s’ouvrir à la beauté de nos milieux naturels grâce à un changement organisationnel, d’attitude et de comportement. Ce chapitre présente nos points de vue, nos approches et nos perspectives sur les programmes de plein air accessibles et adaptés.

La promotion de l’inclusion est la responsabilité de tous, et tous les professionnel.le.s des programmes de plein air doivent considérer chaque participant.e comme expert.e de sa propre expérience. Leurs conseils permettront de s’assurer que les mesures d’adaptation proposées sont authentiques. Nous allons également faire part d’expériences, d’observations et de points de vue d’autres partenaires ayant les mêmes idées et qui organisent des programmes de plein air inclusifs et accessibles au Canada.

Chez Power To Be, nous pensons que l’élaboration et la prestation de programmes de plein air pour des personnes ayant différentes capacités sont mutuellement gratifiantes. Nous savons que la nature s’adapte en permanence et que l’humain peut faire de même. Les lignes directrices que nous présentons dans ce chapitre ont contribué à faire de Power To Be un leader dans l’industrie du plein air, en nous aidant à maintenir des normes d’excellence tout en conservant notre philosophie et nos approches pour faciliter les expériences de loisirs adaptés. Nous savons que lorsqu’il existe des occasions pour les gens de développer des relations avec eux-mêmes et avec les autres, un effet d’entraînement vers le changement important se produit.

Par exemple, nous avons vu des participant.e.s autistes développer des compétences sociales et acquérir des connaissances sur les activités en plein air grâce à nos programmes, et nous avons appris par la suite que ces connaissances les aidaient également à l’école, dans d’autres camps et dans leur dynamique familiale. Nous avons vu une personne récemment blessée à la moelle spinale pagayer sur le lac avec sa famille, et il nous a avoué qu’il n’avait jamais imaginé qu’ils pourraient à nouveau faire ce genre d’activité ensemble.

Ce type de travail (qui va au-delà de l’activité et prend la personne dans son ensemble) nécessite une approche qui allie aptitudes et compétences interpersonnelles, techniques et centrées sur la personne. Nous examinons les normes de l’industrie du plein air, mais nous consultons également ces normes de pratique avec différents secteurs sociaux et avec nos partenaires. Jamie McCulloch, directeur général de Rocky Mountain Adaptive, adopte des normes de pratique et des philosophies similaires à celles de Power To Be. Jamie affirme que la philosophie de Rocky Mountain Adaptive est de « vivre sans limites » :

Nous voyons des possibilités illimitées, et non des limites. Cette philosophie incite à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour assurer l’accès et l’intégration à nos milieux naturels de plein air par le sport et les loisirs. En travaillant avec les capacités et les forces uniques des personnes, et en offrant un équipement adapté spécialisé, des instructeurs certifiés et le soutien de bénévoles formés, nous essayons d’éliminer les obstacles à la participation.

Nous invitons tout le monde à rejoindre le mouvement et à créer ensemble un avenir où tous auront accès aux sports et aux loisirs en plein air, dans les nombreux et incroyables milieux naturels que notre pays a à offrir, d’un océan à l’autre (McCulloch, 2022).

Power To Be utilise les lignes directrices ci-dessous pour maintenir des normes et des procédures élevées tout en mettant en œuvre une variété d’expériences en plein air inclusives. Le chapitre suivant explique comment gérer des programmes d’inclusion en s’appuyant sur quatre principes : approches, attitudes, accès et adaptations.

Approches et attitudes : Principes pour élargir les pratiques autour des programmes adaptés et accessibles

Les programmes inclusifs et adaptatifs commencent dès le premier point de contact : la façon dont les gens sont traités lorsqu’ils arrivent sur un site, comment ils s’imaginent lorsqu’ils recherchent un programme et la façon dont on les aide à s’inscrire à un programme. Ces éléments font partie des étapes initiales de la mise en œuvre de programmes inclusifs, adaptés et malléables. Vous pouvez incorporer des systèmes et des protocoles aux normes organisationnelles, mais ces normes doivent être accompagnées d’une approche de service qui accueille les personnes de manière authentique en se concentrant sur leurs intérêts, leurs points forts et leurs expériences vécues. Par exemple :

  • Établir des critères d’admissibilité clairs et essentiels qui prennent la personne dans son ensemble, ciblent ses besoins, ses affinités et ses désirs de participer au programme avant l’inscription.
  • Disposer d’options d’orientation pour les personnes qui souhaitent ou ont besoin d’un type de soutien différent de celui que vous pouvez offrir.
  • Créer des dossiers d’inscription et des processus axés sur les objectifs et qui tiennent compte des objectifs et des capacités physiques, sociales et émotionnelles de la personne qui s’inscrit au programme.

La philosophie ASE est l’un des premiers concepts que nous enseignons à nos groupes, quels que soient leur âge et leurs capacités. Elle est utile parce qu’elle est divisée en trois composantes différentes et qu’elle est souvent utilisée conjointement avec un contrat de groupe, des objectifs ou des attentes pour préparer tout le monde à la réussite.

  • Accepter toutes les capacités : encourager les participant.e.s à respecter et à accepter les différences des gens, par exemple comprendre et respecter le fait qu’une personne puisse avoir peur des hauteurs ou avoir besoin de marcher plus lentement.
  • Se mettre au défi : nous souhaitons offrir des espaces sécuritaires, où les participant.e.s se sentent soutenus et pris en charge afin qu’ils puissent sortir de leur zone de confort. Qu’il s’agisse de se faire un nouvel ami ou d’essayer une nouvelle activité, nous voulons que nos programmes soient un espace où les participant.e.s apprennent et grandissent.
  • Encourager les autres : les participant.e.s doivent être libres de toute négativité lorsqu’ils s’inscrivent à un programme. Nous voulons que le personnel et les participant.e.s favorisent une culture de soins et de soutien aux programmes. Nous voulons construire une communauté inclusive et solidaire.

Nous pensons que cette philosophie est une bonne façon d’encadrer un groupe et favoriser des interactions positives et inclusives. Nous aimons dire que « tout le monde adhère à l’ASE » et nous aidons à mettre ce concept en pratique. Nous pensons que tout le monde devrait avoir accès à la nature. Pour créer cet accès, il faut une approche qui considère les personnes comme des humains et qui se concentre d’abord sur leurs capacités. C’est grâce à cette perspective que nous pouvons établir des liens authentiques, être créatifs, nous adapter et offrir une expérience optimale. La conception de programmes axés sur les capacités, les forces et les expériences ne se limite pas à l’accès physique. Ils doivent aussi comprendre les aspects suivants :

  • Sentiment d’inclusion : il est essentiel pour favoriser l’indépendance, le confort et l’estime de soi des personnes ayant des besoins diversifiés et pour créer des liens plus profonds avec les lieux, les personnes et les espaces.
  • Participation égale : les personnes ayant des besoins diversifiés devraient avoir un accès égal aux possibilités et les programmes devraient s’adapter en fonction des différentes formes de soutien, le cas échéant.
  • Langage universel : par exemple, un langage clair et concis, une classification des activités et des éléments visuels clairs sur la signalisation.

Lorsque vous prenez une personne à son niveau, en mettant de côté vos propres attentes, en respectant son point de vue et en vous concentrant sur les choses qu’elle aime faire, vous offrez des moments pour créer ensemble ce sentiment de satisfaction, d’indépendance et d’amour de la nature dans les programmes.

« L’activité de kayak avec Power To Be a permis à mon mari et moi de faire du kayak avec notre fils. Le kayak lui permet de profiter de l’eau tout en laissant son fauteuil roulant sur le quai. » – Participante de Power To Be

Ce changement d’état d’esprit et de pratique est toutefois plus facile à dire qu’à faire. Notre société s’oriente naturellement vers l’évaluation des enjeux et des déficits plutôt que d’aller à la rencontre de l’autre avec une curiosité et un respect authentiques. Une perspective centrée sur les capacités devrait être mise en œuvre dans tous les domaines d’une organisation. De cette manière, il y a un leadership et une pratique communs, et les personnes qui s’engagent avec vous auront un sentiment de cohérence, qui crée un climat de confiance.

Voici un exemple de cet état d’esprit et de cette pratique en action. Dans les programmes de kayak de Power To Be, nous intégrons généralement tous les âges et toutes les capacités à tous les groupes. Dès l’arrivée, nous saluons tout le monde et commençons à évaluer leurs capacités, leur aise et leur expérience avec le kayak. Nous disposons d’un grand nombre de supports à pagaie, de pontons, de sièges et de gants. Nous discutons avec chaque personne de ce dont elle a besoin pour se sentir à l’aise d’après ses expériences, et nous essayons de répondre à leurs propres capacités et désirs. Par exemple, lorsqu’un adulte ayant une déficience visuelle a expliqué qu’il aimait le son de la pagaie frappant l’eau et la façon dont les voix se répercutaient sur l’eau lorsqu’il pagayait, nous avons réfléchi à la façon dont nous pourrions améliorer cette expérience. Nous savions que, dans les sessions précédentes, lorsqu’il était dans le kayak, il était très bon pagayeur. Nous avons donc décidé de le placer à l’avant d’un kayak double avec quelqu’un qui était doué pour la navigation, mais qui avait moins de force dans le haut du corps. De cette façon, il peut contrôler la vitesse et apprécier les sons et les rythmes de sa pagaie. De même, lorsqu’un jeune présentant un trouble du spectre de l’autisme posait de nombreuses questions sur l’endroit où nous pagayions, nous y avons vu une occasion d’éducation et d’engagement plutôt qu’un obstacle. Nous lui avons donc montré la carte de l’itinéraire et l’avons invité à participer aux conversations sur la navigation. Ces exemples de jumelages spécifiques en fonction des forces et des aptitudes nous ont permis d’éliminer les obstacles quotidiens auxquels les gens sont confrontés et de créer des expériences personnalisées qui laissent des impressions durables.

La philosophie « Challenge by Choice » (se mettre volontairement au défi) (Rohnke, 1989) s’efforce de donner à tous les participant.e.s la possibilité et le choix de se mettre au défi jusqu’à sa limite. Tous les programmes sont conçus pour être centrés sur les participant.e.s et respectent les choix individuels en accordant de l’importance à la sécurité, au confort et à la participation pour maximiser l’apprentissage et la création de liens. Les participant.e.s sont encouragé.e.s à prendre part à toutes les activités, mais peuvent toujours passer leur tour ou choisir un autre rôle.

Lorsque l’on crée des programmes pour des personnes qui découvrent une activité, il est utile de leur proposer des choix clairs entre ce qu’elles « peuvent » faire et ce qu’elles « ne peuvent pas » faire. Par exemple, lors de l’animation d’un programme d’escalade pour un groupe de jeunes atteints de troubles du spectre de l’autisme, l’un des participants s’est montré très réticent. Il exprimait de manière non verbale (par des sons et des gestes) son inquiétude à l’idée de grimper et de mettre le harnais. Nous lui avons montré deux harnais et lui avons demandé lequel il voulait mettre. Plutôt que de simplement lui demander s’il voulait mettre un harnais, nous lui en avons montré deux et lui avons demandé lequel il préférait. Cette tactique a renforcé son leadership, lui a donné le sentiment de contrôler la situation et lui a permis de s’assurer qu’il portait l’équipement de sécurité. Au cours de la séance, il est devenu plus à l’aise avec l’activité et le harnais et, lors de la séance suivante, il a compris les étapes qu’il devait suivre pour faire de l’escalade. Ses deux séances d’escalade ont été couronnées de succès à leur manière et ont favorisé la participation par le choix. En prenant les gens comme ils sont au début du programme, nous pouvons les aider à établir des liens de confiance et à concevoir la structure du programme de manière à développer leurs compétences au fil du temps.

La préparation est un principe directeur pour offrir des programmes de qualité. La préparation implique de faire le point avec soi-même, avec ses collègues et avec les participants. Il s’agit également de faciliter l’accueil et l’inscription des personnes qui participent au programme, d’examiner la liste de vérification préalable au programme et de s’assurer de suivre les étapes appropriées pour réaliser l’activité. Être présent dans le programme permet au personnel de s’engager pleinement avec les participants et de se concentrer sur la réussite et la sécurité du programme. L’aspect ludique du programme contribue à sa réussite globale, et c’est souvent cet aspect qui est le mieux mémorisé par les participants. Voici quelques questions à se poser :

  • Quels éléments indépendants de votre volonté devrez-vous comprendre et gérer pour que l’expérience soit optimale? Il s’agit de facteurs précipitants, dont le temps, le sommeil, la nourriture, les expériences personnelles, la prise de médicaments, les foules énormes, le cycle lunaire et les crises au sein de la communauté.
  • Dans quel état émotionnel se trouvent les personnes? Quelles sont la capacité de socialisation de chacun et leur réaction aux stimuli? Ces aspects peuvent affecter la cohésion du groupe et le type de techniques d’animation nécessaires. Il est utile d’évaluer où en sont les gens en parlant avec eux ou leurs proches, et en posant des questions expérientielles sur le moment, telles que « Comment ça va? Quel est ton rapport météo? » (c’est-à-dire encourager les gens à faire part de leurs émotions en utilisant la métaphore de la météo, comme « soleil » ou « tempête »). De cette manière, nous pouvons déterminer l’état d’esprit des participant.e.s et adapter l’activité si nécessaire.
  • Quels sont les résultats attendus et inattendus du programme? Comment les choses seront-elles adaptées sur le moment?
  • Quelle est la meilleure façon de créer une expérience inclusive depuis le premier point de contact jusqu’à l’arrivée des personnes, tant sur le plan individuel que collectif?

Le modèle présenté à la figure 1 fait partie de notre processus de préprogrammation : être préparé, présent et enjoué. En tant que membres du personnel, nous devons nous demander si nous sommes à l’aise avec l’activité, évaluer le groupe et le terrain et nous questionner sur le degré d’aisance et d’expérience du groupe. Nous visons à planifier un programme qui ne dépasse pas les compétences de notre personnel afin de pouvoir gérer les situations prévues et inattendues qui peuvent survenir. Ce modèle permet de comprendre où se situe le champ d’action d’une personne et quelle est la marge de manœuvre dont elle dispose pour gérer correctement les imprévus.

Figure 1 : Modèle de divergence de programme (Cole, 2013).

Une certaine sortie de kayak avec Power To Be est un bon exemple de situation où nous avons dû nous adapter. Un nouveau guide dirigeait l’excursion et la température et les conditions météorologiques avaient changé rapidement. Le membre de l’équipe n’avait pas l’expérience des fortes houles et des vents violents, de sorte qu’il s’est davantage concentré sur la sécurité du groupe que sur la création d’une expérience unique, et a dû guider de manière plus prudente que ce qui avait été prévu.

En plus de l’évaluation du personnel et de la portée du programme, il est également important d’avoir une compréhension de base des comportements. Power To Be utilise le système Mandt. Mandt est un système de formation interpersonnelle qui permet d’apprendre à gérer un comportement dynamique en comprenant la cause profonde, par exemple ce dont une personne a besoin ou ce qu’elle essaie de communiquer.

L’un des modèles utilisés régulièrement par Power To Be pour être prêt, présent et enjoué est RADAR. Radar signifie : Reconnaître, analyser, décider, agir et réviser les résultats. Le modèle RADAR, présenté dans la figure 2, permet au personnel de développer une conscience de la situation et prendre de bonnes décisions dans des situations qui peuvent parfois être risquées (The Mandt System, 2017).

Figure 2 : Le modèle RADAR

Notre travail est très complexe et les conditions évoluent constamment. RADAR donne au personnel la capacité de reconnaître que les choses changent et d’apporter les adaptations nécessaires. En comprenant quelles sont les compétences du personnel dans le contexte de l’activité, et en leur aisance et expérience avec différentes capacités et différents styles d’apprentissage, l’activité peut être adaptée de manière à ce que le personnel soit préparé à gérer l’inattendu et se sente prêt, disposé et capable de modifier l’activité si nécessaire.

Être centré sur les capacités signifie tenir compte d’une personne et de son potentiel et non de ses limites. Pour que l’expérience soit équitable pour tous, il peut être nécessaire de procéder à des adaptations en fonction des besoins des participants. ce qui entraîne une pleine participation. Pour offrir aux participant.e.s des expériences amusantes, équitables et authentiques, les animateur.trice.s doivent tenir compte des éléments suivants (Kunc, 2012) :

  • Une personne a besoin d’être traitée comme une personne et considérée comme experte de sa propre expérience.
  • Une personne qui vit avec un obstacle est probablement plus innovante que son personnel de soutien qui n’a pas de handicap.
  • Les participant.e.s sont les mieux placé.e.s pour exprimer leurs besoins et expliquer comment se faire aider.
  • Soyez curieux, faites preuve d’ouverture et posez des questions.
  • Soyez flexible.
  • Évitez de suradapter pour ne pas priver la personne d’une expérience authentique.

À Power To Be, nous visons un équilibre entre plaisir, risque sain et procédures sécuritaires, sans compromettre l’authenticité de l’expérience. Par exemple, si l’objectif de faire du canoë est de ressentir la sensation d’être sur l’eau et qu’il faut employer trop de moyens pour adapter l’activité, il se peut que les participant.e.s ne puissent pas profiter de l’expérience. Nous avons parfois utilisé trop de dispositifs d’adaptation pour que les gens se sentent en sécurité, mais finalement ils se sentaient trop en sécurité et n’arrivaient pas à profiter pleinement de l’expérience. Aujourd’hui, nous installons d’abord les personnes avec des supports adaptés et nous apportons quelques articles avec nous dans le canoë afin de vérifier si tout va bien tout au long du périple, et nous nous ajustons au besoin.

La combinaison des compétences des animateur.trice.s de plein air et des professionnel.le.s en thérapie permet de prendre la personne dans son ensemble, ce qui permet au spécialiste de comprendre comment l’expérience et l’activité peuvent également jouer un rôle plus important dans l’amélioration des capacités, des connaissances et des compétences et conférer une plus grande indépendance.

Un groupe de personnes sur un sentier pédestre, dont une personne assise dans un véhicule à une roue tiré par un randonneur et soutenu à l’arrière par une autre personne.

Accès : Éliminer les obstacles, encourager les possibilités et tisser des liens plus profonds avec le plein air

Avant de pouvoir bien créer un accès, nous devons comprendre les obstacles auxquels les participant.e.s sont confrontés au moment de participer à des programmes et des activités de plein air. En tant que professionnel.le.s, nous devons reconnaître que les programmes sont un moyen de créer des liens avec la nature, mais pour créer un accès complet, nous devons travailler en partenariat avec d’autres secteurs qui tentent également de permettre aux gens de créer des liens avec la nature. Par exemple, Power To Be travaille en étroite collaboration avec le secteur des parcs locaux pour organiser des ateliers sur la manière de travailler avec des personnes ayant des besoins diversifiés. Nous avons fait des suggestions concernant l’équipement et la technologie à utiliser, la modernisation des infrastructures, la signalisation spécifique pour les personnes ayant des capacités différentes, et nous avons examiné les sites et les espaces et proposé des modifications pour créer des espaces plus universels.

En collaboration avec certains de nos partenaires du secteur des parcs, nous avons par exemple suggéré des pratiques telles que des « heures de tranquillité » et collaboré à des projets tels que le panneau d’accueil créé par BC Parks pour s’assurer que, dès leur arrivée dans les parcs, les personnes de toutes origines, cultures et capacités se sentent accueillies. Nous nous sommes associés à des organismes de tourisme en plein air pour examiner leur approche des services, leurs éléments visuels, leur signalisation et leurs activités afin de leur fournir des informations en retour et des exemples sur la manière dont elles peuvent s’adapter et étendre leur portée à des personnes qui, autrement, ne seraient pas en mesure de visiter cette attraction touristique. Nous avons travaillé avec les municipalités pour comprendre leurs objectifs communautaires afin de soutenir les personnes ayant un handicap et les populations sous-représentées, et nous avons fourni des conseils pour améliorer l’accès à la participation aux loisirs et l’accès aux espaces verts.

Pour éliminer les obstacles, nous devons écouter les personnes qui y sont confrontées et les considérer comme les spécialistes de leur expérience. Le tableau 1 présente une liste d’obstacles que des participant.e.s ayant des expériences vécues différentes ont rencontrés dans leur vie, et dont ils ont parlé avec Power To Be dans le cadre de sessions de consultation. En les lisant, demandez-vous si les participant.e.s à vos programmes sont confrontés à ce type d’obstacles. Existe-t-il des possibilités de collaboration avec d’autres partenaires et d’autres secteurs afin de supprimer les obstacles et d’améliorer l’accès pour tous?

Les obstacles auxquels votre communauté est confrontée peuvent être nombreux. L’humain tend à se précipiter vers des solutions rapides et réactives qui tentent de résoudre plusieurs problèmes à la fois. Toutefois, en se penchant sur un problème à la fois, il est possible d’envisager des options qui pourraient devenir des solutions à long terme au lieu de résoudre continuellement des problèmes de manière réactive.

Tableau 1 : Obstacles actuels à l’accès aux lieux et espaces naturels
Social
  • Absence du sentiment d’être le bienvenu au premier point de contact
  • Renseignements et éléments visuels du site Web imprécis ou non représentatifs
  • Service peu accueillant à l’arrivée
  • Expérience du personnel est limitée
Économique
  • Coût des vêtements et de l’équipement nécessaires à la participation
  • Coût du transport
  • Prix de l’équipement adapté
  • Coût des permis
  • CCoût de la présence de personnel de soutien ou d’un membre de la famille
Physique
  • Absence de transport ou transport limité
  • Foules excessives dans les parcs et les sentiers
  • Peu ou pas d’équipement adapté sur place
  • Absence de signalisation descriptive ou d’orientation
  • Lieu, terrain et niveau de l’activité posant un enjeu
  • Limitation des installations
Émotionnel
  • Manque de précision des choix et options
  • Langage qui met l’accent sur les obstacles et les limites
  • Absence de soutien de la part du personnel
  • Processus d’inscription et d’autorisation long et fastidieux
  • Incohérences entre les organismes

Par exemple, Power To Be travaillait avec un parc régional partenaire qui essayait d’améliorer l’accès à ses parcs et de multiplier les possibilités pour les personnes ayant des difficultés d’accès physique. Lorsqu’ils ont commencé à réfléchir à la manière dont ils allaient résoudre certains problèmes, ils ont tout d’abord acheté de l’équipement adapté et ciblé deux sentiers qui conviendraient à des personnes ayant des capacités physiques différentes. Nous les avons soutenus dans une discussion visant à relever les atouts, les ressources et le savoir-faire du personnel dont ils disposaient afin de comprendre comment améliorer l’utilisation du parc pour les personnes ayant des capacités variées. Nous avons ensuite classé la liste d’idées en quatre concepts, illustrés dans la figure 3 et résumés dans le tableau 2, appelé les quatre P de l’accès et de l’inclusion : Plan, personnes, place et pratique. Power To Be travaillait avec le personnel du secteur des parcs qui souhaitait acheter du matériel adapté pour améliorer l’accès à ses sentiers. Avant de recommander certains types d’équipement, nous avons demandé quelles personnes utiliseraient l’équipement adapté. Ils ont expliqué que certains organismes communautaires locaux travaillent avec des personnes ayant eu une lésion à la moelle spinale et veulent avoir accès aux sentiers. De plus, ils ont dit qu’ils jugeaient approprié d’emmener les participants à certains endroits pour améliorer l’accès au parc. Lorsque nous avons discuté de savoir-faire avec le personnel des parcs régionaux, nous avons ciblé les domaines de pratique et les compétences dont ils disposaient en interne ainsi que l’expertise qu’ils devraient aller chercher en externe. Par exemple, l’équipe de recherche et sauvetage connaissait bien le terrain et disposait de cabines où entreposer des équipements adaptés supplémentaires et des outils pour les réparations et les modifications. Nous avons également passé du temps avec les gardes forestier.ière.s afin d’explorer les différentes manières d’éduquer le public sur la faune et la flore, notamment avec des aides visuelles pratiques et d’orientation, des activités sensorielles, des discussions sur les images et des symboles. Nous avons également découvert qu’un groupe de bénévoles s’occupe de l’entretien des sentiers et des séances de randonnée.

Figure 3 : Les quatre P de l’accès et de l’inclusion.
Tableau 2 : Concepts d’accès et d’inclusion
Plan
  • Quels sont les objectifs et les intentions de la création d’un meilleur accès aux espaces et lieux naturels?
  • Quels résultats espérez-vous obtenir et quels résultats les autres personnes espèrent-elles obtenir?
  • Comment l’idée de faciliter l’accès est-elle liée à vos valeurs fondamentales et à l’objectif de l’organisme?
Personnes
  • Qui sont les personnes avec lesquelles vos programmes travaillent et pour qui tentez-vous d’améliorer l’accès?
  • Y a-t-il des personnes qui font partie d’autres organismes communautaires et qui soutiennent les groupes démographiques auxquels vous souhaitez offrir des services et des occasions?
  • Des personnes ou des groupes généralement mal desservis pourraient-ils être soutenus par votre organisme?
Place
  • Où voudriez-vous améliorer l’accès?
  • Y a-t-il des sentiers sous-utilisés?
  • Y a-t-il des espaces bondés où vous voudriez soutenir l’accès à ceux qui ne sont généralement pas capables d’y aller?
  • Qui est en mesure de se rendre dans ces lieux éloignés et locaux, et est-il possible d’explorer des options de transport pour faciliter l’accès (par exemple, avec des compagnies d’autobus ou des entreprises de visites guidées)?
  • Y a-t-il des personnes qui connaissent bien ces sentiers et ces espaces et qui pourraient être en mesure de donner des idées et de tisser des liens plus profonds?
Pratique
  • Quelles formations doivent être suivies et quelles nouvelles pratiques doivent être acquises pour être à l’aise dans la gestion de programmes et d’occasions pour les personnes ayant des besoins diversifiés?
  • Quelles sont les nouvelles normes et procédures à intégrer et à suivre?
  • Qui possède l’expertise que vous cherchez?
  • Pouvez-vous vous établir un partenariat ou les engager pour former votre équipe?
  • Des membres de votre personnel possèdent-ils des compétences qui peuvent être utilisées d’une autre manière?

Le personnel était ravi à l’idée de partager les sentiers avec un plus grand nombre de personnes. Nous avons exploré tous les aspects ci-dessus séparément avec les membres du personnel, puis nous avons relié tous les éléments afin qu’ils puissent voir comment faire évoluer leur pratique en tant qu’équipe et perpétuer leurs objectifs dans leur région.

Voici quelques activités pour utiliser les quatre P (plan, personne, place et pratique) et pour mieux comprendre les besoins et les occasions. Songez aux activités suivantes pour améliorer l’accès et l’inclusion :

  • Recherche : Explorer ce que font les autres organismes et découvrir ce qui est créé et fourni dans d’autres régions.
  • Vérifications d’accessibilité : Inviter des consultants ayant des expériences différentes (par exemple, une personne en fauteuil roulant, ayant une déficience visuelle ou neurodivergente, etc.) à vous guider dans votre établissement et à cibler les endroits où il est possible d’améliorer l’inclusion. Toujours respecter leur temps et leur expertise.
  • Série de conférences : Inviter des représentants d’organismes communautaires à parler des questions importantes pour la communauté, des moyens d’établir des partenariats pour réduire l’isolement et des nouveaux besoins actuels.
  • Répertoire des services (ou services d’orientation) : S’assurer que le personnel et les bénévoles disposent de renseignements à jour sur l’éventail des organismes et organisations dans la communauté.
  • Programmes de partenariat : Collaborer avec des partenaires locaux qui ont l’habitude de travailler avec des personnes ayant des besoins diversifiés et qui connaissent les mesures d’adaptation et modifications émotionnelles et physiques, les équipements adaptés et les considérations relatives à la santé mentale. Par exemple, vous pourriez planifier une randonnée inclusive, rendue possible grâce à un partenariat avec d’autres organismes offrant l’utilisation d’un TrailRider (véhicule de mobilité tout-terrain) pour les participants qui en ont besoin.
  • Remue-méninges : Trouver des partenaires communautaires et élaborer des stratégies pour établir des relations afin d’améliorer les connaissances sur les lieux à explorer, les personnes avec lesquelles travailler et les pratiques et compétences nécessaires pour créer des aventures en plein air sécuritaires et agréables.

Femme sur un vélo couché à main

Mesures d’adaptation : Technologies d’équipement, modifications des programmes et ajustements des attitudes pour encourager le changement

Les mesures d’adaptation commencent dès le stade de la planification du préprogramme, notamment en se renseignant sur la composition du groupe et sur les objectifs individuels et collectifs. Quels aspects du programme sont fixes et ne peuvent être modifiés, et quels aspects peuvent l’être? Pour pouvoir s’adapter de manière adéquate, il faut disposer d’un grand nombre d’options, de choix, d’équipements et de plans de rechange. Il faut donc avoir une équipe à l’écoute de l’environnement, qui a de l’expérience dans la gestion et la formation de groupes et qui est en mesure d’animer les activités.

Lorsque vous utilisez un équipement adapté, il est important de veiller à la sécurité émotionnelle et physique des participant.e.s. Cet aspect se décline en trois domaines : le confort, la mobilité et la stabilité, comme le montre la figure 4. Par exemple, l’appareil utilisé est-il confortable pour la personne qui l’utilise? Se sent-elle limitée ou peut-elle se déplacer? Se sent-elle stable et en sécurité? Il faut également tenir compte de l’aspect émotionnel : La personne fait-elle au personnel pour l’aider à utiliser l’équipement? Se sent-elle en sécurité et est-ce qu’on la surveille? Si des modifications doivent être apportées, est-ce qu’elles sont faites en considérant la personne comme experte de sa propre expérience? Quand la technologie facilite-t-elle l’accès aux espaces naturels et quand entrave-t-elle la création de liens avec les espaces naturels?

Les dispositifs de communication assistée, qui peuvent être utilisés pour faciliter l’orientation et l’apprentissage de la flore et de la faune, sont un exemple de technologie utile. Ils permettent à une personne qui s’exprime de manière non verbale ou au moyen de sons ou d’images de pouvoir communiquer. Certaines personnes peuvent toujours avoir besoin d’un équipement adapté pris en charge par d’autres, tandis que d’autres peuvent vouloir acquérir une plus grande indépendance. Il faut donc essayer plusieurs options. En faisant preuve de souplesse, vous pouvez aider les autres à développer leurs compétences et leur confiance, qu’ils soient à la recherche d’une expérience accompagnée ou indépendante.

Figure 4 : Mesures d’adaptation physiques et émotionnelles.

Conseils et astuces en matière de technologie et d’équipement

  • Ne présumez pas qu’une seule technologie va convenir à tout le monde.
  • L’évolution et le développement des compétences peuvent impliquer plusieurs types d’équipements.
  • Les participant.e.s ont besoin d’options.
  • L’équipement de plein air est également un outil d’adaptation (p. ex., les cartes, les bâtons de marche, les boussoles, les graphiques, etc.)
  • WLorsque vous aidez une personne à passer d’un type d’équipement (p. ex., son fauteuil roulant) à un équipement extérieur (p. ex., un kayak adapté avec pontons), assurez-vous que le transfert peut être effectué en toute sécurité.
  • Les adaptations et les modifications peuvent nécessiter plusieurs essais.
  • Veiller à ce que les mesures d’adaptation n’affectent pas la sécurité des participant.e.s ou du personnel de soutien au profit de la participation.

Certains types d’équipements adaptés :

  • TrailRiders et autres dispositifs tout-terrain (BowHead, Not A Wheelchair, Mountain Trike, Action Trackchair, Beach Chair, etc.)
  • Tapis d’accès pour permettre l’accès aux sentiers et aux plages
  • Articles tels que les casques d’écoute antibruit, les iPads et les tableaux de communication
  • Outils de géocache : cartes, diagramme, exemples de trésor à trouver et exemples de différents contenants pour la géocachette
  • Coussins, tapis, mousses
  • Vêtements de rechange, couvertures, vêtements de pluie
  • Gants pour différentes forces de préhension
  • Trousse de réparation et pièces de rechange
  • Renseignement sur l’histoire locale, la flore et la faune avec des histoires, des images et des objets tactiles
  • Bâtons de marche
  • Technologie de cartographie d’orientation comme les applications, les tableaux de pictogrammes ou d’activités sensorielles, ou les points de repère
  • Pontons, sièges adaptés, coussins spécialisés, dispositifs pouvant être actionnés avec un seul bras
  • Bancs de transfert
  • Activités sensorielles comme les jardins, les stations tactiles, les espaces qui peuvent être modifiés selon les saisons

Les adaptations ont le potentiel de supprimer un certain niveau d’isolement et de dépendance, en offrant aux personnes la possibilité de se sentir maîtres de la situation et de faire partie de leur expérience globale.

« Vous pensez que certaines activités ne sont que [dans] le passé, mais le fait de pouvoir faire ce que j’aimais auparavant est incroyable. » – Participante de Power To Be

Deux personnes dans un kayak et une montagne au loin. Le kayak est équipé de stabilisateurs.

Conclusion

Nous pouvons tous ressentir les bienfaits du temps passé en plein air. La nature a été une collaboratrice de bien des expériences dans la vie de chacun. Cependant, les personnes qui vivent avec des obstacles ou des handicaps ont un accès limité à certains lieux sauvages et naturels. Lorsque nous nous efforçons de supprimer ces obstacles et d’amener ces personnes en nature, elles ont la possibilité de développer des compétences personnelles qui améliorent leur santé, les aident à gérer leur stress et leur permettent d’acquérir des habiletés sociales. « De nombreux programmes d’éducation en plein air sont axés sur le développement de compétences personnelles, comme l’estime de soi, la condition physique et la réduction du stress » (The Social Planning and Research Council of B.C., s. d.). C’est pourquoi il est important d’élaborer des pratiques et des approches qui élargissent la notion d’inclusion et d’accès en plein air.

L’inclusion commence dès les premières étapes d’un programme ou d’un événement, en explorant le concept d’approches accueillantes, de création d’accès et en proposant des adaptations. Ces concepts peuvent contribuer à créer des programmes et des occasions fondés sur la nature plus inclusifs et influencer les stratégies, les approches et les procédures organisationnelles. Ciblés, ces concepts peuvent entraîner un changement social.

La nature s’adapte en permanence; l’humain peut faire de même. Les mesures d’adaptation doivent être amusantes, équitables et authentiques et doivent toujours considérer la personne comme la spécialiste de sa propre expérience. L’inclusion est la responsabilité de chacun et, ensemble, nous changeons le discours du secteur du plein air et favorisons l’accès pour tous.

Bibliographie

Child, K. (2022, 09). Communication personnelle. Victoria, C.-B.

Cole, J. (2013, 22 au 26 avril). Program divergence model (présentation de conférence). Formation du personnel de Power To Be, Victoria, C.-B, Canada.

Cole, J. (2016, 24 et 25 novembre). Program divergence model (présentation de conférence). Risk Management Conference, Independent Schools Association of British Columbia, Victoria, C.-B, Canada.

Kunc, N. (2012). Communication personnelle. Victoria, C.-B.

McCulloch, J. (2022). Communication personnelle. directeur général, Rocky Mountain Adaptive, Canmore, Alb.

Rohnke, K. (1989). Cowstails and cobras II: A guide to games, initiatives, ropes courses, and adventure curriculum. Kendall Hunt.

The Mandt System. (2017). Using Your RADAR. https://www.mandtsystem.com/2017/07/06/using-your-radar/

The Social Planning and Research Council of B.C. (sans date). SPARC BC. https://www.sparc.bc.ca/

Graphiques utilisés avec l’autorisation de Power To Be

À propos des auteur.e.s

Carinna Kenigsberg

Power To Be

Crinna Kenigsberg est directrice des programmes et de l’impact à Power To Be. Elle est titulaire d’un diplôme en soins aux enfants et aux jeunes et favorise une approche centrée sur les capacités dans le cadre de ses programmes, de ses partenariats et de son travail de mesure des résultats. Elle comprend les avantages stratégiques des partenariats et de l’intégration de différents ensembles de compétences, d’expériences vécues, d’histoires et de perspectives. Cet état d’esprit permet à Carinna de trouver des moyens authentiques de faire progresser collectivement la notion d’inclusion et d’impact.

Jason Cole

Power To Be

Jason Cole est codirecteur général de Power To Be. L’essence de Jay provient de son amour du plein air. Il tend à chercher les qualités réparatrices des milieux naturels dans son travail. Son appréciation des principaux mentors a favorisé ses valeurs de responsabilité communautaire, d’intégrité, d’estime de soi, de leadership et de compassion. Il est titulaire d’un baccalauréat en loisirs en plein air, aime travailler en partenariat et aimerait rendre ce monde meilleur qu’au moment où il y est entré.

 

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L’article Loisirs en plein air accessibles, adaptés et inclusifs (2024), par Carinna Kenigsberg et Jason Cole, est distribué sous la licence Creative Commons Attribution – Pas d’utilisation commerciale – Partage dans les mêmes conditions 4.0 International, sauf indication contraire.

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8.

LA CONCEPTION UNIVERSELLE COMME OUTIL POUR AMÉLIORER LA DIVERSITÉ, L’INCLUSION, L’ÉQUITÉ ET L’APPARTENANCE DANS L’APPRENTISSAGE EN PLEIN AIR AU CANADA

TA Loeffler, Ph. D.

L’apprentissage en plein air au Canada doit continuer à évoluer pour devenir réellement diversifié et inclusif. Ce n’est que par des changements individuels et organisationnels qu’une véritable équité et qu’une authentique appartenance pourront être atteintes dans l’ensemble des milieux et contextes d’apprentissage en plein air au Canada. Ce processus de changement doit passer par des leaders bien informés et innovants, et de nouveaux modèles de pratique et de pédagogie en plein air. Ce chapitre aborde les principes de la conception universelle, un cadre qui peut être utile pour améliorer la diversité, l’inclusion, l’équité et l’appartenance dans l’apprentissage en plein air au Canada.

La conception universelle, un principe qui permet l’émancipation de diverses populations, est une approche de conception qui vise à faciliter l’accès et la participation (physique et sociale) de toutes les personnes, sans égard à leurs capacités, leur âge ou leur taille (Steinfeld et Maisel, 2012). Bien que la conception universelle évoque souvent un procédé de conception d’infrastructures accessibles, le principe a été adopté dans le domaine de l’éducation et de l’apprentissage en plein air, où on y fait référence sous l’appellation Conception universelle de l’apprentissage (CUA) (Harte, 2013; Kelly et coll., 2022; Wilson, 2017). Dans le but de réduire les obstacles à l’apprentissage, les pédagogues du Center for Applied Special Technology (CAST) se sont appuyés sur les principes de conception universelle pour aménager les environnements d’apprentissage. En cherchant à concevoir des environnements éducatifs favorisant l’engagement de toutes les personnes apprenantes dans un apprentissage accessible et significatif, le personnel du CAST a compris que ce sont les environnements d’apprentissage – et non les personnes – qui doivent changer (Wilson, 2017).

Darder et coll. (2009) ont décrit le besoin d’une pédagogie critique « fondamentalement engagée dans le développement et la mise en œuvre d’une culture scolaire qui soutient l’autonomisation des populations étudiantes culturellement marginalisées et démunies de pouvoirs économiques » (p. 10). Plus d’une dizaine d’années plus tard, Scully (2020) a noté qu’il existait toujours « une nette absence de considération pour des éléments importants liés au lieu, comme le genre, la race, la classe et la capacité, réclamés dans la littérature depuis des décennies » (p. 230). De nombreux membres de la communauté universitaire pour l’apprentissage en plein air au Canada ont également lancé ce genre d’appel au changement. Kennedy et Russell (2020) considèrent qu’il est essentiel que le domaine de l’apprentissage en plein air explore le rôle de la masculinité hégémonique dans la lutte contre l’inégalité entre les sexes, tandis que d’autres réclament qu’on tienne compte des voix de toutes les populations marginalisées (Gray et coll., 2020; Russell et coll., 2008). Laurendeau et coll. (2020) appellent à une réflexion critique de la communauté en plein air pour « se demander quelles histoires, quels peuples et quelles idées sont mis de l’avant, au détriment desquels, maintenus dans l’ombre, et avec quelles conséquences » (p. 127).

Steinfeld et Maisel (2012) estiment que la conception conventionnelle (ou non universelle) ostracise et stigmatise de nombreuses populations, puisqu’elle n’inclut pas l’ensemble du continuum des capacités et des parcours humains dans le concept de normalité. Les chercheurs ont créé les « objectifs de conception universelle » pour aider la communauté enseignante à mettre en pratique les principes de conception universelle et de CUA. Ce chapitre explore la façon d’utiliser ces objectifs (sensibilisation, compréhension, adéquation culturelle, adaptation au corps, confort, personnalisation, bien-être et intégration sociale) dans les organismes d’apprentissage en plein air au Canada pour offrir des programmes qui répondent aux besoins de toutes les personnes apprenantes (Steinfeld et Maisel, 2012).

Avant de poursuivre, un mot sur mon rôle par rapport à l’apprentissage en plein air. Je mène des recherches et je donne des cours en apprentissage en plein air et en études des genres à l’Université Memorial, située à Saint-Jean, à Terre-Neuve-et-Labrador, au Canada, sur les terres ancestrales des Béothuks. Je reconnais la diversité des histoires et des cultures des Béothuks, des Micmacs, des Innus et des Inuits de cette province. Outre mes rôles en recherche et en enseignement, je suis avide d’aventures en plein air, et j’ai eu le privilège de participer à des expéditions dans des régions isolées du Canada. Je m’identifie comme personne blanche, de classe moyenne, non genrée, lesbienne et issue de la colonisation canadienne, habile sur le plan physique, d’âge et de poids moyens, et dotée d’un corps vieillissant, mais qui me permet encore de faire presque tout ce que je souhaite accomplir ou enseigner en plein air.

De par mon expérience en études des genres, j’ai milité tout au long de ma carrière, comme beaucoup d’autres, pour l’abolition du sexisme, du racisme et du classisme dans l’apprentissage en plein air. Après avoir vécu des expériences décisives, que ce soit en travaillant en plein air auprès de personnes handicapées ou en voyageant sur des terres autochtones, j’ai examiné les principes fondamentaux de mes pédagogies et pratiques d’apprentissage en plein air. J’ai voulu enrichir ma formation et mieux comprendre comment l’intersection entre les oppressions et les préjugés privilégie la participation de certaines populations étudiantes au détriment de l’accès et de l’apprentissage équitables d’autres groupes. Ce chapitre repose sur la conviction inébranlable, partagée par Kelly et coll. (2022), que tous les Canadiens devraient avoir un accès équitable au plein air et à l’apprentissage en plein air, et le constat qu’il reste encore beaucoup à faire pour y arriver.

Un apprentissage en plein air fondé sur les objectifs de la conception universelle

L’introduction nous a permis de bien cerner le besoin de remettre en question la conception des programmes d’apprentissage en plein air au Canada et de s’appuyer sur les principes de conception universelle pour améliorer l’équité sociale dans le domaine. La section suivante vise à proposer l’adoption des « objectifs de conception universelle » élaborés par Steinfeld et Maisel (2012) pour guider la réflexion collective sur les pratiques d’apprentissage en plein air au Canada.

Sensibilisation et compréhension

La première étape du processus de conception pour l’apprentissage en plein air est souvent de comprendre le besoin d’adopter les principes de conception universelle. Les spécialistes de l’apprentissage en plein air au Canada doivent se poser la question : « Qu’attend-on pour rendre les programmes d’apprentissage en plein air véritablement accessibles à toutes les populations qui souhaitent y participer? » (Warren et coll., 2014, p. 98). Dans les discussions entourant les programmes nationaux d’apprentissage en plein air, la certification et l’accréditation des programmes, on doit insister pour que la formation et les normes de perfectionnement professionnel soient axées sur l’accessibilité, l’apprentissage adaptatif en plein air, la compétence culturelle et la justice sociale.

À partir de là, les programmes d’apprentissage en plein air doivent examiner leur structure et leurs pratiques de communication et de recrutement du personnel et des personnes participantes du point de vue de la Loi canadienne sur l’accessibilité, adoptée en 2019 dans le but de faire du Canada un pays exempt d’obstacles d’ici le 1er janvier 2040 (gouvernement du Canada, 2019). Le recours à des éléments de conception universelle, tels que les gros caractères, la vidéodescription, le sous-titrage, l’interprétation en langue des signes et l’utilisation d’éléments visuels et texturés pour l’orientation spatiale, permettent de s’assurer que l’ensemble du personnel et des personnes participantes peuvent utiliser nos installations et la documentation sur nos programmes, comme les formulaires, les politiques et les sites Web. En plus de s’assurer de l’accessibilité des communications écrites, on doit se demander si les images à visée promotionnelle sont accessibles, authentiques et représentatives des populations étudiantes participantes ou qu’on souhaite recruter.

Warren et coll. (2014) avancent que le monde de l’apprentissage en plein air doit se questionner sur le langage relatif à l’identité et cesser d’utiliser des termes et expressions blessants, discriminatoires et oppressants. Depuis des décennies, les leaders féministes dans le monde du plein air appellent à un changement des expressions anglaises « hard skills » et « soft skills » (respectivement, compétences dites « dures » et « douces ») pour compétences techniques et interpersonnelles, en vain (Warren et Loeffler, 2006). Dans le même ordre d’idées, d’autres ont relevé le besoin d’examiner les conventions d’appellation lors de l’ouverture d’une voie en escalade, en alpinisme et dans d’autres activités de plein air, associées à un long historique d’objectivation et de sexualisation de la femme, de racisme, de colonialisme et d’autres pratiques discriminatoires manifestes (Laurendeau et coll., 2020; Loeffler, 1996; Wigglesworth, 2021). De plus, il est essentiel de s’enquérir des termes à privilégier en lien avec l’identité des membres du personnel et des personnes participantes, que ce soit leur race, leur ethnicité, leur genre ou leur capacité. Par exemple, au Canada, certaines personnes handicapées préfèrent les expressions qui mettent la personne de l’avant (p. ex. « personne en situation de handicap » ou « personne vivant avec une limitation »), tandis que d’autres préfèrent simplement le terme « personne handicapée ». Prendre conscience que la conception des programmes et les pratiques antérieures ont pu exclure certains groupes, c’est la base de l’approfondissement de la culture de l’apprentissage en plein air au Canada.

Adéquation culturelle

Compte tenu des appels à l’action lancés en réponse à la Commission de vérité et de réconciliation (Commission de vérité et de réconciliation du Canada, 2012), il est essentiel que le personnel praticien de l’apprentissage en plein air au Canada s’engage dans un processus de réflexion, d’évaluation, de réconciliation et de décolonisation en ce qui a trait à la conception, aux cadres et aux pratiques de l’enseignement. Sans cette refonte, les programmes d’apprentissage en plein air continueront probablement de négliger les personnes participantes autochtones (Friedel, 2011). Les programmes d’apprentissage en plein air doivent reconnaître la relation indivisible entre la terre, la culture et la langue pour les peuples autochtones (Cajete, 1994) et accepter que la décolonisation de l’apprentissage en plein air exige la participation des aînés, qu’elle centre les voix, les connaissances et les pédagogies autochtones et qu’elle tienne profondément compte des lieux et des terres où se déroulent les programmes (Battiste, 1998; Lowan, 2009; Madden, 2015; Tuck et coll., 2014). Wallin et Peden (2020, p. 248) décrivent bien cette situation :

Le lieu ou la terre constitue un lien commun et intégral entre la société coloniale et les peuples autochtones, même si ce lien s’inscrit dans le cadre de deux visions du monde et expériences très différentes. Puisque la terre a été un lieu de lutte dans les relations entre les peuples autochtones et non autochtones, c’est cet élément qui peut nous aider à guérir et à travailler à la réconciliation.

Dans l’esprit de la conception universelle, les processus de réconciliation ne profitent pas qu’à la communauté étudiante autochtone, mais aussi aux autres, puisque les pédagogies de plein air qui facilitent l’établissement de liens profonds avec un lieu peuvent sensibiliser la communauté étudiante blanche à ses privilèges (Flynn et coll., 2010). Rose et Paisley (2012) ont mis au défi les personnes praticiennes blanches de reconnaître que le privilège blanc est intégré au tissu de l’apprentissage en plein air et qu’il est donc toujours présent, même en l’absence de groupes de participants ou d’employés racisés.

Dans leur enquête qualitative sur l’apprentissage en plein air au Canada, Asfeldt et coll. (2021) ont conclu qu’en dépit de l’étendue géographique et de la diversité des programmes, il existait des valeurs communes à tous les programmes, notamment l’apprentissage pratique par l’expérience, l’apprentissage holistique et intégré, le voyage à travers la terre, la religion et la spiritualité. Ces chercheurs ont également regroupé les objectifs des programmes d’apprentissage en plein air en cinq thèmes : renforcement de la communauté, développement personnel, conscience des personnes et des lieux, gestion de l’environnement, et employabilité et développement des compétences. En ce qui concerne le présent chapitre, et peut-être pour illustrer le besoin de réflexion dans le domaine de l’apprentissage en plein air au Canada, peu de résultats ont été rapportés sur la diversité, l’inclusion, l’équité et l’appartenance ou la justice sociale. Cela dit, Asfeldt et coll. (2021), en décrivant le thème de la conscience des personnes et des lieux, ont indiqué que 14 personnes participantes (sur 22) ont précisé que leurs programmes abordaient des sujets tels que l’histoire, la culture, les traditions autochtones et les utilisations ou personnes utilisatrices spécifiques des terres sur lesquelles se déroulaient leurs programmes. Une répondante a décrit l’objectif de son programme comme suit : « intégrer les deux modes de connaissance afin de pouvoir comprendre la culture [autochtone], son importance et son adéquation avec la science occidentale » (p. 304).

Lowan (2009) suggère que les programmes d’apprentissage en plein air remettent en question et critiquent l’utilisation irréfléchie des modèles d’enseignement « tel le modèle d’Outward Bound, qui a évolué dans une perspective européenne » (p. 43). Idéalement, une transition s’effectue pour s’éloigner des messages et expériences centrés uniquement sur l’autonomie, la conquête et l’individualisme, pour privilégier la réconciliation et la décolonisation (Laurendeau et coll., 2020; Tuck et coll., 2014). Dans le contexte de l’apprentissage en plein air au Canada, il faut admettre que les terres et les cours d’eau sur lesquels se déroulent nos programmes ont probablement été volés aux peuples autochtones (Laurendeau et coll., 2020). On peut y arriver en établissant des relations humbles et sincères avec les chefs autochtones, les gardiens du savoir et les aînés – particulièrement si les programmes s’adressent aux communautés autochtones (Scully, 2020) –, et en mentionnant de façon authentique la reconnaissance du territoire dans les communications et les programmes.

Historiquement, de nombreux programmes d’apprentissage en plein air se sont approprié les façons de faire et d’être autochtones sans reconnaissance ni consentement, et cette pratique doit cesser (Root, 2010). De nombreux auteurs ont demandé aux personnes praticiennes de l’apprentissage en plein air de se familiariser avec les origines des philosophies et pratiques des programmes, entre autres le rassemblement en cercle, le défi par choix et les principes sans trace (Mitten, 1994; Rose et Paisley, 2012; Warren, 1998). Dans le même ordre d’idées, Asfeldt et coll. (2021) ont constaté que les fondateurs des programmes d’apprentissage en plein air exercent toujours une grande influence sur la philosophie et la mise en œuvre des programmes au Canada. Selon les chercheurs, le domaine aurait été développé de façon organique par des personnes enseignantes fondatrices passionnées qui ont transmis la philosophie et les savoirs du programme à des groupes de personnes participantes qui ont ensuite pris le relais en tant que leaders.

Compte tenu de la dynamique potentielle de la reproduction homologue (Kanter, 1977), selon laquelle un groupe dominant est systématiquement reproduit par l’embauche et d’autres pratiques, il faut se demander quels groupes sont à la base du développement de l’apprentissage en plein air au Canada et quels groupes sont continuellement exclus par ces façons de faire. Enfin, Tuck et Yang (2012, p. 5) nous rappellent que

l’éducation à la justice sociale – qu’on la définisse ou non dans ces termes – est au cœur de l’avenir du domaine. La justice sociale n’est pas le pendant du domaine de l’éducation, elle constitue le domaine. L’avenir du domaine de l’éducation est sans issue si on n’aborde pas de manière significative les contextes sociaux, les structures historiques et contemporaines du colonialisme, la suprématie blanche et le racisme antinoir. La justice sociale n’est pas un fourre-tout, c’est un tout.

Pour réussir ce passage clé, le domaine de l’apprentissage en plein air au Canada doit réfléchir à la conception de ses programmes et demander aux personnes apprenantes si elles ont accès aux programmes et aux vêtements et à l’équipement nécessaires pour participer, y compris les personnes qui vivent avec un handicap, celles dont le corps, la taille ou les capacités diffèrent des exigences de conception actuelles, celles qui sont racisées, celles qui pratiquent des religions particulières, celles qui manquent de ressources et celles qui sont marginalisées d’une multitude d’autres façons (Russell et coll., 2013; Warren et coll., 2014).

Adaptation au corps, confort et personnalisation

Wilson (2017) mentionne que la CUA recommande de concevoir dans une optique d’inclusion, idéalement en amont, de façon à transformer l’environnement d’apprentissage plutôt que de laisser cette responsabilité entre les mains de la personne apprenante. Plutôt que d’adopter machinalement une approche pédagogique unique de l’apprentissage en plein air qui perpétue la certitude que « les méthodes génériques fonctionnent pour tout le monde », Warren (1998), forte des principes de la CUA, implore que le domaine cesse de traiter ses « communautés d’apprentissage comme des groupes homogènes ayant des besoins similaires » (p. 22). Au contraire, les approches doivent être personnalisées afin que toutes les personnes puissent bénéficier de l’apprentissage en plein air.

Le domaine doit se poser la question : « Quels types de corps et d’identités sont produits dans cet espace pédagogique? » (Newbery, 2003, p. 205). Dans le même ordre d’idées, Warren (1998) a souligné l’influence de l’accent mis sur l’individualisme et la robustesse physique dans les programmes d’apprentissage en plein air. La conception traditionnelle des programmes d’apprentissage en plein air, fondée sur un « nationalisme du plein air hostile » (Laurendeau et coll., 2020, p. 127) centré uniquement sur les déplacements à propulsion humaine dans des paysages éloignés, privilégie la participation des personnes qui ont un corps « apte » et exige souvent un niveau élevé de force, de condition physique, de compétences techniques et d’autres aptitudes. Ce type de programme a tendance à être plus long, plus coûteux et à exiger un investissement initial plus important avant même de participer; c’est la base en matière d’offre et de conception pour les programmes d’éducation en plein air canadiens (Asfeldt et coll., 2021). Les personnes apprenantes dont le corps, le sexe ou les capacités ne correspondent pas à cette exigence de conception se sont souvent senties mal accueillies, ont été absentes ou ont été encouragées à participer à un programme spécialisé (Gray et coll., 2020; Laurendeau et coll., 2020). Pour changer les choses, Dahl et coll. (2019) appelle à une utilisation de formes plus simples de contextes naturels et de lieux locaux ouverts à une variété de compétences, d’équipements et d’expériences.

Le monde de l’apprentissage en plein air doit repenser ses environnements d’apprentissage et ses programmes afin d’éliminer le capacitisme, l’hétéronormativité, la normativité binaire du genre et d’autres préjudices potentiels qui surviennent fréquemment lorsqu’il est question de corps, de race, de genre et d’orientation sexuelle (Allen-Craig et coll., 2020; Russell et coll., 2008; Warren et coll., 2014). De plus, le domaine l’apprentissage en plein air et l’industrie du plein air en général n’ont commencé que récemment à s’intéresser à la diversité des tailles. En fait, les deux entités ont parfois même perpétué le discours grossophobe dominant par des pratiques et une conception de programmes irréfléchies et par l’effacement de la participation des personnes, comme cela s’est produit pour la race, le sexe et la classe (Laurendeau et coll., 2020; Newbery, 2003; Rose et Paisley, 2012; Russell et coll., 2013; Warren et coll., 2014). Par conséquent, les programmes d’apprentissage en plein air n’ont pas toujours offert un vaste éventail de tailles de vêtements et d’équipement, que ce soit pour l’utilisation, la location ou l’achat. Les personnes de grande taille peuvent ne pas avoir facilement accès à une veste de flottaison, à un harnais d’escalade ou à une coquille imperméable qui leur convienne.

Les besoins, capacités, corps et identités individuels des personnes s’entrecroisent et sont uniques. Il faut continuellement se rappeler que ces identités croisées et les réalités socioéconomiques qui les accompagnent influencent la capacité des personnes à accéder aux programmes d’apprentissage en plein air, à y participer et à s’y sentir à leur place (Maina-Okori et coll., 2018). Dans une optique de personnalisation de la conception universelle, il est essentiel d’aller à la rencontre « de la population étudiante et de donner la priorité à ses objectifs, plutôt que de se concentrer uniquement sur les objectifs du leader [ou des programmes] » (Rogers et Rose, 2019, p. 44). Il faudra probablement offrir une plus grande variété de choix pour l’apprenant.e, et aller bien au-delà de la mise en œuvre traditionnelle du « défi par choix » (Mitten, 1994). En gardant en tête l’amélioration de l’accès et de l’inclusion par la personnalisation, explorons maintenant les objectifs d’intégration sociale et de bien-être de la conception universelle.

Bien-être et intégration sociale

Les personnes apprenantes marginalisées en plein air ne profitent probablement pas de la représentation généralisée des modèles et autres héros dans les médias sociaux et imprimés, puisque la longue histoire des Autochtones et d’autres groupes méritant l’équité a été largement effacée par la colonisation et la domination blanche des mouvements de conservation et d’environnement (Finney, 2014; Grue, 2016; Laurendeau et coll., 2020; Tuck et coll., 2014). L’apprentissage en plein air au Canada ne peut pas se contenter d’« ajouter de la diversité » et de bien mélanger; il faut recommencer et repenser les programmes pour assurer une véritable intégration sociale et le bien-être des personnes apprenantes.

En critiquant la sortie de Labistour (2018) sur les médias sociaux de MEC « Les Blancs dominent-ils le plein air? » Laurendeau et coll. (2020) ont problématisé la campagne de diversité de MEC en déclarant :

Pendant qu’on attire l’attention sur la représentation des corps marginalisés et des obstacles structurels importants à la pratique du plein air (oublions un moment les problèmes structurels au-delà du plein air), on ne remet pas en question les obstacles liés à la classe sociale et à la capacité physique qui empêchent l’accès aux parcs, les (pas-si)-microagressions, le profilage racial, la surveillance des salles de bain genrées et leur utilisation réservée aux personnes temporairement, délibérément et richement non logées, par exemple.

Il ne faut pas avoir peur de remettre en question les chemins qui ont mené vers les programmes actuels et utiliser la pensée conceptuelle pour faire progresser l’apprentissage en plein air vers une plus grande diversité, inclusion, équité et appartenance, et s’éloigner des préjudices causés par la marginalisation et l’exclusion (Finney, 2014; Gray et coll., 2020; Mitten, 1994; Tuck et coll., 2014). Imaginez les avantages pour les personnes apprenantes d’avoir le choix de participer à un apprentissage en plein air dans un cadre entièrement inclusif ou avec des membres de groupes à identité partagée avec un corps enseignant ou des leaders qui partagent la même identité en fonction de leurs besoins, de leurs objectifs et de leurs compétences (Finney, 2014; Warren et coll., 2014).

Conclusion

Pour atteindre les huit objectifs de la conception universelle et mettre en œuvre des programmes d’apprentissage en plein air qui cultivent véritablement la diversité, l’inclusion, l’équité et l’appartenance, il faut continuer à remettre en question les pratiques d’apprentissage en plein air, qu’elles soient manifestes ou subtiles, telles que l’information recueillie lors des examens de santé, la communication avec les personnes participantes et l’attribution des lieux prévus pour le sommeil (Warren et coll., 2019). Dès le premier contact avec les personnes, on peut créer des espaces éducatifs accueillants ou empêcher instantanément de nombreuses personnes de bénéficier de l’apprentissage en plein air. Le résultat dépend de la manière de concevoir tous les aspects des programmes. Tout comme les personnes, chaque programme d’apprentissage en plein air est unique et s’inscrit de façon différente dans le spectre de la diversité, de l’inclusion, de l’équité et de l’appartenance; certains dépassent largement les idées avancées dans ce chapitre, et d’autres n’en sont qu’à leurs débuts. Ce qui compte, c’est de reconnaître l’impulsion pour commencer ou continuer à travailler pour apporter les changements nécessaires aux programmes. Il ne suffit plus que le domaine de l’apprentissage en plein air au Canada réponde à la question « Pourquoi faire les choses de cette façon? » par « C’était toujours la façon de faire » (Asfeldt et coll., 2021). Il faut plutôt encourager les programmes innovants et inclusifs qui font progresser la diversité, l’inclusion, l’équité et l’appartenance dans tous les aspects de l’apprentissage en plein air. Il y aura beaucoup à apprendre et à désapprendre dans ce cheminement, mais j’espère que vous vous joindrez à moi.

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À propos de l’auteure

TA Loeffler, Ph. D.

Université Memorial

TA Loeffler, Ph. D., est spécialiste de l’éducation en plein air et mène des recherches à l’Université Memorial, à Terre-Neuve-et-Labrador. Ses recherches portent sur le perfectionnement professionnel des femmes, la phénoménologie des expériences de plein air, le mode de vie en expédition et la pratique inclusive du plein air. TA Loeffler a signé les livres More than A Mountain: One Woman’s Everest, Theory and Practice of Experiential Education, et Get-Outside Guide to Winter Activities. Ses travaux de recherche sur les activités de plein air inclusives ont influencé les pratiques de nombreuses agences qui travaillent auprès des personnes vivant avec des limitations.

 

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L’article La conception universelle comme outil pour améliorer la diversité, l’inclusion, l’équité et l’appartenance dans l’apprentissage en plein air au Canada (2024), par TA Loeffler, Ph. D., est sous la licence Creative Commons Attribution – Pas d’utilisation commerciale – Partage dans les mêmes conditions 4.0 International, sauf indication contraire.

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9.

AMÉLIORER LE SOUTIEN AUX PROGRAMMES AUTOCHTONES AXÉS SUR LA TERRE DANS LES TERRITOIRES DU NORD-OUEST

Debbie DeLancey et Sabrina Broadhead

Remerciements : Le présent chapitre n’aurait jamais vu le jour sans le soutien des principaux leaders du groupe NWT On The Land Collaborative et du programme Supporting Wellbeing. Nous tenons à remercier les personnes suivantes pour leur contribution : Stephen Ellis, chargé de programme, Nord du Canada, MakeWay; Kyla Kakfwi-Scott, sous-ministre adjointe, Services généraux et Sécurisation culturelle, ministère de la Santé et des Services sociaux du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest; et Rachel Cluderay, directrice de projet, Supporting Wellbeing.

Le Canada reconnaît et comprend de plus en plus l’importance des programmes axés sur la terre dans les contextes culturels autochtones. Les programmes axés sur la terre peuvent être conçus et mis en place pour atteindre divers objectifs dans les communautés autochtones et procurer un éventail de bienfaits, dont l’approfondissement des liens intergénérationnels, la transmission du savoir traditionnel et les occasions de guérison (McDonald, 2023; Redvers, 2020; Walsh et Sommerfield, 2018; Wildcat, McDonald, Irlbcher-Fox et Coulthard, 2014; Zoe, 2018). Un programme axé sur la terre se définit comme suit :

Un programme ou service défini sur le plan culturel, qui est donné dans un lieu urbain, naturel, rural ou éloigné et qui comporte des enseignements culturels et un transfert intergénérationnel du savoir combinés à toute une gamme d’autres activités ou objectifs. Ces programmes sont guidés par une pédagogie autochtone voulant que la terre soit la principale source de savoir et de guérison (Redvers, 2020, p. 90).

Valeur et bienfaits

Les humains sont plus heureux et en santé lorsqu’ils vivent une connexion avec le monde naturel. De plus en plus d’ouvrages scientifiques ancrés dans les systèmes de connaissances occidentaux confirment cette affirmation, comme le résume le rapport du Conseil canadien des parcs de 2014 Connecter les Canadiens à la nature, qui souligne l’importance du contact avec la nature comme facteur de bien-être individuel et sociétal (Conseil canadien des parcs, 2014).

L’Institut Yellowhead a récemment publié un rapport offrant une vue d’ensemble exhaustive de la littérature actuelle en lien avec la valeur et les bienfaits des programmes autochtones axés sur la terre, qui fait l’observation suivante :

La plupart, si ce n’est la totalité, des programmes axés sur la terre sont conçus pour produire de multiples résultats et bienfaits interreliés pour la santé mentale, émotionnelle et physique de l’humain; l’intendance environnementale; la confiance culturelle et le savoir autochtone; les compétences pratiques et techniques; et une compréhension et maîtrise approfondies de concepts essentiels comme le colonialisme de peuplement, la gouvernance et l’autodétermination des peuples autochtones (McDonald, 2023, p. 9).

Les auteurs autochtones font la distinction entre l’apprentissage en plein air ou les programmes axés sur les lieux, où les plans de cours peuvent se fonder sur les contextes environnementaux locaux, mais restent ancrés dans l’approche occidentale de l’apprentissage, et les programmes autochtones axés sur la terre, qui reposent sur les pédagogies autochtones, intègrent les visions autochtones du monde et comprennent souvent un objectif de renforcement du lien à la terre, à la culture et à l’autodétermination des peuples autochtones (Cluderay, Mainville, Simpson et Wrightson, 2022; McDonald, 2023). Cluderay et coll. (2022) font remarquer que, même si l’apprentissage en plein air et les programmes axés sur la terre ont de nombreuses caractéristiques en commun, l’éducation en plein air n’est pas une éducation axée sur la terre, car elle ne s’articule pas autour des pédagogies et épistémologies autochtones. Le simple fait d’emmener un groupe à l’extérieur pour faire du canot, de la randonnée pédestre ou du ski n’est pas suffisant pour affirmer que ce sont des activités « axées sur la terre » (Cluderay et coll., 2022, p. 52).

Le présent chapitre met l’accent sur les programmes axés sur la terre tels que définis par Redvers (2020, p. 95), c’est-à-dire des programmes fondés sur une « connexion ressentie qui s’est bâtie au fil des générations, qui est transmise par tradition orale et qui ne peut être comprise que par des expériences ou pratiques directes ».

Le rôle des programmes autochtones axés sur la terre comme facteur contributif du bien-être collectif et individuel et de la résurgence culturelle des peuples autochtones est largement reconnu. Son importance a été soulignée dans un grand nombre d’articles universitaires et de rapports demandés par divers organes gouvernementaux (DeLancey, 2023; gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, 2013; McDonald, 2023; Redvers, 2020; Walsh et Sommerfield, 2018). Les Territoires du Nord-Ouest à eux seuls ont publié plusieurs rapports gouvernementaux majeurs au cours des dix dernières années qui relèvent le rôle essentiel des programmes axés sur la terre sur le bien-être collectif et individuel. Par exemple, un rapport de 2013 présentant les résultats d’un forum sur les dépendances et le bien-être communautaire, dirigé par les citoyen.ne.s, insiste sur le fait qu’investir davantage dans les programmes axés sur la terre constitue LA solution pour lutter contre les dépendances (gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, 2013). Par ailleurs, un examen des services à l’enfance et à la famille a révélé en 2022 que les résident.e.s du territoire voient les programmes axés sur la terre comme la ressource la mieux cotée pour les familles qui ont besoin de soutien (Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest, 2022).

Les médias canadiens citent souvent les programmes axés sur la terre comme étant la démonstration de la résilience et la résurgence culturelle autochtones (p. ex., Galloway, 2018; Johnson, 2019). Comme l’explique Broadhead dans une communication personnelle (2023), la colonisation a enlevé aux peuples autochtones la possibilité de vivre et d’adopter ce qui était autrefois leur mode de vie traditionnel. Participer à des programmes axés sur la terre permet de « retrouver des parties de soi que l’on a perdues », de lier les gens à leur famille et à leur histoire, et de rebâtir sa connexion à la terre, à sa culture et à son mode de vie après que des générations entières ont été privées de cette expérience.

Même si l’importance et l’efficacité des programmes axés sur la terre sont largement reconnues, les groupes et organismes autochtones peinent à mettre ces programmes en œuvre, principalement en raison de problèmes d’effectifs et de financement. Les programmes axés sur la terre relèvent d’un « domaine professionnel interdisciplinaire complexe et hautement perfectionné » (Redvers, 2020, p. 95) et la prestation de ce type de programme en contexte actuel exige que l’on investisse dans les infrastructures, les transports, le personnel enseignant et de soutien et les assurances, entre autres coûts (Wildcat et coll., 2014; Jensen, Andrew et Simmons, 2021). Les conséquences multigénérationnelles de la colonisation et de la dépossession territoriale ont fait en sorte que bon nombre d’Autochtones sont aujourd’hui dépourvu.e.s non seulement d’expérience et de compétences en matière d’activités axées sur la terre, mais aussi de l’équipement de base nécessaire à la pratique de ces activités. Les organismes de prestation des programmes sont donc souvent tenus d’équiper les participant.e.s et de fournir par exemple des vêtements d’hiver appropriés, des outils, des tentes, des gilets de sauvetage, etc.

La mise en œuvre de la plupart des programmes dépend d’un soutien financier externe de la part d’organismes gouvernementaux ou d’organisations philanthropiques, ce qui alourdit le fardeau administratif lié à la préparation de demandes de financement et au respect des exigences d’évaluation et de création de rapports. Ces programmes sont généralement donnés par des gouvernements autochtones fondés sur la communauté ou des groupes locaux ou régionaux sans but lucratif dotés d’effectifs insuffisants pour répondre à ces exigences. De plus, pour les communautés autochtones, les activités axées sur la terre ont une valeur intrinsèque, tandis que les organismes de financement de la société majoritaire ont plutôt tendance à cibler des activités ou résultats attendus précis (p. ex., appuyer les jeunes à risque, offrir des cours de langue autochtone ou guérir les dépendances). Cette différence de vision représente un autre obstacle pour les organismes locaux, qui se voient parfois forcés d’obtenir du financement auprès de diverses sources pour parvenir à offrir un programme intégré répondant aux besoins des résident.e.s de la communauté (Dotto, 2020; Redvers, 2020).

Pour pallier ces obstacles, des soutiens institutionnels pour les programmes autochtones axés sur la terre commencent à apparaître partout au Canada. Par exemple, le gouvernement fédéral a récemment annoncé la création d’un réseau national financé en grande partie par le gouvernement du Canada visant à simplifier le financement et le renforcement des effectifs pour les programmes donnés par des gardiens autochtones (Wood et Cruikshank, 2022). Le présent chapitre décrit le travail collaboratif sur l’élaboration de politiques et se penche particulièrement sur deux innovations conçues dans les Territoires du Nord-Ouest (T.N.-O.) pour combattre ces difficultés et offrir un meilleur soutien aux organismes et communautés autochtones qui souhaitent offrir un accès aux programmes axés sur la terre. Ces deux projets sont les groupes NWT On The Land Collaborative et Supporting Wellbeing et seront abordés plus loin dans le chapitre.

Collaboration sur l’élaboration de politiques

En 2018, un atelier rassemblant des spécialistes de l’éducation axée sur la terre de tout le Nord du Canada a été organisé à Yellowknife (T.N.-O.) pour discuter des meilleures méthodes d’évaluation efficaces et respectueuses de la culture pour les programmes axés sur la terre et dirigés par des Autochtones. L’atelier est né d’une collaboration entre le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest (GTNO), le ministère de la Santé et des Services sociaux, la fondation Tides Canada (devenue MakeWay), l’Office des ressources renouvelables du Sahtú, le centre de soutien à la recherche Hotıì ts’eeda et la NWT Recreation and Parks Association (NWTRPA). Les personnes organisatrices de la rencontre espéraient amorcer l’élaboration de stratégies communes pour évaluer les programmes axés sur la terre et préparer ainsi le terrain pour la conception d’un ensemble d’outils et de méthodes pouvant être utilisés par les prestataires de tels programmes dans le Nord du Canada. Les participant.e.s ont parlé de leur expérience quant à l’évaluation et au compte rendu de leurs programmes, en plus d’examiner les soutiens externes pouvant appuyer ce projet.

La rencontre s’est conclue par un consensus selon lequel il serait pertinent de poursuivre le projet afin de fournir un soutien et des outils d’évaluation aux programmes axés sur la terre. Les participant.e.s ont également relevé des lacunes dans la littérature actuelle sur les programmes axés sur la terre, et ont conclu que l’accès à une ressource commune regroupant toutes les données probantes sur l’efficacité de tels programmes s’avérerait un soutien pertinent pour les personnes qui assurent leur mise en œuvre. Les participant.e.s ont aussi exprimé leur frustration quant au volume de temps et d’efforts administratifs que leurs organismes et communautés devaient investir pour prouver la valeur des programmes axés sur la terre dans leurs demandes de financement, d’autant plus que la plupart dépendent de diverses sources de financement externes pour assurer la prestation du programme. La création d’un document unique et convaincant pouvant à la fois faire office de revue de la littérature et de description narrative des répercussions des programmes axés sur la terre pourrait non seulement alléger le fardeau administratif des prestataires de programme, mais aussi contribuer à influencer les gouvernements et les bailleurs de fonds philanthropiques.

Cette idée n’est pas tombée dans l’oubli, car en 2021, quatre des commanditaires de l’atelier (MakeWay, NWTRPA, ministère de la Santé et des Services sociaux et Hotıì ts’eeda) ont alloué des fonds et des apports en nature au soutien de ce projet et à l’amorce du processus de sélection d’érudit.e.s autochtones ayant une expérience et une expertise approfondies dans la planification et la prestation de programmes axés sur la terre pour relever le défi. Leurs efforts ont abouti à la publication récente d’un rapport extraordinaire intitulé Indigenous Land-Based Education in Theory and Practice, accessible grâce à un partenariat avec l’Institut Yellowhead (McDonald, 2023). Ce rapport s’appuie sur de récents ouvrages universitaires et accessibles au public pour mettre en lumière les bienfaits des programmes axés sur la terre, selon cinq thèmes précis : autodétermination autochtone; santé et bien-être; intendance environnementale; réconciliation et justice climatique; et méthodologies d’évaluation. Bien que sa conception ait pris plusieurs années, ce document fondamental est enfin accessible comme ressource publique en appui aux prestataires de programmes axés sur la terre et comme politique de référence pour les organismes de financement et décideur.euse.s politiques qui souhaitent mieux comprendre l’importance d’investir dans les projets d’éducation axée sur la terre.

NWT On The Land Collaborative

Le groupe Northwest Territories On The Land Collaborative (OTLC) est un partenariat entre des gouvernements, des organismes non gouvernementaux et à but non lucratif et des entreprises qui procure un moyen de combiner les efforts de ces intervenants et de faciliter l’accès des gouvernements, communautés et organismes communautaires autochtones à du financement et à d’autres ressources pour des projets axés sur la terre. La fondation TIDES Canada (devenue MakeWay) et le ministère de la Santé et des Services sociaux du GTNO ont organisé en 2014 un atelier rassemblant des représentant.e.s du gouvernement, des entreprises et de bailleurs de fonds philanthropiques afin d’obtenir directement l’opinion des organismes prestataires de programmes axés sur la terre quant aux meilleurs moyens de les soutenir. À l’issue de cet atelier, les participant.e.s ont conclu qu’une collaboration entre les bailleurs de fonds permettrait d’augmenter les sommes de financement disponibles et l’efficacité des bailleurs de fonds, de réduire considérablement la charge administrative pour les demandeurs et d’offrir des occasions d’apprentissage partagées, ce qui serait avantageux tant pour les bailleurs de fonds que pour les prestataires de programmes. Ce constat a donné lieu à la création de l’OTLC.

Parmi les premiers partenaires de l’OTLC figuraient TIDES Canada et le GTNO, qui ont conjointement dirigé la création du fonds, de même que la Dominion Diamond Ekati Corporation, la NWT Recreation and Parks Association, TNC Canada, l’Initiative de leadership autochtone, la Fondation de la famille J.W. McConnell ainsi que sept gouvernements autochtones régionaux (la Société régionale inuvialuite, le Conseil tribal des Gwich’in, les Nations des Métis des Territoires du Nord-Ouest, les Premières Nations du Dehcho, le gouvernement tłı̨chǫ, le Sahtú Secretariat Incorporated et le gouvernement du territoire d’Akaitcho), lesquels ont chacun nommé un.e conseiller.ère communautaire pour assister aux réunions de l’OTLC. Au cours de l’année 2015, les partenaires du groupe ont conçu la structure et déterminé les activités de l’OTLC, en organisant des rencontres fréquentes pour étudier les modèles d’autres territoires et en élaborant un processus de financement clair et facile à utiliser. Les discussions portaient sur les principaux éléments de conception suivants :

  • Gouvernance et processus décisionnels
  • Rôle des conseiller.ère.s communautaires
  • Rôles et responsabilités des partenaires financiers
  • Description détaillée d’une procédure de demande de renseignements et de soumission de propositions facile à utiliser
  • Méthodes pour communiquer efficacement un appel à candidatures

À la fin de l’année, les partenaires étaient prêts à mettre une version pilote de l’OTLC à l’essai et ont publié le premier appel à candidatures. La procédure de candidature avait été conçue pour être claire et simple, ce qui a permis de réduire le fardeau administratif des personnes qui soumettaient leur candidature. L’admission de candidat.e.s au projet pilote visait à préciser et à parfaire la procédure de candidature et le processus décisionnel, mais a finalement servi à élaborer quelques lignes directrices : par exemple, les partenaires ont décidé d’accorder la priorité aux projets qui amenaient réellement les participant.e.s sur la terre, plutôt que d’investir dans des infrastructures ou de l’équipement, et ont établi un seuil minimal de 1 000 $ pour les projets admissibles. Les conseiller.ère.s communautaires devaient entre autres répondre aux questions des candidat.e.s de leur région géographique respective et les appuyer dans l’élaboration de leurs propositions.

À sa première offre de financement, l’OTLC pouvait octroyer un peu plus de 380 000 $. L’appel à candidatures a été lancé en novembre 2015, avec une période de réception des candidatures de deux mois. À la clôture de la période de candidature, plus de 200 demandes en provenance des quatre coins des Territoires du Nord-Ouest avaient été reçues; les demandes de financement totalisaient près de 9 M$. L’examen de cette première série de candidatures a permis d’orienter l’élaboration d’autres critères pour la prise de décisions, notamment l’exclusion de tout projet duquel les promoteur.trice.s pourraient obtenir un gain financier personnel.

Un total de 27 projets ont pu être financés en 2016, totalisant un financement de 385 000 $, une somme légèrement supérieure à celle offerte au départ par les partenaires. Cette augmentation témoigne d’un bienfait inattendu du processus de l’OTLC : les partenaires choisissent parfois d’augmenter leur contribution pour financer un projet précis qui correspond aux priorités de financement de leur organisation. De plus, les partenaires peuvent être en mesure d’utiliser leur réseau et leur expertise pour orienter les candidat.e.s vers d’autres sources de financement ou les mettre en contact avec des ressources locales pour accéder à des infrastructures ou de l’équipement, ce qui représente un autre avantage pour les candidat.e.s. Par exemple, lorsque des candidat.e.s communautaires incluent dans leur proposition une demande de formation de leadership en plein air (premiers soins en nature, sécurité en canot, etc.), la NWT Recreation and Parks Association est souvent en mesure de couvrir cette portion de la demande de financement avec ses voies de financement existantes.

Depuis ce premier appel en 2016, le groupe NWT OTLC a augmenté annuellement la somme de financement offert, perfectionné ses processus de financement et augmenté le nombre de partenaires contribuant au financement. De 2016 à 2022, l’OTLC a financé 323 projets dans toutes les régions des Territoires du Nord-Ouest, allouant une somme totale de 5,9 M$ en fonds aux organismes, gouvernements, écoles, organismes non gouvernementaux, gouvernements communautaires et particuliers autochtones pour la prestation de projets axés sur la terre. Le montant des subventions variait, mais s’élevait en moyenne à 18 000 $ par projet. L’examen approfondi de 132 projets montre que les activités soutenues par l’OTLC comprennent une vaste gamme de compétences traditionnelles et de plein air, notamment l’établissement d’un campement, la préparation autochtone de nourriture, l’exploitation de la faune, les connaissances sur les plantes et les arbres, la couture, le tambour, la raquette, la sécurité en nature, l’apprentissage des langues autochtones et la transmission orale de l’histoire (Dotto, 2021).

À l’exception d’un partenaire, tous les premiers partenaires sont demeurés actifs (quoique certains organismes aient évolué et changé de nom) et de nouveaux partenaires ont joint le groupe, dont RBC, la Gordon Foundation et plusieurs autres ministères du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. Le montant du financement annuel offert par l’OTLC a quelque peu fluctué au fil des ans en raison de l’injection occasionnelle et temporaire de fonds destinés à financer des projets spéciaux, mais il se situe généralement entre 900 000 $ et 1 M$. Au fil du temps, la vision de l’OTLC s’est cristallisée et est décrite comme suit sur le site Web du groupe :

Aujourd’hui, la NWT On The Land Collaborative fournit des fonds, des ressources et du soutien aux programmes centrés sur l’éducation axée sur la terre et la revitalisation culturelle. La participation des jeunes est une composante très importante de ces programmes, tout comme le développement de compétences et l’acquisition de connaissances pour améliorer la résilience et la force de la communauté. Nous appuyons les projets qui rétablissent les modes de vie traditionnels, prônent la justice et bâtissent des économies plus solides. Les subventions contribuent également à la mise en œuvre de programmes d’intendance et de surveillance environnementale qui garantissent la santé des terres pour les générations à venir. La santé mentale, les dépendances, la guérison et le bien-être des familles sont des préoccupations dans les communautés de l’ensemble des Territoires du Nord-Ouest, et sont par conséquent des priorités pour le groupe (NWT On The Land Collaborative, s. d.).

Les processus administratifs de l’OTLC se sont peaufinés au fil du temps, évoluant vers un processus décisionnel annuel qui s’amorce chaque année avec un appel à candidatures ouvert en septembre suivi d’une période de réception des candidatures finissant en début novembre. Les partenaires de l’OTLC se plongent ensuite dans un processus d’examen intensif de trois jours qui commence par une réunion des conseiller.ère.s communautaires afin d’évaluer toutes les candidatures et de les classer en trois catégories aux fins d’examen par les bailleurs de fonds. Le lendemain de cette rencontre, tous les partenaires se réunissent et les conseiller.ère.s communautaires présentent un résumé de leur évaluation aux bailleurs de fonds, lesquels se rencontrent le jour suivant pour décider entre eux de la meilleure façon d’allouer le financement disponible aux projets recommandés. Le processus repose sur une méthode de consensus : l’opinion de chaque membre de l’OTLC a une valeur équivalente, peu importe leur contribution au soutien administratif ou au financement proprement dit.

En 2019, l’OTLC a demandé la création d’un rapport de synthèse rétrospectif pour évaluer l’impact de son travail et orienter les programmes futurs. Le rapport a été mis à jour en 2021 afin d’intégrer les conclusions tirées des rapports individuels de 132 projets envoyés par 80 bénéficiaires de subventions différents. Ce rapport résumait comme suit les répercussions des programmes axés sur la terre, confirmées par les rapports de projet (Dotto, 2021, p. 4-16) :

  • Le fait de passer du temps sur la terre revigore et renforce les liens qui unissent les participant.e.s du programme à la terre, liens qui sont traditionnels, radicaux et qui prônent l’anticolonialisme…
  • Les programmes axés sur la terre engendrent en toutes saisons diverses occasions pour les membres de la communauté, en particulier les jeunes, d’apprendre des compétences axées sur la terre et d’approfondir leur connexion à la culture et au mode de vie autochtones…
  • Les programmes axés sur la terre rapprochent les Aîné.e.s des jeunes et des autres membres de la communauté, renforçant ainsi les liens intergénérationnels et offrant aux Aîné.e.s la possibilité de transmettre leur savoir, leurs compétences et leur langue…
  • Les programmes axés sur la terre cultivent l’estime de soi, la persévérance, la confiance, le leadership et la coopération…
  • Les programmes axés sur la terre procurent aux communautés et à leurs membres des ressources vitales, comme les aliments traditionnels et le bois de chauffage…
  • Les programmes axés sur la terre favorisent des attitudes d’intendance chez les participant.e.s, qui s’efforcent ensuite de préserver et d’améliorer le bien-être de la terre.

Tout d’abord, l’existence même de l’OTLC est fondée sur la conviction que les programmes axés sur la terre possèdent une valeur intrinsèque et que les communautés autochtones sont les mieux placées pour savoir quels programmes répondront le mieux à leurs besoins. Ainsi, il n’incombe pas aux candidat.e.s de démontrer pourquoi les programmes axés sur la terre sont pertinents et méritent d’être financés. D’un point de vue pratique, le regroupement en un seul endroit des fonds offerts et l’octroi de ces fonds selon une seule procédure de candidature allègent aussi le fardeau administratif pour les candidat.e.s, qui autrement pourraient devoir préparer plusieurs demandes de financement auprès de plusieurs organismes dotés de critères d’admissibilité et de formulaires de candidature légèrement différents.

L’OTLC se distingue de presque toutes les autres possibilités de financement pour les programmes autochtones axés sur la terre grâce à un principe clé : il permet aux candidat.e.s de décrire leur propre vision du programme proposé et de mettre l’accent sur la valeur et les bienfaits perçus sans devoir classer le programme dans une catégorie prédéterminée de résultats attendus. Redvers (2020, p. 96) décrit la « malencontreuse ironie » de la tendance occidentale à vouloir restreindre les activités aux programmes, et observe que les prestataires de programmes axés sur la terre ont l’impression de « devoir maintenant adapter leur mode de vie au concept occidental de “programme” afin que ce mode de vie puisse perdurer ». En offrant cette liberté aux candidat.e.s, les organismes de financement peuvent répondre aux besoins et priorités des communautés plutôt qu’exiger qu’elles adaptent leurs programmes aux priorités des bailleurs de fonds. Les membres de longue date de l’OTLC ont remarqué qu’à leur adhésion à l’OTLC, les représentant.e.s d’organismes de financement tentent souvent de pousser l’OTLC à définir des programmes qui correspondent mieux à leurs priorités organisationnelles, mais l’OTLC a refusé de céder à cette pression et est demeuré fidèle à sa conviction sous-jacente de privilégier les visions autochtones.

La structure de l’OTLC permettant aux partenaires de financement de partager les processus administratifs fournit une grande souplesse et lui permet de tirer parti de toute la gamme d’outils de financement offerts à l’ensemble des partenaires. Les bailleurs de fonds gouvernementaux et philanthropiques sont contraints par des politiques et règlements qui limitent leur capacité à financer certain.e.s candidat.e.s, mais travailler ainsi ensemble leur permet d’utiliser les outils idéaux pour chaque situation. Les exigences gouvernementales en matière de responsabilité peuvent imposer un fardeau administratif aux programmes communautaires, c’est pourquoi la majorité des fonds de l’OTLC sont acheminés à MakeWay, qui est en mesure de financer les candidat.e.s admissibles sous la forme d’une subvention associée de très peu d’exigences de compte rendu. Cependant, puisque MakeWay est un organisme de bienfaisance enregistré, il peut seulement financer des organismes considérés comme des donataires qualifiés par l’Agence du revenu du Canada. Si un.e candidat.e admissible ne passe pas le test de l’ARC, le financement qui lui sera attribué proviendra alors d’un accord de contribution avec l’un des ministères participants du GTNO.

Une autre caractéristique innovante de l’OTLC est qu’il offre aux candidat.e.s des avantages au-delà du financement de programme. Les conseiller.ère.s communautaires nommé.e.s par les gouvernements autochtones régionaux sont des animateur.trice.s d’activités axés sur la terre extrêmement compétent.e.s et agissent non seulement comme premier point de contact pour les propositions de financement, mais fournissent en plus des conseils sur une variété de sujets liés à l’élaboration de programmes. Les conseiller.ère.s communautaires travaillent aussi avec les candidat.e.s communautaires pour déterminer les lacunes et points à améliorer dans leurs ébauches de proposition, ce qui leur donne l’occasion, à la lumière des commentaires reçus, de les réviser et les étoffer avant de les soumettre. Les conseiller.ère.s communautaires sont souvent en mesure de mettre les promoteur.trice.s de programmes en contact avec d’autres groupes locaux ou régionaux pouvant partager des infrastructures, transmettre des connaissances et offrir des formations ou d’autres ressources. Les organismes de financement qui siègent à l’OTLC acceptent souvent de financer des propositions précises qui n’ont pas été recommandées par les conseiller.ère.s communautaires, mais qui s’intègrent bien dans d’autres flux de financement. Enfin, la structure de l’OTLC fournit une tribune où échanger points de vue et enseignements et où les bailleurs de fonds peuvent développer une compréhension plus nuancée de l’importance des programmes axés sur la terre.

Le concept et l’approche de l’OTLC sont sans contredit une réussite. En huit ans d’activité, le groupe a connu un volume stable d’adhésions, a attiré de nouveaux bailleurs de fonds et a plus que doublé le montant offert pour financer les programmes axés sur la terre et sur la communauté grâce à son approche unique. Les membres de l’OTLC n’ont pas cédé à la pression les poussant à reprendre un modèle de financement plus traditionnel où la réussite dépend des priorités des bailleurs de fonds. De plus, grâce à des contributions administratives en nature, les membres ont pu maintenir leurs activités administratives au minimum et ainsi éviter de détourner une partie des fonds disponibles pour couvrir des frais administratifs.

Au fur et à mesure que les conseiller.ère.s communautaires ont élargi leurs réseaux et aidé les organismes locaux et régionaux à parfaire leurs propositions de programmes, les membres de l’OTLC ont constaté une augmentation graduelle de la qualité des soumissions et de la capacité des organismes locaux à fournir des programmes axés sur la terre efficaces et bien structurés.

Cette réalisation a été reconnue à l’échelle nationale et territoriale. En 2017 et 2018, l’OTLC a reçu le Prix d’excellence du premier ministre du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, lequel est décerné aux partenariats pour « l’excellence, l’innovation et le dévouement dont [ils] ont fait preuve » (gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, s. d.). Puis en 2021, le groupe a reçu le Prix pour les partenaires de l’Association canadienne des parcs et loisirs, qui honore les partenaires dont la collaboration, la créativité et l’innovation enrichit la santé individuelle et le bien-être collectif et améliore la communauté des parcs et loisirs au Canada (rapport annuel du NWT OTLC, 2022, p. 6).

La croissance de l’OTLC n’a pas été sans embûches. Le débat sur la définition des programmes « axés sur la terre » se poursuit, comme on le constate ici :

La question à savoir ce qui définit un programme « axé sur la terre » continue d’être débattue à l’OTLC. De façon générale, le groupe aimerait voir des projets qui dépassent les frontières municipales. Toutefois, nous sommes conscient.e.s qu’un certain nombre de facteurs (sécurité, type de groupe, équipement et financement) peuvent empêcher les organismes d’étendre la portée de leur programme. Il est essentiel de comprendre ce que signifie « axé sur la terre » dans le contexte des candidat.e.s et des personnes à qui leur programme s’adresse (rapport annuel du NWT OTLC, 2017, p. 4).

L’OTLC s’est surtout concentré sur l’apprentissage par l’expérience, en commençant par l’élaboration d’un ensemble assez restreint d’exigences et de politiques pour ensuite se consacrer au fil du temps à la création de lignes directrices. Après près de dix ans d’activités, les membres reconnaissent qu’il est peut-être temps de mieux codifier leurs lignes directrices et leurs pratiques et hypothèses opérationnelles, d’autant plus que de nouveaux partenaires de financement sont incités à se joindre à l’OTLC.

Comme c’est le cas pour de nombreux organismes et projets, les occasions de sensibilisation, de réseautage et de croissance se sont faites plus rares dans les dernières années, puisque les activités ont été grandement limitées par les restrictions imposées par la pandémie de COVID-19. L’OTLC a récemment recruté trois nouveaux partenaires de financement : Transports Canada, Google et la Fondation BHP. Au fur et à mesure que les activités retrouvent leur rythme normal, le groupe espère se réinvestir dans la sensibilisation et le recrutement proactifs pour attirer davantage de partenaires.

Les bailleurs de fonds membres de l’OTLC ont la possibilité d’augmenter leur contribution. On constate actuellement une variation considérable des contributions des différents bailleurs de fonds, celles-ci variant de 10 000 $ à 300 000 $ par année. Jusqu’à maintenant, l’OTLC n’a pas fixé de contribution minimale et a accordé à chaque organisme de financement un poids égal dans la prise de décision. Bien qu’en constatant la valeur de l’OTLC, certains bailleurs de fonds aient augmenté leur contribution annuelle au fil du temps, d’autres n’ont rien fait de tel, et certains membres pensent qu’il est peut-être temps d’imposer des exigences minimales aux partenaires ayant la capacité d’apporter une contribution plus importante.

D’autres territoires ont remarqué le succès du modèle de l’OTLC et demandent des renseignements aux partenaires du groupe sur ses activités. Compte tenu du succès que connaît l’OTLC, le groupe planifie actuellement un prochain atelier afin de faire part des réussites et leçons tirées de son expérience aux parties intéressées d’autres territoires.

Supporting Wellbeing

Supporting Wellbeing est un programme de formation qui fournit des outils et ressources aux personnes offrant des programmes axés sur la terre, afin de les préparer à atténuer et prendre en charge les problèmes de santé mentale des participant.e.s par des activités axées sur la terre. Ce projet est né de l’expérience de plusieurs chargé.e.s de programmes axés sur la terre des Territoires du Nord-Ouest, qui se sont réuni.e.s en 2018 dans le cadre d’un atelier commandité par la Northwest Territories Recreation and Parks Association (NWTRPA) et l’Office des ressources renouvelables de Sahtú pour discuter des obstacles rencontrés dans leurs programmes. Lors de cet atelier, une insistance a été mise sur le fait que bon nombre de participant.e.s et de membres du personnel de ces programmes vivent avec des traumatismes, et les chargé.e.s de programme ont soulevé la pertinence d’une formation propre au contexte nordique sur les soins tenant compte des traumatismes et sur la façon de gérer les problèmes de santé mentale (site Web du programme Supporting Wellbeing, s. d.).

Des représentant.e.s du personnel de la NWTRPA, de la Société régionale inuvialuite (SRI) et des Premières Nations du Dehcho (PND), trois chefs de file reconnus dans le soutien aux programmes autochtones axés sur la terre dans les Territoires du Nord-Ouest, ont ensuite uni leurs forces en 2020 pour former un comité directeur et amorcer l’élaboration d’un programme de formation exhaustif propre au contexte nordique et fondé sur les pédagogies et voies du savoir autochtones.

La composition du comité directeur comprenait des représentant.e.s des gouvernements et organismes autochtones et des personnes engagées dotées d’une expérience dans la prestation de programmes axés sur la terre, recruté.e.s des quatre coins des Territoires du Nord-Ouest. Le financement initial du projet provenait de plusieurs sources, notamment : Rio Tinto, le Dechinta Centre for Research and Learning, MakeWay, Nature Unie, Hotıì ts’eeda (unité de soutien SRAP des T.N.-O.), la Société régionale inuvialuite et les loteries du Nunavut et des Territoires du Nord-Ouest (site Web de Supporting Wellbeing, s. d.). Le comité directeur a établi quelques règles de base pour la formation :

  1. La formation Supporting Wellbeing doit être faite dans le Nord et s’appuyer sur l’expertise et les expériences des peuples autochtones.
  2. Le programme doit être divisé en modules pour permettre aux personnes-ressources de l’adapter aux besoins des communautés et groupes spécifiques.
  3. La formation doit dénoter une sensibilité culturelle : pour promouvoir la sécurisation culturelle et pour agir en faveur de la décolonisation, la formation doit adopter les approches autochtones pour prévenir, aborder et guérir les participant.e.s de leurs traumatismes.
  4. La formation doit tenir compte des traumatismes (Supporting Wellbeing, 2022).

Ces décisions prises tôt dans le processus ont permis de définir les valeurs du projet :

  • Réciprocité : Entretenir une relation de respect réciproque à l’égard de soi, de la terre et des autres humains.
  • Inclusion : Faire preuve d’acceptation, se montrer accueillant.e, agir en faveur de la diversité et reconnaître les forces de chacun.e.
  • Responsabilité : Avoir un sens de responsabilité mutuelle avec soi-même, ses partenaires, la terre et les autres humains.
  • Bien-être : Équilibrer et nourrir simultanément les aspects mental, physique, émotionnel et spirituel pour créer un bien-être holistique où les quatre dimensions de l’être sont saines et solides.
  • Autodétermination autochtone : Appuyer la souveraineté et les droits autochtones ainsi que la valeur du savoir et des modes de vie autochtones (site Web de Supporting Wellbeing, s. d.).

Grâce au soutien du personnel de la NWTRPA, le comité directeur a lancé un appel à propositions pour amorcer la conception du programme de formation. Vers la fin de l’année 2021, une ébauche avait été produite sous la gouverne d’un conseiller autochtone chevronné et chargé de programmes axés sur la terre, travaillant en partenariat avec un enseignant aux adultes du Nord spécialisé dans la conception de programmes. Les modules de formation de Supporting Wellbeing combinent des pratiques cliniquement éprouvées dans des groupes de travail en santé mentale avec l’expertise et les pratiques autochtones. En mars 2021, Supporting Wellbeing a tenu sa première séance de formation pilote sur les terres près d’Inuvik (T.N.-O.), dans un campement entretenu par les 17 chargé.e.s de programmes axés sur la terre de la SRI. Des Aîné.e.s ont rejoint les membres du comité directeur de Supporting Wellbeing et les consultant.e.s du programme pour une rencontre de sept jours pendant laquelle ils ont suivi la formation sur les compétences de Supporting Wellbeing tout en donnant leurs impressions sur le programme.

Tout au long de l’année 2021, les premières personnes formées, quoique relativement limitées par les restrictions imposées par la pandémie, ont mis à profit leurs nouvelles compétences dans la prestation de programmes axés sur la terre dans l’ensemble des Territoires du Nord-Ouest. Entretemps, la structure administrative du programme a continué d’évoluer et au début de l’année 2022, le projet a reçu un montant de 500 000 $ alloué par le Prix Inspiration Arctique. Cet investissement a permis au projet de se tailler une place comme projet indépendant sur la plateforme partagée de MakeWay.

Le plan quinquennal initial de Supporting Wellbeing prévoyait non seulement l’élaboration de la formation destinée aux chargé.e.s de programmes axés sur la terre, mais aussi d’une formation pour formateurs pour les chargé.e.s de programme ayant suivi les modules de Supporting Wellbeing et souhaitant les enseigner à d’autres responsables de leur région. Le Guide de Supporting Wellbeing pour les personnes-ressources a été achevé au début de l’année 2022 et à l’automne, le premier groupe de formateur.trice.s potentiel.le.s s’est réuni sur les terres à proximité de Fort Simpson (T.N.-O.) pour un essai pilote d’une semaine du nouveau programme. Conformément à la philosophie du projet, des activités d’apprentissage ont été entrecoupées d’occasions d’apprentissage axées sur la terre, y compris un trajet sur le fleuve MacKenzie pour visiter les terrains traditionnels où vivent les familles locales, une cueillette de plantes pour fabriquer des concoctions médicinales avec les Aîné.e.s de la région et l’apprentissage de compétences telles que le montage d’une structure de tente et le séchage de viande. Le projet continuera d’offrir la formation Supporting Wellbeing aux chargé.e.s de programmes axés sur la terre de toutes les régions des Territoires du Nord-Ouest et prévoit organiser un autre événement de formation des formateurs fin 2023 ou début 2024.

Supporting Wellbeing a connu un succès considérable au cours de ses deux premières années d’activité, tirant profit des ressources de partenaires engagés et de personnes dévouées pour établir une structure de gouvernance, obtenir du financement et offrir des produits dans des délais opportuns. Le contenu du programme et la stratégie de formation de Supporting Wellbeing répondent aux besoins, aux capacités et à l’infrastructure sociale uniques des communautés autochtones nordiques éloignées. Même si certains programmes de guérison axés sur la terre parviennent à inclure des personnes occidentales formées et spécialisées en santé mentale, ce n’est pas le cas pour la grande majorité des programmes axés sur la terre, et ce, pour deux raisons : premièrement, nombre d’entre eux ne sont pas conçus pour adopter une définition cloisonnée du bien-être mental, mais sont plutôt de nature holistique et priorisent d’abord la connexion à la terre et à la culture; deuxièmement, les Territoires du Nord-Ouest vivent actuellement une grave pénurie de conseiller.ère.s formé.e.s, ce qui complique le recrutement de ces spécialistes, même pour les programmes riches en ressources.

La conception modulaire du programme permet d’adapter la formation aux besoins des communautés et organismes locaux, tant du point de vue de l’échéancier de prestation que des éléments à prioriser. Les documents connexes sont aussi conçus pour être personnalisés afin que les Aîné.e.s et les gardien.ne.s du savoir de chaque région puisse apporter une perspective appropriée sur le plan culturel. En plus d’avoir remporté le Prix Inspiration Arctique en 2022, Supporting Wellbeing a été désigné l’organisme gagnant du Prix pour l’innovation en santé mentale et le traitement des dépendances attribué aux Territoires du Nord-Ouest par les premiers ministres des provinces et territoires.

Comme le précise le rapport d’évaluation intérimaire de 2022 du projet, cette réussite n’a pas été acquise sans difficulté. Comme c’est le cas pour tout nouvel organisme, les responsables de l’administration se sont heurtés à des lacunes politiques nécessitant des ajustements continus et l’élaboration d’un cadre politique. Par exemple, la participation de certain.e.s membres du comité directeur est soutenue par l’entremise de leur travail auprès d’organismes autochtones, tandis que d’autres membres sont consultant.e.s et ont besoin d’une forme quelconque de rémunération pour consacrer du temps au projet, ce qui a exigé la création d’une politique sur la rémunération. La transition vers les méthodes administratives de la plateforme partagée de MakeWay a aussi exigé un investissement en temps et en efforts de la part du personnel. Supporting Wellbeing a également été en quelque sorte victime de son succès, car l’enthousiasme qu’il a généré a créé une demande pour la formation qui a excédé à court terme sa capacité de prestation.

Conclusion

Dans les Territoires du Nord-Ouest, les organismes voués à la promotion des programmes axés sur la terre ont uni leurs forces dans le cadre de plusieurs collaborations uniques visant spécifiquement à renforcer les capacités communautaires, à simplifier les processus administratifs, à augmenter le nombre de ressources disponibles et à influencer le gouvernement et les décideur.euse.s politiques philanthropiques. Ces innovations ont vu le jour en réponse à une priorité soulevée par les communautés et organismes dirigeants autochtones du Nord du Canada, et sont conçues pour tirer parti des forces des communautés nordiques et régler les problèmes d’effectifs dans tout le nord du pays.

Ces collaborations ont plusieurs thèmes en commun. Elles partent toutes d’un principe de reconnaissance de la valeur inhérente des programmes axés sur la terre pour les communautés autochtones et du rôle essentiel qu’ils jouent dans la promotion des forces, de la résilience, de la réussite et du bien-être individuels et collectifs. Tous les organismes participants cherchent à appuyer les priorités et besoins des communautés autochtones plutôt que leur imposer de se conformer à leurs propres mandats organisationnels. Tous s’évertuent à appuyer les programmes communautaires en simplifiant et en réduisant les exigences administratives tout en renforçant les effectifs afin d’assurer la prestation efficace de programmes axés sur la terre. Si la philosophie sous-jacente consistant à faire de la présence sur les terres un objectif en soi, sans insister sur des objectifs immuables du programme, peut représenter une innovation pour les bailleurs de fonds gouvernementaux et philanthropiques, pour les communautés autochtones, cette philosophie représente un retour aux pratiques et valeurs traditionnelles qui ont toujours soutenu l’apprentissage, le bien-être physique et mental et la connexion à la culture.

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Ressources

À propos des auteures

Debbie DeLancey

Debby DeLancey vit dans le nord du Canada depuis plus de 40 ans et a travaillé avec les gouvernements et communautés autochtones ainsi qu’au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. Elle est consultante indépendante et travaille surtout sur l’élaboration de politiques de santé dans les régions éloignées, en plus d’entretenir un intérêt particulier pour l’évaluation des programmes autochtones axés sur la terre. Elle comptait parmi les premières personnes à parrainer le NWT On The Land Collaborative et a travaillé pour le programme Supporting Wellbeing. Elle est membre titulaire de la Société canadienne d’évaluation et chercheuse associée de l’Institut de recherche Aurora.

Sabrina Broadhead

Sabrina Broadhead vient d’une grande famille métisse qui entretient des liens étroits avec la terre et la culture autochtone. Originaire de Fort Smith, elle est retournée travailler dans le Nord après avoir obtenu son diplôme universitaire dans le sud du Canada. À la retraite depuis peu, Sabrina a consacré près de 40 ans au service de la population des Territoires du Nord-Ouest, notamment en participant au NWT On The Land Collaborative. Son amour pour la terre et la culture a guidé son travail dans le développement communautaire. Elle profite maintenant de son temps pour s’amuser avec ses trois petits-enfants!

 

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L’article Améliorer le soutien aux programmes autochtones axés sur la terre dans les Territoires du Nord-Ouest (2024), par Debbie DeLancey et Sabrina Broadhead, est distribué sous la licence Creative Commons Attribution – Pas d’utilisation commerciale – Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 International, sauf indication contraire.

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10.

COLLABORER AVEC LES PARTENAIRES COMMUNAUTAIRES POUR DÉVELOPPER DES PROGRAMMES SPÉCIALISÉS DESTINÉS AUX POPULATIONS MAL DESSERVIES

Jessica L. Spooner

Remarques de l’autrice : Les noms des participantes ont été modifiés pour protéger la vie privée.

Faites de votre mieux, et travaillez en équipe! – Nancy Arsenault

« C’est magique », soupire Asal en contemplant du haut d’une falaise l’océan Atlantique scintillant. Asal et sa jeune famille ont déménagé au Canada il y a trois ans. Elle s’occupe principalement de ses deux enfants, âgés de moins de trois ans. Elle n’a pas de permis de conduire et son mari travaille à temps plein pour subvenir aux besoins familiaux. Elle consacrait surtout ses journées aux enfants. Elle n’a donc pu faire aucune connaissance ni découvrir son pays d’accueil. Elle s’était empressée de manifester son intérêt dans l’espoir d’obtenir une place dans un programme de randonnée gratuit. Pour qu’Asal puisse y participer, il a fallu beaucoup de planification, tant de son côté que de celui du coordinateur.

Le projet Hike est un programme de randonnée guidée de six semaines élaboré en partenariat avec l’Office of Public Engagement de l’Université Memorial, le St. John’s Women’s Centre (SJWC), l’Eastern Academy College et Rewild Wellness. Grâce à la coopération de la collectivité, un programme d’aventures en plein air a vu le jour, offrant gratuitement transport et garde d’enfants. La collaboration communautaire a permis de rejoindre un groupe diversifié de femmes, dont plusieurs vivent en marge de la société et représentent une population mal desservie par les programmes d’apprentissage en plein air. Le présent article s’attarde sur les avantages et les obstacles de l’apprentissage en plein air par le truchement de la collaboration communautaire, en prenant pour exemple le projet Hike.

Les collaborations communautaires ou les structures en réseau, selon Mandell, regroupent des organismes publics, privés et à but non lucratif ou des groupes d’individus dans le cadre d’un partenariat, qui sont désireux d’atteindre un ou plusieurs objectifs (Mandell, 1999, p. 45). En mettant en commun les ressources, les personnes, les organismes, les organismes à but non lucratif et les organismes gouvernementaux sont à même de proposer des programmes pour résoudre un problème ou concrétiser une vision commune (Carmichael et McCole, 2014). Tout partenariat est bénéfique lorsque des besoins financiers criants, une réduction des budgets p. ex., limitent par le fait même la capacité à fournir des services de qualité.

De plus, deux types de collaborations sont courants : les collaborations transactionnelles, qui reposent davantage sur des projets, et les collaborations transformatrices, qui s’inscrivent dans la durée et requièrent une réflexion approfondie (Sweatman, 2020). Les collaborations sont avantageuses, car elles apportent un soutien supplémentaire par du financement, la promotion, l’élaboration de politiques, l’intérêt de nouveaux publics et la mise en place d’infrastructures, des centres d’éducation en plein air entre autres. Néanmoins, il existe des inconvénients. Les organismes peuvent poursuivre des objectifs différents et entraver ainsi le déroulement d’un projet. De plus, les collaborations sont souvent moins hiérarchisées, ce qui est contraire aux pratiques de gestion courantes, et les individus peuvent subir un épuisement accablant à cause d’un horaire déjà surchargé (Carmichael et McCole, 2014). Par conséquent, lors de l’élaboration d’un nouveau programme de plein air, il est important que chacun comprenne la portée, les rôles et les objectifs.

Bon nombre d’études montrent les bienfaits de l’activité physique, du lien social et de la connexion à la nature sur la santé et le bien-être (Berman et coll., 2008; Bosteder et Appleby, 2015; Capaldi et coll., 2014; Mitten, 1992; Morris et coll., 2019; Pretty et coll., 2007). La Loi canadienne sur la santé a pour « premier objectif de protéger, de favoriser et d’améliorer le bien-être physique et mental des habitants du Canada et de faciliter un accès satisfaisant aux services de santé, sans obstacles d’ordre financier ou autre » (Santé Canada, 2001).

Pourtant, les femmes souffrent de manière disproportionnée de maladies mentales, dont la dépression et l’anxiété (Organisation mondiale de la santé, 2000). Au total, 1 809 200 Canadiennes ont déclaré souffrir d’un trouble de l’humeur (Statistique Canada, 2021). Elles sont de plus en plus nombreuses à participer aux activités de plein au cours des dernières années, néanmoins la demande de programmes de plein air pour les femmes demeure importante. Les recherches montrent qu’on a inculqué aux femmes la crainte du plein air. Elles ne se sentent pas à leur place dans ce milieu traditionnellement masculin et ont été amenées à croire qu’elles ne possèdent pas les connaissances pour participer à des programmes et qu’elles doivent jongler entre loisirs et foyer (Henderson et Allen, 1991; Mitten, 1992; Woodward et coll., 1989). La collaboration communautaire peut être un outil puissant pour offrir des programmes de plein air aux personnes mal desservies comme les femmes.

Donc, pour nouer des partenariats fructueux, il est important de comprendre la population visée. Tenez compte de nombreux obstacles à l’accès à l’apprentissage en plein air : contraintes financières, barrières linguistiques, situation géographique et différences d’aptitudes. Ils sont exacerbés lorsqu’ils affectent plusieurs groupes marginalisés. Lorsque l’on s’engage envers des populations mal desservies, un point de vue intersectionnel fait partie intégrante du développement des programmes et des partenaires. L’intersectionnalité est un concept communément compris comme la nature interconnectée des identités sociales, soit le groupe, la capacité, la race, la sexualité et le genre et la façon dont elles sont toutes affectées par le pouvoir, ce qui provoque des inégalités et des préjudices (Hill Collins et Bilge, 2016). Les populations mal desservies se composent des personnes racisées, des immigrants, des réfugiés, des sans-abri, des membres de la communauté LGTBQ2+, des personnes à faible revenu, des aînés et des personnes ayant un handicap. Les programmes offerts uniquement aux personnes d’une certaine catégorie sont propices à la création d’une homogénéité et passent à côté de la complexité des identités multiples (Colley et coll., 2022). Prendre en compte la nature dynamique des humains dans la planification favorise une expérience enrichissante, centrée sur la personne. Le chapitre présente le projet Hike et décrit les grandes lignes de la création d’une communauté et du lien avec la nature pour les femmes vulnérables.

Conception

Le programme permet aux femmes en situation de vulnérabilité de se rapprocher d’elles-mêmes, de la communauté et de la nature. C’est pourquoi tous les aspects touchent précisément des femmes, les seules invitées à y participer. Quinze femmes de la région de St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador) se sont inscrites. Elles étaient âgées de 25 à 71 ans. Un service de garde a été fourni; le fruit d’un partenariat avec le programme Child and Youth Care with Addiction Support Worker de l’Eastern Academy. Des étudiants rémunérés s’occupaient des enfants des participantes. Le programme ne vise pas la recherche ni la collecte de données. Or, des preuves anecdotiques ont tout de même été observées. Figuraient dans le groupe des mères célibataires, des femmes âgées, des néo-Canadiennes, des femmes transgenres, des malentendantes, des survivantes de violence familiale, des itinérantes, des femmes à faible revenu et des femmes aux prises avec la toxicomanie ou avec des troubles de santé mentale. Elles devaient s’engager à suivre l’intégralité du programme de six semaines. Pour maintenir la motivation, elles n’avaient le droit de manquer qu’une seule randonnée sinon elle n’obtiendrait pas de certificat d’achèvement.

Les participantes se rencontraient quotidiennement au St. John’s Women’s Centre (SJWC), pour y déposer les enfants et prendre le bus. Selon les circonstances, elles pouvaient prendre un taxi (frais remboursés). Sinon, le bus assurait le transport chaque semaine vers une destination différente. Tous les sentiers ont été choisis en fonction du degré de difficulté, d’abord de niveau débutant afin de gagner de la confiance et de permettre à l’équipe de jauger les capacités du groupe. Chaque semaine amenait son lot d’épreuves, à mesure que les femmes gagnaient en assurance et se lançaient des défis. Par ailleurs, les sentiers se trouvent à 40 minutes en voiture de la ville. Une séance d’orientation et six randonnées ont été proposées sur 9 semaines, en excluant deux jours en cas de mauvais temps et d’un rendez-vous prévu pour le personnel un autre jour.

Les randonnées se déroulaient les jeudis de 10 h à 14 h. Les enfants ont dès lors eu le temps pour se familiariser avec l’équipe de garde. Les activités ont eu lieu les matins en semaine afin de répondre aux besoins des partenaires communautaires du programme offrant du soutien. De plus, les services de garde n’étaient offerts que du lundi au vendredi. Chaque randonnée en sentier durait généralement deux heures et visait différents objectifs :

  1. Favoriser le bien-être social en supprimant toute contrainte à la participation.
  2. Promouvoir l’activité physique grâce au programme.
  3. Améliorer la santé mentale en développant et en renforçant les capacités d’adaptation.
  4. Procurer un sentiment d’appartenance grâce à l’exploration en groupe de la nature.
  5. Surmonter la peur associée aux zones de nature sauvage.

Par ailleurs, l’évaluation des besoins est fondamentale pour élaborer un programme. Il est important de prendre en compte les besoins des personnes envers lesquelles on s’engage ainsi que les demandes des partenaires. Take Me Outside (s. d.) propose un large éventail d’outils d’évaluation et de ressources à cet effet.

Emplacement et transport

Le transport est un enjeu dans les zones rurales tout comme dans les milieux urbains (Johnson et coll., 2001). Bon nombre de personnes en ville n’ont pas de véhicule et utilisent le transport en commun. Cinq participantes ont pris le taxi, car les autobus, certes plus abordables, n’étaient pas si fiables et le temps de trajet était très long, surtout avec de jeunes enfants. Justement, le temps fait souvent partie des principales contraintes à la participation à l’apprentissage en plein air (Henderson et Allen, 1991; Woodward et coll., 1989). Les horaires et les correspondances peuvent faire la différence entre une heure et demie de bus et 20 minutes en voiture. Pour le projet Hike, la meilleure solution a été un point de rencontre pour les femmes et leurs enfants, et de là, prendre le bus. De plus, il était impossible de payer des taxis à tout le monde vers les sentiers, et le covoiturage vient avec son lot de problèmes liés à la responsabilité. Les femmes pouvaient opter pour le transport en commun ou un taxi payé par le SJWC. Un bus faisait l’aller-retour du centre vers le point de départ du sentier.

Garde d’enfants

Un autre obstacle à la participation des femmes à l’apprentissage en plein air est le manque de services de garde adéquats (Henderson et Allen, 1991). Elles s’occupent généralement des enfants et jonglent avec leurs loisirs et ceux de leurs enfants ou de leur famille (Henderson et Allen, 1991). Il était important qu’elles profitent d’un moment et de l’espace loin du foyer pour se redécouvrir et établir des liens sociaux. Mitten (1994) affirme que « l’éloignement » est essentiel pour que les femmes ressentent les bienfaits d’environnements réparateurs. Trouver un partenaire communautaire pour la garde d’enfants n’est pas une tâche simple. Les garderies sont submergées et le manque de fonds nuit à la rémunération adéquate du personnel. Soucieux de trouver des services appropriés, nous avons communiqué avec plus de 15 programmes et centres. Grâce au travail en réseau et à la sollicitation d’autres personnes, un partenariat unique a été noué avec le programme Child and Youth Care with Addiction Support Worker de l’Eastern Academy. L’entente était « gagnant-gagnant » : les étudiants de l’établissement ont fait des heures de stage pour approfondir connaissances et expérience, tandis que nous avons bénéficié d’un coup de main pour la garde d’enfant de la part de personnes enthousiastes et motivées. La réciprocité est importante dans les partenariats de collaboration, surtout pour les programmes offrant un service fourni et nécessitant du personnel formé, ou lorsque le budget est très limité.

Financement

Les particuliers, les établissements et les organismes à but non lucratif se heurtent souvent au manque de financement et de ressources adéquates. Or, les partenariats sont avantageux, car ils permettent de décentraliser le modèle de financement afin de trouver des solutions créatives. D’ailleurs, les organismes subventionnaires exigent souvent un partenariat pour que la demande de subvention soit admissible (O’Farrell et Liu, 2020). Le projet Hike a reçu une aide modeste du programme QuickStart du Bureau de la participation publique de l’Université Memorial, mais elle a tout de même permis de financer la majeure partie du transport et de la coordination des déplacements. En tant qu’étudiante, j’y ai eu accès grâce aux conseils d’un superviseur universitaire. Une telle démarche favorise un partenariat transactionnel, dans le cadre duquel le programme serait évalué et utilisé pour étayer la programmation future. Le SJWC a offert un appui d’autre nature en mettant à disposition une personne supplémentaire pour l’assistance aux randonneuses, des fonds pour les taxis pour le transport, un espace pour la garde des enfants, des collations pour les randonneuses et du matériel de promotion. La garde des enfants a été assurée par des étudiant.e.s de l’Eastern Academy. De plus, une micro-brasserie du coin a également fait un don. L’entreprise de transport a parrainé l’un des voyages hebdomadaires. Enfin, une pépinière locale a offert des fleurs à chaque participante lors de la dernière journée. Selon le dicton, il faut tout un village pour élever un enfant. Il aura donc fallu un village pour mener à bien le programme.

Communication et promotion

On ne saurait trop insister sur l’importance de la communication dans les collaborations communautaires ainsi que dans l’élaboration et la mise en œuvre des programmes. S’assurer que tous les partenaires comprennent leur contribution et sont tenus au courant de l’état d’avancement du programme est primordial pour obtenir les résultats escomptés. Le projet Hike était chapeauté par un coordinateur, principale personne-ressource et responsable de la supervision. Cette personne devait communiquer avec la société de transport pour fixer les dates et heures appropriées et verser le paiement. Par ailleurs, elle a collaboré avec son homologue de l’Eastern Academy pour veiller à ce que la garde soit assurée par un nombre d’effectifs adéquat et pour répondre aux besoins diversifiés des enfants.

Elle a également supervisé la conception du matériel promotionnel, distribué dans un langage approprié. Par exemple, le programme s’adressait exclusivement aux femmes en situation de vulnérabilité, mais le terme « vulnérable » ne pouvait pas être utilisé. En plus de caser les gens dans des catégories inappropriées, le mot risquait de ne pas être bien compris ou accueilli par les participantes. En revanche, « isolement social, difficultés et sentiment d’impuissance » ont été employés et ont fait écho auprès des femmes, comme le montrent les figures 1 et 2. À cause de la pandémie de COVID-19, la plupart des participantes ont pu s’identifier aux termes sans éprouver de honte ou de culpabilité. La figure 1 a été envoyée aux organismes offrant des services pour qu’ils la retransmettent au sein de leurs communautés. Le SJWC a ensuite publié la seconde image sur ses réseaux sociaux et toutes les places ont trouvé preneuses en une journée.

Un niveau élevé de compétences interpersonnelles était nécessaire pour participer aux appels d’accueil, car les participantes pouvaient se sentir isolées et seules. Elles se sentent à l’aise au moment de révéler leurs problèmes personnels si on leur prête une oreille attentive. Lorsqu’on accompagne des personnes en situation de vulnérabilité, l’empathie et la compréhension sont de mise. Un professionnel expérimenté ou formé peut donc être un atout pour l’accueil, la mise en œuvre de programmes et l’animation dans un aspect tenant compte des traumatismes.

Dépliant intitulé « Looking for women who want to hike » montrant un groupe de 7 femmes au début d’un sentier
Figure 1 : Dépliant envoyé à des organismes offrant de services spécifiques
Photo de pieds au bord d’une falaise surplombant l’eau et titrée « Nouvelles randonneuses recherchées »
Figure 2 : Publication sur les médias sociaux.

Par exemple, au cours des randonnées, des conversations évoquées auraient pu déclencher des réactions. Il était important de donner des pistes en amont au groupe pour gérer de telles situations. Les personnes marginalisées ont souvent vécu des traumatismes. Notre programme se devait donc d’offrir un espace favorisant la prise de conscience et la compréhension. Par ailleurs, l’activité n’était pas à une thérapie de groupe de l’aventure ou en nature sauvage Toutes les participantes en ont été informées lors d’une séance d’orientation et ont également été avisées que nous pourrions leur trouver du soutien adéquat, si nécessaire.

Adaptabilité

La vie réserve toujours des surprises. Souvent, malgré les bonnes intentions se traduisant par le lancement d’un programme, un désagrément est si vite arrivé. L’adaptabilité et la souplesse sont cruciales à la mise en œuvre. Le projet Hike a été confronté à de nombreux défis tout au long du déroulement. Néanmoins, grâce à une communication ouverte, des solutions rapides et de l’humour, les problèmes ont pu être résolus. Voici quelques-unes des péripéties.

Le SJWC avait mis à disposition ses locaux du rez-de-chaussée pour la garde des enfants pour toute la durée du programme. Hélas, une inondation a frappé et en deux jours, il a fallu trouver un autre endroit à proximité pour accueillir les petits et les moniteur.trice.s. Heureusement, le personnel a communiqué avec un centre communautaire voisin qui a pris la relève pendant deux semaines.

De plus, à cause des imprévus, l’accompagnatrice lors des randonnées au sein du SJWC n’a pas pu participer aux activités. Il fallait donc trouver en peu temps du renfort capable de répondre aux exigences physiques de la randonnée tout en jouant un rôle d’encadrement. Par chance, un membre de l’organisme a accepté volontiers de prendre part au programme.

Le transport en bus était laborieux en raison des problèmes constants de communication entre la répartition et les chauffeurs. Dans l’attente, le groupe en a profité pour échanger des histoires et des blagues. Le parcours a été parsemé d’embûches, mais grâce à la détermination, à la confiance et à la communication, nous les avons surmontées.

Conclusion

L’apprentissage en plein air attire généralement des personnes passionnées par leur travail et celles avec qui elles travaillent. La collaboration avec des partenaires communautaires débordant du même enthousiasme peut ouvrir des portes, auparavant hors de portée. Collaborer avec des personnes qui ont une vision similaire et s’entraident pour la concrétiser peut avoir des retombées considérables pour les participants et les partenaires communautaires.

Malgré les contraintes de temps ou de ressources, les collaborations communautaires présentent également des avantages intéressants. Le chapitre présente certains aspects de l’élaboration du projet Hike avec la participation de partenaires communautaires, donne une vue d’ensemble de certains rouages et offre des idées de programmes à l’intention des populations défavorisées.

La dernière randonnée s’est déroulée dans un grand parc urbain, et les enfants et les moniteur.trices.s ont pu jouer pendant que le groupe concluait l’activité. La fierté m’a envahie lorsque Meredith a entonné « À droite, à droite! » quand les gens marchaient vers nous. Lors de la première randonnée, elle était timide et doutait de ses capacités. La voir en tête de peloton avec un sourire sur le visage était un moment magnifique.

Nous avons terminé par une célébration en compagnie des petits et des moniteur.trice.s. Chaque randonneuse a reçu un certificat de réussite et une fleur. Un membre du groupe avait ramassé du verre de mer chaque semaine et en a offert à tout le monde, alors qu’une autre avait fabriqué des porte-clés en forme de cœur qui arboraient : « J’adore la randonnée ». Lorsque je réfléchis au bonheur dont j’ai été témoin, je ne peux qu’être d’accord avec Asal : c’est magique!

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À propos de l’auteure

Jessica L. Spooner

Université Acadia

Jessica L. Spooner est étudiante de 2e cycle en développement communautaire à l’Université Acadia et est bénéficiaire d’une bourse du CRSH – BESC M. Elle s’attarde sur les retombées de la participation des femmes dans des groupes de randonnées exclusivement féminins ainsi que sur les obstacles. Elle accompagne des femmes en plein air depuis plus de 15 ans et s’adonne passionnément à la randonnée en forêt ou au vélo le long des collines onduleuses de la vallée de l’Annapolis.

 

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L’article Collaborer avec des partenaires communautaires pour créer des programmes spécialisés destinés aux populations mal desservies (2024), par Jessica L. Spooner, est distribué sous la licence Creative Commons Attribution – Pas d’utilisation commerciale – Partage dans les mêmes conditions 4.0 International, sauf indication contraire.

IV

Environnements

11

11.

BAINS DE FORÊT

Tara L. Brown

Le « bain de forêt » est un concept japonais appelé shinrin-yoku. Le mot shinrin est formé des kanjis 森 (mori : forêt ou boisé) et 林 (hayashi : bosquet ou terres boisées), une combinaison généralement utilisée en foresterie pour désigner un paysage majoritairement recouvert d’arbres. Le kanji 浴 (yoku : eau et vallée) est plus couramment utilisé dans des mots comme 日光浴 (nikkōyoku : prendre un bain de soleil), lequel saisit l’essence de se baigner ou s’immerger. Ainsi, le syntagme shinrin-yoku peut être interprété comme un « bain de forêt » et représente le fait de s’immerger dans un milieu forestier à des fins thérapeutiques et de bien-être holistique.

Le shinrin-yoku, ou « bain de forêt », est une pratique autodirigée qui sollicite les cinq sens pour profiter d’une expérience immersive au sein de régions forestières et d’autres milieux naturels (Hansen et coll., 2017). Elle englobe diverses activités comme les marches paisibles, la respiration d’air frais, qui s’apparente à l’aromathérapie naturelle, et la contemplation du paysage de la forêt. Par ailleurs, le shinrin-ryoho (thérapie forestière ou sylvothérapie) désigne une version du bain de forêt rehaussée de recherches factuelles et de l’utilisation d’activités thérapeutiques guidées (Kotte et coll., 2019). Le shinrin-yoku et le shinrin-ryoho sont deux approches préventives, complémentaires, non invasives et non pharmacologiques du bien-être.

La pratique du bain de forêt a émergé au Japon dans les années 1980 en réponse à l’urbanisation croissante et au détachement des milieux naturels qui en a découlé (Akiyama, 1982). Cette approche simple a gagné en popularité dans le monde entier en raison de son accessibilité et des répercussions positives qu’elle peut avoir sur la santé et le bien-être. Les bains de forêt ont fait l’objet d’une grande quantité d’études en raison des bienfaits qu’ils procurent pour la santé. Ils sont même considérés comme l’activité associée à la forêt et à la santé humaine la plus répandue (voir le chapitre « Prescrire la nature au Canada : comment et pourquoi? »). Au Canada, où les écosystèmes forestiers sont étendus et diversifiés, le shinrin-yoku enrichit les expériences d’apprentissage en plein air, autant du point de vue pédagogique que de celui du bien-être.

Racines historiques et culturelles

Au cours des années 1980, le Japon s’est imposé comme la deuxième puissance économique mondiale, principalement grâce aux secteurs technologiques de pointe. Cette période fut marquée par une forte migration vers les centres urbains, une baisse du taux de natalité et un vieillissement de la population, entraînant ainsi des conséquences sur la main-d’œuvre et une pénurie de jeunes travailleurs (Bureau des statistiques du Japon, 2023). Concurremment, l’utilisation accrue des ordinateurs au travail a engendré différents problèmes de santé chez les employés de bureau. Le terme « technostress » a été créé pour désigner ce phénomène, une forme d’effets psychologiques néfastes issus des changements technologiques rapides et de la culture de la « connexion permanente » (Brod, 1982; Song et coll., 2016).

Le shinrin-yoku a été instauré par l’Agence japonaise des forêts en 1982 dans le cadre d’une stratégie élargie de santé publique. L’article intitulé « S’imprégner des odeurs de la forêt pour exercer le corps et l’esprit » (Akiyama, 1982) se voulait au départ une stratégie de marketing pour attirer les citadins dans les régions rurales afin d’accroître l’économie locale et d’améliorer leur santé (Imai, 2013; Miyazaki, 2018, p. 10).

Ce projet de l’Agence des forêts reposait sur l’hypothèse voulant que la sollicitation des cinq sens dans un milieu forestier et l’inhalation de substances organiques naturelles appelées « phytoncides » puissent avoir des effets thérapeutiques (Tokin et Kamiyama, 1980). Cette hypothèse, fondée initialement sur les recherches du biochimiste soviétique Boris P. Tokin et du professeur japonais Keizou Kamiyama, a joui d’une importante attention gouvernementale et a donné lieu à la création d’une subvention de recherche en 1988. Cette subvention a permis la formation du Groupe de recherche sur la sylvothérapie (Forest Therapy Research Group) (Segami, 2022), au sein duquel le Dr Yoshifumi Miyazaki a mené en 1990 la première étude empirique sur l’île de Yakushima pour confirmer les effets thérapeutiques procurés par l’ambiance des forêts (Li et coll., 2013; Miyazaki, 2018).

Le shinrin-yoku s’inspire des traditions culturelles et spirituelles du Japon, plus particulièrement le bouddhisme et le shintoïsme (shintō), qui prônent une relation harmonieuse avec la nature (Asquith et Kalland, 1996; Rots, 2017; Bureau des statistiques du Japon, 2023). Ces traditions ont été intégrées dans la dimension spirituelle du shinrin-yoku (Hansen et Jones, 2020).

Le shintoïsme est une ancienne religion autochtone née au Japon et caractérisée par une vénération des kami, ces entités spirituelles qui englobent les objets et éléments de la nature tels que les arbres, les montagnes, les lacs et les rivières (Asquith et Kalland, 1996). Ce système de croyances est intimement lié au patrimoine culturel du Japon et s’exprime à travers une variété d’arts et de rituels traditionnels japonais. Le shintoïsme se manifeste dans la cérémonie du thé, la calligraphie et l’art de la composition florale.

La pratique du shinrin-yoku, qui privilégie l’immersion sensorielle dans des milieux forestiers, reflète l’éthos shintoïste consistant à entretenir une relation avec le monde naturel. Les aspects thérapeutique et spirituel des bains de forêt témoignent de l’appréciation shintoïste des qualités réparatrices et transcendantes inhérentes à la nature. De plus, l’intention de l’Agence japonaise des forêts d’instaurer le shinrin-yoku peut être perçue comme une tentative moderne de revitaliser et de préserver la tradition shintoïste ancestrale de coexistence harmonieuse avec la nature, en cette ère de technostress croissant où le mode de vie est centré sur la ville.

Sur la scène internationale, le shinrin-yoku a acquis une reconnaissance considérable et est devenu la source d’inspiration de recherches et de projets de santé publique partout dans le monde. Le concept gagne progressivement du terrain au Canada, en particulier auprès des pédagogues qui enseignent en plein air (Mathias et coll., 2020) et des prestataires de soins (Gallagher, 2020).

Bien que les recherches actuelles confirment les bienfaits du shinrin-yoku, sa dimension spirituelle en complique la quantification scientifique. Le Dr Miyazaki affirme que notre compréhension de cette pratique en est encore à ses balbutiements et mérite qu’on s’y attarde plus attentivement afin de découvrir la pleine mesure de ses effets. Il souligne que c’est dans un milieu naturel intact, caractérisé par des mousses luxuriantes et des arbres centenaires titanesques, que cette pratique est la plus bénéfique. Ces milieux inaltérés évoquent un caractère sacré et une connexion à la nature qui s’apparentent à l’ambiance que l’on retrouve dans les sanctuaires shintoïstes (Miyazaki, 2018).

Données scientifiques appuyant la sylvothérapie

La sylvothérapie (ou thérapie forestière), conceptualisée en 2003 par le Dr Miyazaki, représente une forme de bain de forêt scientifiquement éprouvée, conçue pour procurer des résultats thérapeutiques et approuvée par des spécialistes certifié.e.s (Kotte et coll., 2019; Segami, 2022). Ce concept s’est largement inspiré de la notion de médecine factuelle définie par le chercheur canadien Gorgon Guyatt, qui souligne l’importance de jumeler l’expertise clinique aux meilleures données probantes cliniques externes issues de recherches méthodiques pour la prise méticuleuse de décisions explicites et judicieuses quant aux soins individuels prodigués aux patient.e.s (Guyatt, 1992).

La sylvothérapie se distingue de l’» exercice vert » (activité physique en extérieur), car elle ne vise pas l’activité aérobique ni le suivi de la performance physique (Barton, 2016). Contrairement à la méditation en pleine conscience, qui s’accompagne souvent d’une intéroception (perception des stimuli internes du corps), la sylvothérapie favorise l’extéroception (connexion extérieure avec la nature). Il a été scientifiquement démontré que cette méthode intentionnelle et multisensorielle de rapprochement avec le milieu naturel prévient les problèmes de santé mentale et améliore notre bien-être général (Clarke et coll., 2021).

Des guides certifié.e.s en sylvothérapie offrent une variété d’activités conçues pour favoriser une profonde connexion avec la nature, par exemple la marche en pleine conscience, les doux étirements ou le yoga, et la tenue d’un journal de réflexion. Cette approche a été officialisée par l’Agence japonaise des forêts, qui a exigé que des données scientifiques soient fournies pour étayer les bienfaits de la sylvothérapie pour la santé. Cette exigence a ensuite permis l’établissement de bases et de routes thérapeutiques dans tout le Japon (Imai, 2013).

Environ 65 bases et routes de thérapie forestière ont été institutionnalisées au Japon pour promouvoir la santé publique et favoriser la durabilité de l’environnement. Ces centres de bien-être sont stratégiquement situés dans des forêts récréatives à proximité de grands centres urbains et visent à offrir des solutions de bien-être accessibles tout en encourageant l’intendance écologique (H. Li et coll., 2022).

Variations entre les régions du Canada

La diversité des paysages du Canada, analogue à la variété environnementale des bases de thérapie forestière du Japon, de Hokkaidō à Okinawa, offre un large éventail de milieux différents pour la sylvothérapie. Des forêts pluviales de la Colombie-Britannique aux étendues boréales du Québec et des Maritimes, chaque paysage offre un assortiment unique de végétaux, d’animaux et d’expériences sensorielles, ce qui a le potentiel d’enrichir la pratique de la sylvothérapie.

Plusieurs villes et parcs de tout le pays commencent à adopter le concept de sentiers de sylvothérapie (Siddiqi, 2023). Ces trajets autoguidés sont conçus pour immerger les marcheur.euse.s dans la nature et solliciter tous leurs sens. Malgré l’intérêt croissant pour la sylvothérapie, il est pertinent de souligner que contrairement au Japon, le Canada ne régule pas cette pratique et les certifications fournies par les organismes de sylvothérapie ne s’appuient pas sur une vérification scientifique rigoureuse.

Dans le cadre du projet Parcs en santé, gens en santé, les personnes qui visitent le parc national du Gros-Morne, à Terre-Neuve-et-Labrador, sont incitées à s’immerger dans les milieux naturels du parc. Conjointement avec des prestataires de soins locaux, le personnel du parc a dressé une liste d’activités qui favorisent la santé et que les visiteur.euse.s et résident.e.s. peuvent pratiquer à l’intérieur du parc. Ces activités couvrent un large éventail d’expériences en plein air, dont le shinrin-yoku, qui incitent les visiteur.euse.s à s’imprégner des arbres dans les sentiers désignés (Parcs Canada, 2019).

Parcs Ontario a créé un sentier de sylvothérapie autodirigé dans le parc provincial de MacGregor Point, le premier du genre en Ontario. Ce projet, qui découle également de la directive Parcs en santé, gens en santé, vise à promouvoir les bienfaits réparateurs pour la santé de l’immersion en nature. Ce projet en collaboration avec le Global Institute of Forest Therapy and Nature Connection (GIFT) comprend un sentier désigné tout au long duquel sont disposées des incitations à la pleine conscience visant à favoriser une connexion plus profonde à la nature (Porchuk et LeGros, 2022).

La ville de Markham, en Ontario, a intégré la pratique du bain de forêt en créant des sentiers autoguidés à plusieurs endroits (Ville de Markham, s. d.), notamment dans le parc Pomona Mills, le sentier Rouge Valley, le parc Springdale, la vallée Springdale et le parc Toogood Pond, pour faciliter les douces interactions sensorielles avec les milieux forestiers. L’objectif est d’approfondir le lien entre les personnes et leur environnement forestier naturel.

Récemment dans l’Ouest du Canada, les parcs régionaux de Metro Vancouver et le Conseil des parcs et loisirs de Vancouver ont commencé à offrir des activités de bain de forêt à la population (Metro Vancouver, 2022; Vancouver Board of Parks and Recreation, 2022).

Bienfaits thérapeutiques

Le shinrin-yoku, ou bain de forêt, procure de nombreux bienfaits pour la santé, lesquels sont principalement divisés en deux catégories : psychologiques et physiologiques. Ils comprennent notamment la réduction du stress, l’amélioration des fonctions cognitives et de la santé cardiovasculaire et le renforcement du système immunitaire.

Les bienfaits psychologiques de la sylvothérapie et du bain de forêt sont corroborés par diverses études ayant démontré leurs répercussions positives sur les personnes en santé et celles ayant reçu un diagnostic de certaines affections. Ces pratiques permettent donc d’atténuer l’anxiété, les symptômes dépressifs et les humeurs négatives en plus d’augmenter la relaxation et d’améliorer la restauration cognitive (Antonelli et coll., 2021; Park et coll., 2022). Les fondements théoriques de ces bienfaits trouvent leurs racines dans deux principales théories : la théorie de la réduction du stress (Ulrich, 1981; Ulrich et coll., 1991) et la théorie de la restauration de l’attention (Kaplan et Kaplan, 1989; Kaplan, 1995).

La théorie de la réduction du stress et l’hypothèse de biophilie émise par Edward O. Wilson en 1984 s’appuient toutes deux sur la théorie évolutionniste de la sélection naturelle, qui suggère que les humains, ayant évolué dans des milieux naturels, sont plus en symbiose avec la nature qu’avec les milieux urbains. Roger Ulrich a émis l’hypothèse voulant que l’exposition des humains à des milieux naturels catalyse la réduction du stress et de la fatigue, faisant office de mécanisme de survie pour reconstituer nos ressources cognitives (Kellert et Wilson, 1995; Ulrich, 1981; Ulrich et coll., 1991). En revanche, la théorie de la restauration de l’attention, qui émane de la théorie psycho-fonctionnaliste, suggère que les humains sont prédisposés à prendre soin des milieux naturels qui ont été bénéfiques à leur survie tout au long de l’évolution, et à aimer s’y retrouver. Ces interactions avec les milieux naturels sont associées à une réduction de la fatigue mentale et à une amélioration de la concentration (Kaplan et Kaplan, 1989; Kaplan, 1995). Outre ces théories, les effets d’anticipation jouent aussi un rôle important dans les bienfaits psychologiques des bains de forêt.

Par ailleurs, les bienfaits physiologiques de cette pratique ont aussi suscité une grande attention. Les recherches dénotent un effet placebo remarquable associé au taux de cortisol des personnes qui anticipent une activité de bain de forêt. En effet, le simple fait de planifier et de visualiser une séance de shinrin-yoku peut réduire le taux de cortisol, contrairement à l’anticipation d’une visite en région urbaine (Antonelli et coll., 2021). Ce phénomène met en évidence l’affinité psychologique intrinsèque que peuvent avoir les humains avec la forêt, ce qui renforce les affirmations thérapeutiques de la sylvothérapie et des bains de forêt.

Yoshifumi Miyazaki, dont les résultats de recherche préliminaires ont mesuré une diminution de la pression artérielle et du taux de cortisol pendant une marche en forêt (Miyazaki, 1993), a chapeauté en 1990 une étude visant à déterminer les bienfaits physiologiques des bains de forêt. Des recherches subséquentes ont permis de découvrir d’autres bienfaits du shinrin-yoku pour la santé, notamment l’amélioration de la santé respiratoire et cardiovasculaire grâce à l’inspiration d’air pur, le renforcement du système immunitaire traduit par une augmentation des cellules tueuses naturelles et des protéines anticancéreuses, une réduction importante des réactions inflammatoires et une diminution du taux de cortisol indicative d’une réduction du stress (Li et coll., 2008). Lorsque la pandémie de COVID-19 s’est amorcée et a changé les dynamiques sanitaires dans le monde entier, l’attention s’est à nouveau tournée vers le potentiel des bains de forêt à renforcer les défenses du système immunitaire contre le virus (Charnock et coll., 2021).

Étant donné qu’une proportion considérable de la population canadienne de plus de 65 ans a reçu un diagnostic d’hypertension, la méthode par laquelle les bains de forêts atténuent le stress et favorisent la santé cardiovasculaire revêt un intérêt particulier (gouvernement du Canada, 2016). Le stress, caractérisé par une activation physiologique en réponse à divers stimuli, déclenche la libération de cortisol. Cette libération hormonale active la branche sympathique du système nerveux autonome, en faisant grimper la fréquence cardiaque et la pression artérielle, deux indicateurs de la fonction cardiovasculaire. Lorsqu’on interagit avec un milieu naturel serein pendant un bain de forêt, notre corps réagit en adoptant un état de relaxation, lequel se traduit par une diminution de l’activité sympathique et une augmentation de l’activité parasympathique. Ces changements dans l’activité du système nerveux autonome entraînent à leur tour une diminution de la fréquence cardiaque et de la pression artérielle. La relaxation ainsi provoquée est également mise en évidence par une diminution du taux de cortisol salivaire et par une variabilité de la fréquence cardiaque (Song et coll., 2016). Les répercussions de ces réponses physiologiques s’inscrivent dans le spectre élargi des bienfaits offerts par le shinrin-yoku, et leur durée peut varier.

Il a été démontré que les bains de forêt peuvent offrir un large éventail de bienfaits et influent sur le bien-être mental, les fonctions cognitives et la santé physique (Han, 2017; Keniger et coll., 2013; Sandifer et coll., 2015). Toutefois, la durée idéale de ces effets positifs demeure indéterminée, variant de 5 minutes à 30 jours (Kobayashi et coll., 2021; Liu et coll., 2021; Shanahan et coll., 2016; White et coll., 2019; Yeon et coll., 2021). Il reste que même une courte exposition à la nature peut produire des effets positifs mesurables, faisant des bains de forêts une forme de thérapie souple et accessible (Barton et Pretty, 2010; Meredith et coll., 2020). De plus, l’efficacité relative des bains de forêt pour alléger la dépression met en relief son potentiel thérapeutique. Une revue d’essais cliniques randomisés a permis d’observer que la sylvothérapie est une intervention à court terme plus efficace que les traitements conventionnels pour atténuer la dépression chez l’adulte (Rosa et coll., 2021). Ces conclusions semblent s’appliquer de manière générale à différents groupes démographiques, quoique le rôle des facteurs géographiques et culturels puisse influencer les résultats (Joye et van den Berg, 2011; Yeon et coll., 2021).

Mesures environnementales

La tendance des populations à migrer vers les grands centres urbains du Canada s’accompagne d’une dégradation considérable de l’environnement (gouvernement du Canada, 2022). La pratique thérapeutique du bain de forêt sert de lien commun entre les citadins et les forêts, qui sont connues pour leur capacité à atténuer la chaleur des villes, à filtrer les polluants et à augmenter les écoservices urbains globaux essentiels à la lutte contre les impacts négatifs de la vie en ville sur la santé (Rajoo et coll., 2020).

Les bains de forêt offrent une expérience immersive qui sollicite principalement les sens de l’ouïe et de la vue (Wilson, 1984). Les interactions sensorielles avec la nature, par exemple l’eau d’un ruisseau, le vent qui fait bruisser les feuilles et le chant des oiseaux (Li et coll., 2013), ont été scientifiquement associées à une amélioration de la relaxation physiologique et du bien-être émotionnel (Buxton et coll., 2021).

Les bains de forêt favorisent également l’interaction salutaire des humains avec les phytoncides, ou composés organiques volatils (COV) biogéniques, libérés par les plantes pour dissuader les insectes phytophages et les agents pathogènes (Tokin et Kamiyama, 1980). Ces substances chimiques qui émanent de diverses parties des plantes (feuilles, fleurs, racines) ont été retrouvées dans plus de 1 000 différentes espèces, dont les conifères tels que les pins, les cèdres et les épinettes, qui en sont les principaux producteurs dans les forêts tempérées (Antonelli et coll., 2020; Ohira et Matsui, 2013). Comme la production de COV biogéniques peut être altérée par des stress biotiques et abiotiques (Ohira et Matsui, 2013), les bienfaits pour la santé prodigués par ces substances peuvent varier d’une espèce d’arbre à l’autre (Morita et coll., 2007; Oishi et coll., 2003). Les recherches dénotent le potentiel des COV biogéniques pour accroître l’immunité, diminuer la fatigue mentale et améliorer l’humeur par des effets antioxydants et anti-inflammatoires (Antonelli et coll., 2020). Toutefois, les mécanismes d’action et la concentration optimale de COV biogéniques pour obtenir ces bienfaits méritent d’être explorés davantage, compte tenu des changements environnementaux, des variations dans les émissions et des différentes espèces végétales (Antonelli et coll., 2020).

Un contexte canadien

La popularité mondiale du shinrin-yoku pour des projets de santé publique a considérablement grandi, comme en témoigne la profusion de recherches publiées depuis la publication du premier article en anglais à ce sujet en 2007 (Li et coll., 2007), la couverture médiatique telle qu’un article paru dans le New York Times (O’Connor, 2010) et la publication d’ouvrages de référence en anglais (Li, 2018; Miyazaki, 2018). En dépit de cette reconnaissance internationale, la majorité des recherches sont toujours menées au Japon et dans d’autres pays d’Asie (Payne et Delphinus, 2018) et la population canadienne commence tout juste à connaître cette pratique et à s’y intéresser (Hennig, 2019).

Même si le bain de forêt est une pratique axée sur la santé et le bien-être individuels et consiste en une immersion sensorielle en milieu naturel (Hansen et coll., 2017), il ne faut pas la confondre avec les pratiques autochtones liées à la terre. Celles-ci sont profondément ancrées dans des philosophies et des traditions culturelles particulières, qui s’étendent souvent au-delà de la personne pour s’attarder aux aspects social, culturel et politique élargis, comme le colonialisme de peuplement et l’autodétermination des Autochtones (DeLancey et Broadhead, 2023). Les bains de forêt se distinguent aussi de l’» exercice vert » et de la méditation en pleine conscience. Ils ne visent pas à faire grimper la fréquence cardiaque ni à atteindre un état d’esprit méditatif : ils consistent plutôt à interagir délibérément avec le monde naturel. Les personnes qui pratiquent le bain de forêt immergent tous leurs sens (vue, ouïe, goût, odorat et toucher) dans un environnement qu’elles perçoivent comme étant sécuritaire et réparateur (Hansen et coll., 2017).

Des guides certifié.e.s animent souvent des séances de sylvothérapie (ou de thérapie forestière) qui comprennent des activités guidées comme la marche en pleine conscience, la méditation, les doux étirements ou le yoga et la tenue d’un journal de réflexion; toutes des activités visant à approfondir sa connexion avec le milieu naturel (Kotte et coll., 2019). Partout au pays, 10 000 prestataires de soins certifié.e.s pour la prescription d’activités en nature peuvent recommander à leur patientèle des séances de shinrin-yoku comme intervention thérapeutique et offrir gratuitement l’accès aux parcs et jardins botaniques (BC Parks Foundation, s. d.).

La pratique du bain de forêt

Lors d’une séance de bain de forêt, les personnes sont encouragées à s’imprégner complètement de la nature qui les entoure, en exploitant leurs capacités humaines complexes de perception multisensorielle. L’efficacité d’un bain de forêt repose en grande partie sur le choix d’un milieu forestier approprié, idéalement tapissé d’une végétation diversifiée, rempli de sons apaisants et relativement dénué de toute perturbation humaine (H. Li et coll., 2022). La sécurité physique et perçue est primordiale. Les participant.e.s doivent connaître les risques et les précautions à prendre et la gestion efficace du groupe est essentielle pour assurer une expérience enrichissante et sécuritaire (Imai, 2013, p. 20). Les risques pour la santé, tels que l’exposition à des particules nocives issues des feux de forêt, indiquent les dangers potentiels que peuvent représenter les milieux forestiers (Aguilera et coll., 2021; gouvernement du Canada, 2021).

L’absorption visuelle des variétés de couleurs, de formes et de mouvements de la nature peut générer un effet apaisant et maintenir l’éveil, comme l’illustrent les travaux d’Ulrich (1981) et de Horiuchi et coll. (2014). Comme le suggèrent Song et coll. (2021), l’écoute des sons naturels de la forêt tels que le bruissement des feuilles, le ruissellement de l’eau et le chant des oiseaux peut susciter un état de relaxation physiologique et réduire le stress. La dimension olfactive du shinrin-yoku peut être explorée en respirant les odeurs uniques de la forêt, comme l’arôme des pins ou d’autres huiles essentielles des arbres, qui, selon les recherches d’Ikei et coll. (2015), entraînent un état de relaxation physiologique. Pour approfondir d’autant plus l’expérience multisensorielle et l’état de relaxation, on peut aussi toucher l’écorce des arbres, marcher pieds nus sur le sol ou caresser les feuilles et les pierres pour en sentir la texture (Ikei et coll., 2017; Ikei et Miyazaki, 2020). Comme l’illustrent les travaux de Balban et coll. (2023), les exercices de conscience du corps et de respiration guidée sont des activités pouvant aider la personne à s’ancrer, à diminuer son activation physiologique et à améliorer son humeur. Enfin, en contexte guidé et sécuritaire, une dégustation peut être intégrée à l’expérience, peut-être sous forme d’une cérémonie du thé avec des herbes locales. Cette participation holistique faisant appel à plusieurs sens favorise l’approfondissement du lien qui unit la personne à l’environnement naturel, amplifiant ainsi les bienfaits thérapeutiques du bain de forêt.

Limites

Le potentiel thérapeutique des bains de forêt a stimulé l’intérêt et la recherche pour cette pratique, bien que des critiques aient été formulées à l’égard de ses limites méthodologiques, par exemple la petite taille des échantillons, la priorisation de bénévoles en santé et la concentration géographique de la pratique dans les pays d’Asie (Kobayashi et coll., 2018; Payne et Delphinus, 2018; Yu et coll., 2017). Les problèmes méthodologiques causés par l’incohérence des protocoles de bain de forêt, le manque de mesures normalisées et l’utilisation fréquente d’échantillonnages à l’aveuglette sapent la fiabilité des résultats cliniques (Kamioka et coll., 2012). Une revue globale insiste sur la nécessité de disposer de données probantes solides avant d’intégrer la sylvothérapie dans les pratiques médicales courantes (Antonelli et coll., 2021).

La plupart des recherches sur les phytoncides (COV biogéniques) portent principalement sur les cèdres et les cyprès du Japon, qui forment 42 % des terres boisées du Japon en raison de plantations artificielles. Cette proportion importante de cèdres représente un enjeu de santé publique puisqu’elle entraîne une dissémination problématique de pollen de cèdre qui provoque un rhume des foins chez 40 % de la population (Otake, 2023). Cette portée étroite et ciblée des recherches pourrait induire la population en erreur quant aux bienfaits universels des bains de forêt. De plus, la littérature omet souvent les facteurs environnementaux tels que le type de végétation et les données sur les COV biogéniques (Antonelli et coll., 2021; Barnes et coll., 2019). Enfin, la rareté des recherches interdisciplinaires à long terme dénote une lacune dans la compréhension des répercussions durables des bains de forêt et de l’interaction entre la santé et les milieux forestiers.

Perspectives d’avenir

Pour obtenir plus de données probantes sur les bienfaits des bains de forêt, il faut élargir les recherches géographiques, la collaboration interdisciplinaire et la normalisation méthodologique afin d’améliorer la compréhension et l’application de cette pratique à l’échelle mondiale. Puisque les recherches sur les bains de forêt sont surtout concentrées au Japon et dans les pays d’Asie, il est impératif que d’autres recherches soient menées dans différents milieux géographiques afin d’enrichir notre compréhension des effets du shinrin-yoku dans différents contextes culturels et environnementaux (Wen et coll., 2019). La participation d’équipes disciplinaires formées de spécialistes en médecine, en environnement, en psychologie et en sciences sociales permettrait de renforcer les méthodologies de recherche, d’atténuer les préjugés et d’obtenir une compréhension plus globale des répercussions des bains de forêt. Une étude canadienne sur le shinrin-yoku est en cours à Metro Vancouver (C.-B.) et vise à pallier certaines des lacunes relevées dans la littérature. Elle contribuera à la compréhension globale du potentiel thérapeutique des bains de forêt et de son application dans différents contextes géographiques et culturels (Innes et Brown, 2022).

Il est essentiel de normaliser les protocoles de bain de forêt et les mesures utilisées afin d’améliorer la comparabilité et la validité des résultats des différentes études. En établissant un consensus sur les définitions, les méthodologies et les instruments de mesure du shinrin-yoku au sein de la communauté de recherche, il sera plus facile d’obtenir un bassin cohérent de données probantes.

Pour favoriser la participation éclairée de la population, il est essentiel de la sensibiliser et de l’informer à propos des limites et des bienfaits potentiels du shinrin-yoku. Il faut notamment s’assurer que les gens comprennent les enjeux de sécurité que présentent les bains de forêt, surtout pour les personnes ayant des problèmes de santé particuliers, et qu’ils saisissent l’importance de pratiquer le bain de forêt en séance guidée pour en maximiser les bienfaits thérapeutiques.

L’intégration des résultats de recherche sur les bains de forêt dans les politiques de santé publique et la planification urbaine peut contribuer à créer des milieux de vie plus sains et durables. La collaboration entre chercheur.euse.s, décideur.euse.s politiques et prestataires de soins s’avérera essentielle pour transposer les données scientifiques dans des solutions pratiques qui favorisent la santé publique et le bien-être.

Conclusion

Le shinrin-yoku (bain de forêt) offre une méthode accessible et non pharmacologique pour améliorer la santé et le bien-être. Son évolution vers une pratique étayée de recherches scientifiques appelée « sylvothérapie » illustre le lien entre le savoir traditionnel et la validation empirique. L’émergence de cette pratique au Canada témoigne d’une reconnaissance mondiale du rôle de la nature dans la promotion de la santé, bien que ce rôle ait été étudié dans un contexte culturel et environnemental différent.

Les limites méthodologiques et géographiques des recherches actuelles soulignent le besoin de normaliser les protocoles et de mener d’autres recherches dans des lieux différents afin de pouvoir intégrer la sylvothérapie dans les pratiques médicales courantes. Une thèse canadienne en cours de rédaction abordera ces lacunes et contribuera à une compréhension plus globale de la pratique du bain de forêt. Le projet d’intégration du shinrin-yoku dans les stratégies de santé publique, appuyé de considérations politiques et de l’éducation de la population, incarne une approche multidimensionnelle de la promotion de la santé. Dans un cadre de recherche normalisé, le bain de forêt, aujourd’hui considéré comme une pratique complémentaire, pourrait devenir une intervention thérapeutique reconnue et ainsi favoriser une interaction harmonieuse entre la nature et la santé humaine.

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Yu, C.-P., Lin, C.-M., Tsai, M.-J., Tsai, Y.-C. et Chen, C.-Y. (2017). Effects of Short Forest Bathing Program on Autonomic Nervous System Activity and Mood States in Middle-Aged and Elderly Individuals. International Journal of Environmental Research and Public Health, 14(8), article 8.

À propos de l’auteure

Tara L. Brown

Université de la Colombie-Britannique

Tara L. Brown est candidate au doctorat en foresterie à l’Université de la Colombie-Britannique. Après avoir ressenti les bienfaits du shinrin-yoku sur la diminution du stress, Tara a délaissé la gestion de formations en STIM et de programmes de surveillance environnementale pour se consacrer à l’étude de la santé et des bains de forêt à Vancouver. À titre de chercheuse engagée et de fellow de l’Institut de recherche sur l’Asie, elle chapeaute le projet Silent Trails, explore le rôle de la sylvothérapie dans le domaine de la santé au Canada et a dirigé divers groupes de jeunes, de professionnel.le.s de la santé et de membres des Nations Unies et du Fonds pour l’environnement mondial (GEF).

 

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L’article Bains de forêt (2024), par Tara L. Brown, est distribué sous la licence Creative Commons Attribution – Pas d’utilisation commerciale – Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 International, sauf indication contraire.

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12.

SANS TRACE : PRINCIPES ÉTHIQUES POUR L’APPRENTISSAGE EN PLEIN AIR

Ryan Stuart

Note de la rédaction : Certaines des lignes directrices américaines présentées ici utilisent les pieds comme unité de mesure. L’équipe de rédaction a converti ces distances en mètres.

De plus en plus d’études établissent un lien entre le temps passé dans la nature et les espaces verts et un bien-être physique et mental accru (Wicks et coll., 2023). Nous sommes à l’écoute. Les espaces en plein air n’ont jamais été aussi fréquentés (McDonald et coll., 2022). Toutefois, cet engouement s’accompagne d’un risque de conséquences négatives sur l’environnement. D’où le concept de « Sans trace ». Sans trace, dont le logo est présenté à la figure 1, est un ensemble de principes à l’attention des adeptes de plein air afin de réduire au minimum l’effet de leur présence sur les espaces naturels (Cole, 2018). Ce chapitre aborde les valeurs et les principes éthiques de Sans trace, y compris la technique de l’autorité de la ressource. Il explore également les sept principes Sans trace, illustrés d’exemples pratiques sur la manière de les intégrer dans l’apprentissage en plein air axé sur l’aventure et l’environnement.

Figure 1 : Logo Sans trace

Valeurs et responsabilités de Sans trace

L’une des raisons d’être fondamentales de Sans trace est la reconnaissance de l’équilibre délicat des écosystèmes naturels. Des montagnes imposantes aux lacs sereins, les paysages abritent des réseaux de vie interconnectés, et toute perturbation peut avoir des conséquences considérables (Shrader-Frechette et McCoy, 1995). Les zones de nature sauvage ne sont pas les seules touchées. Les parcs municipaux, les sentiers de quartier et les zones sauvages sont autant de lieux susceptibles de faire l’objet d’une utilisation non durable. Adopter les principes Sans trace, c’est faire preuve de respect pour les relations complexes qui soutiennent ces environnements et pour l’expérience des prochaines générations.

Sans trace va au-delà du simple aspect pratique; c’est un concept qui communique un sentiment de responsabilité à l’égard des lieux visités. Imaginez un instant si chaque adepte de plein air jetait ses déchets par terre, perturbait les habitats de la faune et défigurait les paysages. Ces espaces tant aimés subiraient des dommages irréversibles. Sans trace consiste à faire des choix qui protègent ces lieux pour les générations actuelles et futures, en partant du principe que chaque personne est responsable et peut toujours apprendre de nouvelles façons de diminuer ou de réduire au minimum l’effet de sa présence en plein air.

Le concept d’autorité de la ressource, au cœur de Sans trace, reconnaît que la terre et ses ressources détiennent une certaine autorité sur la manière dont elles doivent être traitées. En gros, c’est l’environnement qui fixe les règles. En tant que gardiens de la terre, il est de notre devoir d’écouter et de suivre ces règles, et de respecter la valeur intrinsèque du monde naturel.

La science derrière Sans trace

Les lignes directrices de Sans trace ne sont pas seulement fondées sur le gros bon sens. Elles sont solidement ancrées dans une compréhension scientifique, puisqu’on parle d’êtres vivants. Les fondements scientifiques de Sans trace sont continuellement examinés et affinés.

Les principes, par exemple réduire au minimum l’impact des feux, gérer adéquatement ses déchets et respecter la vie sauvage, ne sont pas arbitraires. Ils sont alignés sur les principes écologiques, la psychologie environnementale et le bagage de connaissances de diverses disciplines scientifiques. Par exemple, les études sur le compactage des sols, la croissance de la végétation et le comportement des animaux nous aident à comprendre comment la présence humaine affecte les écosystèmes (Cole, 2004).

Cela dit, les concepts scientifiques qui sous-tendent Sans trace ne sont pas coulés dans le béton. À mesure que notre compréhension des écosystèmes s’approfondit, la culture et les normes sociales évoluent et de nouvelles technologies émergent. Les principes font l’objet d’une évaluation et d’un ajustement continus (Simon et Alagona, 2009). La réconciliation avec les Premières Nations exige de repenser le principe de « laisser intact ce que l’on trouve » en gardant à l’esprit les pratiques traditionnelles de collecte de nourriture (North et coll., 2023).

Essentiellement, Sans trace témoigne de la relation dynamique entre la science et l’éthique du plein air, et souligne l’importance de rester informé des dernières découvertes scientifiques, qui informent l’évolution des lignes directrices en matière de responsabilité en plein air. En adoptant cette base scientifique en évolution, les adeptes de plein air peuvent s’assurer que les générations futures profiteront de la même nature et des mêmes expériences de plein air.

L’histoire de Sans trace

Le concept Sans trace a évolué au fil du temps, reflétant la relation changeante entre l’humain et son environnement, et la sensibilisation croissante aux effets de la présence humaine en plein air (Simon et Alagona, 2009). L’histoire de Sans trace témoigne d’une transition de l’exploitation vers la préservation, guidée par des principes qui mettent l’accent sur la jouissance responsable des espaces naturels.

Les origines de Sans trace remontent au milieu du 20e siècle, lorsque l’essor du plein air a commencé à susciter de l’inquiétude quant à la dégradation de l’environnement (Marion et Reid, 2001). Les années 1960 ont vu l’émergence de mouvements écologistes qui prônaient la protection des zones sauvages. C’est à cette époque que la philosophie « pack it in, pack it out » (rapporter tout ce que l’on a apporté) a pris de l’ampleur, marquant une évolution vers une plus grande responsabilité dans la gestion de ses propres déchets et le traitement de l’environnement avec sensibilité et attention (Morton Turner, 2002).

Les années 1970 marquent une période charnière pour Sans trace. Des organisations comme la National Outdoor Leadership School (NOLS) aux États-Unis ont commencé à promouvoir l’éthique de la nature sauvage et les techniques de camping à impact minimal (Marion et Reid, 2001). Ces efforts ont mené à la publication du premier manuel Sans trace officiel par la NOLS en 1979 (Marion et Reid, 2001). Ce manuel présente les fondements des principes Sans trace, tels que la réduction de l’impact des feux, la gestion adéquate des déchets et le respect de la vie sauvage.

Les années 1980 et 1990 ont vu une adoption généralisée des principes Sans trace par la communauté du plein air, le monde de l’éducation et les agences de gestion du territoire (Priest et Dixon, 1990). Le Leave No Trace Center for Outdoor Ethics, fondé en 1994, a permis d’officialiser davantage l’éducation et la sensibilisation aux principes Sans trace. Les recherches de l’organisation et sa collaboration avec les agences de gestion des terres ont conduit à l’élaboration des sept principes fondamentaux Sans trace, publiés pour la première fois en 1999 (Cole, 2018).

Au XIXe siècle, tandis que le plein air continue de gagner en popularité, l’importance de Sans trace reste plus que jamais d’actualité (Alagona et Simon, 2012). L’histoire de Sans trace témoigne de l’évolution des attitudes humaines à l’égard de la nature, de la conquête des paysages à la coexistence avec eux. Elle nous rappelle que notre responsabilité collective n’est pas seulement de profiter de la nature, mais aussi de la protéger pour les générations futures.

Les sept principes Sans trace

  1. Se préparer et prévoir. Une planification minutieuse est à la base du plein air responsable. Pour adopter ce principe, envisagez les moyens suivants :
    • Renseignez-vous sur la région que vous allez visiter, notamment sur la réglementation et les prévisions météorologiques.
    • Obtenez les permis nécessaires et respectez les restrictions relatives à la taille des groupes.
    • Préparez un itinéraire détaillé et partagez-le avec une personne qui ne participera pas au voyage.
    • Prévoyez l’équipement et les vêtements appropriés pour réduire au minimum le besoin de modifier l’environnement.
  2. Utiliser les surfaces durables. Réduisez au minimum votre impact en restant sur les sentiers et les sites de camping établis. Voici comment :
    • Restez sur les chemins existants pour éviter l’érosion du sol et la création de nouveaux sentiers.
    • Installez votre campement à au moins 200 pieds (61 mètres) des plans d’eau pour protéger les zones riveraines fragiles.
    • Utilisez autant que possible des emplacements de camping désignés afin de réduire le piétinement de la végétation.
  3. Gérer adéquatement les déchets. La gestion responsable des déchets est essentielle à la préservation de la nature sauvage. Adoptez ces pratiques :
    • Ramenez avec vous tous vos déchets, y compris les restes de nourriture et le papier hygiénique.
    • Utilisez les installations sanitaires existantes si elles sont disponibles; sinon, creusez un petit trou à au moins 200 pieds (61 mètres) des sources d’eau pour les déchets humains.
    • Filtrez l’eau de vaisselle et dispersez le filtrat à au moins 200 pieds (61 mètres) des plans d’eau.
  4. Laisser intact ce que l’on trouve. Respectez la beauté naturelle et les artéfacts culturels de l’environnement. Envisagez les actions suivantes :
    • Évitez de cueillir des plantes, de perturber des sites historiques ou de déplacer des pierres.
    • Laissez les caractéristiques naturelles et culturelles telles que vous les avez trouvées pour que d’autres puissent en profiter.
    • Immortalisez vos souvenirs en photo plutôt que de rapporter des souvenirs physiques.
  5. Réduire au minimum l’impact des feux. Les feux de camp peuvent marquer la terre et causer des dommages durables. Suivez les recommandations suivantes :
    • Utilisez un réchaud de camping pour cuisiner au lieu de faire un feu.
    • Si les feux sont autorisés, utilisez les espaces prévus à cet effet, et limitez la taille du feu.
    • N’utilisez que des petits bâtons et brindilles trouvés sur le sol; ne cassez pas de branches d’arbres vivants.
  6. Respecter la vie sauvage. L’observation à distance des animaux sauvages permet de garantir leur sécurité et l’intégrité de leur habitat.
    • N’approchez pas les animaux sauvages et ne les nourrissez pas; respectez leur espace et leurs comportements.
    • Utilisez des jumelles et des appareils photo pour observer les animaux sans les déranger.
    • Rangez la nourriture en lieu sûr pour éviter d’attirer les animaux sauvages sur les terrains de camping.
  7. Respecter les autres. Afin de promouvoir une expérience positive en plein air et de faire preuve de courtoisie à l’égard des autres aventuriers :
    • Cédez le passage aux autres et maintenez un niveau de bruit raisonnable.
    • Surveillez vos animaux domestiques et ramassez leurs besoins.
    • Parlez les lieux populaires afin de permettre aux autres de profiter de la beauté du plein air.

Conclusion

Plus qu’un simple ensemble de lignes directrices, Sans trace est une philosophie qui témoigne de notre rôle de gardiens de la nature. L’adoption des principes Sans trace permet de s’assurer que les paysages impressionnants que nous explorons aujourd’hui resteront vivants et intacts pour les générations à venir. En faisant preuve de responsabilité éthique et en reconnaissant l’autorité de la ressource, nous pouvons tous jouer un rôle dans la préservation de l’équilibre délicat des écosystèmes de notre planète. Alors, la prochaine fois que vous vous aventurerez en plein air, rappelez-vous : ne prenez que des photos, ne laissez que vos traces de pas.

Bibliographie

Alagona, P. et Simon, G. (2012). Leave no trace starts at home: A response to critics and vision for the future. Ethics, Policy & Environment, 15(1), 119-124.

Cole, D. N. (2004). Impacts of hiking and camping on soils and vegetation: a review. Environmental impacts of Ecotourism, 41, 60.

Cole, D. N. (2018). Leave No Trace: How it came to be. International Journal of Wilderness, 24(3), 54-65.

Marion, J. L. et Reid, S. E. (2001). Development of the US Leave No Trace program: an historical perspective. Enjoyment and understanding of the national heritage, 81-92.

McDonald, S., Turner, S., Page, M. et Turner, T. (2022). Most published systematic reviews of remdesivir for covid-19 were redundant and lacked currency. Journal of Clinical Epidemiology, 146, 22-31.

Morton Turner, J. (2002). From woodcraft to ‘Leave No Trace’: Wilderness, consumerism, and environmentalism in twentieth-century America. Environmental History, 7(3), 462-484.

North, C., Berning, H., Karaka-Clarke, T. H. et Taff, B. D. (2023). Leave No Trace and sustainability education: Taking a Dialectical Approach. Journal of Outdoor Recreation, Education, and Leadership, 15(1).

Priest, S. et Dixon, T. (1990). Safety practices in adventure programming. Association for Experiential Education.

Shrader-Frechette, K. S. et McCoy, E. D. (1995). Natural landscapes, natural communities, and natural ecosystems. Forest and Conservation History, 39(3), 138-142.

Simon, G. L. et Alagona, P. S. (2009). Beyond leave no trace. Ethics, Place and Environment, 12(1), 17-34.

Wicks, C. L., Barton, J. L., Andrews, L., Orbell, S., Sandercock, G. et Wood, C. J. (2023). The impact of the coronavirus pandemic on the contribution of local green space and nature connection to mental health. International Journal of Environmental Research and Public Health20, 5083.

Ressources

À propos de l’auteur

Ryan Stuart

Ryan Stuart siège au conseil d’administration de Sans trace Canada. Depuis plus de 25 ans, il met en pratique les principes Sans trace dans ses aventures en plein air et les enseigne en tant qu’éducateur de plein air dans le cadre de programmes en milieu sauvage et comme guide pour des groupes scolaires.

 

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L’article Sans trace : Principes éthiques pour l’apprentissage en plein air (2024), par Ryan Stuart, est distribué sous la licence Creative Commons Attribution – Pas d’utilisation commerciale – Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 International, sauf indication contraire.

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Psychologie

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13.

EXPLICATION DES PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DE LA THÉRAPIE PAR LE PLEIN AIR

Virginie Gargano, Justine Pellerin et Roxanne Létourneau

Note de la rédaction : Ce chapitre aborde le domaine de l’apprentissage en plein air le plus examiné par la recherche, soit la thérapie par le plein air, qui comprend les thérapies par la nature, par l’aventure, par la nature sauvage et autres modalités.

Au cours des cinquante dernières années, la thérapie par le plein air sous toutes ses formes a fait l’objet de recherches approfondies qui ont révélé son influence positive sur de multiples facettes du bien-être général (estime de soi, auto-efficacité, leadership) ainsi que sur le fonctionnement social, scolaire et familial (Gargano, 2022; Harper et Dobud, 2021). Ce n’est que récemment que les chercheurs ont commencé à étudier les facteurs contribuant à ces effets. Aujourd’hui, l’exposition à la nature, l’aventure, l’expérience de groupe, l’activité physique, le transfert et la relation entre le personnel d’animation et les membres participants sont des facteurs reconnus pour leur importance (Priest, 2023; Russell et coll., 2017; Sheffield et Lumber, 2019; Van den Berg et coll., 2019). Cependant, la recherche est limitée sur la manière de les mettre en œuvre dans les programmes de thérapie par le plein air, ce qui réduit l’efficacité de leur application dans la pratique actuelle.

Le présent chapitre vise à remédier à cette situation en définissant les types de thérapies par le plein air, en identifiant leurs principales caractéristiques et en examinant leur mise en œuvre. L’incidence des éléments clés et de leurs sous-dimensions est examinée plus en détail pour expliquer en quoi ils entraînent des résultats bénéfiques. Les éléments nécessaires pour que chaque caractéristique se manifeste et les défis associés à l’intégration de ces éléments dans la pratique professionnelle sont mis en évidence. Enfin, un outil de réflexion est présenté pour aider les animateurs à planifier les programmes de thérapie par le plein air.

Divers synonymes ont été proposés pour décrire les programmes se déroulant dans un tel contexte. On y aborde notamment la « thérapie par la nature sauvage » (Davis-Berman et Berman, 1994), la « thérapie par l’aventure dans la brousse » (Pryor et coll., 2005) et la « thérapie par l’aventure » (Gass et coll., 2020). Ce chapitre utilise le terme thérapies par le plein air pour conserver une perspective large de la nature et de l’aventure en tant que modalité d’intervention, comme le proposent Harper et Dobud (2021). Ce terme englobe un ensemble de pratiques psychosociales menées en milieu naturel, avec ou sans aventure, visant à promouvoir la santé globale dans une perspective égalitaire mettant l’accent sur l’égalité entre l’homme et la nature.

Principales fonctionnalités

Depuis les années 2000, le manque de compréhension scientifique des processus à l’œuvre dans la thérapie par le plein air, connu sous le nom de « phénomène de la boîte noire », a suscité l’intérêt de différents groupes d’auteurs (Fernee et coll., 2019; Gargano, 2020; McKenzie, 2000; Newman et coll., 2023; Norton et coll., 2014; Russell et coll., 2017). Différentes étiquettes ont été attribuées aux éléments importants du programme, décrits comme des « composantes clés » (Norton, 2010), des « facteurs clés » (Norton et coll., 2014), des « caractéristiques clés » (Gargano, 2020), des « facteurs de processus » (Russell et coll., 2017) et des « pratiques facilitatrices » (Newman et coll., 2023). Le terme « caractéristiques clés » sera utilisé ici pour englober l’exposition à la nature, l’aventure, l’expérience de groupe, l’activité physique, le transfert et la relation entre le membre participant et le personnel animateur, comme indiqué dans la figure 1.

Avant d’examiner l’impact de chaque élément clé, il est important de tenir compte de deux étapes dans la planification du programme, c’est-à-dire déterminer l’objectif à atteindre et reconnaître les caractéristiques des membres participants. Ces étapes auront une incidence directe sur la mise en œuvre des principales caractéristiques.

En ce qui concerne les objectifs ciblés, ils doivent être décomposés en un but unique (Turcotte et Lindsay, 2019), car c’est ce qui guidera le processus d’intervention, tant au niveau de la conception que de la mise en œuvre. Quant aux caractéristiques des membres participants, elles sont essentielles à la réussite du programme. Il est crucial de connaître leurs capacités physiques, psychologiques, émotionnelles et sociales, ainsi que leurs points forts et leurs besoins, afin d’établir des lignes directrices pour sélectionner les membres du groupe et définir les critères d’inclusion et d’exclusion. Bien que ces considérations proviennent de la littérature sur les interventions en groupe (Turcotte et Lindsay, 2019), elles sont tout aussi pertinentes pour les thérapies par le plein air (Gargano, 2021).

Six caractéristiques autour d’un cercle vert
Figure 1 : Caractéristiques principales des thérapies par le plein air.

Nature

Plusieurs définitions de la nature ont été données dans la littérature. Aux fins de ce chapitre, le terme « nature » fait référence à tous les éléments et phénomènes provenant de la terre, de l’eau ou de la biodiversité, y compris le feu, les conditions météorologiques et la géologie, influencés ou non par l’homme, d’une plante en pot à une nature sauvage vierge, comme le suggèrent Bratman et ses collègues (2012).

Qu’ils soient le produit d’une intervention humaine ou non, les environnements naturels ont le potentiel de promouvoir et de soutenir la santé globale (Hartig et coll., 2014). Différentes hypothèses et théories ont été proposées pour expliquer comment ces effets se produisent, notamment celle de la biophilie, la théorie de la réduction du stress et la théorie de la restauration de l’attention. L’expérience sensorielle est un élément important de l’immersion dans la nature et peut être ajoutée à toutes ces théories, puisque l’utilisation des sens humains s’étend transversalement à diverses interprétations, comme le montre la figure 2.

La biophilie se définit par l’instinct humain inné de se rapprocher de tout ce qui est lié à la nature (les animaux, la terre). Utilisé pour la première fois en 1964 par le psychanalyste Fromm (1964), ce terme a été créé par opposition au terme « nécrophilie », dans le sens de « amour de la vie par opposition à l’amour de la mort ». Il s’agit d’une orientation absolue, d’une manière d’être qui se manifeste dans les processus corporels d’une personne, dans ses émotions, ses pensées, ses gestes (p. 45).

Dans les années 1980, le sociobiologiste Wilson (1984) a avancé l’hypothèse de la biophilie, selon laquelle les êtres humains sont génétiquement prédisposés à être attirés par la nature et ont une tendance innée à s’intéresser à la vie et aux processus semblables à la vie (Wilson, 1984, p. 1). À ce jour, certaines études ont suggéré que le manque de connexion avec la nature qui découle de nos modes de vie modernes conduit à un sentiment de déconnexion chez les humains, entraînant une réponse au stress (Darcy et coll., 2019). Malgré l’abondante littérature sur ce concept, l’hypothèse n’a pas encore été validée et fait l’objet de nombreuses critiques (Gaekwad et coll., 2022; Joye et De Block, 2011; Scopelliti et coll., 2018). Bien que la recherche n’a pas encore confirmé l’hypothèse de la biophilie, cette idée suscite un intérêt considérable auprès du public et met en évidence les bienfaits de la nature sur la santé humaine.

La théorie de la réduction du stress stipule qu’en l’absence d’une menace réelle (p. ex., une attaque d’animal, une tempête), la nature favorise la réduction du stress et la restauration cognitive (Kaplan et Kaplan, 1989; Rogerson et coll., 2019; Ulrich, 1981), un processus définit comme suit : « Le processus de renouvellement, de récupération ou de rétablissement des ressources ou des capacités physiques, psychologiques et sociales diminuées par les efforts continus pour répondre aux exigences d’adaptation » (Hartig, 2004, p. 273).

La théorie de la restauration de l’attention suggère que la capacité à diriger volontairement la conscience diminue avec l’usage, précisément parce qu’ignorer les distractions demande un effort cognitif. Se retrouver dans une situation qui ne requiert pas d’attention volontaire favoriserait donc la récupération des ressources cognitives (Staats, 2012). Pour y parvenir, différents paramètres entrent en jeu (Calogiuri et coll., 2019; Kaplan, 1995; Menardo et coll., 2019; Schertz et Berman, 2019), dont l’état de fascination douce. Selon Kaplan et Kaplan (1989), l’environnement naturel est favorable à cet état qui requiert des ressources cognitives minimales, en particulier lorsqu’il se concentre sur les éléments naturels présents dans l’environnement. Trois composantes psychologiques influencent cet état, soit le sentiment d’être au bon endroit, le degré de cohérence avec l’environnement et la distance par rapport aux obligations de la vie quotidienne (Calogiuri et coll., 2019).

Schéma conceptuel
Figure 2 : Hypothèses et théories soutenant les effets liés à l’immersion dans la nature.

Expérience sensorielle

Dans la littérature, le terme « expérience kinesthésique », soit la perception consciente de la position et des mouvements du corps dans l’espace (Larousse, 2022), est couramment utilisé pour décrire l’expérience sensorielle liée à la thérapie par le plein air. Cependant, le terme plus exact est « expérience sensorielle » pour représenter tous les sens impliqués plutôt que seulement la proprioception. Étroitement liée à la théorie de la fascination douce, l’expérience sensorielle et la mobilisation des sens tels que la vue, l’ouïe, l’odorat, le toucher, le goût, joue également un rôle dans l’expérience de la nature et est censée favoriser la restauration cognitive et le bien-être général (Shin et coll., 2022).

Dans la nature, le sens de la vue est stimulé par le degré élevé de luminosité, le contraste, les points de saturation de la lumière (Beckmann et coll., 2019) et les couleurs lumineuses que l’on y trouve, comme le vert (Lohr, 2010). Les fractales ou les formes complexes naturellement présentes dans les nuages, les vagues, les feuilles ou les fleurs, favorisent ces avantages (Taylor, 2021; Zosimov et Lyamshev, 1995). Selon Seuront (2010, p. 1), un ensemble fractal tend à remplir tout l’espace dans lequel il est intégré et a une structure très irrégulière, tout en possédant un certain degré d’autosimilarité et semble être l’union de nombreuses copies de plus en plus petites de lui-même.

En ce qui concerne l’ouïe, le chant des oiseaux, le vent, le bruit de l’eau qui coule dans une rivière ne sont que quelques exemples qui favorisent des états de calme et de bien-être général en présence de la nature (Ratcliffe, 2021; Van Hedger et coll., 2019). Au niveau olfactif, les dérivés organiques volatils émanant de nombreuses espèces végétales, appelés phytoncides, sont également considérés comme influençant positivement la santé physiologique et psychologique (Li et coll., 2006; Rogerson et coll., 2019).

En résumé, malgré les études inventoriant les relations entre la théorie de la réduction du stress, la théorie de la restauration de l’attention et la contribution des sens aux résultats de la thérapie par la nature, des travaux récents mettent l’accent sur les limites méthodologiques associées à ces théories. Il est donc nécessaire d’approfondir la compréhension des phénomènes cognitifs qui se produisent lors du contact de l’homme avec la nature (Menardo et coll., 2019; Ohly et coll., 2016; Schertz et Berman, 2019).

L’intensité de l’immersion dans la nature est certainement l’un des paramètres les plus complexes à paramétrer pour les animateurs, notamment parce qu’elle dépend des expériences antérieures et des conceptions de chaque personne. Qu’elles soient délibérées ou circonstancielles, les expériences dans la nature peuvent être entachées par les trajectoires de vie des personnes et leurs contextes socioculturels, économiques et géographiques (Bratman et coll., 2019; Keniger et coll., 2013). En outre, compte tenu des caractéristiques personnelles des membres participants, certains paramètres inhérents aux thérapies par la nature peuvent guider les choix de l’animateur, comme la qualité de l’immersion, sa durée, sa fréquence et le type d’environnement, comme le fait d’être en forêt ou en pleine mer (Shanahan et coll., 2015).

Schéma représentant le risque par rapport à la compétence
Figure 3 : Le paradigme de l’expérience d’aventure (Martin et Priest, 1986), utilisé avec autorisation.

Aventure

Un contexte d’aventure est généralement défini comme une nouvelle expérience marquée d’incertitude, de nouveauté et influencée par l’état d’esprit, l’attitude et la compétence ressentie à relever un défi (Priest et Gass, 2018). Pour certains, l’aventure dans un contexte de thérapie par le plein air vient de l’expérience de groupe, tandis que pour d’autres, elle vient de l’expérience de la nature ou de l’activité. Pour déterminer ces paramètres, l’animateur peut se fonder sur deux sous-dimensions pour son choix d’activités, soit le niveau d’aventure et le degré de dissonance que l’expérience entraîne.

Dans le contexte des programmes de thérapie par le plein air, l’interaction entre les différents niveaux de risque et de compétence crée divers défis (Priest et Gass, 2018). Comme le proposent Martin et Priest (1986), l’équilibre entre ces deux variables permet de vivre l’aventure à différents degrés, comme le montre la figure 3. Pour qu’un défi soit vécu positivement, il doit représenter un certain niveau de difficulté technique adapté aux compétences physiques et psychologiques des membres participants (Martin et Priest, 1986; Priest et Gass, 2018). Ils seront ainsi plus enclins à affronter et à surmonter le défi, ce qui leur permettra ensuite de mieux délimiter leurs forces et leurs limites (Priest et Gass, 2018; Prouty et coll., 2007). Toutefois, cette sous-dimension de l’aventure ne peut être paramétrée sans tenir compte du niveau de dissonance ressenti par les participants.

La dissonance est liée à l’écart entre l’environnement quotidien d’une personne et les nouvelles conditions dans lesquelles elle se trouve (Festinger, 1957). Dans les années 1980, bon nombre de travaux ont adapté la théorie de l’apprentissage de Vygotsky (1985) pour aborder la dissonance à partir du concept de zone proximale de croissance, comme le montre la figure 4. Lorsque le degré de dissonance est légèrement supérieur au degré habituel de confort physique, émotionnel, psychologique ou social, la personne doit mobiliser ses forces et ses stratégies d’adaptation ou en développer de nouvelles pour apprendre ou évoluer (Festinger, 1957). Ces apprentissages et cette croissance procurent des avantages relationnels intrapersonnels et interpersonnels.

Trois zones d’apprentissage : la zone de panique ne conduit pas nécessairement à l’apprentissage, peut conduire à un ancrage négatif et même favoriser le repli sur soi et l’abandon. La zone d’apprentissage (ou de croissance) génère des états de dissonance et d’adaptation, de déséquilibre et de frustration, mais aussi de résolution de problèmes, de confiance et d’espoir. La zone de confort est la zone de familiarité et du quotidien.
Figure 4 : La zone proximale d’apprentissage.

Les différents facteurs déstabilisants inhérents à l’aventure rendent complexe le paramétrage du niveau d’aventure approprié à une thérapie par le plein air donnée. La compréhension globale des caractéristiques des membres participants est la clef pour bien réussir. D’une part, différents types d’activités permettent d’atteindre cet objectif. En fait, au-delà des activités techniques, toutes sortes d’activités génériques, c’est-à-dire des tâches liées à la vie dans l’environnement naturel (monter des tentes, faire du feu), ainsi que des activités expérientielles peuvent contribuer à l’atteinte de ces objectifs. D’autre part, l’aventure peut être vécue au moyen des aspects physiques, émotionnels, psychologiques ou sociaux, que ce soit individuellement ou en groupe.

Le choix de l’aspect central est donc important, en particulier en ce qui concerne le choix et l’enchaînement des activités. Les membres participants seront ainsi en mesure de reprendre au minimum les limites extérieures de leur manière d’être ou de percevoir l’aventure et d’y réagir. Une expérience dont le degré d’inconfort face aux risques dépasse les capacités des participants pourrait avoir des conséquences négatives (Gargano, 2020). Par conséquent, l’évaluation des dimensions de l’aventure en fonction de l’objectif fixé par le programme de thérapie par le plein air est cruciale pour réussir.

Expérience de groupe

D’une part, bien que ces thérapies ne se limitent pas aux groupes, leur histoire est imprégnée des programmes classiques d’aventure (p. ex., les écoles Outward Bound) et les camps d’été (White, 2020) qui ont influencé le rôle qu’y jouent les groupes. D’autre part, les aventures qui comportent un aspect social participatif existent depuis des millénaires dans les sociétés anciennes et indigènes, où les groupes se formaient naturellement pour relever les défis de la vie (Leclerc, 1999). Il n’y avait alors d’autre choix que de rester dans la communauté où l’on était né et de contribuer par son travail à la survie du groupe et à subvenir aux besoins de sa famille (Anzieu et Martin, 1982). Cette vision du groupe a suivi l’évolution des besoins des sociétés et des cultures modernes.

Aujourd’hui, l’expérience de groupe répond à des besoins d’affiliation, d’affection et de reconnaissance, qui sont fondamentaux pour tous les êtres humains (Leclerc, 1999; Turcotte et Lindsay, 2019). Le contexte de la nature et de l’aventure offre naturellement, dans une certaine mesure, des possibilités de répondre à ces besoins. Le contexte de groupe peut avoir des bienfaits, comme un sentiment d’appartenance, mais aussi des effets négatifs, comme un sentiment de rejet.

Plusieurs facteurs liés au contexte d’intervention ont une incidence sur la qualité des relations. Par exemple, des facteurs tels que l’incertitude et l’aspect déstabilisant de l’expérience, l’âpreté du contexte, le nombre et la complexité des tâches techniques, comme naviguer sur une rivière en canoë ou escalader une montagne en étant encordés, et les compétences liées à la vie dans la nature, comme monter un camp, cuisiner ou construire un abri, nourrissent l’interdépendance entre les membres du groupe. Ces facteurs contribuent à expliquer les bénéfices de l’interdépendance (Dimmock, 2009; Gargano, 2020).

L’ambiance de groupe est fortement liée à d’autres facteurs essentiels, notamment le concept de dissonance, qui altère les relations interpersonnelles. D’une part, les tâches extérieures favorisent l’interaction, et d’autre part, le contexte est favorable à l’exploitation des forces des personnes (Gargano et Turcotte, 2017), ce qui favorise les relations de collaboration fondées sur l’interdépendance des tâches à accomplir (Gargano et Turcotte, 2017). Le personnel d’animation doit véhiculer des valeurs de respect et d’inclusion afin de répondre aux besoins d’appartenance, d’acceptation et d’affection qui peuvent naître au sein du groupe. Ces valeurs doivent se refléter dans leurs interventions pour garantir des expériences significatives et productives chez tous les membres participants (Mirkin et Middleton, 2014; Shooter et coll., 2009). Enfin, ils doivent être attentifs à la dynamique inhérente à toute expérience de groupe afin d’intervenir de manière appropriée (Turcotte et Lindsay, 2019).

Activité physique

Entre les années 470 et 324 avant J.-C., Aristote, Socrate et d’autres philosophes ont souligné l’importance de l’union entre le corps et l’esprit et de vivre des expériences pour la renforcer en vue d’un développement holistique (Ewert et Sibthorp, 2014). Même si cette idée n’est pas nouvelle, ce n’est qu’au cours des vingt dernières années que la recherche sur la thérapie par le plein air s’efforce d’approfondir les bienfaits de l’activité physique pour la santé (Donnelly et MacIntyre, 2019; Hartig et coll., 2014). Plusieurs auteurs ont souligné que la pratique d’activités physiques dans un environnement naturel peut avoir des effets positifs sur la santé psychologique en réduisant l’anxiété, sur la santé physique en améliorant la condition physique, et sur la santé sociale en favorisant la cohésion et le soutien (Lawton et coll., 2017; Perry, 2009; Shanahan et coll., 2016). L’intensité et la durée de l’activité sont des facteurs qui influencent ces bénéfices.

De plus, il est reconnu que l’environnement dans lequel se déroule l’activité physique, notamment les espaces bleus et verts, est un prédicteur des habitudes liées à l’activité physique (Donnelly et MacIntyre, 2019). Certaines études ont mis en relief les effets de la proximité des espaces verts dans un milieu de vie sur la fréquence de la pratique d’activités physiques (Flowers et coll., 2016). Outre le cadre de l’activité, l’accent est mis sur le fait que la pratique de l’activité physique dans des environnements naturels agit essentiellement comme médiateur des effets sur la santé sociale (Home et coll., 2012).

L’activité physique stimule la libération d’hormones comme l’endorphine, la dopamine et l’adrénaline, qui sont associées à un meilleur bien-être général (Legrand et coll., 2023), mais le degré de difficulté doit être adapté à la capacité et à la condition physique de chaque membres participant. Comme pour les autres caractéristiques clés, l’intensité de l’activité doit être modulée en fonction de l’objectif visé et des capacités des membres participants. Des membres participants bien préparés à l’intensité peuvent participer jusqu’au bout, tandis qu’une activité mal adaptée à leur niveau peut nuire à l’atteinte des objectifs. Les facteurs à prendre en compte comprennent la perception d’immersion dans un environnement naturel (Mackay et Neill, 2010), la durée (Perry, 2009), l’intensité et la fréquence (Shanahan et coll., 2015).

Transfert

L’objectif du transfert est de consolider et faciliter la rétention de l’apprentissage et son intégration dans la vie des personnes (Gass, 1999). Très étudié depuis plusieurs années, le concept de transfert découle des principes de l’apprentissage expérientiel (Priest et Gass, 2018). Il s’agit d’une caractéristique essentielle qui doit être réfléchie avant la mise en œuvre des activités de thérapie par le plein air en planifiant des périodes favorables au transfert et à la rétention (par exemple, avant, pendant et après les activités). Différentes écoles de pensée ont influencé la manière dont le transfert s’effectue. Selon Priest et Gass (1999), leur intégration a évolué au fil des décennies, en partant initialement d’une perspective éducative.

Tout d’abord, dans les années 1940, les membres participants avaient la liberté de réfléchir à leur expérience et d’en tirer des leçons sans influence extérieure. Cette philosophie repose sur l’idée que l’apprentissage est initié par l’environnement naturel lui-même. Cette perspective a évolué dans les années 1950 pour se concentrer sur une méthode de transfert qui inclut la rétroaction du personnel instructeur à la fin de l’activité. Les années 1960 ont marqué un changement de paradigme, où l’on invitait les membres participants à réfléchir aux relations entre les expériences vécues et à les articuler en fonction de l’objectif du programme. La décennie suivante a été caractérisée par des méthodes de transfert qui les incorporaient avant l’expérience en vue d’orienter les apprentissages au cours de l’activité. Dans les années 1980, les animateurs ont commencé à présenter des activités au moyen de métaphores structurées ou d’isomorphes pour favoriser une expérience d’apprentissage plus directe. Enfin, dans les années 1990, des techniques ont été mises en œuvre avant l’expérience pour délibérément réduire la résistance au changement.

Malgré l’importance cruciale de ce transfert, diverses études ont souligné la complexité de son intégration, qui dépasse la simple mise en œuvre de ces techniques (Brown, 2010; Gass et Seaman, 2012; Sibthorp, 2003). En outre, les périodes de sensibilisation prévues (avant, pendant et après l’expérience), les techniques privilégiées et les moyens, tels que les métaphores, les techniques d’impact, les journaux de bord, la contemplation en solitaire et les discussions de groupe, sont toutes des méthodes au cœur de la réflexion sur cette caractéristique clé. En effet, les techniques sélectionnées doivent s’aligner sur les objectifs visés lors de la planification du programme. Parmi toutes les caractéristiques clés, cet aspect reste l’un des plus concrets à orchestrer.

Tableau 1 : Six générations d’animation (Priest et Gass, 1999)
Décennie Génération Explication
Années 1940 Laisser l’expérience parler d’elle-même Apprendre et faire
Années 1950 Parler au nom de l’expérience Apprendre en racontant
Années 1960 Canaliser ou faire le compte rendu de l’expérience Apprendre par la réflexion
Années 1970 Préparer le terrain (par méthode directe) pour l’expérience Direction avec réflexion
Années 1980 Recadrer (par méthode isomorphique) l’expérience Renforcement de la réflexion
Années 1990 Préparer le terrain (par méthode indirecte) pour l’expérience Redirection avant réflexion

Relation entre l’animateur et les membres participants

Dans le contexte de la nature et de l’aventure, diverses conditions jouent sur la qualité de la relation entre le personnel animateur et les membres participants (Ewert et Sibthorp, 2014; Gass et coll., 2020). Premièrement, la nature de la thérapie par le plein air tend à exiger que le personnel animateur prenne part à l’activité, ce qui modifie la dynamique d’autorité (Russell et Phillips-Miller, 2002). La diversité des conditions météo et la nature des défis lui offrent des possibilités uniques de modéliser et de promouvoir des valeurs collectives telles que la coopération et l’entraide (Gass et coll., 2020; Mirkin et Middleton, 2014). De plus, ces conditions lui permettent d’observer les membres participants sous différents angles et d’intervenir si nécessaire dans des situations particulières (Bandoroff et Newes, 2004; Gass et coll., 2020).

Dans un tel contexte, certaines qualités sont requises pour intervenir d’une manière qui favorise la qualité de cette relation. Il s’agit notamment de l’intégrité, de la bienveillance, ainsi que la démonstration de compétences techniques et interpersonnelles (McKenzie, 2000; Shooter et coll., 2009). Cependant, différents groupes d’auteur.e.s reconnaissent que les connaissances requises pour accomplir cette tâche sont complexes (Gass et coll, 2020; Priest et Gass, 2018; Schumann et coll., 2009). Pour assurer la réussite du programme, ils soulignent l’importance des compétences techniques dans ce type d’intervention, ainsi que la nécessité de constituer des équipes de travail aux compétences diversifiées, y compris la maîtrise des compétences techniques, de l’environnement naturel et de la dynamique de groupe (Bunce, 1997; Priest et Gass, 2018). Créer des équipes multidisciplinaires est une bonne solution pour y parvenir (Priest et Gillis, 2023).

Proposition d’un outil de planification

Dans ce chapitre, nous avons défini les principales caractéristiques nécessaires à la planification des activités de thérapie par le plein air. Pour mieux les comprendre, nous avons expliqué leurs sous-dimensions et suggéré des moyens de les intégrer à la pratique. Finalement, ces connaissances peuvent être mises en pratique pour optimiser l’effet sur les membres participants. Malgré ces connaissances, une certaine complexité demeure, car il n’existe en fait pas de lignes directrices sur la planification de ces activités au-delà de la reconnaissance des fondements théoriques permettant de cartographier et de définir les caractéristiques clés. Selon la littérature, simplement intégrer les connaissances ne suffit pas à garantir le succès de l’intervention (Gargano, 2021). La combinaison des principales caractéristiques requises nécessite du jugement et des compétences chez les animateurs. Pour aider à la planification et permettre l’intégration pratique des caractéristiques clés, nous proposons un outil de planification destiné à toute personne souhaitant expliquer la logique qui sous-tend la planification de ses activités de thérapie par le plein air, que ce soit aux membres étudiants, ou encore au personnel animateur novice ou expérimenté.

Pour créer cet outil de planification exploratoire, la méthodologie ci-dessous a été utilisée, mais n’a pas encore été validée. La première auteure a dressé une liste de questions selon les descriptions des cinq caractéristiques principales. Ces questions découlent d’un mélange d’expertise théorique et de connaissances pragmatiques tirées de l’observation dans l’exécution des activités. Deux coauteurs ont analysé ces questions afin de les trier et de reformuler la liste sous la forme d’un questionnaire. La version finale de l’outil de planification est présentée au tableau 2.

Tableau 2 : Outil de planification pour la thérapie par le plein air
Grille de soutien pour la planification de la thérapie par le plein air

Gargano, Pellerin et Létourneau (2023)

Répondez à chacune des questions.
Questions initiales
Quel est l’objectif du programme?
Quels sont les besoins des membres participants?
Quelles sont les forces des membres participants?
Quelles sont les caractéristiques des membres participants sur le plan :
  • physique?
  • psychologique?
  • émotionnel?
  • social?
Existe-t-il des critères d’exclusion dont il faut tenir compte en fonction de l’objectif visé?
Immersion dans la nature
Où devraient avoir lieu les activités? Quelles sont les dispositions quant au transport et à l’hébergement?
À quelle période de l’année et en quelle saison ce programme devrait-il être offert?
Quel est le niveau moyen de confort dans la nature des participants?
Quel est le degré d’immersion souhaitable pour atteindre les objectifs?
Quelles sont les activités qui correspondent aux objectifs et qui permettront aux membres participants d’avoir un contact sensoriel suffisant avec la nature?
Ce contact sensoriel est-il souhaitable ou non pour ces personnes? Dans l’affirmative, comment pouvons-nous intégrer les sens à l’expérience?
Aventure
Quelle est l’activité technique la plus pertinente pour atteindre les objectifs visés?
Si les activités techniques ne nous permettent pas d’atteindre nos objectifs, quelles activités génériques et expérientielles pourrions-nous instaurer?
Quel est le niveau moyen de compétence (physique, émotionnelle, psychologique et sociale) des membres participants par rapport aux activités sélectionnées?
Quel aspect (physique, émotionnel, psychologique et social) et quel degré de dissonance sont souhaitables pour atteindre les objectifs? Quelles activités d’aventure pourraient contribuer à l’atteinte de ces objectifs?
Comment devrions-nous échelonner le niveau de difficulté avant, pendant et après le programme (par exemple, préparation technique avant le départ)?
Des conditions environnementales modérées ou difficiles ont-elles une incidence sur le niveau de difficulté de l’activité?
Quelles ressources nécessaires doivent être mises en œuvre pour que les membres participants puissent retrouver une certaine stabilité après avoir relevé les défis prévus (chalet, source de chaleur, campement, temps en solitaire, temps libre)?
Groupe
Comment l’expérience de groupe permettra-t-elle d’atteindre les objectifs souhaités?
Qu’est-ce que le contexte de groupe apporte au processus?
Quelle est la taille du groupe idéal?
Quel est le niveau habituel de compétences sociales et d’aisance de ces personnes lorsqu’elles sont en groupe?
Quels sont les défis liés à l’expérience de groupe et quels moyens seront mis en œuvre pour les relever?
Comment les membres participants profiteront-ils des moments en solitaire et est-il souhaitable de réserver du temps pour ces moments?
Activité physique
Quelle est la durée totale du programme?
Quelles sont les capacités physiques et psychologiques des membres participants? La durée et l’intensité du programme sont-elles viables pour les membres participants?
Comment le niveau d’activité physique du programme peut-il être échelonné pour favoriser l’atteinte des objectifs?
Les membres participants devraient-ils se préparer physiquement avant les activités (par exemple, réunions préalables)?
Des conditions environnementales favorables, ou au contraire difficiles, auront-elles un effet sur l’effort physique requis et sur l’atteinte des objectifs?
Après avoir effectué des activités physiquement exigeantes, les membres participants seront-ils dans un état psychologique propice aux discussions si de tels échanges sont prévus et souhaités dans le programme?
Transfert
Quelles activités seront mises en œuvre pour favoriser le transfert?
Les objectifs du programme sont-ils clairement présentés au groupe?
Quelle technique de transfert sera privilégiée? La relation entre les objectifs et les activités doit-elle être explicite afin d’atteindre les objectifs visés?
Qui sera responsable de cet aspect du programme et de quelles activités?
Quels sont les outils recommandés pour concrétiser les transferts prévus (journaux de bord)?
Les techniques sont-elles cohérentes et réalistes par rapport au contexte du programme?
Quels sont les moments ciblés (avant, pendant, après) pour effectuer le transfert? Le calendrier a-t-il été conçu en fonction de cet aspect (p. ex., la distance à parcourir en fonction des activités de transfert prévues)?
Quels sont les lieux ciblés pour les activités de transfert (p. ex., promouvoir l’attention, assurer le respect de la vie privée ou de la confidentialité)?
Relation entre le personnel animateur et les membres participants
Quelles sont les cinq valeurs fondamentales du personnel animateur concernant le programme?
Quels sont les moyens et les moments prévus pour véhiculer ces valeurs au sein du groupe?
Quelles sont les forces et les compétences des membres de l’équipe (p. ex., connaissance de la population, aisance dans un environnement naturel, compétences techniques et de gestion des risques, aisance dans l’intervention en groupe) et comment seront-elles utilisées?
Quels sont les rôles de chaque membre de l’équipe? Quels sont les domaines où il y a chevauchement?
Quel est le degré d’encadrement nécessaire pour chaque activité afin d’aider les membres participants à atteindre leurs objectifs?

Conclusion

Ce chapitre visait à présenter les caractéristiques clés qui affectent les résultats des activités de thérapie par le plein air, d’abord en les expliquant théoriquement, puis en discutant de leur paramétrage. Ces caractéristiques sont l’immersion dans la nature, l’aventure, l’expérience de groupe, les niveaux d’intensité de l’activité physique, le type de transfert et la relation entre le personnel animateur et les membres participants. Un outil de planification des activités a été proposé pour faciliter l’intégration des principales caractéristiques dans des contextes pratiques.

Il serait utile de mettre à l’essai cet outil préliminaire dans le cadre de prochaines études pour en déterminer les forces et les limites. Il est essentiel de souligner que les caractéristiques clés semblent servir à la fois de mécanismes de changement et de facteurs d’incidence, et que leurs interrelations complexifient l’évaluation. Des études supplémentaires sur cette perspective seraient utiles. Une compréhension plus approfondie des processus impliqués dans la thérapie par le plein air pourrait permettre d’optimiser les bienfaits pour les membres participants. Qui plus est, les recherches en cours suggèrent que de nouvelles théories sous-jacentes sur l’obtention des bienfaits pourraient en émerger et nécessiter une étude plus approfondie.

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À propos des auteures

Virginie Gargano

Université Laval

Virginie Gargano est professeure et chercheuse à l’Université Laval et possède plus de 18 ans d’expérience en thérapie par l’aventure et en éducation en plein air. En plus de ses charges d’enseignement et de recherche, elle forme des médecins, des psychologues et des travailleurs sociaux à intégrer la nature et l’aventure dans leur pratique professionnelle. Elle est également coprésidente du Comité canadien de thérapie par l’aventure et a créé et mis en œuvre de nombreux programmes de thérapie par l’aventure et d’éducation en plein air au Québec au fil des ans.

Justine Pellerin

Université Laval

La maîtrise en travail social de Justine Pellerin, de l’Université Laval, portait sur les résultats d’une intervention de thérapie groupe par la nature auprès de jeunes adultes ayant connu un premier épisode de psychose. Elle travaille maintenant comme associée de recherche à l’Université Laval où elle étudie les effets des activités de plein air sur la santé et le bien-être. En tant qu’animatrice et conseillère, elle a proposé des programmes thérapeutiques en plein air à des jeunes qui surmontent des problèmes de dépendance et a aidé des instructeurs dans le cadre de cours d’éducation en plein air.

Roxanne Létourneau

Roxanne Létourneau est une ergothérapeute agréée depuis plusieurs années et travaille principalement avec des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale. Elle est également spécialisée dans la thérapie par le plein air et a géré un programme pour les jeunes ayant des problèmes de santé mentale au Québec. En outre, elle donne des cours d’éducation en plein air pour les professionnels de la santé mentale.

 

Icône de la licence Creative Commons Attribution – Pas d’utilisation commerciale – Partage dans les mêmes conditions 4.0 International

L’article Explication des principales caractéristiques de la thérapie par le plein air  (2024), par Virginie Gargano, Justine Pellerin et Roxanne Létourneau, est distribué sous la licence Creative Commons Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale 4.0 International, sauf indication contraire.

VI

Harmonie

14

14.

FAIRE QUE LES ENFANTS ET LES JEUNES RENOUENT AVEC LA NATURE POUR PRÉSERVER LA PLANÈTE

Alan Warner

Une école primaire de Nouvelle-Écosse a reçu une modeste subvention pour aménager une « classe extérieure » dans un petit fossé non loin de la cour de récréation. Une fois le projet achevé, le directeur m’a appelé pour me demander d’offrir au personnel enseignant une formation afin de développer une expertise sur l’utilisation optimale de l’espace avec les enfants. J’ai accepté et j’ai exploré les lieux avant de commencer ma planification. J’étais stupéfait de voir un bel aménagement naturel avec un petit ruisseau qui serpentait dans le ravin en contrebas. La classe extérieure se composait d’une vingtaine de grosses roches carrées disposées en rangées, où les enfants pouvaient s’asseoir. Cependant, la formation n’a jamais eu lieu, car elle se déroulerait pendant une journée chaude en pleine saison des mouches noires. Le directeur ne jugeait pas le moment opportun. Il avait probablement raison. Cela dit, j’ai rejeté sa proposition de donner la formation à l’intérieur ou dans la cour de récréation!

En somme, l’apprentissage en plein air est une notion complexe qui signifie simplement qu’une activité se déroule dans un endroit sans toit ni quatre murs. Rarement est utilisé le terme opposé : l’apprentissage intérieur. La clé d’un apprentissage significatif, motivant et fondé sur l’autonomisation autour de la nature réside dans une philosophie et des concepts pédagogiques qui orientent les programmes, et dans des activités, dans l’encadrement et les apprenant.e.s. Depuis 40 ans, je m’investis à la conception de programmes, à la recherche et à l’enseignement en plein air. Je me suis attardé sur les meilleures avenues pour reconnecter les enfants et les jeunes à la nature afin de former des personnes saines et respectueuses de l’environnement, soucieuses de la protection des espaces naturels et qui s’attaquent à des problèmes comme les changements climatiques, la perte de biodiversité, la réconciliation et l’injustice. Aligner 20 pierres ne favorise pas un bon apprentissage en nature et la mission la plus importante serait de procéder méthodiquement étant donné l’état de la planète. Une bonne éducation fondée sur la nature n’est qu’un élément important d’un objectif beaucoup plus ambitieux qui vise l’adoption de modes de vie plus durables et plus équitables et la réduction des impacts significatifs environnementaux sur les systèmes. En suivant la trame ci-dessous, le chapitre décrit la raison d’être (pourquoi), le contenu (quoi) et le processus (comment) de la concrétisation de cette mission pédagogique selon des recherches et des pratiques actuelles au Canada. Il préconise une approche expérientielle et locale, fondée sur des expériences dans la nature et la collectivité, et s’inspire largement d’un cadre d’éducation à la terre (Van Matre, 1990) et de l’apprentissage local (Sobel, 2008).

Tableau 1 : Renouer avec la nature : résumé du pourquoi, du quoi et du comment
POURQUOI renouer avec la nature?
  • Personnes en bonne santé
  • Relations saines
  • Planète saine
QUELLES leçons en tirer?
  • Sentiments et attachement
  • Compréhension
  • Aptitudes à agir
COMMENT renouer les liens?
  • Expériences sur le terrain
  • Expériences des solitudes
  • Expériences inspirées d’histoires

POURQUOI faire en sorte que les enfants et les jeunes renouent avec la nature?

Personnes en bonne santé

À cause de la pandémie de COVID et des restrictions, les gens ont été cloîtrés dans leur foyer, une problématique mise en évidence et documentée pendant de nombreuses années par les chercheurs en psychologie et en éducation. Les personnes de tous âges ont besoin de passer du temps dans la nature en raison des bienfaits pour la force psychologique, la santé et le bien-être. Fromm (1964), éminent théoricien de la psychologie, et Wilson (1984, 2002), biologiste chevronné et brillant, ont chacun proposé le concept de la biophilie : les humains ont un besoin inné d’être en symbiose avec la nature (Barbiero et Berto, 2021). Wilson (2002) évoque « notre tendance innée à nous attacher à la vie et aux formes de vie et, dans certains cas, à créer des liens émotionnels » (p. 134). Louv (2008, 2016) a proposé les notions de « trouble du déficit de la nature » et de « vitamine N (nature) », colligeant une panoplie de recherches qui démontrent qu’une exposition fréquente à la nature est essentielle au développement cognitif, psychologique et physique de l’enfant, qu’il soit question d’acuité mentale, de créativité ou de bien-être.

La privation de nature a été associée à la dépression, à l’anxiété, à l’obésité et aux troubles déficitaires de l’attention. Les travaux de Louv ont inspiré la création du Child and Nature Network, un réseau mondial qui propose des ressources et des recherches actualisées dans le domaine. Au Canada, plus de 80 % des enfants ne respectent pas les recommandations sur le sommeil, le temps d’écran et l’activité physique (Nature Canada, 2018). Cette recherche porte sur la pertinence des activités de plein air de tous genres, mais également sur la valeur inhérente de l’interaction des enfants et des jeunes avec d’autres formes de vie, comme moyen de favoriser un développement psychologique sain.

Relations saines

Le Halifax Adventure Earth Centre propose des expériences en nature aux enfants et aux jeunes depuis plus de quarante ans et met de l’avant l’un des intérêts de mon travail : faire que les enfants et les jeunes renouent avec la nature. Je cherche toujours à comprendre pourquoi leur groupe d’encadrement des jeunes est si fort et pourquoi ses membres sont si investis. Ce n’est pas une tâche simple de susciter l’intérêt des adolescents pour les programmes communautaires. Je leur demande souvent pourquoi ils y participent, et ils me répondent en général que « cet endroit », c’est-à-dire l’espace social, est « différent ». Ils soulignent l’absence de la compétition et des humiliations vécues dans beaucoup d’écoles et de groupes de pairs : « Ici, tout le monde est gentil avec vous, peu importe qui vous êtes, ou votre apparence. » En se penchant sur la question, on observe que l’un des fondements de cette culture de la jeunesse est le temps passé en camp de vacances et dans la nature, à raison d’une fin de semaine par mois. Les jeunes se tiennent donc loin des médias sociaux et de la pression des pairs dans un espace où l’exploration et le développement de l’équipe et du groupe vont de pair. Ces anecdotes sont étayées par des résultats de recherche, qu’il s’agisse des bienfaits des écoles en forêt dans le développement des compétences sociales (Obrien et Murray, 2007) ou de la pertinence des espaces verts dans la promotion du jeu prosocial et coopératif chez les enfants (Putra et coll., 2020). Les environnements naturels offrent des expériences sensorielles enrichissantes avec d’autres formes de vie que les enfants et les jeunes, isolées des pressions quotidiennes, peuvent apprécier et vivre avec leurs pairs.

Planète saine

Je commence souvent les ateliers et les cours d’initiation à l’environnement destinés aux jeunes et aux adultes en demandant aux participants s’ils ont passé beaucoup de temps dans la nature lorsqu’ils étaient enfants. Presque tout le monde lève la main. Nous reconnaissons immédiatement qu’il s’agit d’un élément essentiel qui distingue les personnes présentes des absents au sein d’une cohorte particulière. Le constat confirme les résultats des recherches menées depuis des décennies : les adultes et les jeunes qui ont vécu des expériences positives et significatives dans la nature pendant l’enfance sont plus enclins à s’impliquer en faveur de l’environnement et de devenir des citoyens exemplaires qui s’en soucient (Chawla, 2020).

Ces moments peuvent d’ailleurs susciter un sentiment de bien-être et d’optimisme constructif, comme la volonté de lutter contre la perte et la dégradation de l’environnement, un problème accablant et une source de désespoir. Plusieurs ingrédients favorisent un tel engagement et un tel espoir à l’égard de l’environnement : beaucoup de temps pour explorer et jouer en plein air (seul et avec des pairs), des modèles inspirants (parents, enseignants) qui soutiennent et encouragent la connexion avec la nature et des possibilités de la défendre. Ce n’est pas un hasard si la biodiversité et la santé des écosystèmes sont endommagées par l’humain, alors que les enfants et les jeunes grandissent dans des villes où l’accès à la nature est limité et passent plus de temps à l’intérieur et devant des écrans. Les démarches pour renouer avec la nature et la protéger diffèrent selon les contextes culturels, mais le besoin de connexion est commun.

En résumé, il est essentiel de replonger les enfants et les jeunes dans la nature pour former des personnes en santé, nouer des relations harmonieuses et intervenir pour protéger et préserver une planète saine. Les familles, les écoles et les communautés éprouvent de plus en plus des difficultés à remplir cette mission. Cela dit, les problèmes sont davantage connus et un large éventail de personnes et d’organismes passent à l’acte. Que faut-il faire?

QUELLES leçons en tirer?

Sentiments et attachement

Il faut développer un sentiment de bienveillance et d’attachement envers les autres créatures et les espaces naturels. Les enfants sont fascinés par presque tous les animaux, qu’il s’agisse d’un insecte sur un trottoir ou d’une grenouille dans un étang. Il faut simplement les laisser découvrir. Le fait est avéré : les nourrissons sont souvent plus heureux à l’extérieur, où les formes, les mouvements et les sons sont doux (le vent dans les arbres), qu’à l’intérieur, où ils sont si souvent exposés à des surfaces dures et au bruit omniprésent. Nos tout-petits adorent être dehors. Pourtant, on entend trop souvent : « Fais attention », « Ne te salis pas », « Ne t’éloigne pas trop ». « Promenons-nous en poussette » a remplacé « Allons dans les bois ».

Traditionnellement, en Amérique du Nord, les cultures et les modes de vie autochtones sont profondément enracinés dans le vécu en pleine nature. Sans surprise, à ce jour, bon nombre de ces cultures, malgré les menaces d’extinctions au fil des siècles, ont transmis plus de valeurs environnementales profondes et de liens avec la nature d’une génération à l’autre que les cultures coloniales dominantes. L’ingrédient indispensable pour développer un respect pour la nature est d’y passer du temps de qualité, peu importe l’identité culturelle de chacun. Par exemple, Being Caribou (Heuer, 2006) raconte l’histoire captivante d’un biologiste de la faune et de sa partenaire qui ont suivi un troupeau de caribous pendant cinq mois dans l’Arctique. En s’immergeant avec eux dans la nature, ils se sont mis à penser et à se sentir comme des caribous, abandonnant l’idée que ces créatures n’étaient intéressantes que du point de vue scientifique. L’attachement à la nature ne se limite pas aux cultures autochtones : d’autres peuples peuvent en témoigner en y vivant des moments agréables. Carson (1956) dresse un constat similaire de manière éloquente :

pour conserver son sens inné de l’émerveillement, l’enfant doit être encadré par au moins un adulte qui partage ce sentiment, redécouvrant avec lui la joie, l’ivresse et le mystère de notre monde (p. 42).

Certains ont plaidé en faveur d’une approche fondée sur la connaissance pour présenter le monde naturel aux enfants : « si vous vous renseignez sur un sujet, vous vous y intéresserez ». Néanmoins, une telle approche rationnelle de la prise en charge et de l’action, reposant sur l’information, n’a pas été étayée par la recherche (Kollmuss et Agyeman, 2002). Selon Van Matre (1990), la voie vers la connexion avec l’environnement et sa protection par les êtres humains passe plutôt par l’expérience et l’attention que les gens portent au monde naturel, et la volonté d’en apprendre davantage. Ensuite, ils agiront. La priorité absolue est de nourrir l’attachement à la Terre, les affinités avec tous les êtres vivants, le respect des communautés et la joie d’être en contact avec la nature.

Compréhension

Les sentiments et la curiosité sont de mise pour que les sociétés humaines s’attaquent aux impacts environnementaux de plus en plus nuisibles aux modes de vie actuels et redressent la courbe négative de la crise de la biodiversité et de la crise climatique. Mais tout changement positif requiert une compréhension fondamentale du fonctionnement des systèmes écologiques, de la dépendance humaine à ces derniers et des interactions avec ces milieux. Par exemple, la planète ne produit pas davantage de ressources : les cycles de l’air, de l’eau et du sol ne font que les déplacer. Lorsque vous inspirez, vous respirez des molécules d’air jadis inhalées par les dinosaures. Pourtant, les personnes et les communautés ne parviennent pas à mettre en application cette compréhension dans leurs modes de vie et leurs infrastructures.

Il y a quelques années, une localité a proposé d’éliminer les polluants issus du nettoyage à sec qui se retrouvaient dans l’eau potable en aérant l’eau et en portant à ébullition les gaz dans l’air. Qu’en est-il alors des toxines? En quoi cette solution est-elle utile? Chacun doit comprendre les concepts écologiques généraux comme le rôle des matières circulant dans les cycles de l’air, de l’eau et du sol, l’importance de l’énergie solaire pour la chaîne alimentaire, les interactions entre les espèces au sein des écosystèmes et l’évolution naturelle au fil du temps (Van Matre, 1990). De telles connaissances permettent de prendre des actions raisonnées et responsables.

Aptitudes à agir

Se préoccuper de la nature et comprendre les mesures nécessaires pour modifier les modes de vie de l’humain ou les politiques et les comportements collectifs ne suffisent pas. Agir requiert des aptitudes, qu’il s’agisse de la confiance en soi pour assumer des choix de vie malgré la pression négative des autres, la rédaction efficace d’une lettre à une personnalité politique ou la prise de parole à une assemblée publique. Tout comme on apprend à jouer d’un instrument en faisant ses gammes, on apprend à agir pour l’environnement en menant des actions avec d’autres. Une telle démarche fait partie du développement de la compétence d’action (Jensen et Schnack, 1997), qui exige de l’engagement et de la bienveillance, des connaissances et une bonne compréhension, de la réflexion pour déterminer les mesures adéquates, et des expériences d’action pour renforcer la confiance et les compétences nécessaires pour agir. Il faut donc encourager les contributions des jeunes dans le cadre du processus pédagogique, non pas dans le but de provoquer un changement environnemental, bien qu’il puisse être positif, mais pour améliorer leurs aptitudes à agir. Il n’est ni nécessaire ni pertinent d’espérer que des enfants fassent preuve d’un radicalisme extrême. Ils peuvent plutôt s’affairer à réduire les répercussions de leur mode de vie sur l’environnement ou de mettre l’épaule à la roue pour défendre un milieu naturel ou une espèce à laquelle ils sont très attachés et qu’ils veulent protéger ardemment.

En somme, une initiation à l’environnement instructive en plein air doit être holistique et reposer sur les sentiments (le cœur), la compréhension (la tête) et les actions (les mains). Le constat n’est guère surprenant en raison des nombreuses recherches et pratiques documentant les bienfaits de l’apprentissage intégré et global dans plusieurs domaines (Anderson et coll., 2017).

Comment faire en sorte que les enfants et les jeunes renouent avec la nature?

Expériences sur le terrain

L’identité personnelle se construit d’une multitude de facteurs qui procurent un sentiment de soi. Elle est enracinée dans des valeurs ancrées et se manifeste dans les sentiments, les pensées et les actions. Petite anecdote; un soir, j’accueillais un groupe d’adultes pour discuter de solutions pour acheter des aliments plus durables pour nos foyers. Un homme a soutenu qu’il faisait toujours tout son possible pour se procurer des pommes biologiques, car il a grandi sur une pommeraie et qu’il connaît parfaitement la différence entre les pommes biologiques et celles traitées par pesticides. Une femme a affirmé qu’elle achetait toujours des œufs de poules élevées en liberté, car sa famille en possédait lorsqu’elle était enfant et elle connaissait la qualité des œufs frais. Aucun des deux ne s’est engagé à acheter d’autres articles de manière durable. Ces exemples montrent comment nos premières expériences et nos liens avec les lieux de l’enfance contribuent à créer nos valeurs et nos attachements les plus profonds. La clé d’un lien fort avec la nature est d’y pratiquer de nombreuses activités, dès la petite enfance. C’est la raison d’être du développement et de la popularité grandissante des écoles en forêt, où les jeunes enfants explorent et jouent quotidiennement.

Sobel (2008), théoricien et philosophe de l’éducation chevronné, a longtemps observé le jeu des enfants et détermine sept caractéristiques des expériences dans la nature fondamentales pour les types d’apprentissages qu’ils cherchent, peu importe leur culture. Il s’agit de l’aventure, de la fantaisie et de l’imagination, des animaux alliés, des cartes et des sentiers, des lieux spéciaux, des petits écosystèmes et de la chasse et de la cueillette. Comme le soutient Sobel (2008, p. 13), « une expérience transcendante dans la nature vaut mille faits de nature ». La mission pédagogique est d’offrir aux enfants et aux jeunes des expériences dans les espaces qui incarnent ces particularités. Pour certains, le milieu naturel le plus proche est une forêt, mais pour d’autres, on parle d’un fossé, d’une arrière-cour ou d’un terrain vague envahi par la végétation, où ils peuvent découvrir d’autres formes de vie. La possibilité d’interagir avec environnement semi-sauvage est déterminante, et non la qualité écologique. Les bienfaits pour les enfants de s’amuser avec de « petits objets » sont généralement reconnus dans les établissements préscolaires, mais il n’y a pas mieux que des pommes de pin dans les forêts, des tas de feuilles ou des cailloux dans un ruisseau. La structure varie en fonction des enfants et du contexte, mais les activités doivent viser un but précis, qu’il s’agisse de renforcer des sentiments (apprécier la beauté du lieu), d’acquérir des connaissances écologiques (sécrétion de sucre par les feuilles) ou de développer des compétences d’action (réflexion sur des expériences par l’art ou la prose). L’objectif pourrait être par exemple de s’amuser de sorte à susciter un véritable engouement.

Un programme environnemental de plein air qui incarne le principe est Eco-Champions, camp d’été de jour organisé par le Halifax Adventure Earth Centre en Nouvelle-Écosse. Des groupes de sept à neuf ans s’assoient en cercle sur des bancs dans une clairière paisible et protégée. L’attention est rivée sur une forme humaine scintillante en mouvement au loin à travers les arbres. L’histoire commence…

Il y a longtemps, bien avant notre ère, beaucoup de métamorphes vivaient dans la nature. Les gens aimaient les observer et les découvrir sous toutes leurs formes et apprécier les beautés de la nature. Mais au fil du temps, les humains se sont faits rares dans les forêts et ont graduellement oublié ces créatures. Oubliés et délaissés, les métamorphes sont devenus tristes, silencieux et immobiles. Aujourd’hui, ils sont presque figés dans la nature, sous forme de cailloux, de branches ou de petits buissons. La forme mouvante au loin est probablement Epash, l’un des derniers métamorphes encore présents ici. Elle survit en jouant à cache-cache avec les enfants qui viennent apprécier la forêt. Mais Epash a besoin d’un ami. C’est pourquoi elle se montre, même si les métamorphes sont très timides. L’espèce d’Epash est en voie de disparition et elle a besoin de vous pour ramener un autre métamorphe à la vie.

Les enfants se lancent ensuite dans une chasse au trésor pour ressusciter un autre métamorphe en ravivant de bons sentiments grâce à l’appréciation des formes dans la forêt. Tout au long de la journée, ils découvrent les créatures en voie d’extinction et apprennent à comprendre leur rôle. Pour revenir aux thèmes de Sobel, les enfants entreprennent une aventure fantastique et une chasse au trésor intégrées au récit, en utilisant des cartes pour trouver des endroits exceptionnels et devenir des alliés des animaux.

Le leadership est l’un des éléments essentiels propices aux expériences significatives dans la nature. Les animateur.trice.s ne sont pas des spécialisés debout à l’avant pour « enseigner » : ce sont des personnes bienveillantes qui échangent et interagissent avec les enfants tout au long des activités, en stimulant leur créativité et en leur préparant le terrain de jeu pour explorer et découvrir la nature. Si les enfants explorent le petit monde d’une souche avec une loupe, les animateur.trice.s les encadrent et observent leurs découvertes. La nature est l’enseignante et l’humain s’assure que tout le monde participe.

Comment enseigner un concept écologique de cette manière? Dans Eco-Champions, assis dans la forêt, les enfants apprennent le concept d’habitat avec des animaux mignons en peluche, portant une étiquette autour du cou qui décrit sommairement où ils trouvent leur nourriture, leur eau, leur air et leur abri. Par pair, ils en adoptent une et utilisent les renseignements pour choisir un endroit approprié proche de son habitat. Les équipes font ensuite visiter au groupe le lieu trouvé et expliquent pourquoi il est adéquat. À la fin de l’activité, l’animateur.trice les aide à analyser leurs expériences et à comprendre et nommer les concepts écologiques de maison, d’habitat et de communauté. Un apprentissage soigneusement conçu est holistique, et les sentiments, la compréhension et les compétences d’action peuvent en être tirés et appliqués pour la suite. L’animateur.trice organise et encadre, mais la nature enseigne.

Expériences de la solitude

Un deuxième élément pour reconnecter les enfants et les jeunes à la nature est de proposer des expériences de la solitude significatives. Le Halifax Adventure Earth Centre organise chaque année un camp d’été qui accueille des enfants de 10 à 12 ans et qui est axé sur le thème de l’environnement et l’aventure. Le programme mise sur la nature et offre une expérience haute en couleur avec des personnages dramatiques, des effets spéciaux, des accessoires et des surprises tape-à-l’œil. Cependant, à maintes reprises, lorsque les parents viennent les chercher, les enfants leur demandent d’emblée de venir voir leur « endroit magique », l’espace personnel dans la forêt où ils ont vécu 20 minutes de solitude. Les moments dans la nature avec des pairs sont inestimables, mais le temps passé seul avec des espèces différentes est autant une expérience essentielle et irremplaçable pour concrétiser les bienfaits de l’environnement pour les enfants de tous âges, les jeunes ou les adultes.

La structure des expériences de la solitude varie en fonction de l’âge et du contexte, mais pas l’importance. Les jeunes enfants peuvent s’éloigner de quelques pas d’un cercle dans la forêt et étreindre un arbre pendant quelques minutes, et des adolescents minutieusement préparés peuvent passer vingt-quatre heures seuls dans un lieu d’observation. Plusieurs options existent entre les deux extrêmes, selon l’âge et le contexte. Les personnes responsables de groupes plus importants minimisent parfois trop rapidement la valeur de la solitude en raison de la complexité de l’organisation. Les enfants et les adultes abordent mal la solitude, car ils en font rarement l’expérience. Elle doit donc être introduite de manière progressive, réfléchie et planifiée. Pour les enfants, l’initiation en petits groupes avec des attentes claires, des histoires captivantes et des règles de base rigoureuse est une recette gagnante. Ces derniers y trouvent un plaisir une fois qu’ils se familiarisent avec le concept. Être bien seul est une aptitude essentielle qui permet aux enfants et aux adultes de diminuer le stress, d’être heureux et de prendre soin de la nature.

Expériences inspirées d’histoires

Pour organiser des expériences, les êtres humains s’inspirent des récits, troisième volet clé du programme. Nous établissons des relations et racontons nos vies en partageant des histoires. Les enfants sont en quête d’apprentissages significatifs et motivants lorsqu’il est question de perception du monde. Les histoires les captivent et présentent les attraits que David Sobel (2008) cite comme étant essentiels pour les rattacher à leur milieu de vie. Les programmes basés sur des histoires sont attrayants et appréciés par les jeunes et les adultes, qui veulent d’abord comprendre les objectifs pédagogiques pour s’assurer qu’ils correspondent aux leurs. Une fois qu’ils ont toute l’information, ils adorent jouer un rôle et prendre part à une aventure, une quête, une énigme ou une mission de résolution de problèmes.

Mysterious Encounters Earth du Halifax Adventure Earth Centre est justement un programme destiné à des enfants de la 5e et 6e année invités à rejoindre une petite agence de détectives et à devenir des enquêteurs en herbes, tout en cherchant la formule de la vie, qui doit être découverte par la classe lors d’une journée d’aventure dans un parc voisin. Les enfants comprennent que s’ils touchent la terre (développer des sentiments pour la nature), en connaissent le fonctionnement (comprendre les concepts écologiques de base, le flux d’énergie en l’occurrence) et en prennent soin (définir des mesures précises pour favoriser un mode de vie plus durable), ils œuvreront en faveur d’une alimentation saine, d’une eau propre et d’un air pur pour tous. Les animateur.trice.s (bénévoles universitaires ou du secondaire) sont des détectives qui travaillent pour l’école, dirigée par le « chef », et leur parcours réserve bien des surprises.

Le rassemblement final permet de définir de futures expériences de travail selon la formule, qui leur donnent l’occasion de se connecter à la nature et d’agir en sa faveur. Il existe de nombreuses possibilités d’intégrer des histoires dans les programmes et de donner aux enfants et aux jeunes des rôles, avec des livres ou par l’aventure, des chasses au trésor ou des mystères. L’objectif peut également être d’accomplir un geste réel ou significatif pour l’environnement comme une collecte de fonds pour protéger une parcelle de terre ou la création d’une petite entreprise offrant un service lié à la durabilité. Il faut donner aux participants des rôles reflétant leurs expériences plutôt que d’imposer tout bonnement des activités ou des apprentissages uniquement liés aux objectifs ou thèmes pédagogiques.

Deux ressources intéressantes pour explorer la théorie et les concepts qui étayent une telle approche sont Creating Worlds, Constructing Meaning : The Scottish Storyline Method (Cresswell, 1997) et Drama for earning: Dorothy Heathcote’s Mantle of the Expert Approach to Education (Heathcote et Bolton, 1995).

Les expériences inspirées des lieux, de solitude et d’histoires sont pertinentes pour créer une plateforme permettant aux enfants de nouer des liens avec la nature afin de renforcer leurs sentiments, leur compréhension et leurs compétences d’action. Un autre ingrédient est incontournable : certains l’appellent « magie » (Van Matre, 1990), et d’autres « transcendance » (Sobel, 2008). Ce moment spécial ou ce sentiment forme un liant et grave les expériences dans les esprits. La nature est impressionnante et ces moments surviennent si l’on se trouve à l’extérieur, au bon endroit ou dans la bonne position. Citons par exemple l’éclosion de tortues serpentines dans le gravier, un renard furtif au bord d’un champ ou une luciole scintillante en pleine nuit d’été.

De tels événements sont perpétuels dans la nature, mais l’humain en est rarement témoin. L’animateur.trice doit donc offrir aux personnes l’occasion de vivre une telle magie, seules ou en groupe. Je me rappelle un après-midi. J’étais responsable d’un petit groupe d’enfants en camp d’été, tous assis dans leur coin de solitude, à l’abri des regards. Ils étaient recouverts d’un « voile du silence » et devaient rester silencieux pendant vingt minutes. À ce moment, une biche se promenait. Les enfants l’ont remarquée, mais sont restés immobiles et calmes jusqu’à la fin lorsque le voile a été levé. La biche a senti leur présence, mais elle n’a été ni effrayée ni perturbée par le silence et l’immobilité des enfants. Lors du cercle du partage, tous se sont exclamés en chœur qu’ils avaient vu l’animal, chacun pensait être le seul. Quel moment inoubliable et magique! Cela dit, si je n’avais pas soigneusement encadré cette expérience de la solitude, ils ne l’auraient pas vécue. Être témoin de la magie de nature est transcendant, surtout grâce à l’intervention des animateur.trice.s, que se soit en encadrant rigoureusement l’exercice ou en donnant à un enfant du temps d’exploration.

Renouer avec la nature sur la côte ouest

Sea to Sky est un excellent exemple d’école en plein air en Colombie-Britannique qui incarne l’approche de l’éducation environnementale décrite dans le chapitre. Elle offre depuis plus de 30 ans une panoplie de programmes aux établissements de la Sunshine Coast. Le programme en 3e et 4e année, Webweavers, est une expérience magique permettant aux élèves de remporter un globe bleu en découvrant images, sons, textures et saveurs du monde sauvage. Ils gagnent un globe vert en acquérant la sagesse qu’offre la nature : interconnexion, systèmes et cycles. Ils obtiennent un globe jaune en participant à un projet pour renforcer la communauté. À la fin du programme, ils remportent un globe orange en faisant part de leurs apprentissages à leur famille et leurs amis et un globe rouge en participant à un projet communautaire dans leur école. Le programme au secondaire, Connections, met l’accent sur l’importance de ralentir, de vivre le moment présent et de découvrir la joie et l’inspiration que procurent les lieux sauvages. La solitude et des activités rigoureusement planifiées incitent les jeunes à participer et à trouver des solutions porteuses d’espoir pour relever les défis environnementaux et sociaux.

Conclusion

Proposer des expériences dans la nature, inspirées du lieu, de la solitude et des récits, qui renforcent des sentiments, la compréhension et les compétences d’action, permet de contrecarrer les nombreuses pressions sociales constantes, qui poussent les enfants et les jeunes vers des modes de vie en ligne, stressants et matérialistes. Les concepts présentés dans le chapitre correspondent aux savoirs autochtones, qui ont survécu et se sont renforcés au fil du temps malgré les tentatives du courant dominant de les réduire au silence. Albert Marshall, un aîné micmac a inventé l’expression « regarder avec les deux yeux »,

c’est-à-dire valoriser les atouts des savoirs et des modes de connaissance autochtones et tenir compte des forces des savoirs et des modes de connaissance occidentaux, et apprendre à tirer profit des deux, pour le bien-être de tous (Hatcher et. coll., 2009, p. 335).

Une telle approche favorise un apprentissage en plein air propice au développement de personnes en bonne santé, de relations saines et d’une planète saine. Le Natural Curiosity Resource Manual (Anderson et coll., 2017) est une ressource canadienne précieuse qui regroupe de nombreux concepts du chapitre en vue d’une mise en pratique beaucoup plus approfondie, y compris les liens avec les points de vue autochtones. Les animateur.trice.s rigoureux peuvent tirer avantage de beaucoup d’autres ressources et occasions dans leur parcours en plein air et en environnement plus efficace, lorsqu’il est question d’enseignement autour du thème de la nature. La justification, le contenu et les approches présentés dans le chapitre tracent le chemin pour une exploration et un apprentissage plus approfondis. Il n’y a pas de mission plus importante que d’œuvrer pour une planète plus saine.

Bibliographie

Anderson, D., Comay, J. et Chiarotto. (2017). Natural Curiosity 2.0: A Resource for Educators. Toronto: The Laboratory School at the Dr. Eric Jackman Institute of Child Study, Ontario Institute for Studies in Education. https://www.naturalcuriosity.ca

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Bartlett, C., Marshall, M. et Marshall, A. (2012). Two-eyed seeing and other lessons learned within a co-learning journey of bringing together indigenous and mainstream knowledges and ways of knowing. Journal of Environmental Studies and Sciences, 2, 331-340.

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Nature Canada. (2018). Le temps passé devant l’écran et le temps vert : les effets sur la santé. https://naturecanada.ca/wp-content/uploads/2018/12/NOV-23-FINAL-Contact-Info-Nature-Canada-report-Screen-Time-vs-Green-Time.pdf

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Sobel, David (2008). Childhood and Nature: Design Principles for Educators. Stonehouse.

Van Matre, Steve (1990). Earth Education: A New Beginning. Institute for Earth Education.

Wilson, O. Edward. (1984). Biophilia. Les Presses de l’Université Harvard, 1989.

Wilson, E. O.(2002). The Future of Life. Alfred A. Knopf.

Ressources

À propos de l’auteur

Alan Warner

Université Acadia

Alan Warner est professeur émérite en développement communautaire et en études sur l’environnement et la durabilité à l’Université Acadia, à Wolfville, en Nouvelle-Écosse. Depuis plus de quarante ans, il conçoit, dirige, étudie et évalue des programmes d’éducation environnementale en plein dans la province. Le Réseau canadien d’éducation et de communication relatives à l’environnement lui a décerné à deux reprises le titre d’éducateur environnemental postsecondaire de l’année.

 

Icône de la licence Creative Commons Attribution – Pas d’utilisation commerciale – Partage dans les mêmes conditions 4.0 International

L’article Faire en sorte que les enfants et les jeunes renouent avec la nature pour préserver la planète (2024), par Alan Warner, est distribué sous la licence Creative Commons Attribution – Pas d’utilisation commerciale – Partage dans les mêmes conditions 4.0 International, sauf indication contraire.

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15.

NOUVEAU MODÈLE HOLISTIQUE DE PROMOTION DE L’ÉCOSANTÉ

Stephen D. Ritchie, Jonah D’Angelo, Ginette Michel, Jim Little et Sebastien Nault

Au Canada, l’apprentissage en plein air est un terme très général qui représente de nombreux contextes et pratiques hétéroclites, allant des loisirs (y compris le camping et le tourisme) à l’éducation et au développement, en passant par la thérapie ou les programmes thérapeutiques (Priest, 2023). Selon Berman et Davis-Berman (2000), ces désignations d’apprentissage en plein air reflètent un continuum allant de programmes peu complexes menant à des résultats imprévus (p. ex., camping et loisirs) à des programmes très complexes menant à des résultats intentionnels (thérapie).

Dans la plupart des contextes, l’apprentissage en plein air est fondé sur l’esprit, le corps et les émotions d’une personne dans le cadre d’une relation complexe avec d’autres personnes et la nature d’une manière planifiée (intentionnelle) ou imprévue (indirecte). D’autres relations comprendraient aussi un lien avec le cosmos (Dieu, le Créateur ou une puissance supérieure), particulièrement lorsque l’apprentissage en plein air concerne des organisations ayant une appartenance religieuse ou offrant des programmes axés sur les terres autochtones. Il est très clair que l’apprentissage en plein air constitue un processus positif, éducatif, évolutif ou guérissant, selon le contexte. Autrement dit, l’apprentissage en plein air aide les gens à s’amuser ou à améliorer leur vie dans la nature ou en lien avec celle-ci. Il n’est donc pas difficile d’examiner l’apprentissage en plein air du point de vue de l’écosanté. Ce chapitre a pour objectif de présenter un nouveau modèle holistique de promotion de l’écosanté constituant un cadre pouvant être pouvant servir de ressource pour les programmes d’apprentissage en plein air, les intervenants et les promoteurs de la santé.

Qu’est-ce que l’écosanté?

Il s’agit d’une pratique qui adopte des approches systémiques pour promouvoir la santé des personnes, des animaux et des écosystèmes dans le contexte des interactions sociales et écologiques. On considère que la santé comprend le bien-être social, mental, spirituel et physique. Elle ne constitue pas seulement l’absence de maladie. En tant que contraction d’approches écosystémiques, l’écosanté met l’accent sur notre capacité d’agir et la pensée systémique pour promouvoir le bien-être et la qualité de vie (Parkes et coll., 2014, p. 1170).

Cette définition est plus large et plus holistique que la définition offerte par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS, 1948) selon laquelle la santé est « un état de bien-être physique, mental et social complet et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité » (p. 1). Plutôt que de se concentrer sur la santé d’une personne, l’écosanté s’attarde à l’établissement et au maintien de relations réciproques saines entre les humains et l’ensemble de l’écosystème dans lequel ils vivent, travaillent, s’amusent ou apprennent.

Le concept de l’écosanté est similaire à d’autres concepts, comme ceux d’une seule médecine et une seule santé (Zinsstag et coll., 2011) et de santé globale et planétaire (Parsons, 2020). Toutefois, d’autres comparaisons des similitudes et des différences dépassent la portée du présent chapitre, et elles ont été abordées ailleurs (Harrison et coll., 2019). L’écosanté ressemble également à des approches comme l’écopsychologie (Roszak et coll., 1995), l’écothérapie (Jordan et Hinds, 2016) et la thérapie axée sur la nature (Harper et coll., 2019). Cependant, chacune de ces disciplines utilise son propre corpus de documentation, et l’examen des similitudes et des différences dépasse lui aussi la portée du présent chapitre.

Quelles sont les données probantes associées aux bienfaits holistiques pour la santé que procure l’apprentissage en plein air dans la nature?

De plus en plus de données probantes sont recueillies concernant la multiplication des bienfaits holistiques pour la santé entraînés par le contact avec la nature et la participation à différents programmes et activités en plein air. Les examens systématiques et les méta-analyses sont des méthodologies de recherche qui permettent de compiler et de résumer la qualité des données probantes provenant de toutes les études publiées sur la même question ou le même sujet de recherche. Les examens systématiques peuvent se fonder sur des analyses qualitatives ou quantitatives pour synthétiser ces données.

Les analyses qualitatives comprennent généralement le regroupement des résultats sous forme de thèmes communs parmi toutes les études. Une méta-analyse est une analyse quantitative qui permet de regrouper tous les résultats numériques des études puis, habituellement, de calculer l’ampleur de l’effet. L’ampleur de l’effet est une méthode statistique qui permet de calculer l’ampleur d’un changement ou d’une amélioration, et l’interprétation couramment acceptée de Cohen (1988) est qu’une valeur inférieure à 0,2 est faible, une valeur de 0,5 est moyenne et une valeur supérieure à 0,8 est importante. Lorsque l’ampleur de l’effet est positive, il s’agit d’un changement positif et si la valeur est négative, le changement est négatif (1988). Il convient de noter qu’une faible valeur d’ampleur de l’effet n’est pas nécessairement banale, surtout si les résultats regroupés des études retenues étaient statistiquement importants.

De nombreux chercheurs considèrent que les examens systématiques et les méta-analyses sont les formes de données probantes les plus crédibles. Ainsi, en se fondant sur les données probantes tirées de plus d’une centaine d’examens systématiques et de méta-analyses variés, les sections suivantes résument certaines de ces données probantes par rapport aux différents bienfaits holistiques pour la santé obtenus dans le cadre de divers contextes d’apprentissage en plein air.

Données probantes de l’examen systématique associé au camping et aux loisirs

En 1994, Cason et Gillis ont effectué une méta-analyse de l’aventure en plein air auprès d’adolescents. Après l’analyse des 43 études retenues, l’ampleur de l’effet moyenne était de 0,31 par rapport à plusieurs résultats différents (concept de soi, amélioration du comportement, source de détermination, amélioration clinique, notes, fréquentation scolaire). Marsh (1999) a réalisé une méta-analyse sur l’expérience de camping organisé pour les jeunes dans le cadre de laquelle 22 études étaient retenues. Tout indiquait que la participation au camp améliorait la construction de soi, un terme général faisant référence à l’épanouissement personnel.

Walker et Pearman (2009) ont passé en revue quatre examens systématiques indépendants sur les camps thérapeutiques pour les enfants et les jeunes atteints de maladies chroniques. Ils ont affirmé que ces camps améliorent l’estime de soi, la connaissance de la maladie, l’équilibre émotionnel, l’adaptation à la maladie et le contrôle des symptômes (Pearman, 2009). Selon Holland et ses collaborateurs (2018), participer à des activités récréatives en nature peut favoriser le développement personnel, les comportements prosociaux, le rétablissement de la santé mentale et la gérance de l’environnement; et Pierskalla et ses collaborateurs (2004) ont constaté que la participation à des activités récréatives en plein air favorisait la forme physique, le sentiment d’être en meilleure santé, l’acquisition de compétences, la confiance, l’autonomie et le renforcement de la spiritualité.

Pour les étudiant.e.s qui participent à des programmes d’activités récréatives en plein air sur le campus, les « bienfaits comprennent de meilleurs résultats scolaires, des transitions plus harmonieuses vers les collèges, une meilleure santé mentale et physique, des niveaux inférieurs de stress et d’anxiété, des relations sociales plus saines et plus nombreuses, de meilleures compétences intrapersonnelles et interpersonnelles, une sensibilité accrue à l’environnement et une meilleure connexion à la nature » (Andre et coll., 2017, p. 15) [traduction].

Deux méta-analyses portant sur les parcours d’entretien physique ont permis de conclure qu’il y avait une augmentation statistiquement importante de la conscience de soi (Ferrell, 2017) et de l’efficacité du groupe (Gillis et Speelman, 2008). Il n’est pas surprenant que la valeur correspondant à l’ampleur de l’effet soit plus élevée chez les groupes des études axées sur la thérapie (0,67) et le développement (0,47) que chez les groupes des études axées sur l’éducation (0,17) (Gillis et Speelman, 2008).

Deux examens systématiques résumant les bienfaits pour la santé des enfants ont été réalisés par le même groupe de recherche du Canada. Ces examens ont permis de conclure ce qui suit : 1) passer plus de temps en plein air était lié à une augmentation de l’activité physique, à une diminution des comportements sédentaires et à une amélioration de la capacité cardiorespiratoire (Gray et coll., 2015) et 2) pratiquer des jeux risqués en plein air favorise une augmentation de l’activité physique et de la santé sociale, ainsi qu’une diminution des blessures et de l’agressivité (Brussoni et coll., 2015). Les enfants d’âge préscolaire (de 2 à 5 ans) se sont également montrés plus actifs physiquement pendant les séances de jeu en plein air (Truelove et coll., 2018).

Données probantes de l’examen systématique associé à l’éducation et au développement

Du point de vue de l’éducation et du développement personnel, une méta-analyse réalisée par Hattie et ses collaborateurs (1997) sur l’éducation par l’aventure a permis de compiler les résultats de 96 études et de démontrer une valeur de l’ampleur de l’effet de 0,34 et une augmentation remarquable de 0,17 une fois les évaluations de suivi effectuées. Les résultats obtenus dans le cadre de cette étude étaient diversifiés et comprenaient des catégories liées à la santé comme le concept de soi, les études, la personnalité et les relations interpersonnelles. En s’appuyant sur ce travail antérieur, la méta-analyse des études sur l’éducation en plein air menée par Laidlaw (2000) a révélé que les résultats liés aux objectifs des programmes présentaient une ampleur de l’effet plus élevée (0,77) que ceux qui étaient liés de manière distale (0,40). Fang et ses collaborateurs (2021) ont observé une valeur moyenne de l’ampleur de l’effet de 0,60 en ce qui concerne l’amélioration de l’auto-efficacité des étudiant.e.s participant à des programmes d’éducation en plein air.

Hans (2000) a calculé une ampleur de l’effet de 0,38 concernant un changement de source de détermination passant de l’extérieur à l’intérieur grâce à la participation aux programmes d’aventure. Ardoin et ses collaborateurs (2018) ont observé 121 résultats uniques (plusieurs liés à la santé) dans leur examen systématique de l’éducation environnementale auprès d’élèves de la maternelle à la 12e année. Dans un examen systématique réalisé plus récemment, les enfants âgés de 2 à 7 ans qui participaient à des programmes d’éducation des jeunes enfants axés sur la nature semblaient améliorer leur capacité d’autorégulation, leurs aptitudes sociales, leur développement émotionnel, leur lien avec la nature, leur conscience de la nature et leurs interactions dans le cadre du jeu, bien que les auteurs de l’étude aient prévenu que les données probantes présentaient un faible degré de certitude (Johnstone et coll., 2022).

Un examen Cochrane, soit un examen systématique spécial axé précisément sur la santé et le bien-être des adultes par rapport à leur participation aux activités d’amélioration et de conservation de l’environnement, a donné des résultats quantitatifs non concluants (Husk et coll., 2016). Toutefois, les résultats qualitatifs indiquaient que les participant.e.s à l’étude avaient signalé des bienfaits perçus importants (Husk et coll., 2016). Deux méta-analyses environnementales ont démontré ce qui suit : 1) notre lien avec la nature a exercé une influence sur le comportement pro-environnement (Bamberg et Möser, 2007; Whitburn et coll., 2020) et 2) une analyse portant sur la modélisation de l’équation structurelle a permis de déterminer que les intentions de comportement et la moralité étaient les déterminants sociaux les plus susceptibles de prédire le comportement pro-environnement (Bamberg et Möser, 2007).

Données probantes de l’examen systématique de la thérapie ou des programmes thérapeutiques

Dans une méta-analyse des programmes de parcours d’entretien physique en nature destinés aux jeunes défaillants, Wilson et Lipsey (2000) ont calculé une petite amélioration de l’ampleur de l’effet de 0,18 pour les résultats en matière de délinquance. Bedard et coll. (2003) ont signalé une ampleur de l’effet modérée (bien qu’aucune ampleur de l’effet globale n’ait été calculée) pour la thérapie en nature comparativement au traitement traditionnel visant à améliorer l’estime ou le concept de soi, à accroître les aptitudes interpersonnelles et à favoriser un changement positif de comportement. En 2011, George a réalisé une méta-analyse des programmes de soins de santé comportementaux en plein air destinés aux adolescents. Il a calculé une valeur d’ampleur de l’effet de 0,45 à partir des 25 études retenues qui respectaient les critères de soins de santé comportementaux en plein air (George, 2011), et Baker (2011) a sélectionné 16 études qui répondaient à ses critères d’inclusion liés à la thérapie par l’aventure et en nature et a établi 6 principaux domaines de résultats : comportement, concept de soi, estime de soi, santé mentale, source de détermination et aptitudes interpersonnelles.

Probablement l’examen systématique et la méta-analyse les plus exhaustifs des résultats et des modérateurs liés à l’aventure, Bowen et Neill (2013) ont retenu 197 études dans leur analyse, obtenu une valeur globale d’ampleur de l’effet de 0,47, puis suggéré une valeur d’ampleur de l’effet de 0,5 comme référence pour les programmes de thérapie par l’aventure. Ils ont conclu que « les programmes de thérapie par l’aventure sont assez efficaces pour soutenir des changements positifs à court terme dans les domaines psychologique, comportemental, affectif et interpersonnel, et que ces changements semblent se maintenir à long terme » (Bowen et Neill, 2013, p. 42) [traduction].

Au-delà de ces études antérieures portant sur des contextes thérapeutiques d’apprentissage en plein air, on a réalisé des examens systématiques signalant des bienfaits positifs pour la santé en ce qui concerne la thérapie en plein air offerte au privé (Bettmann et coll., 2016), la thérapie en plein air comparativement aux programmes de traitement autres qu’en plein air (Gillis et coll., 2016), les répercussions de la thérapie par l’aventure liées à la source de détermination, l’auto-efficacité et l’estime de soi (Fleischer et coll., 2017), la psychothérapie dans les espaces extérieurs naturels (Cooley et coll., 2020) et l’incidence du bain de forêt et de la thérapie par la nature sur la santé mentale (Kotera et coll., 2022).

Autres données probantes connexes de l’examen systématique

Outre les données probantes des examens systématiques concernant les bienfaits pour la santé et l’apprentissage en plein air sur les plans du camping ou des loisirs, de l’éducation ou du développement et des contextes thérapeutiques ou de thérapie cités ci-dessus, on voit apparaître une base de données probantes d’examens systématiques qui soulignent les bienfaits holistiques pour la santé que procurent les interactions avec la nature qui ne correspondent pas nécessairement directement au paradigme d’apprentissage en plein air. La liste d’examens systématiques suivante résume les différents bienfaits pour la santé liés à la nature :

  • L’exposition aux environnements naturels entraîne de modestes améliorations de l’équilibre émotionnel (McMahan et Estes, 2015).
  • La connexion à la nature est associée à un affect positif (émotions), à la vitalité et à un niveau de satisfaction à l’égard de la vie (Capaldi et coll., 2014).
  • Les activités en plein air axées sur la nature atténuent l’humeur dépressive et améliorent l’affect positif (émotions); elles réduisent en outre l’anxiété et l’affect négatif (Coventry et coll., 2021).
  • La connexion à la nature est positivement corrélée avec le bien-être eudémonique (psychologique) (Pritchard et coll., 2020).
  • L’exposition à des environnements naturels améliore la mémoire de travail, la flexibilité mentale et le contrôle de l’attention (Stevenson et coll., 2018).
  • Les milieux naturels sont plus réparateurs que les milieux urbains (Menardo et coll., 2021).
  • L’exposition à l’environnement naturel peut entraîner une réduction du stress (Yao et coll., 2021).
  • Les interactions avec la nature entraînent une amélioration du bien-être mental des enfants et des adolescents (Tillmann et coll., 2018).
  • Les activités en pleine nature améliorent leur estime de soi, leur confiance en soi, l’affect positif et négatif, la réduction et la restauration du stress, leurs capacités sociales et leur résilience (Roberts et coll., 2020).
  • L’exposition à la nature améliore la santé physique et mentale des enfants (Fyfe-Johnson et coll., 2021).
  • Les expériences précoces de vie dans la nature se révèlent bénéfiques pour la santé mentale plus tard dans la vie (Li et coll., 2021).
  • L’accès à la nature pour les personnes à mobilité réduite peut améliorer leur bien-être physique, mental et social (Zhang et coll., 2017).
  • Les interventions fondées sur la nature dans les milieux de santé institutionnels et organisationnels offrent des bienfaits variés aux participant.e.s, bien que les auteurs n’aient pas formulé d’allégations particulières liées à la santé (Moeller et coll., 2018).
  • Le renforcement du lien entre l’humain et la nature améliore la santé humaine et la viabilité de l’environnement (Barragan-Jason et coll., 2022).

Ensemble, ces études démontrent que de nombreux résultats cliniques variés peuvent découler du simple fait d’être dehors dans la nature, sans agir ou se comporter d’une manière particulièrement prescrite. Au cours des dernières années, un nombre croissant d’examens systématiques ont décrit les bienfaits pour la santé du fait de vivre, de travailler et de jouer près d’espaces verts (Callaghan et coll., 2021; Houlden et coll., 2018; Jabbar et coll., 2021; McCormick, 2017; Rahimi-Ardabili et coll., 2021; Zhang et coll., 2020) (Yuan et coll., 2021). Deux autres examens systématiques décrivent les bienfaits pour la santé des espaces bleus (eau) (Georgiou et coll., 2021) et des interventions de soins dans des espaces bleus (Britton et coll., 2020). L’exercice à l’extérieur, souvent appelé exercice vert ou bleu au Royaume-Uni, semble également offrir plus de bienfaits pour la santé que l’exercice à l’intérieur (Brito et coll., 2022; Hanson et Jones, 2015; Li et coll., 2022; Thompson Coon et coll., 2011; Yen et coll., 2021).

Même si les bienfaits pour la santé et le bien-être signalés dans le cadre de ces examens systématiques sont positifs, certains auteurs ont indiqué que la qualité des données était faible ou moyenne dans certaines des études incluses. Cependant, dans l’ensemble, le nombre impressionnant d’études et d’examens systématiques liés aux bienfaits holistiques sur la santé liés à l’AE ne peut pas être ignoré. Étant donné que les bienfaits décrits ici proviennent de résultats regroupés tirés d’examens systématiques et de méta-analyses, la portée de ce chapitre ne permet pas de fournir de détails précis sur chaque étude, comme la description de la population, l’âge, le sexe et le type de programme ou d’expérience. La portée du présent chapitre ne permet pas non plus d’explorer toutes les données accumulées sur les bienfaits pour la santé liés particulièrement au contact avec la nature; toutefois, une partie de ces données est résumée plus loin dans le chapitre Nature Rx (Langelier et coll., 2023). Il ressort clairement qu’il existe de nombreux bienfaits holistiques pour la santé associés à l’AE, et c’est pourquoi le modèle holistique de promotion de l’écosanté a été élaboré pour reconnaître, renforcer et approfondir davantage cette association.

Modèle holistique de promotion de l’écosanté (MHPES)

La promotion de l’écosanté est le processus intentionnel qui consiste à aider les gens à utiliser leur bon vouloir (volonté) et leur volonté d’agir (action) pour prendre des décisions personnelles et penser systématiquement à améliorer leur propre santé et celle de l’écosystème ou du milieu environnant (Ritchie et coll., 2022). Pour améliorer leur santé personnelle et celle de la planète, on peut encourager les gens à adopter des pratiques en matière de mieux-être dans le cadre de leurs interactions harmonieuses avec la nature afin d’aspirer à un état de relations mutuellement bénéfiques dans six dimensions entrelacées du bien-être : physique, mental, émotionnel, social, spirituel et écologique.

La principale différence entre l’écosanté et la promotion de l’écosanté est l’intentionnalité, le bon vouloir et la volonté d’agir; l’écosanté décrit quelque chose et la promotion de l’écosanté fait intentionnellement quelque chose. Ainsi, en favorisant l’écosanté, on encourage les gens ou on leur enseigne à faire des choix et à adopter des comportements de manière à pratiquer délibérément le mieux-être de façon spécifique afin d’obtenir des résultats holistiques en matière de santé dans les six dimensions interreliées du bien-être.

Dans le modèle holistique de promotion de l’écosanté (MHPES), nous définissons l’écosanté comme étant plus qu’une absence de maladie, de blessure et d’invalidité, mais comme un état complet de bien-être physique, mental, émotionnel, social, spirituel et écologique qui peut être atteint dans le cadre d’interactions immersives avec la nature. Bien que les termes bien-être et mieux-être soient souvent non définis ou utilisés de façon interchangeable dans la documentation, dans le MHPES, le terme bien-être est utilisé intentionnellement pour désigner chacune des six dimensions de l’écosanté, alors que le mieux-être fait référence à la voie ou à la promotion menant à l’écosanté holistique (Ritchie et coll., 2022).

Autrement dit, l’écosanté se compose des six dimensions interreliées du bien-être. Les pratiques en matière de mieux-être sont les choix et les comportements fondés sur des données probantes qui constituent les outils utilisés dans le cheminement vers l’écosanté holistique. Nous utilisons le terme endosanté pour désigner les trois dimensions internes du bien-être physique, mental et émotionnel et le terme ectosanté pour faire référence aux trois dimensions externes du bien-être spirituel, social et écologique (Ritchie et coll., 2022).

Puisque chaque personne sur terre subira un jour une dégradation de sa santé, menant à son décès, il est essentiel d’aider les gens à bien se porter, peu importe où ils se trouvent dans le continuum de la santé, de la langueur (faible bien-être psychologique, émotionnel et social) à l’épanouissement (bien-être psychologique, émotionnel et social élevé).

Il importe de noter que les définitions du bien-être physique et mental comprennent l’absence de quelque chose (maladie/blessure/trouble/invalidité) et l’optimisation de quelque chose ou, dans le cas du bien-être mental, un état de bien-être psychologique, émotionnel et social élevé (Keyes, 2010). Ainsi, la promotion de l’écosanté peut aider intentionnellement une personne atteinte ou non d’une incapacité physique ou d’une maladie chronique à s’épanouir en utilisant les ressources disponibles. Par exemple, une personne ayant un handicap qui l’empêche de marcher ou d’utiliser ses jambes peut quand même participer à des AE (peut-être avec un équipement modifié ou du personnel formé pour l’aider) et mettre en œuvre de nombreuses pratiques en matière de mieux-être, comme simplement faire de l’activité physique à l’extérieur, afin d’optimiser son bien-être physique. De même, la promotion de l’écosanté peut intentionnellement aider une personne souffrant ou non d’une maladie mentale à s’épanouir (bien-être psychologique, émotionnel et social élevé) en utilisant des ressources naturelles et des pratiques en matière de mieux-être. Keyes (2010) a mis ce concept à l’épreuve de façon empirique et a découvert que le fait d’aider une personne à s’épanouir était à la fois une pratique de prévention et de promotion liée à la santé mentale. Du point de vue de la prévention, une personne qui est déjà épanouie (bien-être psychologique, émotionnel et social élevé) et dont l’état se détériore ensuite à un niveau modéré d’épanouissement était 3,7 fois plus susceptible de contracter une maladie mentale diagnosticable dix ans plus tard (Keyes, 2010). Du point de vue de la promotion, une personne qui se languissait (bien-être psychologique, émotionnel et social faible) et dont l’état s’améliore pour atteindre un niveau modéré d’épanouissement était 2 fois moins susceptible de contracter une maladie mentale diagnosticable dix ans plus tard (Keyes, 2010).

En aidant les gens à mettre en œuvre des pratiques en matière de mieux-être dans la nature, la promotion de l’écosanté peut également constituer une fonction de prévention ou de protection contre les états de réduction du bien-être. Le concept consistant à aider les gens à s’épanouir nous aide également à comprendre comment la promotion de l’écosanté peut être utilisée par n’importe quel.le professionnel.le de l’AE, quel que soit son niveau de formation. Par exemple, un praticien de l’AE peut aider une personne à se sentir bien physiquement ou à s’épanouir sans être médecin. Il peut aussi aider une personne à se sentir bien mentalement sans être psychologue ou clinicien en l’aidant à s’épanouir (plutôt que de diagnostiquer et de traiter une maladie mentale). Il s’agit d’un point crucial qui différencie le MHPES d’autres méthodes, comme celles qui prétendent que vous devez être un thérapeute compétent et autorisé à pratiquer la thérapie par l’aventure. Dans le cadre du MHPES, presque n’importe qui peut aider les gens à découvrir les bienfaits holistiques sur la santé, peu importe leur niveau de formation ou leurs titres de compétence (ou leur manque de tels titres). Autrement dit, les praticiens de l’AE devraient envisager d’intégrer le MHPES à leur programme éducatif, car tout le monde dans la société peut aider les gens à bénéficier des résultats de l’écosanté, peu importe ses compétences professionnelles.

Modèle holistique de promotion de l’écosanté
Figure 1 : Illustration graphique du modèle holistique de promotion de l’écosanté.

La figure 1 est une simple représentation graphique du MHPES. Elle montre les relations entre les différentes dimensions. Le tableau 1 contient les définitions des termes utilisés dans le reste du présent chapitre.

Principes de promotion de l’écosanté

La promotion de l’écosanté repose sur cinq principes fondamentaux qui interagissent et se chevauchent de plusieurs façons saines et synergiques :

  1. Environnement naturel : Il existe lorsqu’une personne peut continuellement interagir, nouer des liens et établir des relations holistiques au sein de l’écosystème où elle vit, voyage ou met en application les pratiques en matière de mieux-être. Autrement dit, la promotion de l’écosanté diffère des autres méthodes de promotion de la santé principalement parce qu’elle met l’accent sur la mise en application des pratiques en matière de mieux-être dans la nature et avec la nature (et dans d’autres milieux extérieurs).
  2. Intentionnel : Les pratiques en matière de mieux-être fondées sur des données probantes sont recommandées ou prescrites explicitement ou conçues implicitement (dans le cadre d’un programme élargi). Par conséquent, une personne est encouragée à faire appel à son bon vouloir et à sa volonté d’agir pour passer du temps dans la nature et se comporter ou agir de manière écosaine.
  3. Homéostatique et relationnel : Le processus de développement entre une personne et ses dimensions entrelacées de bien-être vise la quête d’une homéostasie interne complète (endosanté) et de relations externes positives (ectosanté) résultant de la mise en application des pratiques en matière de mieux-être.
  4. Harmonieux et équilibré : Cela renvoie tout simplement à la théorie des systèmes et à une vision inclusive des efforts déployés pour vivre en santé au sein d’un écosystème sain.
  5. Interdépendant et intégré : Cela reflète la façon dont toutes les dimensions du bien-être sont reliées; de nombreux éléments se chevauchent et s’interconnectent de façon réciproque et mutuellement avantageuse.
Tableau 1 : Définitions de la promotion de l’écosanté

L’ENDOSANTÉ se concentre sur l’homéostasie (un effort pour maintenir l’équilibre); elle se compose des trois dimensions internes du bien-être (physique, mental et émotionnel) qui prennent la forme de relations interconnectées et harmonieuses au sein du corps et du cerveau d’une personne.

L’ECTOSANTÉ se caractérise par des relations; elle se compose des trois dimensions externes du bien-être (social, spirituel et écologique) qui prennent la forme de relations interconnectées et harmonieuses avec les autres, le cosmos et la planète.

Le bien-être physique (BEP) est plus qu’une absence de maladie, de blessure, de douleur ou d’invalidité. Il consiste en un état de fonctionnement optimal du corps humain et comprend divers aspects comme la forme cardiovasculaire, la force musculaire, l’endurance, la souplesse, l’équilibre et la composition corporelle (Capio et coll., 2014; Sharma-Brymer et Brymer, 2020).

Le bien-être social (BES) est un état de fonctionnement optimal dans le cadre de relations, caractérisé par un sentiment de cohérence et d’intégration avec les autres, un sentiment d’acceptation et d’actualisation en présence d’autres personnes et une contribution positive au sein d’une famille et d’une communauté (Cicognani, 2014; Keyes, 1998).

Le bien-être mental (BEM), aussi appelé bien-être cognitif, eudémonique (Sharma-Brymer et Brymer, 2020) ou psychologique (Ryff, 1989; Ryff et Keyes, 1995), est plus qu’une absence de maladie ou de trouble et il consiste en un état de fonctionnement optimal caractérisé par l’acceptation de soi, l’autonomie, la croissance personnelle, un but bien précis dans la vie et la maîtrise de l’environnement (Ryff, 1989; Ryff et Keyes, 1995). Il comprend également un élément intellectuel qui permet au cerveau d’apprendre continuellement tout au long de la vie, y compris la mise en application et le partage des connaissances (Mazurek Melynyk et Neale, 2018; Montoya et Summers, 2021; Stoewen, 2017; Swarbick, 2015), et c’est la réalisation de ses capacités, de son aptitude à composer avec les facteurs de stress de la vie, à travailler de façon productive et à contribuer positivement à la communauté (Organisation mondiale de la Santé, 2022).

Le bien-être spirituel (BES), parfois décrit comme étant la religiosité (Peterson et Vann, 2014) et incluant le bien-être culturel (Manning et Fleming, 2019), est un état de fonctionnement optimal caractérisé par des lignes directrices morales et éthiques, l’acceptation et l’adoption du patrimoine culturel et ancestral, avoir une raison ou un but clairs dans la vie, se sentir épanoui et accepter son identité personnelle, croire en un pouvoir plus élevé (Dieu/Créateur/cosmos/conscience universelle/nature) et harmoniser ses comportements personnels avec ses croyances (Institut canadien d’information sur la santé, 2009; Peterson et Vann, 2014; Shek, 2014).

Le bien-être émotionnel (BEE), aussi appelé bien-être affectif (émotions, humeurs et sentiments), subjectif (Diener, 2009) et hédonique (Joshanloo, 2016), est un état fonctionnel caractérisé par un affect positif maximal, un affect négatif minimal, ainsi que le bonheur, le contentement et la satisfaction générale à l’égard de la vie (Diener, 2009; Diener et coll., 1999).

Le bien-être écologique (BEEc), aussi décrit comme étant la santé environnementale (Bailey-McHale et coll., 2020) ou le bien-être des Autochtones et une bonne vie (Ritchie et coll., 2015; Yadeun-Antuñano, 2020), est une relation réciproque entre une personne et son système écologique caractérisée par une vie, une gestion, une récolte, une conservation et une distribution harmonieuses et durables des ressources environnementales pour satisfaire ses besoins, tout en assurant leur disponibilité pour les générations futures et en atténuant la dégradation des écosystèmes, la pollution et le développement des maladies (Grouzet Lee, 2014).

La PROMOTION DE L’ENDOSANTÉ est le processus qui consiste à utiliser des interactions immersives dans la nature pour aider les gens à améliorer leur endosanté en se concentrant sur l’homéostasie afin de maximiser leur bien-être physique, mental et émotionnel et, au besoin, gérer, réduire au minimum ou même guérir leurs maladies physiques ou mentales.

La PROMOTION DE l’ECTOSANTÉ est le processus qui consiste à utiliser des interactions immersives dans la nature pour aider les gens à améliorer leur ectosanté en se concentrant sur les relations afin de maximiser leur bien-être social, spirituel et écologique.

Puisque chaque personne sur terre subira un jour une dégradation de sa santé, menant à son décès, il est essentiel d’aider les gens à bien se porter, peu importe où ils se trouvent dans le continuum de la santé, de la langueur (faible bien-être psychologique, émotionnel et social) à l’épanouissement (bien-être psychologique, émotionnel et social élevé).

Les définitions du bien-être physique et mental comprennent l’absence de quelque chose (maladie/blessure/trouble/invalidité) et l’optimisation de quelque chose ou, dans le cas du bien-être mental, un état de bien-être psychologique, émotionnel et social élevé (Keyes, 2010). Ainsi, la promotion de l’écosanté peut aider intentionnellement une personne atteinte ou non d’une incapacité physique ou d’une maladie chronique à s’épanouir en utilisant les ressources disponibles. Par exemple, une personne ayant un handicap qui l’empêche de marcher ou d’utiliser ses jambes peut quand même participer à des AE (peut-être avec un équipement modifié ou du personnel formé pour l’aider) et mettre en œuvre de nombreuses pratiques en matière de mieux-être, comme simplement faire de l’activité physique à l’extérieur, afin d’optimiser son bien-être physique. De même, la promotion de l’écosanté peut intentionnellement aider une personne souffrant ou non d’une maladie mentale à s’épanouir (bien-être psychologique, émotionnel et social élevé) en utilisant des ressources naturelles et des pratiques en matière de mieux-être. Keyes (2010) a mis ce concept à l’épreuve de façon empirique et a découvert que le fait d’aider une personne à s’épanouir était à la fois une pratique de prévention et de promotion liée à la santé mentale.

Du point de vue de la prévention, une personne qui est déjà épanouie (bien-être psychologique, émotionnel et social élevé) et dont l’état se détériore ensuite à un niveau modéré d’épanouissement était 3,7 fois plus susceptible de contracter une maladie mentale diagnosticable dix ans plus tard (Keyes, 2010). Du point de vue de la promotion, une personne qui se languissait (bien-être psychologique, émotionnel et social faible) et dont l’état s’améliore pour atteindre un niveau modéré d’épanouissement était 2 fois moins susceptible de contracter une maladie mentale diagnosticable dix ans plus tard (Keyes, 2010).

En aidant les gens à mettre en œuvre des pratiques en matière de mieux-être dans la nature, la promotion de l’écosanté peut également constituer une fonction de prévention ou de protection contre les états de réduction du bien-être. Le concept consistant à aider les gens à s’épanouir nous aide également à comprendre comment la promotion de l’écosanté peut être utilisée par n’importe quel.le professionnel.le de l’AE, quel que soit son niveau de formation. Par exemple, un praticien de l’AE peut aider une personne à se sentir bien physiquement ou à s’épanouir sans être médecin. Il peut aussi aider une personne à se sentir bien mentalement sans être psychologue ou clinicien en l’aidant à s’épanouir (plutôt que de diagnostiquer et de traiter une maladie mentale). Il s’agit d’un point crucial qui différencie le MHPES d’autres méthodes, comme celles qui prétendent que vous devez être un thérapeute compétent et autorisé à pratiquer la thérapie par l’aventure. Dans le cadre du MHPES, presque n’importe qui peut aider les gens à découvrir les bienfaits holistiques sur la santé, peu importe leur niveau de formation ou leurs titres de compétence (ou leur manque de tels titres). Autrement dit, les praticien.ne.s de l’AE devraient envisager d’intégrer le MHPES à leur programme éducatif, car tout le monde dans la société peut aider les gens à bénéficier des résultats de l’écosanté, peu importe ses compétences professionnelles.

Pratiques en matière de mieux-être

Les pratiques en matière de mieux-être sont fondées sur des données probantes et caractérisées par des choix et des comportements intentionnels que les gens font ou adoptent en prenant des mesures pour améliorer leur écosanté holistique. Plus précisément, au sein du MHPES, les pratiques en matière de mieux-être sont définies comme la voie ou le parcours, en plein air, vers l’écosanté holistique dans les six dimensions du bien-être (physique, mental, émotionnel, social, spirituel et écologique). Ainsi, une telle pratique peut promouvoir une ou plusieurs dimensions interreliées et intégrées (principe 5) du bien-être. Cette section fournit quelques exemples de pratiques en matière de mieux-être et de la façon dont elles contribuent à aider une personne à améliorer une ou plusieurs dimensions de son bien-être au moyen d’interactions avec la nature ou d’un élément plus intentionnel du programme d’AE. Autrement dit, une pratique en matière de mieux-être peut être simple et passive ou plus intentionnelle, difficile et complexe; la clé est qu’elle soit fondée sur des données probantes. La création d’une liste officielle de toutes les pratiques en matière de mieux-être fondées sur des données probantes liées à la promotion de l’écosanté dépasse le cadre du présent chapitre; toutefois, la grande majorité de celles qui sont présentées ici a été simplement extraite des examens systématiques cités précédemment. La première et la plus importante pratique en matière de mieux-être reposant sur des données probantes, résumées à partir de plus d’une douzaine d’examens systématiques, est peut-être d’interagir à l’extérieur avec la nature.

  • Interagir avec les jardins et s’y relier (Gonzalez et Kirkevold, 2014; Nicholas et coll., 2019; Ohly et coll., 2016; Whear et coll., 2014; Yeo et coll., 2020)
  • Marcher dans la forêt (Kotera et coll., 2022; Mathias et coll., 2020; Oh et coll., 2017; Wen et coll., 2019; Wolf et coll., 2020)
  • Participer à des activités sur l’eau (Britton et coll., 2020)
  • Utiliser tous ses sens en relation avec d’autres personnes (Barragan-Jason et coll., 2022; Bowler et coll., 2010; Browning et coll., 2020; Capaldi et coll., 2014; Coventry et coll., 2021) (Gagliardi et Piccinini, 2019; Li et coll., 2021; McMahan et Estes, 2015; Menardo et coll., 2021; Orr et coll., 2016; Oswald et coll., 2020; Pritchard et coll., 2020; Rahimi-Ardabili et coll., 2021; Stevenson et coll., 2018; Taheri et coll., 2021; Trøstrup et coll., 2019; van den Bosch et Ode Sang, 2017; Yao et coll., 2021; Zhang et coll., 2017)
  • Réduire les obstacles (van den Berg et coll., 2020) et les iniquités (Schüle et coll., 2019) en matière d’accès
  • S’adonner à des activités physiques dans la nature chaque jour ou chaque semaine, idéalement pendant au moins deux heures par semaine; les bénéfices pour la santé sont à leur apogée lorsque l’on y passe au moins trois à cinq heures par semaine (Barton et Pretty, 2010; Coventry et coll., 2021; Ho et coll., 2019; Nisbet et Zelenski, 2011; Park et coll., 2010; White et coll., 2019)
  • Participer à des activités de plein air (Holland et coll., 2018; Pierskalla et coll., 2004; van den Bosch et Ode Sang, 2017; Yen et coll., 2021), des sports (Eigenschenk et coll., 2019) ou des exercices physiques à l’extérieur sur terre ou dans l’eau (Bowler et coll., 2010; Brito et coll., 2022; Coventry et coll., 2018; Coventry et coll. 2021; Gagliardi et Piccinini, 2019) et avec d’autres personnes chaque fois que cela est possible (Hanson et Jones, 2015; Jansson et coll., 2019; Lahart et coll., 2019; Li et coll., 2022; Thompson Coon et coll., 2011)
  • Encourager les enfants en pleine croissance à s’adonner à des jeux extérieurs risqués de façon autonome et sans surveillance dans la nature (Brussoni et coll., 2015; Fyfe-Johnson et coll., 2021; Gray et coll., 2015; Li et coll., 2021; Marsh, 1999; Oswald et coll., 2020; Roberts et coll., 2020; Tillmann et coll., 2018; Tremblay et coll., 2015; Truelove et coll., 2018)
  • Acquérir des connaissances sur l’environnement et la santé des écosystèmes (Ardoin et coll., 2018)
  • Adopter des attitudes, des comportements et des habitudes pro-environnementaux (Holland et coll., 2018; Mackay et Schmitt, 2019; Osbaldiston, 2004; Whitburn et coll., 2020)
  • Prier, méditer ou être attentif dans le cadre d’expériences dans la nature et en plein air (Barragan-Jason et coll., 2022; Pritchard et coll., 2020; Schutte et Malouff, 2018)
  • Intégrer des activités de cours difficiles à votre programme dans la mesure du possible ou participer à des activités de cours difficiles lorsque cela est possible (Ferrell, 2017; Gillis et Speelman, 2008; Gillis et coll., 2016)
  • Augmenter l’intentionnalité d’atteindre les objectifs (p. ex., résultats thérapeutiques) dans le cadre de votre programme de plein air (Bowen et Neill, 2013; Cooley et coll., 2020; Gillis et coll., 2016; Hattie et coll., 1997; Marsh, 1999; Wilson et Lipsey, 2000)
  • Prolonger le temps durant lequel vous participez à un programme extérieur immersif fondé sur la nature ou celui que vous consacrez à élaborer et offrir un tel programme (Coventry et coll., 2021; Hattie et coll., 1997).
  • Vivre, travailler et jouer dans des espaces verts et bleus ou aussi près que possible de tels espaces (Fyfe-Johnson et coll., 2021; Gascon et coll., 2017; Gianfredi et coll., 2021; Green Analytics, 2020; Holland et coll., 2018; Houlden et coll., 2018; Jabbar et coll., 2021; Kabisch et coll., 2017; Kua et Lee, 2021; Lambert et coll., 2019; McCormick, 2017; Peng et coll., 2021; Rahimi-Ardabili et coll., 2021; Rautio et coll., 2018; Rojas-Rueda et coll., 2021; Schüle et coll., 2019; Taheri et coll., 2021; Twohig-Bennett et Jones, 2018; Vanaken et Danckaerts, 2018; Wendelboe-Nelson et coll., 2019; Yuan et coll., 2021; Zhang et coll., 2020)
  • Enseigner et apprendre à l’extérieur (Ayotte-Beaudet et coll., 2017; Becker et coll., 2017; Fang et coll., 2021; Hattie et coll., 1997; Laidlaw, 2000)

Les lecteurs pourraient constater que certaines (ou la totalité) des pratiques en matière de mieux-être résumées ici sont très générales ou évidentes, et c’est précisément l’une des raisons pour lesquelles nous les avons énumérées dans le présent chapitre. Cette liste souligne la remarquable synergie qui existe entre la promotion de l’écosanté et l’AE. Autrement dit, de nombreux praticiens de l’AE promeuvent l’écosanté depuis des années et l’une des principales raisons de l’introduction du MHPES est de fournir rigueur et crédibilité à l’AE, ce qui peut, espérons-le, contribuer au développement de programmes, aux demandes de financement et à l’élaboration de politiques, ou simplement obtenir la permission d’emmener les élèves à l’extérieur de la salle de classe.

L’autre raison pour laquelle ces pratiques peuvent sembler générales est le fait que les données proviennent principalement d’examens systématiques et de méta-analyses ne donnant aucun détail sur des études particulières. Des pratiques en matière de mieux-être plus détaillées et spécifiques peuvent être synthétisées à partir d’études individuelles ou d’études liées à une pratique particulière. Par exemple, bien qu’il n’y ait pas d’examen systématique (que nous pourrions trouver) lié à la pratique potentielle d’enracinement, il existe un nombre relativement restreint de données probantes indiquant que la pratique de l’enracinement (contact direct avec la terre, comme marcher pieds nus ou se coucher sur le sol) peut entraîner des améliorations dans plusieurs dimensions du bien-être. Un récent essai contrôlé et randomisé mené à triple insu (participant.e, testeur.se et analyste de données) a permis d’obtenir des données concluantes démontrant que le fait de dormir sur le sol réduisait les lésions musculaires et l’inflammation et améliorait le temps de récupération au sein du groupe expérimental comparativement au groupe témoin après 20 minutes de descente intensive sur un tapis roulant (Müller et coll., 2019). Un autre ECR à double insu a révélé une amélioration de l’humeur au sein du groupe expérimental après seulement une heure de relaxation en contact avec le sol, comparativement au groupe expérimental qui n’avait aucun contact avec la terre pendant la période de relaxation (Chevalier, 2015). Aucune de ces études n’a été menée à l’extérieur.

Toutefois, bien qu’il ne s’agisse que d’études individuelles, ce type de recherche en milieux extérieurs pourrait mener à l’élaboration de pratiques futures liées 1) au fait de dormir ou de s’étendre sur le sol à l’extérieur après une activité physique intense (p. ex., l’escalade d’une montagne) pour améliorer la récupération, et 2) à celui de relaxer intentionnellement en contact direct avec le sol (p. ex., s’asseoir sur une plage avec les pieds nus enfouis dans le sable ou dans un champ avec les pieds dans l’herbe) pour améliorer l’humeur. Les futurs chercheurs ont encore beaucoup de travail à faire pour synthétiser les recherches actuelles sur les pratiques en matière de mieux-être fondées sur des données probantes et mener de futures études de recherche pour élaborer davantage de pratiques de ce genre.

Contre-indications

Bien que les données probantes sur les bienfaits holistiques de l’AE pour la santé soient étendues, plusieurs contre-indications doivent être signalées. Autrement dit, la promotion de l’écosanté ne convient pas nécessairement à tout le monde, en tout temps, dans tous les milieux extérieurs et naturels. Priest (2020) a résumé les contre-indications pour les participant.e.s à des thérapies se déroulant à l’extérieur, et bon nombre d’entre elles s’appliquent probablement à la promotion de l’écosanté. Elles sont résumées au tableau 2 (Priest, 2020) et les contre-indications relatives à la nature et aux défis citées portent sur différents types de phobies ou de peurs qui pourraient empêcher une personne de participer à une pratique particulière en matière de mieux-être ou à une activité de promotion de l’écosanté, ou d’en bénéficier.

La liste des contre-indications du tableau 2 se rapporte principalement aux dimensions de l’endosanté et au bien-être social (anthropophobie). Les contre-indications liées à l’ectosanté pourraient comprendre des valeurs spirituelles ou des croyances mal alignées concernant la programmation de l’AE (valeurs ou croyances des participant.e.s ne correspondant pas au programme d’AE); des environnements extrêmes qui sont trop chauds (Bruce-Low, Coterrell et Jones, 2006) ou froids (Farrace et coll., 1999; Farrace et coll., 2003); des activités excessivement risquées ou des activités risquées sans plan de gestion des risques efficace (Jackson et Heshka, 2011); certaines saisons et conditions météorologiques dans des régions particulières (Tucker et Gilliland, 2007); d’autres dangers objectifs, dont la foudre, les avalanches, les inondations et les terrains abrupts. Heureusement, de nombreux praticiens de l’AE connaissent les processus et les pratiques de gestion des risques et ont reçu une formation à cet égard. L’élimination de nombre de ces contre-indications n’est donc pas une tâche insurmontable. Il convient également de noter que ces contre-indications ne tiennent pas compte des divers contextes de la nature et des préférences ou des aversions des participant.e.s qui pourraient avoir une incidence sur les avantages découlant d’une pratique ou d’un programme de mieux-être particulier. Par exemple, Gatersleben et Andrews (2013) ont constaté que les environnements extérieurs présentant de faibles niveaux de perspective (champ de vision caché) et des niveaux élevés de refuge (lieux où se cacher) n’étaient pas réparateurs et qu’ils étaient plus susceptibles d’accroître le stress et la fatigue de l’attention dirigée, tandis que Bixler et Floyd (1997) ont trouvé que les garçons de 8e année très craintifs et ayant des aversions préféraient les milieux urbains à la nature sauvage.

Tableau 2 : Contre-indications possibles pour les participant.e.s à la promotion de l’écosanté (Priest, 2020)

CONTRE-INDICATIONS RELATIVES AUX DÉFIS

  • Périculophobie (dangers)
  • Anthropophobie (groupes)
  • Autophobie (isolement)
  • Achluophobie (obscurité)
  • Acrophobie (hauteurs)
  • Hydrophobie (eau)
  • Chionophobie (neige)
  • Claustrophobie (se sentir coincé dans des espaces clos)

CONTRE-INDICATIONS RELATIVES À LA NATURE

  • Biophobie (extérieur)
  • Anthrophobie (fleurs)
  • Dendrophobie (arbres)
  • Entomophobie (insectes)
  • Zoophobie (animaux)
  • Héliophobie (soleil)
  • Astraphobie (foudre et orages)
  • Agoraphobie (se sentir coincé dans des espaces ouverts)

GÉNÉRALEMENT CONTRE-INDIQUÉ DANS LES CAS SUIVANTS :

  • Les auteurs de crimes souffrant de troubles graves ou non maîtrisés (particulièrement les incendies criminels ou la pyromanie et la violence sans remords)
  • Les personnes obèses ou qui ne sont pas en forme (y compris une mauvaise santé cardiovasculaire qui pourrait limiter l’exercice)
  • Patients présentant des blessures graves (qui peuvent empêcher le mouvement ou la locomotion)
  • Patients recevant un traitement médical (qui pourrait nécessiter l’hospitalisation dans une clinique ou un hôpital)
  • Patients prenant certains médicaments sur ordonnance (qui pourraient interagir avec l’environnement)
  • Clients qui ne sont pas quotidiennement fonctionnels en raison d’une dépendance excessive aux autres (comme leurs parents) ou qui sont sincèrement suicidaires (plus que de simples idées de suicide).

Conclusion

Il existe maintenant de nombreuses données probantes sur les bienfaits holistiques de l’AE et du contact avec la natures en matière d’écosanté. Ce chapitre présente un nouveau MHPES qui, nous l’espérons, sera utile aux praticiens de l’AE et aux promoteurs de la santé afin qu’ils l’utilisent et le mettent en pratique dans le cadre de leurs rôles de leadership pour emmener les gens à l’extérieur ou promouvoir la santé. Le MHPES peut être utilisé comme cadre théorique pour orienter les programmes d’AE ou de promotion de la santé et l’élaboration de programmes lorsque les pratiques en matière de mieux-être sont : 1) directement intégrées au programme en tant que modalité principale ou 2) indirectement incorporées à un programme en tant que modalité d’appoint à l’appui des autres objectifs du programme. Autrement dit, la promotion de l’écosanté peut se faire dans le cadre de programmes intentionnels ou accidentellement en se concentrant sur d’autres objectifs et en étant simplement actif à l’extérieur, tout en y intégrant les pratiques en matière de mieux-être lorsque cela s’avère utile et entre en synergie avec d’autres priorités du programme.

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À propos des auteur.e.s

Stephen D. Ritchie

Université Laurentienne

Stephen D. Ritchie est professeur agrégé à la Faculté de kinésiologie et des sciences de la santé de l’Université laurentienne à Sudbury, en Ontario. Ses recherches et ses intérêts pédagogiques portent sur : (1) la compréhension de la promotion de l’écosanté dans le contexte de l’épanouissement personnel et de la santé holistique par l’apprentissage en plein air, l’aventure et le contact avec la nature, et (2) l’application de diverses approches d’évaluation de programmes dans l’apprentissage en plein air, la santé autochtone et d’autres contextes.

Jonah D’Angelo

Université Laurentienne

Jonah est doctorant à l’École de kinésiologie et des sciences de la santé de l’Université Laurentienne à Sudbury, en Ontario. Il a collaboré avec ses coauteur.e.s à l’élaboration d’un nouveau cours et d’un certificat aux études supérieures portant sur la promotion de l’écosanté.

Ginette Michel

Université Laurentienne

Ginette Michel est professeure et coordonnatrice du programme de promotion de la santé à l’École de kinésiologie et des sciences de la santé de l’Université Laurentienne. Ginette possède aussi une formation en soins infirmiers. Ginette a participé à une recherche collaborative sur les communautés autochtones. Elle est directrice du programme de promotion de la santé sans frontières de l’Université Laurentienne et elle porte un grand intérêt à la santé culturelle, aux minorités dans le domaine de la santé et de l’éducation et aux projets de promotion de la santé et l’élaboration de programmes d’études supérieures. Elle a collaboré avec ses coauteurs à l’élaboration d’un nouveau cours et d’un certificat aux études supérieures portant sur la promotion de l’écosanté. Veuillez adresser toute correspondance à gmichel@laurentian.ca.

Jim Little

Université Laurentienne

Jim Little est maître de conférences à l’Université Laurentienne, à l’École de kinésiologie et sciences de la santé, avec une spécialisation en leadership d’aventures en plein air. Il possède une vaste expérience de terrain en matière de gestion des urgences en milieu sauvage, en leadership d’activités de plein air, d’animation de groupe, de dynamique de groupe et de programmes de leadership d’activités de plein air au niveau postsecondaire. Son travail l’amène souvent à faire des excursions extraordinaires avec des étudiant.e.s, ce qui lui permet d’appliquer l’apprentissage par l’expérience en temps réel en plein air.

Sébastien Nault

Université Laurentienne

Sébastien est membre du personnel enseignant de l’École de kinésiologie et sciences de la santé de l’Université Laurentienne à Sudbury, en Ontario, où il enseigne dans le cadre du programme Leadership: activités physiques de plein air. Il a collaboré avec ses coauteur.e.s à l’élaboration d’un nouveau cours et d’un certificat aux études supérieures portant sur la promotion de l’écosanté.

 

Icône de la licence Creative Commons Attribution – Pas d’utilisation commerciale – Partage dans les mêmes conditions 4.0 International

L’article Nouveau modèle holistique de promotion de l’écosanté (2024), par Stephen D. Ritchie, Jonah D’Angelo, Ginette Michel, Jim Little et Sebastien Nault, est distribué sous la licence Creative Commons Attribution-NonCommercial-ShareAlike 4.0 International License, sauf indication contraire.

VII

Sécurité

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16.

ASSURANCE POUR L’APPRENTISSAGE EN PLEIN AIR AU CANADA

Keith Bossaer

Il est toujours passionnant de voir comment tant de Canadiens talentueux peuvent utiliser leurs compétences, leur formation, leur expertise et leur expérience pour permettre à d’autres personnes de profiter des grands espaces. Cependant, les réalités d’une société de plus en plus judiciarisée signifient que l’assurance devrait être une considération essentielle pour la plupart des activités d’apprentissage en plein air. Les questions d’assurance sont rarement abordées assez longtemps à l’avance et bien trop souvent, la couverture d’assurance n’est qu’un pis-aller. Ce chapitre explique les différents termes et les choix à faire en matière d’assurance.

L’une des premières considérations juridiques importantes est de déterminer si une entreprise sera individuelle, une société de personnes, une société à but lucratif ou une société à but non lucratif. Même si cette décision peut sembler relever davantage de votre avocat et de votre comptable, n’oubliez pas qu’une entreprise individuelle ou une société de personnes signifie que la responsabilité et les autres obligations vous incombent directement en tant que personne ou groupe de personnes. Quant à une société par actions, elle maintient presque toutes les obligations au niveau de la société et vous en libère donc personnellement. Il s’agit d’un point crucial, car il est peu probable qu’un plaignant puisse accéder à vos biens personnels si vous êtes constitué en société incorporée. L’assureur devra savoir si vous serez constitué en société ou non.

Responsabilité civile des entreprises

La responsabilité civile des entreprises (RCE) est la première et la plus importante des assurances nécessaires. C’est pourquoi il faut considérer la RCE comme un élément essentiel de votre protection de base en matière de responsabilité civile. L’auteur y fait souvent référence en tant que « la chair et les os » d’une police d’assurance, puisqu’elle s’applique aux incidents de dommages corporels et matériels. En raison de l’augmentation du nombre de poursuites frivoles, une défense juridique contre les demandes d’indemnisation est requise. Pour les véritables litiges qui aboutissent et pour lesquels une négligence peut être établie, l’assurance peut couvrir les pertes financières qui en découlent. La RCE comporte généralement de nombreuses extensions intéressantes au-delà des dommages corporels et matériels, notamment :

  • responsabilité civile pour préjudice personnel et publicitaire (c.-à-d. un préjudice non corporel tel que la diffamation ou la calomnie);
  • produits et opérations achevées (c.-à-d. la couverture des produits vendus ou des projets achevés);
  • responsabilité légale du locataire (c.-à-d. les dommages causés aux locaux loués, même s’il s’agit d’une location d’hôtel à court terme);
  • responsabilité civile automobile non propriétaire (c.-à-d. un véhicule temporairement sous votre contrôle ou utilisé dans le cadre de votre activité professionnelle);
  • responsabilité de l’employeur et responsabilité conditionnelle de l’employeur (au Canada, les régimes provinciaux d’indemnisation des accidents du travail peuvent s’appliquer, mais certaines blessures subies par les employés peuvent ne pas entrer dans le champ d’application);
  • frais de lutte contre l’incendie;
  • pratiques en matière d’emploi;
  • couvertures supplémentaires.

Prenons un exemple imaginaire que nous appellerons les « Randonnées guidées de Marie ». Il s’agissait d’une entreprise individuelle dont les activités avaient connu un essor fulgurant. Pratiquement toutes les excursions de randonnée de Marie atteignaient le nombre maximum de participants et elle était très heureuse de constater que son expérience, sa passion et sa formation portaient ses fruits.

Lors d’une randonnée guidée, une pluie inattendue avait rendu les sentiers légèrement glissants. À un endroit particulièrement escarpé, Marie a glissé, perdu l’équilibre et échappé son téléphone portable. En tentant de le récupérer en plein vol, elle est tombée vers l’arrière sur l’une de ses nombreuses clientes, Samantha. La collision a fait tomber Samantha vers l’arrière sur la seule partie escarpée du sentier, ce qui lui a fait dévaler la pente où elle s’est cogné la tête contre un rocher. Même si initialement, la blessure « ne semblait pas si grave » et que Samantha parlait et confirmait qu’elle « se sentait très bien » et qu’elle avait juste besoin de se reposer, elle a rapidement été prise de nausées et de vomissements, de sorte que le risque d’une lésion cérébrale traumatique a été jugé à la fois effrayant et potentiellement grave.

Malgré une planification de la gestion des risques et des procédures appropriées d’intervention en cas d’accident (toutes ces questions sont abordées dans d’autres chapitres), des accidents peuvent se produire et se produiront. Heureusement, Marie bénéficiait d’une couverture RCE et, par la suite, elle a examiné attentivement sa police d’assurance. Puisqu’elle n’avait pas constitué son entreprise en société, elle a dû s’appuyer sur sa couverture RCE pour financer une défense juridique contre les réclamations découlant de la blessure de Samantha et pour régler tout jugement ou règlement à l’amiable qui pourrait s’ensuivre. Dans ce cas, Marie a été couverte pour les constatations jusqu’à la limite d’un million de dollars, plus les frais de défense. Toutefois, si le montant dépasse sa limite, elle devra payer la différence sur son patrimoine personnel, puisqu’elle n’est pas constituée en société.

L’assurance pour les activités sportives et d’aventure en plein air peut être une couverture d’assurance difficile à obtenir au Canada. Marie a effectivement cherché à obtenir une couverture d’assurance alors qu’elle s’apprêtait à démarrer son entreprise. Elle a contacté les deux courtiers d’assurance avec lesquels elle fait habituellement affaire pour ses produits d’assurance habitation, automobile et santé. Deux semaines après le démarrage de son entreprise, les courtiers n’avaient toujours pas reçu d’offres de la part de compagnies d’assurance, car tous leurs assureurs avaient refusé de les couvrir en invoquant des problèmes quant aux risques encourus en sentier qu’ils n’acceptent pas de couvrir, une nouvelle plutôt étonnante pour Marie : « Ne peut-on pas obtenir une assurance pour ce qu’on veut, quand on le veut? »

Une assurance entreprise n’est pas toujours simple. La disponibilité de l’assurance commerciale tend à passer par des marchés cycliques souples et fixes, mais les besoins en assurance commerciale spécialisée peuvent être encore plus difficiles à satisfaire. Bien que, comme dans le cas de Marie, la randonnée guidée ne soit qu’une activité à risque « modeste », un grand nombre d’autres activités de plein air sont considérées comme à risque beaucoup plus élevé. Les assureurs ont dû faire face à des difficultés considérables sur les marchés de l’assurance, qui ont rendu certaines catégories d’assurance excessivement difficiles ou déraisonnablement chères à obtenir.

Il s’est avéré difficile d’obtenir une couverture pour une longue liste d’activités. Les exploitants de services de guide et de location ont eu du mal à trouver une couverture pour les véhicules tout-terrain motorisés, la location de bateaux ou de véhicules nautiques à moteur et les activités non motorisées de randonnée, de vélo, de tyrolienne, de parachute ascensionnel, de vol à voile, de rafting, d’escalade et d’alpinisme. Les sports de contact, les sports organisés, les courses et les épreuves de vitesse de tous types ont dû redoubler leurs efforts pour trouver une couverture au cours des dernières années. Les ventes de divers produits et activités sportives ont également fait face à des défis difficiles en raison de la fréquence des blessures et, dans le cas des vélos électriques, du risque d’incendie des batteries en cours de chargement. Malheureusement, il n’est pas toujours possible d’obtenir une couverture d’assurance aux taux et conditions envisagés par les clients sans limitations restrictives.

La bonne nouvelle est qu’au Canada, certains assureurs, agents généraux, mandataires de contrats Lloyds et courtiers spécialisés se sont mobilisés pour tenter de répondre aux besoins des consommateurs dans ce marché difficile. Les chefs d’entreprise qui cherchent des options de couverture sont bien avisés de poser des questions similaires sur leur couverture à leurs fournisseurs d’assurance. Dans la plupart des cas, les couvertures au Canada sont offertes par un fournisseur spécialisé, mais il peut être difficile d’y avoir accès sans l’aide d’un courtier bien informé. La bonne nouvelle, c’est qu’un courtier qui connaît bien les marchés devrait être en mesure d’accéder à ces fournisseurs spécialisés.

Exclusion des participants

Pour en revenir à la situation de Marie, elle a trouvé un courtier d’assurances renseigné qui était plus au fait des aspects commerciaux que son assureur habituel grâce à une rapide recherche sur Internet, et celui-ci lui a permis d’accéder aux marchés spécialisés. Il a trouvé deux solutions en l’espace d’une semaine par l’entremise d’agents généraux. Cependant, Marie doit maintenant apprendre le nouveau jargon de l’assurance. Les deux nouveaux devis insistent sur le fait que les avis d’exonération de responsabilité doivent être utilisés et signés par les participants. Les devis vont comme suit :

  1. limites RCE optionnelles de 1 million, 2 millions ou 5 millions de dollars;
  2. mêmes limites que ci-dessus, mais primes réduites de 40 % grâce à une disposition supplémentaire d’exclusion des participants.

Toutes les exclusions de la police sont d’une importance vitale et doivent être bien comprises par l’acheteur de l’assurance. L’exclusion des participants consiste à ne pas couvrir les personnes qui participent à l’activité d’aventure. Il est évident qu’il est dans l’intérêt de l’acheteur d’éviter ces exclusions lorsque possible. Toutefois, les assureurs peuvent considérer ces activités comme trop dangereuses et estimer que des blessures se produiront occasionnellement dans ce type d’entreprise. Par conséquent, ils refusent tout simplement de défendre ou de payer les réclamations de cette nature lorsqu’elles découlent d’une blessure dont le participant est responsable.

Quelle est la couverture suffisante?

L’une des questions les plus fréquemment posées est « Quel niveau de responsabilité dois-je assumer? » La réponse est simple : autant que vous pouvez raisonnablement vous le permettre compte tenu des résultats possibles des activités entreprises. Des limites plus élevées sont certainement préférables, mais seulement si elles sont réalisables, raisonnables et abordables pour le fonctionnement et le budget de l’entreprise. Malheureusement, des incidents extrêmement horribles se produisent parfois, et pratiquement aucune limite de couverture n’est susceptible d’être suffisante.

Les grands plaisirs de la vie en plein air s’accompagnent d’un certain degré de risque. Malheureusement, dans de rares cas, des conséquences négatives peuvent en résulter et, bien que la fréquence et la gravité des conséquences négatives n’aient pas changé au cours de l’histoire, la société est devenue de plus en plus procédurière, avec des conséquences sans précédent pour ceux qui peuvent être considérés comme ayant un certain degré de responsabilité. Une personne peut être tenue responsable même si elle n’a commis qu’une légère négligence. Dans certaines situations, en cas de responsabilité stricte, si la partie lésée ne peut pas obtenir réparation auprès des autres défendeurs, l’opérateur peut alors être déclaré entièrement responsable! Soyez prudent et prenez en compte ces couvertures d’assurance supplémentaire.

Frais médicaux

Un petit montant pour les frais médicaux est souvent inclus dans la plupart des RCE. Les plafonds de garantie sont généralement peu élevés (25 000 $ ou 50 000 $) et peuvent comporter un petit plafond de 2 500 $ ou 5 000 $ par personne. Vérifiez que cette couverture s’étend aux participants eux-mêmes et pas seulement aux tiers. La meilleure partie de la couverture médicale est qu’elle s’applique normalement indépendamment de la faute et/ou des exonérations signées.

Décès et mutilation accidentels

Une police d’assurance décès et mutilation accidentels (DMA) est très similaire à la couverture des frais médicaux dont il a été question plus haut. En général, il s’agit d’une couverture supplémentaire facultative en dehors de la RCE, mais elle peut être assortie de limites de couverture. La couverture s’applique malgré les exonérations signées, mais les limites de la couverture sont généralement modestes, généralement 25 000 $ ou 50 000 $. Les seules pertes couvertes sont celles spécifiquement indiquées dans le tableau fourni par le courtier d’assurance.

Organismes sans but lucratif au Canada

Au Canada, les organismes à but non lucratif, tels que les clubs de plein air et autres groupes communautaires ou d’intérêt, ont besoin de la même couverture d’assurance RCE que ceux à but lucratif. Les provinces, les villes, les municipalités et les propriétaires fonciers se déchargent de plus en plus de leur responsabilité sur les organismes à but non lucratif et les autres parties impliquées dans la prestation de services de loisirs en plein air et d’autres services de loisirs. Même si elles ont besoin de l’aide des organismes à but non lucratif pour élargir et approfondir les possibilités offertes aux citoyens, les collectivités locales sont tout de même ravies de se décharger de leur responsabilité. Les organismes à but non lucratif devront donc chercher une couverture d’assurance adaptée, au même titre que les organismes à but lucratif.

Responsabilité des administrateurs et des dirigeants

En plus de la RCE, les organismes à but non lucratif et les organismes à but lucratif doivent souscrire à une police d’assurance pour les administrateurs et les dirigeants afin de protéger les membres de leur conseil d’administration et de la direction. Il ne s’agit pas de la même chose que la garantie RCE qui protège contre les dommages corporels. Lorsqu’une personne accepte de siéger au sein d’un conseil d’administration, elle accepte certaines obligations légales qui peuvent lui incomber personnellement. Elle doit se conformer aux différents niveaux de réglementation et de législation, de l’échelon municipal à l’échelon national en passant par l’échelon provincial. Elle doit avoir à cœur les intérêts de son organisme et veiller à ce que les fonds soient dépensés de manière acceptable. Les risques liés aux pratiques d’emploi doivent être gérés, tels que la discrimination, le licenciement abusif et le harcèlement sexuel. Elle doit éviter les conflits d’intérêts et les transactions personnelles inappropriées. Bien qu’il soit flatteur d’être élu ou sélectionné pour remplir ces fonctions, ce poste peut devenir un risque en l’absence d’une bonne police d’assurance responsabilité civile des mandataires sociaux, car vos actifs personnels sont alors exposés. De nombreuses poursuites en responsabilité civile des entreprises finissent par être rejetées, mais la défense peut prendre des années et être très coûteuse. Les polices d’assurance responsabilité civile des mandataires sociaux sont souscrites sur la base des réclamations, ce qui est souvent différent des polices d’assurance responsabilité civile des entreprises. En simplifiant à l’extrême, la police ne couvrira que les « réclamations faites » pendant la durée de la couverture. Il convient donc de maintenir les polices d’assurance responsabilité civile des entreprises actives, d’éviter les retards de paiement et de continuer à renouveler les polices même après la cessation des activités de l’organisme. Demandez à un courtier d’assurance de vous expliquer en détail cette couverture et ses limites.

Erreurs et omissions professionnelles

Pour de nombreuses professions, y compris celles liées à l’apprentissage en plein air, il vaut la peine d’envisager la couverture des erreurs et omissions. Ces contrats peuvent toutefois être coûteux, car les professionnels sont exposés à des risques plus importants que ceux couverts par une simple police RCE, tels que les fautes professionnelles et les actes d’omission ou de commission. Plus la formation d’une personne est spécialisée et plus les affiliations et certifications professionnelles qu’elle détient sont nombreuses, plus la norme à laquelle cette personne peut être soumise en termes de responsabilité est élevée et plus il est probable qu’une police d’assurance erreurs et omissions soit nécessaire.

Autres couvertures

Bien qu’elle soit largement simplifiée dans ce chapitre, la couverture d’assurance varie considérablement. Selon le type d’entreprise exploitée, il peut être prudent d’ajouter une couverture supplémentaire. La couverture peut être étendue aux biens et bâtiments commerciaux, aux besoins en équipement et aux cyberattaques ou violations de données. Si les entreprises de plein air ne peuvent pas obtenir des limites de responsabilité suffisamment élevées, des polices de responsabilité excédentaire ou parapluie peuvent être nécessaires. Enfin, une autre différence majeure au Canada par rapport aux États-Unis est que la couverture des accidents du travail est assurée par l’indemnisation provinciale des accidents du travail. Toutefois, une entreprise peut également souhaiter obtenir une couverture pour les employés occasionnels. Demandez des explications à votre courtier.

À propos de l’auteur

Keith Bossaer

Oasis Outdoor Adventure & Sport Insurance Solutions Inc.

Keith Bossaer est le fondateur d’Oasis Outdoor Adventure & Sport Insurance Solutions Inc, un agent général national et un mandataire de contrats de Lloyds. Il a passé plus de 35 ans dans le secteur de l’assurance et s’est spécialisé dans les assurances spécialisées au cours des vingt dernières années. En aidant des dizaines de milliers de Canadien.ne.s à créer des entreprises dans les activités sportives de leur choix, tout en s’adonnant à leurs passions, il a mené une carrière extrêmement gratifiante qui lui a permis d’observer la croissance et l’essor de ces secteurs d’activité.

 

Icône de la licence Creative Commons Attribution – Pas d’utilisation commerciale – Partage dans les mêmes conditions 4.0 International

L’article Assurance pour l’apprentissage en plein air au Canada (2024), par Keith Bossaer, est distribué sous la licence Creative Commons Attribution – Pas d’utilisation commerciale – Partage dans les mêmes conditions 4.0 International, sauf indication contraire.

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L’article Responsabilité juridique au Canada (2024), par Jon Heshka , est distribué sous la licence Creative Commons Attribution – Pas d’utilisation commerciale – Partage dans les mêmes conditions 4.0 International, sauf indication contraire.

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18.

INTERVENTION D’URGENCE ET DE SAUVETAGE

Jim Little

Les animateur.trice.s en plein air sont confrontés à des situations complexes sur le terrain (Carden, 2017) et doivent également posséder un large éventail d’aptitudes et de compétences pour mener des expériences sécuritaires (Williams-Orser 2021; Asfeldt, 2021). Les programmes d’apprentissage en plein air tentent souvent de créer des expériences qui permettent aux gens de surmonter des défis physiques et mentaux en vivant et en voyageant dans des espaces naturels et sauvages sans les commodités de la vie quotidienne. (Purc-Stephenson et coll., 2019).

Par rapport aux zones urbaines, en cas d’urgence sur un terrain éloigné, l’accès aux ressources nécessaires peut s’avérer difficile malgré les récentes avancées technologiques ou l’amélioration apparente de l’accès aux régions éloignées (Curran et coll., 2018). Dans les vastes étendues sauvages du Canada, nous pouvons nous trouver loin des services médicaux d’urgence (SMU), mais nous pouvons avoir confiance dans nos équipes d’intervention, qui possèdent une solide formation, des connaissances de base en gestion des risques et la connaissance des outils à utiliser dans les régions éloignées (D’Angelo, 2021). Dans ce chapitre, nous jetons un coup d’œil sur la complexité de la préparation des interventions avant l’excursion et sur les divers moyens d’utiliser au mieux les ressources juridictionnelles d’urgence dans l’arrière-pays canadien.

Une fondation des normes et formations en matière de secourisme

L’interprétation des réglementations gouvernementales en matière de formation en secourisme est un défi pour les praticien.ne.s du secteur de l’apprentissage en plein air. Le Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail indique le niveau minimum de formation en secourisme dans le cadre du projet de loi C-45 (projet de loi Westray) en vertu du Code criminel modifié. Il établit les exigences légales en matière de santé et de sécurité sur le lieu de travail et le devoir qu’ont les organismes d’assurer la sécurité de leurs travailleur.euse.s (CCHST, s. d.). La loi fixe des normes minimales de formation en secourisme pour différents environnements et délais d’intervention. En ce qui concerne la formation en secourisme en milieu éloigné ou sauvage, nous partons du principe que les ressources de sauvetage sur le terrain sont limitées et que nous pouvons nous trouver à des heures de route des services médicaux d’urgence (SMU).

La formation requise pour l’apprentissage en plein air est multiple et comprend, sans s’y limiter, une formation en secourisme, aux interventions d’urgence, à la gestion des risques, à la navigation, au leadership, à l’animation et aux compétences techniques spécifiques à l’activité (Priest et Gass, 2018). Il est généralement admis au sein de la communauté d’apprentissage en plein air que la formation en premiers soins est une compétence de base (Ritchie et coll., 2014) pour travailler dans des endroits éloignés; cependant, la formation de secourisme en milieu sauvage devrait être une compétence cible, essentielle pour les animateur.trice.s en plein air dans l’arrière-pays. Le marché de la formation en secourisme est très accessible aux animateur.trice.s dans tout le pays, mais il faut beaucoup d’engagement individuel et de temps pour atteindre les niveaux de formation appropriés. Plusieurs niveaux de formation de secourisme en milieu sauvage sont disponibles auprès d’organismes de certification au Canada.

  • La formation de secourisme en milieu sauvage de niveau standard, d’une durée de 16 heures, s’adresse aux amateur.trice.s d’activités de plein air qui ont l’intention de partir pour de courtes aventures (Wilderness Medical Associates, s. d.).
  • La formation de 40 heures de secourisme avancé en milieu sauvage s’adresse aux professionnel.le.s des activités de plein air en milieu sauvage et vise à répondre aux besoins spécifiques des régions éloignées qui vont au-delà des services médicaux d’urgence habituels (Siriusmedx, s. d.).
  • Le cours de 80 heures de premier.ère répondant.e en milieu sauvage s’adresse aux animateur.trice.s des zones reculées, notamment les éducateurs de plein air, les guides, les militaires, les équipes professionnelles de recherche et de sauvetage, les chercheur.euse.s et les personnes impliquées dans les secours en cas de catastrophe (Croix-Rouge canadienne, s. d.).

À partir de ces programmes de base de secourisme en milieu sauvage, il est possible d’accéder à des niveaux plus élevés de formation professionnelle, comme le titre de premier.ère répondant.e ou technicien.ne en milieu sauvage, qui correspond aux compétences de l’Association des paramédics du Canada (s. d.). Toutefois, ces normes dépassent probablement les normes minimales fixées pour le secteur de l’apprentissage en plein air.

De nombreux organismes professionnels de plein air ont tenté d’élaborer des politiques de secourisme qui ne sont pas encore totalement harmonisées dans leurs secteurs respectifs. Les normes d’agrément de l’Alberta Camping Association (2012) prévoient une formation de 40 heures de secourisme en milieu sauvage pour les animateur.trice.s d’excursion dans les régions éloignées. Les normes de l’Ontario Camp Association (2023) vont un peu plus loin et définissent les secouristes comme des prestataires de soins non réglementés et imposent aussi des qualifications en secourisme pour les excursions dans l’arrière-pays. Cet agrément pour les camps de l’Ontario prévoit une formation obligatoire de 16 heures en secourisme en milieu sauvage pour les animateur.trice.s d’excursion (sections 5.5-5.6) ainsi qu’une formation standard en secourisme et en réanimation cardiopulmonaire (RCP) pour les animateur.trice.s adjoint.e.s d’excursion (sections 5.7-5.8). Ces normes recommandent aussi vivement une formation de 40 ou 80 heures en secourisme en milieu naturel pour au moins un responsable si la durée ou le contexte de l’excursion le justifie (p. 129).

Paddle Canada (2023), le plus grand soutien de la communauté des pagayeur.euse.s récréatif.tive.s au Canada, exige que ses instructeur.trice.s suivent au moins une formation en secourisme et en RCP en milieu sauvage (16 heures) chaque fois qu’ils ou elles enseignent dans un endroit où il faut plus d’une heure pour atteindre des soins médicaux. L’Association canadienne des guides de montagne (s. d.) exige que les programmes de guides de montagne et de guides de randonnée intègrent un cours de secourisme avancé en milieu sauvage d’au moins 80 heures ou un cours de secourisme en milieu professionnel de niveau 3. Les organismes individuels semblent mettre en place leurs propres politiques pour le personnel de secourisme qui, idéalement, s’alignent sur la formation en secourisme imposée par le gouvernement fédéral.

Une approche systémique de la gestion des risques

L’application d’une approche systémique de la planification avant l’excursion ouvre la voie à des programmes sécuritaires d’apprentissage en plein air. Au lieu de réagir lorsqu’une crise se produit, les animateur.trice.s en plein air et les organismes qui leur sont associés peuvent intégrer des systèmes de gestion de crise dans leur processus de planification avant l’excursion, de manière à ce que tout événement inattendu puisse être traité de manière adéquate (Jackson et Heshka, 2021; Jackson et coll., 2021; Salmon et coll., 2017). Les chercheur.euse.s nord-américain.e.s ont proposé diverses approches de la gestion des risques à l’intention du secteur de l’apprentissage en plein air, mais il reste aux particuliers et aux organismes à adopter leur propre application sectorielle de la gestion des risques en mettant l’accent sur la planification de sauvetage, des urgences ou de la gestion des crises.

Les modèles Adventure Risk Exposure et Adventure-REACT (Brown, 1999), par exemple, sont proposés pour une application spécifique à la descente en eau vive. Howard, dans son étude de cas de 2009, espère que les propriétaires [d’entreprises de descente en eau vive] « choisissent » d’intégrer les normes du secteur en matière d’atténuation des risques. Une analyse industrialo-éducationnelle de Harper (2005) a permis de dégager cinq éléments clés pour la conception d’un programme de gestion des risques liés aux activités de plein air et d’aventure destinés au secteur postsecondaire, ce qui reflète principalement les besoins de l’industrie et des institutions en matière de gestion des risques dans l’Ouest du Canada. L’ouvrage de Jackson et Heshka, Managing Risk-Systems Planning for Outdoor Adventure Programs, publié en 2021, peut spécifiquement servir aux organisateur.trice.s canadien.ne.s de programmes de plein air. Ces approches systémiques de la planification des urgences peuvent nous aider à éviter les incidents graves, à maximiser notre apprentissage et notre plaisir de l’excursion, et nous guider pour tirer parti des importantes ressources de sécurité à notre disposition en cas de calamité. L’adoption d’une approche active pour intégrer les systèmes de gestion des risques et s’efforcer de réduire les incidents graves devrait demeurer une stratégie clé pour le secteur de l’apprentissage en plein air au Canada.

Ressources de sauvetage des partenaires industriels

Les organismes industriels canadiens ont mis au point des outils et des ressources accessibles au public pour la planification, la préparation et la mise en œuvre des mesures d’urgence. Un exemple est le programme AdventureSmart, un partenariat avec le gouvernement fédéral qui fournit divers outils de planification pour les activités de plein air, tels que le pagayage, la survie en plein air et les sports de neige. Il s’agit d’un « programme conçu pour réduire la fréquence et la gravité des incidents de recherche et de sauvetage » (AdventureSmart, s. d.). Les skieur.euse.s de l’arrière-pays, les grimpeur.euse.s sur glace et les motoneigistes ont accès à des ressources de sensibilisation et de préparation aux avalanches par l’intermédiaire d’Avalanche Canada (Avalanche Canada, s. d.). Les outils Avaluator sont conçus pour être utilisés en deux étapes : la préparation de l’excursion à la maison et la prise de décision pendant l’excursion. L’Association canadienne des guides de montagne met à la disposition de ses membres plusieurs ressources en ligne, telles que des revues de matériel et des listes de contrôle, des publications techniques et même des rapports sur les conditions de montagne en temps réel. Ils sont tous conçus pour aider les amateur.trice.s de loisirs de plein air à prendre des décisions raisonnables et éclairées sur le terrain. Les amateur.trice.s d’eau vive ne sont pas en reste et peuvent accéder à des ressources en ligne par l’intermédiaire de leurs organismes hôtes, tels que Whitewater Ontario (2018) et Alberta Whitewater (2021). Ces organismes fournissent aux pagayeur.euse.s des modèles de plans d’action d’urgence et des cartes visuelles des conditions locales sur des tronçons de rivières ou de rapides, ce qui permet aux amateur.trice.s d’eau vive d’en tirer le plus de plaisir possible, tout en les aidant à éviter de pagayer dans des zones périlleuses.

Réagir à une situation d’urgence

En cas d’urgence en milieu sauvage, le temps est compté. Certains environnements exigent une action immédiate, comme les personnes perdues, les avalanches (AVA avisé, 2023) ou une personne submergée et piégée dans un rapide. Cette liste peut être exhaustive. Les résultats positifs exigent que le personnel de secours soit formé, exercé et équipé afin de comprendre les étapes clés de la réponse à un incident.

Selon l’Association canadienne des volontaires en recherche et sauvetage (2012), les étapes critiques de tout plan d’action d’urgence commencent par la présence d’un.e animateur.trice capable d’organiser des efforts de sauvetage efficaces. Avant de partir en excursion, la désignation d’un.e animateur.trice adéquat.e et formé.e et l’organisme de dispositions appropriées pour l’excursion contribueront à produire des résultats efficaces en cas d’incident stressant. Heureusement, il existe des mesures communes que les animateur.trice.s peuvent prendre lorsqu’ils ou elles font face à un incident. Toutefois, il convient d’être prudent.e dans le suivi explicite de ces étapes en raison de la nature dynamique de leur déroulement dans un environnement extérieur très complexe.

Immédiatement après un incident, l’animateur.trice, souvent avec l’aide des membres du groupe, examine les lieux et veille à sa sécurité et à celle de son groupe; parallèlement, le personnel de secours immédiat peut être mis en place. Une analyse plus poussée des environs s’ensuit et la désignation de zones critiques (pour les opérations, les recherches ou les barrières) dans la zone concernée est mise en place afin d’empêcher d’autres personnes de pénétrer dans une zone dangereuse. L’American Canoe Association (2020, p. 3) suggère une approche en deux phases pour les sauvetages.

  • Phase 1 – A.R.R.P. : Arrêter, Réfléchir, Regarder et Planifier.
  • Phase 2 – L.A.É.S.T : Localiser, Accéder, Évaluer, Stabiliser et Transporter.

Il est impératif d’avoir accès aux victimes pour éviter d’autres blessures ou, dans le pire des cas, pour faire face à un décès. Brookes, l’un des principaux chercheurs australiens sur les accidents mortels et leur prévention, suggère que « les appels à l’aide extérieure peuvent être retardés en raison de la “gestion des risques”, mais la prévention des accidents mortels exige que le signalement précoce et l’envoi de sauveteur.euse.s extérieur.e.s soient effectués dès que possible » (Brookes, 2003, p. 41). Les animateur.trice.s doivent être formé.e.s à la mise en œuvre des plans de gestion des urgences, mais aussi être prêt.e.s à faire appel à des ressources extérieures pour les aider en cas d’incident grave.

Ressources de sauvetage juridictionnelles

Lorsque les capacités sur le terrain sont dépassées, au fur et à mesure que l’incident se déroule, il peut s’avérer nécessaire de faire appel à des ressources de sauvetage extérieures. Les ressources de sauvetage canadiennes sont accessibles par le biais de multiples juridictions. Le Programme national de recherche et de sauvetage (PNRS) intègre les organismes et les ressources afin de fournir des services de recherche et de sauvetage aux Canadien.ne.s (Sécurité publique Canada, 2021). L’approche collaborative du Canada en matière de recherche et de sauvetage s’articule autour d’un cadre visant à réduire au minimum les risques de blessure ou de décès et à fournir un service efficace dans tout le pays.

Le cadre est soutenu par le gouvernement à tous les niveaux, les premier.ère.s répondant.e.s et un réseau formé de bénévoles en recherche et de sauvetage afin de fournir un filet de sécurité complet aux Canadien.ne.s (Sécurité publique Canada, 2021).

L’ensemble des partenaires du PNRS lancent environ 15 000 appels à l’action par an (Quadriennal, 2013), et le PNRS a une portée nationale qui lui permet d’aider environ 25 000 personnes. Les Forces armées canadiennes (FAC) répondent à elles seules à environ 1 000 missions de recherche et de sauvetage aéroportées chaque année. Le PNRS intègre les opérations entre la Garde côtière canadienne pour les missions maritimes, et entre la GRC ou les forces de police territoriales et provinciales pour les instances terrestres et fluviales. Ce sont des opérations communément appelées de recherche et de sauvetage terrestres. En raison de l’étendue du territoire canadien, il peut être justifié d’utiliser l’un des trois principaux centres conjoints de coordination des opérations de sauvetage (CCCOS). En moyenne, 9 000 réponses annuelles sont communiquées par les CCCOS de Halifax, Trenton et Victoria. Toutefois, les municipalités (c.-à-d. les grands centres urbains) sont responsables des opérations de recherche et de sauvetage si un incident se produit dans ces régions spécifiques. Des bénévoles peuvent être mobilisé.e.s pour soutenir les opérations de recherche et de sauvetage à tous les niveaux. Des organismes bénévoles établis sont disponibles dans tout le Canada par l’intermédiaire de l’Association canadienne des volontaires en recherche et sauvetage (ACVRS, 2017) et de l’Association civile de recherche et de sauvetage aériens (ACRSA, 2023), qui fournissent des services de soutien 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 pendant les opérations de recherche et de sauvetage. Les Rangers canadiens des Forces armées canadiennes sont spécifiquement affectés dans les zones de recherche et sauvetage nordiques peu peuplées ou éloignées.

L’accès aux zones éloignées pour les opérations de recherche et sauvetage est souvent décidé en fonction de la gravité de la situation, de l’éloignement et de la disponibilité des ressources dans le cadre d’une approche multijuridictionnelle. À la suite d’un incident, les appels à l’aide sur le terrain sont acheminés vers les services d’urgence (p. ex., service 9-1-1). L’appel est ensuite transmis au partenaire de recherche et de sauvetage terrestres compétent aux fins d’enquête et d’intervention. D’autres évaluations de l’emplacement du sujet, des conditions de la situation et des ressources disponibles sont effectuées, et la décision est prise de lancer une intervention, où les ressources locales sont allouées par l’intermédiaire du territoire d’accueil.

Les organismes partenaires organisent le niveau approprié de ressources appliquées à l’incident. Une ambulance aérienne ou un hélicoptère de la police peut se rendre dans les zones les plus reculées, une motoneige de la police régionale peut être utilisée sur les chemins forestiers locaux ou les sentiers boisés, ou des équipements spécialisés peuvent être utilisés lorsque le terrain et les conditions deviennent trop difficiles d’accès pour les équipements régulièrement déployés. Comme on l’a vu en avril 2018, une opération de recherche et de sauvetage de grande envergure a eu lieu (avec des résultats positifs) dans une zone située au nord de Sudbury, en Ontario. L’équipement utilisé pour accéder à cette scène complexe était un grand véhicule à quatre roues spécialement conçu pour naviguer dans des conditions difficiles telles que les marécages, la neige et la boue (The Manitoulin Expositor, 2018). Si les ressources sont limitées ou indisponibles dans un territoire, le partenaire responsable peut faire appel à d’autres partenaires disponibles pour mener à bien une opération de sauvetage.

Entrer dans l’ère électronique

Les animateur.trice.s en plein air disposent de plusieurs options de pointe pour contacter des ressources de secours extérieures. Les dispositifs électroniques de localisation personnelle, les téléphones ou communicateurs satellites et les cellulaires se sont diversifiés et améliorés au cours des dernières années (CRTC, 2020). Cette section examine certaines options actuelles et présente les fonctionnalités typiques des dispositifs courants (et moins connus) utilisés dans les programmes d’apprentissage en plein air.

Les radiobalises individuelles de repérage (RIR), les radiobalises de détresse (ELT) et les radiobalises de localisation des sinistres (RLS) sont utilisées dans des environnements et des situations spécifiques : activités à l’intérieur des terres, balises pour l’aviation ou les aéronefs, et utilisation maritime ou navale, respectivement. Ces appareils fonctionnent uniquement par l’intermédiaire du système réglementé de satellites d’urgence Cospas-Sarsat au Canada, pour lequel ils sont enregistrés au nom d’une personne, d’un navire ou d’un organisme. En cas d’utilisation, l’unité informe directement les autorités canadiennes de sauvetage des personnes, du lieu et de la date du déploiement. La plupart des unités sont activées manuellement par l’utilisateur.trice en appuyant sur un bouton, mais certaines sont configurées pour se déployer par la force de l’impact ou l’immersion dans l’eau.

Les communicateurs satellites constituent une gamme d’appareils de communication plus populaire pour une utilisation à distance. Des appareils tels que SPOT, InReach, Zoleo et ACR Bivy Stick sont tous des options facilement disponibles et abordables pour communiquer avec d’autres personnes sur le terrain dans le monde entier. Ces appareils permettent aux utilisateur.trice.s d’appuyer sur un bouton d’urgence pour envoyer un signal de détresse à un opérateur.trice d’urgence tiers, qui relie ensuite votre position à la juridiction de secours la plus proche. Si un message d’urgence n’est pas jugé nécessaire ou si l’animateur.trice doit envoyer des messages spécifiques à des contacts extérieurs, la plupart de ces appareils sont capables d’envoyer des messages préprogrammés ou des messages textuels en temps réel. La connectivité, via l’unité elle-même ou via une connexion mobile Bluetooth, est une des options pour la génération de messages.

Des abonnements mensuels sont disponibles une fois que l’unité de base, qui coûte des centaines de dollars, a été achetée et activée. Les abonnements peuvent être temporairement suspendus pour un montant mensuel symbolique si les propriétaires n’ont pas l’intention d’utiliser l’appareil pendant un certain temps. L’utilisation de diverses versions et modèles de ces unités, au fil des ans, dans les programmes d’apprentissage en plein air, comporte des avantages et des inconvénients. Les utilisateur.trice.s doivent les considérer comme une solution de secours dans le cadre d’une bonne planification des systèmes (comme nous l’avons vu plus haut) et être prêt.e.s à faire face aux particularités des communications électroniques. La charge des batteries doit être surveillée régulièrement, le téléchargement de logiciels se fait souvent sans préavis et ne se déroule pas toujours normalement, la gestion financière mensuelle des abonnements est nécessaire et les tests avant l’excursion sont absolument indispensables pour vérifier le bon fonctionnement du système. Beaucoup de lecteur.trice.s comprendront que ces appareils ne doivent pas être les seuls moyens de contacter les services médicaux d’urgence, mais que l’un d’eux peut vous sauver la mise si vos projets d’excursion sont perturbés par une situation d’urgence.

Les téléphones satellites sont utilisés pour les communications vocales à partir de lieux éloignés. Tout comme les téléphones cellulaires, les téléphones satellites vous permettent de vous connecter à un service de téléphonie cellulaire extérieur, où le signal vocal est acheminé par les systèmes satellites Iridium, Inmarsat et Globalstar. Généralement, un abonnement mensuel pour le temps de conversation, la messagerie et la connectivité est nécessaire. Les mêmes arguments ou mises en garde peuvent être formulés pour ces appareils alimentés par batterie, et le fait de s’assurer qu’une vue claire du ciel est maintenue contribuera à limiter le risque d’appels perdus.

Les appareils Iridium-GO, Strigo, Cobham ou Hughes constituent la gamme la plus récente de systèmes portables de communication satellite. Ces appareils fonctionnent grâce à un récepteur satellite indépendant installé sur le terrain, qui facilite la transmission de données cellulaires à haut débit (voix, texte ou vidéo) par l’intermédiaire d’un ensemble de satellites dédiés (au sol et en orbite). Ils sont conçus pour se synchroniser à plusieurs appareils, du téléphone à l’ordinateur portable.

Conclusion

Faire face aux nuances des excursions en milieu sauvage est un défi en soi, mais lorsqu’un incident grave se produit, le degré de complexité s’accroît rapidement. Les animateur.trice.s en plein air ont la responsabilité de gérer ces situations d’urgence dynamiques sur le terrain, ce qui exige un niveau élevé de connaissances, de formation et de préparation pour obtenir des résultats positifs. Le fait de connaître les ressources spécifiques disponibles sur le marché actuel, les fournisseurs locaux et les partenaires des services d’urgence fédéraux contribuera à soutenir les programmes d’apprentissage en plein air sécuritaires au Canada.

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Ressources

À propos de l’auteur

Jim Little

Université Laurentienne

Jim Little est maître de conférences à l’Université Laurentienne, à l’École de kinésiologie et sciences de la santé, avec une spécialisation en leadership d’aventures en plein air. Il possède une vaste expérience de terrain en matière de gestion des urgences en milieu sauvage, en leadership d’activités de plein air, d’animation de groupe, de dynamique de groupe et de programmes de leadership d’activités de plein air au niveau postsecondaire. Son travail l’amène souvent à faire des excursions extraordinaires avec des étudiant.e.s, ce qui lui permet d’appliquer l’apprentissage par l’expérience en temps réel en plein air.

 

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L’article Intervention d’urgence et de sauvetage (2024), par Jim Little, est distribué sous la licence Creative Commons Attribution – Pas d’utilisation commerciale – Partage dans les mêmes conditions 4.0 International, sauf indication contraire.

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19.

MESURES D’INTERVENTION APRÈS UN INCIDENT

Ross Cloutier

Qu’est-ce qu’une crise?

Différents incidents peuvent provoquer une crise au sein des établissements d’éducation en plein air et de tourisme d’aventure, des situations qui entravent tout fonctionnement normal. On parle d’atteinte à la réputation ou de répercussions sur les objectifs, d’incidents perturbant gravement les activités régulières ou d’événements entraînant une rupture de confiance avec les principaux intervenants. Même si l’on estime que tous les incidents sont prévisibles et évitables, une grande incertitude plane dans l’apprentissage en plein air et des crises risquent de se produire.

La plupart des membres du personnel des programmes d’apprentissage et de guide en plein air ne subiront probablement jamais d’incident mortel, et pour ces derniers, la gestion des accidents demeure hypothétique. Néanmoins, du temps est consacré à la formation à la planification et à la prévention des risques. Grâce à une formation en premiers soins, le personnel est prêt à intervenir en cas d’événements mineurs. Même si la probabilité d’un échec catastrophique du programme est faible, elle existe comme le prouvent les événements certes occasionnels, mais très graves. La plupart des établissements de plein air ne sont pas outillés pour faire face aux crises, mais la connaissance des menaces et une structure détaillée des mesures pendant et après une intervention sont pertinentes.

Si certaines situations provoquent un ou plusieurs décès, d’autres sont liés à des enjeux comme les déversements de carburant et l’exposition à d’autres substances nocives, les pandémies (comme nous l’avons très bien appris), les maladies d’origine alimentaire, les personnes disparues, les incidents liés à l’hébergement et aux installations, à savoir les incendies ou les épidémies de norovirus, ou encore les conflits entre humains et espèces sauvages. Un incident critique fait basculer de la normalité au chaos instantanément. Il est donc trop tard pour commencer à s’organiser. Actions et rôles doivent donc être déterminés et planifiés en amont. La communauté de plein air se compose de planificateurs experts et d’intervenants compétents, et cette section propose des outils pour simplifier la phase de rétablissement après un incident.

Les quatre étapes de l’intervention d’urgence dans le cycle de gestion des risques sont l’atténuation, la préparation, l’intervention et le rétablissement (HeliCat Canada, 2019). Le chapitre est surtout consacré aux deux dernières étapes. Les réflexions approfondies sur les deux premiers points sont couvertes par d’autres chapitres du manuel. La gestion préventive des risques (activités visant à prévenir, planifier et réduire la gravité des incidents) relève généralement des activités d’atténuation et de préparation. Les activités de gestion après une crise font partie des phases d’intervention et de rétablissement.

  1. Atténuation : Prévenir les risques et réduire les répercussions sur l’établissement. Les activités d’atténuation comprennent toute activité visant à prévenir une situation d’urgence, à réduire tout risque ou à atténuer les effets dommageables de problèmes inévitables. Les réunions de guides, l’évaluation des menaces, l’équipement de protection individuelle et une police d’assurance en sont des exemples.
  2. Préparation : Se préparer à faire face à une situation d’urgence. Les activités de préparation comprennent les plans ou les préparatifs pour organiser les activités d’intervention, de sauvetage et de gestion après un incident. L’élaboration de plans d’intervention d’urgence, l’achat d’équipement d’intervention d’urgence, la formation du personnel, l’établissement de listes de contacts en cas d’urgence et la mise en place de dépôts d’équipement en sont quelques exemples.
  3. Intervention : Intervenir efficacement et en toute sécurité en cas de situation d’urgence. Les activités d’intervention comprennent les mesures pour sauver des vies et prévenir d’autres dommages matériels en cas d’urgence. L’intervention est la mise en œuvre de plans et se déroule pendant une situation critique. Une intervention en cas d’avalanche, la recherche d’un élève disparu, la communication avec les médias ou la famille sont des protocoles d’intervention.
  4. Rétablissement : Favoriser un retour à la normale (ou à une nouvelle normalité) après une situation d’urgence. Le rétablissement comprend les mesures pour revenir à une situation normale, voire meilleure, à la suite d’un incident. Plusieurs activités ont lieu immédiatement après ou pendant les dernières phases de l’intervention. Recueillir les déclarations des témoins, établir un profil de neige à des fins d’archivage, faire un débreffage du personnel, compiler la documentation sur les autres personnes présentes et les incidents, et faire un retour avec les effectifs et la clientèle sur le stress lié à un incident grave sont quelques exemples de mesures immédiates. Par la suite, différentes activités à long terme peuvent se poursuivre pendant des mois, voire des années dans de nombreux cas : mener une enquête interne sur un incident, garder le contact avec les familles et la clientèle présente, collaborer avec les assureurs, les enquêteurs, les médecins légistes et les avocats, et gérer les demandes d’indemnisation.

Niveaux d’intervention en cas d’incident

De nombreux modèles décrivent différents niveaux d’intervention, mais ce dernier est simple et est utilisé par une grande partie du secteur canadien du ski dans l’arrière-pays (HeliCat Canada, 2019). Il présente trois niveaux : interne, externe et intégré, identifiés en vert, jaune et rouge respectivement, comme le montre la figure 1.

Figure 1 : Trois niveaux d’intervention
NIVEAU 1 – INTERVENTION INTERNE (VERT)
L’incident est géré par les guides, les instructeurs et le personnel sur place. L’intervention est indépendante et fait appel à du personnel et à du matériel de l’équipe et de l’établissement. La plupart des incidents sont de cette ampleur, donc les guides sont en mesure d’organiser le sauvetage, de prodiguer les premiers soins et d’évacuer à l’aide du personnel et du matériel disponibles. Les ressources peuvent se composer d’un hélicoptère, d’un pilote, d’un guide ou d’un instructeur, de l’équipement transporté et du soutien au sol.
NIVEAU 2 – INTERVENTION EXTERNE (JAUNE)
L’incident est plus grave, quoique contrôlable au moyen de ressources organisationnelles surtout internes, mais peut nécessiter une aide extérieure. L’intervention est principalement indépendante au sein de l’établissement grâce aux ressources requises, comme d’autres guides et hélicoptères ou du matériel. Cela dit, elle requiert également des ressources externes, soit une ambulance, un hélicoptère d’évacuation sanitaire, une patrouille de ski, un médecin entre autres.
NIVEAU 3 – INTERVENTION INTÉGRÉE (ROUGE)
L’incident est très grave et mobilise d’importantes ressources externes, comme l’aide mutuelle des services de recherche et sauvetage (R-S), de la police ou des services d’urgence. L’aide est généralement demandée par un appel logé au 911. Le commandement et le contrôle peuvent être confiés à une équipe externe comme la police et les ressources de l’établissement pourraient être intégrées dans un système de commandement d’intervention (SCI). L’intervention peut se dérouler sur plus d’une période d’activité. Ce niveau d’incident peut provoquer des décès ou nécessiter des mesures complexes.

Intervention

La priorité dans la gestion d’un incident est de prendre en charge la clientèle ou le personnel blessés. De tels événements peuvent affecter d’autres personnes en plus des victimes. Il est important de répondre aux besoins de l’entourage des blessés, de faire un débreffage, d’offrir du counseling, de porter attention à tout symptôme potentiel lié à un incident grave. Gardez à l’esprit que les intervenants et les enquêteurs eux-mêmes peuvent nécessiter des soins et du soutien. Voici quelques stratégies pour intervenir efficacement en cas d’incident.

  • Rester calme et bien réfléchir aux actions.
  • S’assurer que tout blessé est pris en charge et qu’une intervention appropriée et rapide est mise en place. Intervenir rapidement et de manière professionnelle.
  • Mettre en place un système de commandement adéquat pour gérer l’incident.
  • Confirmer les détails de l’incident et ne pas agir sans vérifier toute information.
  • Organiser des séances de débreffage avec le personnel et les équipes externes séparément.
  • Prévenir les autorités compétentes (police, assureur, avocat, organisme provincial de santé et de sécurité au travail et équipe de direction de l’établissement).
  • Organiser la communication avec les proches : personne-ressource, quantité d’information à fournir et assistance pour les amener à l’endroit où se trouve le blessé. Désigner une personne-ressource pour les proches et fournir régulièrement de l’information.
  • Communiquer au personnel les renseignements confirmés. Ne discuter de l’incident ou des causes qu’avec le personnel désigné, et ne pas porter de blâme ou ne pas essayer de trouver de fautif.
  • Mettre en branle le plan média de l’établissement. Veiller à ce que toutes les demandes ou questions soient acheminées par un porte-parole désigné pour informer le public. Il se peut qu’un avis juridique soit requis avant de communiquer toute information aux médias ou au public.
  • Des réunions supplémentaires avec le personnel et des séances de débreffage avec des conseillers professionnels peuvent être nécessaires.
  • Documenter et photographier toutes les étapes de l’intervention. Compiler tous les documents connexes, soit les formulaires d’inscription, les renonciations signées, les rapports d’incidents, les formulaires de SCI, de santé et de sécurité au travail, les formulaires d’assurance et les déclarations des témoins.
  • Demander à l’assureur si son expert ou son avocat doivent intervenir. Ils se chargeront de l’enquête par la suite.
  • Le personnel ne doit en aucun cas commenter dans les médias. Adresser toutes les demandes de renseignements au porte-parole de l’information du public au sein de votre organisation.

Système de commandement d’intervention

Si la plupart des incidents liés aux activités nécessitent une intervention de niveau 1 ou 2 et peuvent être gérés « en interne », les dangers plus importants nécessitent des ressources externes et l’intégration de toutes les activités déjà menées avec des organismes d’intervention externes comme la police, les groupes de recherche et sauvetage locaux, l’organisme provincial de gestion des urgences, Parcs Canada, les services ambulanciers et d’incendie. C’est également le cas lorsqu’un établissement apporte son aide lors d’un incident externe géré par l’un de ces organismes. Toute intervention en cas de situations d’urgence nécessite un système de gestion organisé, et le SCI est couramment utilisé en Amérique du Nord. Les organismes concernés utilisent un tel système et la terminologie associée.

Le SCI est un système normalisé de gestion sur place conçu pour favoriser une gestion efficace et optimale des incidents en intégrant installations, équipement, personnel, procédures et communications au sein d’une structure organisationnelle commune. L’incapacité à s’intégrer harmonieusement à une telle structure compromet les communications, le commandement, la portée du contrôle et la responsabilité. Les organismes d’intervention canadiens ont adopté le SCI. D’ailleurs, il est important que les programmes de plein air et les entreprises de tourisme d’aventure puissent collaborer avec ces organismes.

Ressources d’intervention affectées en amont

Dans le cadre de la préparation, de nombreux éléments d’une intervention planifiée peuvent être mis en place, à savoir :

  • Personnel de l’équipe de direction
  • Ressources d’interventions internes et externes
  • Plans de communication
  • Communiqués de presse prérédigés
  • Personnes-ressources en santé et sécurité au travail
  • Ressources sur le débreffage en cas de stress lié à un incident grave
  • Trousses d’outils en cas d’intervention
  • Listes de contrôle en cas d’intervention

Documentation

Lors d’un litige découlant d’un incident, tous les documents pertinents doivent être accessibles. Ils ne sont pas protégés par une « dérogation » et peuvent devoir être divulgués aux avocats représentant les parties. Rien n’est confidentiel, y compris les rapports et notes de service, les publications sur les médias sociaux et les courriels du personnel. Il est important de faire preuve d’objectivité et de professionnalisme dans toute la documentation portant sur l’incident. Les commentaires subjectifs et les opinions sont à proscrire.

Les protocoles sur la gestion appropriée des incidents, les rapports, la documentation, l’interaction et la communication avec la clientèle et le public doivent être établis par chaque entreprise et présentés dans le cadre de la formation du personnel. Par ailleurs, petit rappel : toute demande d’indemnisation à la suite d’un incident peut être présentée des années plus tard. De plus, les mesures prises pendant et immédiatement après l’événement peuvent être déconseillées par les assureurs ou les juristes. Il faut donc faire preuve de rigueur lorsqu’il est question du contenu de la documentation, de la tenue des registres et de la présentation des documents.

Documentation préalable

Les entreprises de plein air disposent d’une vaste documentation préalable aux incidents, à savoir : renseignements sur l’inscription et la réservation, matériel de marketing, contenu de site Web, échange de courriels avec la clientèle, matériel de formation, dérogations, discussions sur la sécurité, plans de gestion des risques, données d’observation de la neige, niveau d’eau et conditions météorologiques, procès-verbaux de réunions des guides et des instructeurs, plans d’excursion, registres d’équipement et d’entretien, carnets de route de guides et d’instructeurs, polices d’assurance, programmes de formation du personnel, CV et certifications du personnel et registres commerciaux.

Après un incident, de tels documents sont couramment utilisés et doivent toujours être colligés et conservés. Ils sont d’ailleurs analysés minutieusement au cours des enquêtes et des demandes de réclamation. En cas d’incident mortel, chaque province dispose de son propre système d’enquête sur les décès (par le truchement d’un coroner ou d’un médecin légiste), et la police mène l’enquête. Les documents peuvent être saisis et tout contenu enregistré devient une partie officielle du dossier. Par ailleurs, en cas de litige, les témoins experts mènent également des enquêtes et examinent minutieusement la documentation et les procédures opérationnelles. Si des clients sont affectés par l’incident, et que vous utilisez une plateforme de renonciation électronique, vous devez immédiatement copier tous les formulaires du site pour toutes les personnes et conserver ces documents. S’ils ont également signé antérieurement des décharges lors de voyages avec votre établissement, conservez des copies, car plusieurs copies signées valent mieux qu’une.

Documentation après un incident

On parle de toute documentation produite pendant l’intervention et après l’événement. Nommons les croquis du lieu de l’accident, les notes des guides sur le terrain, les témoignages, les déclarations d’autres participants, les photographies et vidéos, les vidéos GoPro (à obtenir immédiatement), les listes des groupes et les coordonnées, les messages sur les médias sociaux, les courriels du personnel, les notes internes, les rapports d’incidents, les communiqués de presse, les rapports d’enquête interne ou externe, les formulaires de gestion des incidents, les échanges avec les participants ou les familles, avec les assureurs et d’autres entreprises, le matériel de marketing et de communication au sein de l’établissement. Toutes ces données doivent être collectées et conservées.

Gestion après un incident

Enquêtes après un incident

Les incidents critiques peuvent nécessiter diverses formes de collecte de données et d’enquêtes. Il est recommandé de désigner une personne responsable de la liaison dans le cadre de ce processus. Dans une petite entreprise, le propriétaire assurerait la tâche alors qu’un cadre supérieur dans une grande entreprise exercera la responsabilité. On distingue trois principaux types d’enquêtes après incident : l’analyse interne et la collecte de données, les enquêtes réglementaires (accidents du travail) et les enquêtes contentieuses.

Une analyse interne et une collecte de données permettent de recueillir et préserver les faits saillants. La collecte de dossiers, de documents, de témoignages, de vidéos, de communications et de rapports d’incidents est de mise. Étant donné qu’une entreprise doit informer immédiatement l’assureur de tout accident, elle peut également lui demander des conseils sur les prochaines étapes de l’enquête. Un courtier sera en mesure d’aider à mettre en œuvre une stratégie d’intervention et de diriger vers des experts juridiques ou d’autres spécialistes si nécessaire. En cas d’incident grave, il communiquera avec l’assureur, qui peut faire appel à un avocat, un expert ou d’autres spécialistes externes.

Par ailleurs, les commentaires personnels et opinions sont toujours à éviter dans la documentation des incidents et tous les rapports qui en découlent servent à établir des faits, et non à désigner des fautifs. Les opinions du personnel ne doivent pas non plus y figurer. Souvent, la phase la plus importante de la collecte d’information sur un incident se déroule pendant les 24 premières heures : les personnes présentes font des dépositions précises, des vidéos et des photographies peuvent être obtenues, et des éléments comme les zones de déclenchement des avalanches, les analyses des niveaux d’eau des rivières, les analyses météorologiques et la recherche de faits fournissent des repères.

À ce stade, l’entreprise doit suivre différentes étapes :

  • Recueillir l’information sur le déroulement de l’incident. Recueillir des renseignements factuels, objectifs et exempts de jugement.
  • Informer le personnel et les personnes présentes, et recueillir les témoignages, les photos et les vidéos.
  • Communiquer avec les assureurs pour les informer de l’incident.
  • Colliger et conserver la documentation pertinente avant et après l’incident (comme décrit ci-dessus).
  • Mettre en place un plan de gestion de la communication avec les médias, les participants et les familles.
  • Passer en revue les activités de l’entreprise si nécessaire.
  • Communiquer clairement et régulièrement avec le courtier d’assurance, l’avocat ou l’expert en sinistres, s’ils sont désignés, au sujet de la gestion des demandes d’indemnisation liées à l’incident.

Sans tenir compte de la nature des blessures ou d’un accident évité de justesse, voici les phases de l’enquête :

  • sécuriser, photographier et documenter la scène;
  • recueillir de l’information sur le déroulement;
  • reconstruire la séquence des événements.

Enquêtes réglementaires

De telles enquêtes sont régies par des lois ou des règlements provinciaux ou fédéraux, comme une enquête sur un incident exigée en vertu d’une loi provinciale sur l’indemnisation des travailleurs lorsqu’une personne se blesse. Elles sont menées par des organismes de réglementation. En cas de travailleurs blessés et dans certaines enquêtes réglementaires, l’entreprise doit également assumer certaines tâches :

  • déterminer la ou les causes;
  • recommander et mettre en œuvre des mesures correctives;
  • soumettre un rapport à l’organisme provincial de santé et de sécurité au travail.

Il existe des règlements sur la santé et la sécurité au travail dans les différentes provinces, mais la plupart des objectifs est similaire dans différentes administrations. À ce propos, la Worker’s Compensation Act de la Colombie-Britannique (Imprimeur du Roi, 2019) a été modifiée et de nouvelles exigences s’appliquant aux enquêtes ont été formulées. En résumé, la loi stipule ce qui suit :

Si un travailleur se blesse ou pas, mais qu’il existe un risque de blessure grave (incidents évités de justesse), l’employeur doit mener une enquête préliminaire et approfondie sur l’incident.

L’enquête préliminaire doit être réalisée dans les 48 heures. Elle vise les mesures prises immédiatement pour éviter une situation similaire et protéger les autres autres travailleurs. Des mesures correctives provisoires doivent être appliquées si elles sont déterminées à ce stade.

L’enquête exhaustive est un examen détaillé des circonstances qui permet de trouver les causes de l’accident et les facteurs propices à l’incident et aux blessures. Elle doit être achevée dans les 30 jours suivant l’incident et une copie du rapport final, des mesures correctives et de la mise en œuvre doit être soumise à WorkSafeBC.

Le Règlement sur la santé et la sécurité au travail, a également été modifié pour clarifier les rôles des représentants des travailleurs ou des membres des comités de santé et de sécurité, qui s’articulent comme suit :

  • Visiter le lieu de l’incident avec les enquêteurs.
  • Conseiller les personnes chargées de l’enquête sur les méthodes, la portée ou tout autre aspect de l’investigation.
  • Participer à la collecte de renseignements en lien avec l’enquête.
  • Épauler les personnes chargées de l’enquête dans l’analyse de l’information recueillie.
  • Participer à la détermination de mesures correctives pour éviter des incidents similaires.

Une collaboration étroite doit favoriser les débouchés de l’enquête. En Colombie-Britannique, les petites entreprises de moins de neuf employés ne sont pas tenues de mobiliser tant de travailleurs, mais elles sont encouragées à demander l’avis du personnel.

L’obligation pour l’employeur d’informer tout organisme provincial de santé et de sécurité au travail varie en fonction du type d’incident et diffère de la déclaration des blessures liées à des sinistres. En cas d’accident du travail, l’employeur doit toujours remplir des formulaires de déclaration d’accident. Cela dit, il ne satisfait pas pour autant à l’obligation de signaler immédiatement certains incidents. Consultez les lois provinciales sur l’indemnisation des travailleurs pour connaître les exigences.

Enquêtes sur les litiges

Dans le cadre d’un litige découlant d’un incident, des enquêtes sont ouvertes lorsque l’on appréhende une action en justice. Elles sont menées par l’assureur et son avocat ou par des experts très crédibles, car ils seront des témoins experts en cas de poursuite.

L’assureur peut avoir recours à des spécialistes, des consultants et des avocats. À ce stade, il exerce sa responsabilité et son pouvoir de défendre la demande d’indemnisation selon son jugement, et il définit la stratégie avec l’avocat. Il ne s’agit pas de l’avocat de l’établissement, et ce dernier détermine généralement la stratégie de défense. Outre la franchise de la police, les coûts sont généralement inclus dans l’assurance.

Une entreprise doit connaître les coûts compris dans sa franchise et ceux pris en charge par l’assureur. Les frais déjà engagés ne seront probablement pas déduits (par exemple, pour l’analyse interne, la collecte de données ou d’autres coûts associés à l’entreprise).

Sécurisation et documentation de la scène

Les renseignements recueillis sur les lieux d’un incident sont importants dans le cadre d’une procédure judiciaire ou d’une enquête réglementaire qui ne commencerait que des mois ou des années après l’événement. Notez tout, car des détails à première vue insignifiants peuvent être très pertinents pour déterminer un lien de causalité ou pour une défense juridique à un stade ultérieur. Les indices sur les lieux peuvent être dissimulés ou compromis en raison des opérations de sauvetage. Des photos de la scène lors de l’incident sont indispensables pour établir les faits, notamment pour retracer le personnel et les témoins au moment des faits.

Bien que la priorité demeure les blessés, il est important de prendre des photos et de faire des croquis le plus rapidement possible à cause des changements des conditions météorologiques et d’enneigement et de la tombée de la nuit. Voici quelques éléments importants pour documenter la scène :

  • Le lieu exact de l’incident doit être délimité afin de le mesurer et de l’enregistrer.
  • Toute preuve matérielle, comme les dangers et les obstacles, doit être identifiée en vue d’un examen ultérieur.
  • Des photos de l’emplacement exact de l’équipement doivent être prises, et l’état de tout matériel doit être documenté. Il peut être judicieux d’étiqueter et de mettre hors service tout équipement concerné.
  • Il ne faut ni déplacer ni altérer des éléments de la scène avant que tous organismes et enquêteurs n’aient scruté minutieusement les lieux.
  • Dans la mesure du possible, les chaussures d’une personne blessée après une glissade, un trébuchement ou une chute doivent être décrites et photographiées. Déterminer si elles étaient adaptées aux conditions météorologiques, au lieu et aux activités est un moyen de défense viable en cas de procès.

Lorsque l’incident se produit sur un site ou dans des locaux, comme dans le cas d’une glissade, d’un trébuchement ou d’une chute, le personnel de l’établissement en est informé généralement après un certain temps. Au moment de l’enquête, les conditions ont probablement changé et l’endroit exact peut être difficile à retracer. Il est donc recommandé de prendre des photos dans la direction vers laquelle marchait le blessé ainsi que de gros plans de l’état de la surface.

Photographier la scène

Le nombre de photos prises sur les lieux d’un incident varie, mais mieux vaut trop que trop peu. Prenez-en le plus possible. N’en supprimez pas. En examinant les photos sur place avant de tout remballer, vous pourrez reprendre les images floues ou indéchiffrables en raison de l’angle par exemple.

Enregistrez la date, l’heure, le lieu et le nom du photographe avant tout, en prenant une photo d’une feuille contenant les renseignements ou en les notant dans un calepin. Après la prise des photos, notez à nouveau l’heure. Si possible, l’équipement non concerné ne doit pas figurer sur les photos, à moins que le but soit de montrer l’emplacement de l’incident ou la taille et les distances.

D’autres personnes présentes ont peut-être des photos ou des vidéos d’un incident, de l’intervention ou d’activités antérieures. Si c’est le cas, l’enquêteur doit en demander une copie, mais peut tout de même essuyer un refus. En cas d’enquête de la police, d’un coroner ou de WorkSafeBC, toute personne peut être contrainte de fournir des images.

Collecte d’information

Déclarations de témoins

Les témoins doivent être interrogés et les déclarations de toute personne ayant une connaissance directe de l’incident doivent être recueillies. Parfois, la police s’en charge, mais même en cas de légers incidents, il faut recueillir des renseignements auprès de toute personne concernée. Il faut interroger les témoins le plus tôt possible, car les souvenirs sont frais et les propos seront plus précis. De plus, communiquer rapidement avec ces derniers et clairement expliquer la raison de l’entretien favorisent la collaboration.

La plupart des témoins coopèrent, surtout si l’enquêteur les aborde avec respect et reconnaît qu’ils lui consacrent un temps précieux. Cependant, d’autres peuvent juger la démarche contraignante, s’impatienter ou faire obstruction. Une telle réaction peut s’expliquer par le fait d’avoir assisté à une situation traumatisante. Il faut donc tenir compte du bien-être du témoin. S’il est impossible de recueillir immédiatement le témoignage, notez le nom complet et l’adresse des personnes afin de communiquer avec elles ultérieurement.

Lorsque le témoin est un mineur, le parent ou le tuteur a le droit d’être présent ou de refuser la rencontre. La présence du parent peut aider ou nuire, et l’enquêteur doit faire preuve de discernement pour déterminer si le jeu en vaut la chandelle. Les témoins peuvent être interrogés sur les lieux de l’incident. Cette approche est la plus simple et peut s’avérer concluante pour l’enquête, car ils sont en mesure d’indiquer des endroits ou des objets précis et de relater des faits, difficiles à décrire ou susceptibles d’être oubliés par la suite.

Souvent, la rencontre a lieu dans un pavillon ou un bureau. L’environnement doit être confortable et calme et l’entretien ne doit pas être interrompu. Si le contexte le permet, il faut interroger le témoin sans la présence d’amis ou de membres de la famille afin de réduire les distractions et de préserver l’intégrité des souvenirs sur l’incident.

Tenue des dossiers

L’enquêteur doit colliger toute l’information qui apporte un éclairage sur le déroulement des faits. Dans les cas complexes, des carnets de bord, de rapports et d’autres documents justificatifs sont nécessaires pour établir une chronologie des jours, voire des semaines, précédant l’incident. La direction doit superviser activement la tenue de tous les registres. Il faut vérifier régulièrement que les dossiers ne comportent pas de commentaires narratifs superflus, qu’ils sont remplis adéquatement et contiennent les dates et les noms complets de tous les membres du personnel qui remplissent les formulaires.

Les documents doivent être classés de manière systématique et contrôlée afin d’être accessibles. D’ailleurs, ils peuvent faire office de preuves et reflètent le professionnalisme, la diligence et les normes générales de fonctionnement de l’entreprise. Voici une liste non exhaustive de documents pertinents qui peuvent être utilisés comme éléments de preuve au cours d’une enquête :

  • Renonciations
  • Formulaires d’inscription
  • Formulaires de location
  • Journaux des guides
  • Notes de réunions des guides
  • Rapports d’enquête interne
  • Courriels et autres correspondances
  • Données sur les avalanches et InfoEx
  • Documentation sur la planification des activités du programme
  • Formulaires de rapport d’incident
  • Rapports et conditions météorologiques
  • Registres d’utilisation de l’équipement
  • Listes de contrôle préalables à l’utilisation de l’équipement
  • Registres d’entretien de l’équipement
  • Bons de travail pour les réparations
  • Rapports sur les blessures et les premiers soins
  • CV des guides

Gestion du stress lié à un incident critique

De nombreuses personnes participant aux programmes de plein air seront probablement confrontées à des situations dangereuses causées par la nature, des défaillances mécaniques ou l’humain. Bien qu’elles s’en remettent complètement assez souvent, d’autres en gardent parfois des séquelles. Les incidents critiques sont des événements traumatisants qui peuvent provoquer une forte réaction physiologique dans l’immédiat ou plus tard. Le stress généré est une réaction normale.

Un débreffage permet aux personnes directement et indirectement concernées d’en parler individuellement ou en groupe avec une personne formée au soutien des pairs ou un professionnel de la santé mentale. La gestion du stress à la suite d’un incident critique comporte des techniques d’intervention en cas de crise éprouvées par les personnes nécessitant de l’aide après avoir subi une situation grave ou traumatisante. L’objectif est de créer un sentiment de normalisation et d’appartenance et de rétablir des stratégies d’adaptation perturbées. Des approches de gestion du stress à la suite d’un incident critique (GSIC) figurent dans certaines sources, et les employeurs devraient tirer avantage des ressources pour leur personnel. Nommons entre autres :

  • Le secteur des activités en montagnes canadiennes (qui regroupe HeliCat Canada, la Canadian Avalanche Association, Avalanche Canada, l’association Backcountry Lodges de la Colombie-Britannique, l’Association canadienne des guides de montagne et l’Association des guides de ski canadiens) offre au personnel un programme de soutien par les pairs axé sur la GSIC (HeliCat Canada, s. d.).
  • Certains organismes provinciaux régissant les indemnisations des accidents du travail proposent de pareils services aux entreprises (WorkSafeBC, 2018).
  • Des services sont fournis par des professionnels de la santé mentale.
  • Les programmes de mentorat proposent des réseaux de soutien par des groupes de pairs (Mountain Muskox, 2022).

Listes de contrôle pour la communication en cas d’intervention

En plus des fonctions opérationnelles d’une intervention lors d’une crise, une bonne communication et la gestion des messages avec les médias, le public, les familles, le personnel, les assureurs, les avocats et les autres parties concernées sont de mise. Les listes de contrôle couvrent les trois premières heures d’une intervention, puis pour les premiers jours et les premières semaines, jusqu’à la fin l’événement (Coast Communications, 2020).

Première heure

  • Confirmer les faits avec la direction de l’établissement.
  • Mettre en branle le plan de communication en cas de crise et mobiliser l’équipe de gestion.
  • Rédiger des messages clés d’après le modèle Préoccupation/Action/Responsabilité. Préciser le qui, quoi, où, pourquoi, quoi, comment.
    • Quelle est la cause?
    • Quelle est l’intervention?
    • Quelles sont les prochaines étapes?
    • Quand a lieu la prochaine mise à jour?
    • Où trouver plus de renseignements?
  • Scruter les médias sociaux et traditionnels.
  • Faire des annonces ou des publications sur les médias sociaux (réviser avant de publier).
  • Déterminer la méthode de communication avec les médias, y compris la façon et le moment d’émettre une déclaration.
  • Confirmer les approbations (nommer l’approbateur de toute information publique) et mettre en œuvre des procédures simples.
  • Faire le suivi des demandes des médias
  • Évaluer les ressources, faire appel à une aide externe au besoin, sauvegarder tous les documents sur la crise dans un lecteur partagé.
  • Recommander les parties prenantes clés à contacter, l’ordre et le moyen, par exemple, communiquer avec les personnes responsables de la communication avec les organismes de régulation, les courtiers d’assurance, le gouvernement.
  • Activer un site Web destiné aux communications en période de crise le cas échéant (c’est-à-dire une page officieuse en attente) ou mettre rapidement à jour la page d’accueil pour que l’information pertinente y figure.
  • Désigner un porte-parole et l’informer immédiatement.

Deuxième à troisième heure

  • Communiquer avec l’équipe du service des communications et la direction, y compris les conseillers externes.
  • Scruter les médias sociaux et traditionnels et envoyer des trousses à l’équipe principale.
  • Mettre à jour l’information régulièrement (fournir des mises à jour dans les médias sociaux que les parties prenantes peuvent publier, appeler les journalistes, corriger toute erreur d’information).
  • Publier toute nouvelle information, y compris les déclarations sur le site Web ou les médias sociaux, s’il y a lieu.
  • Rendre compte à l’équipe des demandes et des commentaires des médias, des principales parties concernées et du public, et mettre l’accent sur les mises à jour et analyses verbales pendant les premières heures, mais transmettre les rapports écrits par courriel.
  • Penser au prochain cycle de mises à jour importantes à l’intention des médias et du public.
  • Informer l’assureur et l’avocat selon les besoins dans le cadre des mises à jour quotidiennes.
  • Déterminer le moment de la prochaine conférence de presse ou du prochain communiqué.
  • Passer en revue les messages clés et les mettre à jour en fonction de l’évolution de l’information.
  • Faire un débreffage et faire appel aux partenaires et aux responsables de validation.
  • Prendre le pouls des membres de l’équipe : comment s’en sortent-ils? Comment se porte leur santé physique et santé mentale?

Fin de la première journée

  • Publier un rapport dans les médias sociaux et traditionnels. Fournir des analyses et des conseils :
  • Déterminer les enjeux majeurs. Quels sont les renseignements à corriger? Dans quelle mesure le message est-il bien reçu? Quels sont les commentaires des partenaires?
  • Penser à la suite : quelle est la prochaine phase des rapports? Comment bien planifier?
  • Déterminer si des ressources sont nécessaires pour alléger la pression sur la première équipe (par exemple, si les entretiens avec des médias se poursuivent en soirée).
  • Confirmer avec l’équipe d’intervention ses projets et ses besoins pour le lendemain.
  • Confirmer que tous les entretiens médiatiques sont autorisés.

Fin de la deuxième journée

  • Confirmer les ressources pour la journée.
  • Mettre à jour les messages importants en fonction de l’évolution de l’information.
  • Évaluer les répercussions à long terme sur la réputation, mettre à jour le plan de communication au besoin.
  • Communiquer avec les principales concernées et divulguer les mises à jour si nécessaire.
  • Disposent-elles d’information à jour?
  • Quelle information reçoivent-elles?
  • Peuvent-elles contribuer à diffuser des messages clés?

Fin de l’incident

  • Monter un rapport de synthèse.
  • Évaluer et suivre les prochaines échéances (rapports, enquêtes, etc.)
  • Appeler les principaux partenaires et les parties concernées et envoyer des courriels de remerciement.

Bibliographie

À propos de l’auteur

Ross Cloutier

Bhudak Consultants Ltd.

Ross cumule plus de 40 ans d’expérience en tant que guide, propriétaire d’entreprise, chercheur universitaire et consultant dans le domaine du tourisme d’aventure. Il dirige Bhudak Consultants Ltd, une société de conseil établie à Kamloops, en Colombie-Britannique et est également directeur général d’HeliCat Canada, la corporation d’héliski et de ski en dameuse au Canada. Ross est le fondateur et ancien président du département des études d’aventure à l’Université de Thompson Rivers et est titulaire d’un MBA en commerce international.

 

Icône de la licence Creative Commons Attribution – Pas d’utilisation commerciale – Partage dans les mêmes conditions 4.0 International

L’article Mesures d’intervention après un incident (2024), par Ross Cloutier, est distribué sous la licence Creative Commons Attribution – Pas d’utilisation commerciale – Partage dans les mêmes conditions 4.0 International, sauf indication contraire.

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SURVIE EN NATURE

André-François Bourbeau et Manu Tranquard

Survivre de la terre? Un examen des pratiques actuelles au Canada révèle que l’enseignement de la survie en nature sauvage est généralement dispensé de manière arbitraire et se fonde à tort sur des renseignements divers jugés « cool » par les amateur.trice.s de plein air en quête d’aventure. Malheureusement, cette approche est loin d’être idéale pour préparer les personnes qui fréquentent les milieux extérieurs éloignés aux fins sportives, professionnelles ou de loisirs à se préparer à une réelle situation d’urgence imprévue.

Dans le présent article, les auteurs abordent l’enseignement de la survie en nature sauvage afin de couvrir les véritables besoins à combler en situation d’urgence en plein air. L’objectif est de fournir un aperçu des pratiques exemplaires pour aider le personnel instructeur à adapter son enseignement de la survie en conséquence et d’aller plus loin que ce que décrit le paradigme « survivre en nature ».

Introduction

Plusieurs études ont déjà montré l’importance du secteur de l’aventure en plein air au Canada et la proportion de personnes qui participent à des activités de plein air dans des milieux éloignés aux fins sportives, professionnelles ou de loisirs (Tourisme Québec, 2007; KPMG, 2010; MELS, 2017; Tranquard, 2021a). D’autres études se sont penchées sur le nombre d’incidents graves ou mortels survenus au Canada (Curran-Sills et coll., 2013). Ce nombre inquiétant a démontré la nécessité d’adopter une approche systémique pour préparer les guides en plein air et les amateur.trice.s d’activités de plein air à affronter d’éventuels incidents pouvant mettre leur vie en danger.

Bourbeau (2019) affirme que dès qu’une situation de survie se présente, rien ne peut être fait pour changer la donne : soit vous y faites face et parvenez à survivre, soit vous périssez. Autrement dit, vous affrontez la situation avec les outils qui sont déjà en votre possession : votre forme physique, votre force mentale, votre capacité à prendre des décisions et vos aptitudes de survie. Un instructeur de survie de l’armée américaine dénommé Lutyens (2019) a proposé un concept semblable représenté par une balance de la survie, qui sous-pèse les difficultés d’une situation avec les ressources disponibles pour l’affronter. Les difficultés peuvent prendre une forme physique ou psychologique, tandis que les ressources se mesurent par la somme de l’équipement à portée de main, de la générosité de la nature, des facteurs humains et de l’intervention potentielle de la chance (figure 1).

L’équilibre des difficultés (stress physiques et psychologiques) et des ressources (équipement et provisions, générosité de la nature, facteurs humains et chance)
Figure 1. La balance de la survie (utilisée avec l’autorisation des auteurs)

Ce concept sous-entend que l’objectif principal d’un programme d’enseignement de la survie en nature sauvage est de s’assurer que les plateaux de la balance ne penchent jamais du mauvais côté. Il existe deux façons d’y arriver : contrôler les difficultés et l’équipement disponible (gestion des risques) ou renforcer les facteurs humains. Il faut se rappeler que ces stratégies sont préventives; une fois en danger, il est trop tard pour y recourir, c’est alors la balance de la survie qui détermine votre sort!

Solutions de gestion des risques

Le but de la gestion des risques en nature est donc de vérifier à l’avance que les difficultés rencontrées pendant la sortie en plein air ne dépasseront pas la capacité du groupe à les surmonter, tout en analysant la pertinence de l’équipement et des provisions apportées pour l’environnement précis où se déroulera l’activité. Autrement dit, il faut vérifier que le niveau de difficulté de l’activité correspond à la force des guides et des participant.e.s.

Le Guide en gestion des risques (AEQ, ACQ, LERPA, 2002), largement utilisé au Québec, suggère une stratégie novatrice pour assurer cette concordance entre la difficulté de l’activité et la force du groupe. Essentiellement, les activités de plein air sont divisées en quatre catégories :

  1. Débutant (majoritairement des excursions d’une journée ou d’une nuit dans un lieu situé à une heure d’un hôpital)
  2. Intermédiaire (généralement des excursions de deux à quatre jours dans un lieu semi-éloigné situé à une journée d’un hôpital)
  3. Avancé (toute expédition de longue durée dans un lieu éloigné situé à plusieurs jours d’un hôpital, où les risques peuvent habituellement être contrôlés)
  4. Expert (expéditions dans un lien très éloigné dans le cadre d’une course ou d’une tentative de record, par exemple la traversée d’un océan ou l’escalade d’une immense montagne)

Une fois la difficulté de l’excursion déterminée, il suffit de veiller à la sécurité des guides et participant.e.s en veillant à ce que leurs compétences de plein air, tant sur le plan général (camping) que spécifique de l’activité (canot), concordent avec le niveau de difficulté. Voici comment se traduit cette concordance pour les participant.e.s de chaque catégorie :

  1. Débutant (aucune expérience nécessaire)
  2. Intermédiaire (plusieurs expériences antérieures de catégorie débutant)
  3. Avancé (plusieurs expériences antérieures de catégorie intermédiaire)
  4. Expert (plusieurs expériences antérieures de catégorie avancé)

Cette concordance se décline de façon similaire pour les guides, c’est-à-dire qu’ils doivent avoir joué ce rôle lors de plusieurs excursions de catégorie inférieure et avoir agi à titre de guide adjoint.e dans une catégorie donnée avant d’entreprendre le plein rôle de guide. Le deuxième outil de gestion des risques (AEQ, ACQ, LERPA, 2002) particulièrement utile est de monter un plan d’excursion qui comprend des solutions viables aux cinq scénarios pessimistes suivants :

  1. Le groupe prend un retard de 4 heures chaque jour.
  2. Une personne est séparée du groupe.
  3. L’équipement le plus important pour la survie du groupe est détruit (généralement le moyen de transport ou l’abri).
  4. La personne qui dirige le groupe est inconsciente et doit être évacuée d’urgence.
  5. Une personne doit être évacuée, mais sa vie n’est pas en danger.

En réfléchissant à des solutions pour régler ces scénarios, les guides et participant.e.s sont contraint.e.s de se questionner sur la convenance de leurs compétences personnelles, sur le choix de l’équipement et du trajet et sur la disponibilité de « gardiens de l’excursion », des personnes qui peuvent vraiment aider en cas de besoin. Ainsi, ces deux principaux outils de gestion des risques, qui consistent à vérifier la concordance entre la difficulté de l’excursion et les compétences du groupe et à préparer un plan d’excursion adéquat, peuvent grandement aider à faire pencher la balance de la survie du bon côté, surtout s’ils sont validés par un.e ou deux guides en plein air expérimenté.e.s.

Selon les auteurs, l’enseignement de la survie devrait avant tout mettre l’accent sur ces deux pratiques de gestion des risques, y compris sur l’évaluation des forces et faiblesses des participant.e.s (Trqnauard et Bourbeau, 2014). Cette manière de procéder diminue les risques que les personnes s’embarquent dans une aventure qui les dépasse.

Comme mentionné plus haut, l’autre stratégie préventive pour influencer positivement l’équilibre de la survie est d’utiliser un programme de survie pour améliorer la force du groupe et les facteurs humains, au nombre de quatre (Bourbeau, 2019; Tranquard et Bourbeau, 2014) :

  1. Connaissances et compétences techniques de plein air
  2. Condition physique et robustesse
  3. Force mentale
  4. Capacité à prendre des décisions

Évidemment, une situation de survie où les personnes disposent de peu de temps pour réagir ne peut pas vraiment faire pencher la balance! L’obtention d’une différence notable pour l’un ou l’autre des quatre facteurs constitue un processus long et continu. Le programme de survie doit donc s’efforcer d’instiguer chez les apprenant.e.s une volonté de continuer à améliorer chacun des quatre aspects, et d’insister en même temps sur la prévention par la gestion de risques. Puisqu’il est impossible de prévoir une situation d’urgence en nature sauvage et que l’aspect le plus dangereux d’une situation de survie au Canada est de combattre le froid, il est important de prendre « l’habitude de transporter dans ses poches un moyen d’allumer un feu », entre autres habitudes préventives décrites dans les outils de gestion des risques (pour augmenter l’accessibilité au matériel de survie en cas de situation imprévue). Il est temps d’approfondir le contenu primordial à couvrir pour chacun des quatre facteurs humains pouvant peser dans la balance de la survie.

Connaissances et compétences techniques de plein air

La plupart des ouvrages et programmes sur la survie abordent presque exclusivement le facteur des compétences techniques, qui incarne le principe de « survivre de la terre », l’aspect captivant qui attire les lecteur.trice.s et apprenant.e.s. On y trouve habituellement des sections sur les premiers soins, la construction d’un abri, l’entretien d’un feu, l’approvisionnement en eau, les sources de nourriture (plantes comestibles, chasse, pêche, confection de pièges), la protection contre les insectes, l’envoi de signaux et les façons de s’orienter et de naviguer (Angier, 2014; Bourbeau, 2011a; Brown, 1983; Davenport, 1998; Défense nationale, 1992; Fry, 1981; Olsen, 1997).

L’apprentissage des subtilités de tous ces sujets peut facilement devenir l’entreprise d’une vie! La difficulté des programmes de survie de courte durée est de déterminer lequel de ces sujets est assez important pour se tailler une place dans les quelques moments d’enseignement et d’expérimentation disponibles. Selon les auteurs, les éléments suivants doivent être privilégiés puisqu’ils sont faciles à apprendre et sont particulièrement utiles pour affronter les vraies difficultés d’une situation d’urgence imprévue en contexte canadien, soit le fait de combattre le froid (Berry et coll., 2008; Tipton, 2006) et de faciliter le sauvetage (Protecteur du citoyen, 2013). Quant aux premiers soins, ils devraient faire l’objet d’une formation à part, puisque des cours sont couramment offerts à ce sujet. Il est à noter que l’eau et la nourriture sont incluses dans ces priorités puisqu’elles contribuent à contrer le froid.

  • Méthodes pour allumer et entretenir un feu et l’utiliser pour se réchauffer à l’aide d’un mur réflecteur arrière
  • Technique du « banc de parc » de Boudreau, qui consiste à former un lit de branches surélevé sur lequel s’allonger
  • Technique « épouvantail », qui consiste à rembourrer ses vêtements de matériaux secs pour augmenter l’isolation
  • Importance d’un chapeau de fortune
  • Distinction entre la technique « éponge » (toit plat qui absorbe la pluie) et la technique « bardeau » (toit incliné qui repousse la pluie)
  • Technique du « tombeau » de neige, qui consiste à creuser une simple tranchée recouverte de branches de conifères et de neige pour survivre sans feu pendant l’hiver
  • Prévention des engelures et solutions rapides
  • Technique « slush » de Bourbeau, qui consiste à faire fondre de la neige sur un bâton plat et à en aspirer l’eau
  • Différence entre les risques de boire une eau potentiellement polluée et les conséquences de la déshydratation
  • Fruits sauvages comestibles communs (famille des vaccinium et des amélanchiers), quenouilles (famille des typhacées) et tripe de roche (famille des umbilicaria) comme sources de nourriture
  • Alimentation d’un feu en bois vert pour envoyer un signal
  • Tracé d’un S.O.S dans un rectangle ou d’un V comme signal

Condition physique et robustesse

Même s’il est évident que le fait d’être en surpoids et en mauvaise condition physique, ou d’avoir tout autre handicap physique, rendra toute épreuve de survie d’autant plus périlleuse, pratiquement aucun cours ni aucun document sur la survie n’enseignent ces notions. Il reste néanmoins que la condition physique et la robustesse demeurent certainement aussi importantes que les connaissances et compétences techniques pour survivre à une situation d’urgence en nature sauvage. Si, par exemple, une motoneige tombe en panne à 30 kilomètres des secours lorsqu’il fait -30 °C, un.e marathonien.ne aura de bien meilleures chances de survie qu’une personne très âgée et affaiblie ayant déjà été scoute, malgré les compétences dont elle dispose.

Le problème est que la forme physique est perçue comme un domaine d’études à part, loin des priorités de l’enseignement de la survie en nature sauvage. Malgré tout, les auteurs suggèrent qu’à tout le moins, la forme physique soit évaluée dans le cadre d’un programme de survie afin de sensibiliser les apprenant.e.s à leurs propres limites, ouvrant ainsi la porte à une gestion plus approfondie des risques.

En outre, le programme de survie devrait encourager les personnes à améliorer davantage leur condition physique en proposant un entraînement physique et d’endurance. Enfin, il serait judicieux que les programmes de survie, en particulier ceux de plus longue durée, comportent des activités de plus en plus exigeantes physiquement (par exemple, marcher jusqu’à une autre destination) afin de stimuler la réintégration des activités physiques dans le mode de vie des apprenant.e.s.

Force mentale

L’importance de la force mentale comme élément déterminant des chances de survie a été largement étudiée (Leach, 1994, 2004; Tranquard, 2017, 2021a). Par exemple, l’instinct maternel peut s’avérer un puissant facteur de motivation, tandis qu’une dépression sévère sous-entend le contraire. Malheureusement, les ouvrages sur la survie offrent rarement des moyens concrets d’améliorer cette force mentale chez les apprenant.e.s (Leach, 2022). Le problème est exacerbé par les principes éthiques : il n’est pas possible de torturer les apprenant.e.s pour leur enseigner ce qu’est la torture! Les auteurs ont consacré un temps considérable à cette réflexion et en ont tiré les idées suivantes, qui peuvent être intégrées en toute sécurité dans les programmes de survie (Bourbeau, 2011b; Tranquard et Bourbeau, 2014) :

  1. Lire ou raconter des faits sur des épreuves réelles de survie et décrire les réactions des personnes qui les ont vécues. Comprendre comment d’autres personnes ont pu surmonter des stress ou souffrances intenses afin de mieux se préparer mentalement à d’éventuels incidents semblables.
  2. Participer à des simulations en situation contrôlée desquelles il est possible de s’échapper immédiatement. Ces simulations permettent aux personnes de prédire leurs réactions en cas de réel incident dangereux.
  3. Proposer aux participant.e.s de s’isoler volontairement ou faire une excursion solitaire en nature, afin de les préparer à d’éventuelles épreuves de survie à affronter seul.e.
  4. Proposer la guérison d’une phobie, d’une appréhension, d’une dépression ou d’une dépendance par l’entremise d’une aide psychologique professionnelle.
  5. Participer à des activités qui améliorent la dynamique du groupe. Les défis de cohésion d’équipe, les simulations de résolution de conflits, les chutes de confiance, la résolution de problèmes en groupe et autres activités peuvent être utiles pour préparer les participant.e.s à des épreuves de survie en groupe.
  6. Évaluer les aversions alimentaires. Il peut être amusant et instructif d’évaluer la volonté des apprenant.e.s à manger des aliments bizarres. On peut par exemple leur offrir une cuillère d’une mixture de bananes hachées, de chocolat et de baloney rehaussée de mélasse, de moutarde et de ketchup, ou encore leur faire boire du jus mélangé avec une tapette à mouches flambant neuve. Ce genre d’activité ouvre un dialogue sur les façons de s’adapter à de nouvelles situations.
  7. Encourager les voyages à l’étranger. C’est une autre façon de favoriser l’adaptation et de se préparer psychologiquement à accepter les changements inhérents aux épreuves de survie.
  8. Relever des défis de survie dans des conditions sécuritaires. La confiance acquise par la résolution de problèmes lorsqu’on relève volontairement un défi de survie est jugée utile au moment d’affronter de vraies situations difficiles. Environ 400 défis de ce genre ont été créés au programme de baccalauréat en plein air et tourisme d’aventure de l’Université du Québec à Chicoutimi pour aider les apprenant.e.s à développer leurs compétences de plein air (Bourbeau, 1996).

Par exemple, ces défis revêtent une difficulté facile au niveau 1 (allumer un feu avec une tige en ferrocérium), difficile au niveau 2 (allumer un feu avec des allumettes en carton, sans surface sur laquelle les frotter), avancée au niveau 3 (allumer un feu avec un briquet vide) et extrême au niveau 4 (allumer un feu en nature sauvage en se servant d’un morceau de glace comme loupe). Voici des exemples d’autres catégories :

  1. Fabriquer une corde de deux mètres avec un vieux t-shirt qui peut soutenir votre poids.
  2. Fabriquer un panier à partir de matériaux naturels dans lequel vous pouvez transporter un kilo de riz d’une seule main sur 500 mètres.
  3. Éplucher cinq pommes de terre à l’aide d’un couteau forgé à partir d’un clou de quatre pouces.

Il a été observé que la résolution de ce type de défis au fil du temps contribue non seulement au développement de la dextérité et des compétences de résolution de problèmes, mais amplifie également la confiance psychologique en plus de développer chez les personnes des comportements de prévention.

Capacité à prendre des décisions

La prise de décisions est le quatrième facteur humain pouvant sérieusement influencer l’équilibre de survie. En effet, même si une personne possède des atouts majeurs dans les compétences techniques, physiques et psychologiques, c’est trop souvent une mauvaise prise de décisions qui finit par la mettre en danger (Costermans, 2001; Flin et coll., 1996; Klein et coll., 2010; Schmidt et Lee, 2005). La plupart des ouvrages sur la survie proposent des stratégies de prise de décisions axées sur l’établissement de priorités. De même, de nombreux auteurs débattent sur la tâche à prioriser en situation de survie : premiers soins, allumage d’un feu, construction d’un abri ou approvisionnement en eau? D’autres étalent d’interminables arguments pour et contre le fait de rester sur place ou, au contraire, de bouger pour trouver un moyen de s’en sortir. Quoi qu’il en soit, bien trop souvent, la réponse s’avère être : « Tout dépend du contexte! ».

Dans leur quête d’une meilleure façon d’enseigner la prise de décision indépendamment du contexte, les auteurs ont élaboré le modèle SÉRA (Bourbeau, 2011a, 2013, 2019, 2022), qui se fonde sur les quatre « tâches » réelles dont il faut se préoccuper en situation de survie :

  • S : Secours – L’importance de signaler sa présence pour être repéré par les équipes de secours ou de trouver soi-même un lieu sûr.
  • É : Énergie – L’importance de conserver son énergie et de la récupérer lorsque possible en dormant, en mangeant et en s’hydratant.
  • R : Risques – L’importance de ne pas s’exposer inutilement au danger pour éviter d’empirer la situation.
  • A : Atouts – L’importance de conserver ses atouts (équipements, ressources, capacités), car ils sont précieux.

Essentiellement, le modèle SÉRA consiste à considérer chaque décision en contexte de survie selon les effets qu’elle peut avoir sur les quatre critères SÉRA. Autrement dit, pour vérifier si votre décision améliorera ou aggravera votre situation, vous devez prendre en compte ses effets sur chacun des quatre critères.

Par exemple, supposons que votre motoneige tombe en panne d’essence alors qu’il fait -10 °C et que vous envisagez de passer la nuit dans un quinzhee (abri de neige) construit avec la pelle d’urgence que vous traînez avec vous. Avant de vous mettre à la tâche, vous analysez cette décision selon les quatre critères SÉRA :

  1. Secours : L’abri étant insonorisé, une fois à l’intérieur vous n’entendrez plus les motoneiges passer, ce qui pourrait vous faire manquer des possibilités d’être secouru.e (négatif).
  2. Énergie : Vous dépenserez beaucoup d’énergie pour construire l’abri (négatif), mais il fera plus chaud de quelques degrés à l’intérieur (positif).
  3. Risques : Vous vous exposez à un risque modéré de vous faire mal au dos en pelletant et à un risque léger que la neige s’écroule sur vous (négatif).
  4. Atouts : Vos vêtements sont secs pour l’instant, mais ils seront détrempés quand vous aurez terminé de creuser l’abri de neige (négatif).

L’utilisation du modèle SÉRA ne garantit pas automatiquement que vous prendrez toujours la bonne décision, mais assure au moins que vous vous posiez les bonnes questions avant de prendre votre décision, ce qui peut faire toute la différence entre la vie et la mort.

Là encore, la difficulté consiste à trouver des moyens efficaces d’enseigner le processus de prise de décisions aux apprenant.e.s. L’une des stratégies mises à l’essai par les auteurs consiste à demander aux personnes apprenantes de démontrer ce qu’elles feraient dans les 30 premières minutes si elles se retrouvaient en situation de survie. Habituellement, elles s’empressent de ramasser du bois, de construire des abris, des lits, etc. À la fin de l’exercice, le personnel instructeur propose aux apprenant.e.s en sueur de voir ce qu’il ferait dans la même situation. Les instructeur.trice.s sortent alors simplement un sifflet de leurs poches, sifflent trois fois, puis un.e adjoint.e apparaît soudainement dans un crissement de pneus, perché.e sur un véhicule tout-terrain et armé.e d’une caisse de bière. Leçon acquise. Pensez SÉRA.

D’après leur expérience, les auteurs estiment que la meilleure façon d’acquérir les concepts de prise de décisions est de réfléchir ou de trouver des solutions à des mises en situation, qu’elles soient résolues sur papier ou dans la réalité. Par exemple, si des groupes de trois apprenant.e.s sont conduits à 3 trois kilomètres de leur base en hiver et que 4 de leurs 6 bottes sont accidentellement « brûlées » pendant qu’elles sèchent près du feu, comment peuvent-ils rejoindre la base? Sans le modèle SÉRA, les apprenant.e.s suivent la première idée qui leur vient et agissent immédiatement pour la concrétiser. Toutefois, réfléchir à leur décision en considérant les critères SÉRA leur permet de voir toutes les possibilités : appeler la base pour vérifier si une personne peut venir les chercher, envoyer une personne chercher de l’aide avec les deux bottes intactes, préserver leur énergie en attendant les secours, penser au risque d’engelures sur leurs pieds, déterminer s’il vaut la peine de sacrifier de l’équipement (atouts) pour fabriquer des bottes de secours, etc.

Résumé

L’issue d’une épreuve de survie dépend de l’équilibre entre les difficultés rencontrées et les ressources disponibles pour affronter la situation. La première façon de maintenir un équilibre positif est la mise en œuvre de deux principales stratégies de gestion des risques. La première stratégie consiste à vérifier que le niveau de difficulté de l’excursion correspond à la force et à l’expérience du groupe. Le guide de gestion des risques du Québec divise les activités de plein air en quatre catégories : débutant, intermédiaire, avancé et expert. Les participant.e.s doivent avoir une certaine expérience dans la catégorie inférieure avant de passer au prochain niveau de difficulté. Les guides doivent avoir agi à titre de guide dans la catégorie inférieure et à titre de guide adjoint.e dans la catégorie actuelle avant de pouvoir mener une excursion. Le deuxième outil important de gestion des risques est l’élaboration d’un plan d’excursion qui comprend des solutions à cinq scénarios pessimistes : retard, séparation d’une personne avec le groupe, équipement perdu, guide inconscient.e et évacuation d’un.e participant.e.

La deuxième façon de faire pencher la balance de la survie du bon côté est de renforcer les facteurs humains : compétences techniques de plein air, condition physique, force mentale et capacité à prendre des décisions. Ces quatre facteurs constituent toutefois des processus de longue haleine.

Ces deux outils de gestion des risques combinés au renforcement des éléments les plus rapidement modifiables de chaque facteur humain doivent être les principaux sujets abordés dans un programme de survie.

Conclusion

L’enseignement de nouvelles compétences de plein air peut parfois créer plus de problèmes de sécurité qu’il n’en résout. Par exemple, une personne qui n’a jamais descendu de rapides en canot ne tentera probablement pas l’expérience. Par contre, si un.e instructeur.trice lui enseigne des mouvements de base simples et lui fait dévaler juste une fois des rapides mineurs de classe II, le plaisir qu’elle en retire peut l’inciter à tenter de dévaler des rapides plus difficiles qui dépassent ses capacités. Dans cette situation, le fait d’avoir suivi un cours de canot débutant expose cette personne à un plus grand danger au lieu de renforcer sa sécurité. À titre de guides de plein air, nous devons porter particulièrement attention à ce phénomène.

Dans le monde de la survie en nature sauvage, nous devons faire doublement attention à la possibilité que nos enseignements procurent à nos apprenant.e.s une fausse impression de sécurité. C’est pourquoi les pratiques exemplaires doivent veiller à ce que les apprenant.e.s conservent une vision réaliste de leurs capacités. Ce n’est pas parce que vous avez appris à allumer un feu à l’aide d’une drille et d’un archet dans un milieu sec et contrôlé que vous y parviendrez dans une situation de survie réelle avec du bois trempé pendant une averse! Et même si vous avez acquis cette compétence, cela ne signifie certainement pas qu’il devient inutile d’emporter un briquet ou des allumettes quand vous vous aventurez dans les bois. Il est primordial de vous rappeler que l’équilibre de la survie est indépendant de ce que vous avez appris; la possibilité que survienne une situation plus grave que ce que le groupe peut gérer est toujours présente. Le message doit être clair : la stratégie « survivre de la terre » n’est valable qu’à titre de passe-temps intéressant. Pour survivre, il faut plutôt veiller à éviter les problèmes par la prévention, la prévention et encore la prévention.

Bibliographie

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À propos des auteurs

André-François Bourbeau

Université du Québec à Chicoutimi

André-François Bourbeau est professeur émérite et fondateur de l’unité d’enseignement en intervention plein air et du Laboratoire d’expertise et de recherche en plein air (LERPA, ou OREL en anglais) de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC). Après plus de 50 ans d’engagement, professeur Bourbeau a été reconnu par ses pairs comme l’un des « titans » du bushcraft et de la survie en nature sauvage. Il aime toujours se consacrer à des randonnées sur de longues distances, à des excursions de canot et au camping sauvage dans ses voiliers de fabrication artisanale.

Manu Tranquard

Université du Québec à Chicoutimi

Manu Tranquard est directeur de la Faculté des sciences humaines et sociales et du Laboratoire d’expertise et de recherche en plein air (LERPA, ou OREL en anglais) ainsi que professeur à l’unité d’enseignement en intervention plein air de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC). Ses principaux travaux de recherche portent sur la survie dans la forêt boréale et sur l’autonomie avancée en régions éloignées. Il est également guide de tourisme d’aventure professionnel et instructeur de survie en nature sauvage depuis plus de 20 ans.

 

Icône de la licence Creative Commons Attribution – Pas d’utilisation commerciale – Partage dans les mêmes conditions 4.0 International

L’article Survie en nature (2024), par André-François Bourbeau et Manu Tranquard, est distribué sous la licence Creative Commons Attribution – Pas d’utilisation commerciale – Partage dans les mêmes conditions 4.0 International, sauf indication contraire.

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21.

OBLIGATIONS PROFESSIONNELLES EN MATIÈRE DE RISQUES ET DE SÉCURITÉ

Jeff Jackson

Création et contrôle des risques par les intervenant.e.s

Le travail des intervenant.e.s en plein air n’est pas des plus faciles. Bien qu’il offre des activités amusantes, la découverte de lieux magnifiques et la compagnie de personnes souvent exceptionnelles, ce travail comporte aussi son lot de tâches physiques ardues, de longues journées, de longues périodes loin de la maison en plus de l’obligation de gérer toutes sortes de gens et tous types de météo. Au-delà de tout ça, l’aventure – en tant que recherche délibérée du risque – met les guides d’aventure en position très ambiguë du point de vue de la gestion des risques.

Les intervenant.e.s emmènent leur clientèle dans des endroits dangereux et la protègent une fois sur place. Ce sont à la fois des créateur.trice.s et des contrôleur.euse.s du risque, qui produisent des risques et protègent contre ceux-ci. Il s’agit d’une situation très subjective, surtout lorsqu’on doit déterminer quel niveau de risque est suffisant. La nature même des activités d’aventure implique une prise de décisions subjectives par rapport au niveau de risque auquel un groupe peut être exposé ainsi qu’au nombre et au type de précautions à prendre. Cet équilibre entre la création de risques et la protection contre ces risques joue souvent en défaveur des intervenant.e.s lorsque les choses tournent mal, du moins dans l’œil de la population. Pourquoi ont-ils permis une telle exposition au risque? Pourquoi n’ont-ils pas appliqué des mesures de sécurité plus efficaces? Cette ambigüité a donné lieu à la définition d’obligations professionnelles touchant la planification et la gestion des risques et de la sécurité.

Dans le cadre du présent chapitre, l’aventure désigne la recherche délibérée du risque. Cette définition limite la portée de cet article puisque seule une étroite proportion d’activités de plein air et d’apprentissage expérientiel comprend la recherche du risque comme élément fondamental de ses objectifs ou de son programme. Pour le secteur élargi de l’apprentissage en plein air, des loisirs en plein air et de l’éducation expérientielle, le risque peut être perçu comme négatif et est ainsi diminué sur tous les plans (Jackson et coll., 2023). Dans d’autres secteurs comme le tourisme d’aventure, les loisirs d’aventure ou l’éducation par l’aventure, les risques et difficultés sont nécessaires à l’obtention des résultats attendus.

Risques et incertitudes

La problématique au cœur de cette discussion repose sur le mot « risque ». Traditionnellement, l’interprétation de ce mot tourne autour de la définition suivante : un « potentiel de perte ». Cette interprétation n’est pas sans fondement puisqu’il existe des dizaines de définitions officielles dans les ouvrages et que l’origine même du mot remonte au grec ancien. Toutefois, elle omet l’autre côté de la médaille : le potentiel de gain. Pour les domaines comme les activités d’aventure, cet aspect positif est particulièrement important dans l’équilibre entre le potentiel de perte et le potentiel de gain. Plutôt que de plonger dans ce débat philosophique et sémantique, le présent chapitre voit seulement le risque comme une incertitude, sans jugement sur la nature positive ou négative de ses conséquences.

Dans son ouvrage culte Risk, Uncertainty, and Profit (1921), l’économiste Frank Knight établit une distinction entre le risque et l’incertitude. Selon lui, le risque peut être quantifié de manière absolue par une probabilité, tandis que l’incertitude n’est associée d’aucune probabilité calculable (Knight, 1921, I.I.26).

L’incertitude doit être interprétée dans un sens catégoriquement distinct de la notion habituelle de « risque », de laquelle elle n’a jamais été véritablement séparée… Il s’avère qu’une incertitude mesurable, c’est-à-dire un « risque » à proprement parler selon la définition que l’on en fait dans ce chapitre, est si différente d’une incertitude non mesurable qu’elle ne constitue en fin de compte nullement une incertitude. Le terme « incertitude » sera donc utilisé uniquement pour désigner les cas non quantifiables.

Le secteur des activités et loisirs d’aventure et de l’éducation par l’aventure doit composer presque exclusivement avec des situations d’incertitude, puisque les risques, les dangers et le potentiel de perte y sont majoritairement non quantifiables.

De plus, le terme « intervenant.e » en contexte d’aventure est utilisé pour désigner les guides, instructeur.trice.s et enseignant.e.s ainsi que toute personne jouant un rôle de meneur.euse assorti d’obligations professionnelles de planification et de gestion des risques et de la sécurité d’un groupe.

Cette discussion s’appuie également sur une deuxième supposition selon laquelle l’intervenant.e en contexte d’aventure travaille sous l’égide d’une organisation, que ce soit un service de guides, une boutique de plein air ou un établissement d’enseignement, ce qui signifie que des influences systémiques et organisationnelles interviennent dans ses actions et décisions.

Cet équilibre entre le « bon » degré de risque et le « bon » nombre de mesures de sécurité en place devient le point central des poursuites judiciaires. Lorsqu’on se demande si l’intervenant.e a respecté les normes attendues, on s’interroge forcément sur le risque présent et les mesures de sécurité adoptées. Dans une affaire d’héliski (Sonia Scurfield c. Cariboo Helicopter Skiing Ltd., 1993), un juge a expliqué ce qui suit :

Il n’est pas soutenu que les défendeurs [les guides] avaient le devoir de maintenir leurs client.e.s à l’écart de tout endroit propice à une avalanche, ce qui serait impossible dans la pratique de l’héliski. Je crois qu’il est exact d’affirmer que le devoir de diligence incombant aux défendeurs était d’éviter d’exposer leurs client.e.s aux risques considérés comme déraisonnablement élevés dans cette pratique, qu’ils soient liés aux avalanches ou à tout autre danger auquel sont normalement exposées les personnes qui pratiquent ce sport. Afin de profiter des joies du ski alpin en régions montagneuses sauvages, les participant.e.s s’exposent inévitablement à deux formes de risques : ceux qui peuvent être évités et ceux qui ne peuvent être évités par les skieur.euse.s prudent.e.s, y compris un certain risque d’être surpris par une avalanche inéluctable.

La relation entre la création et la gestion des risques est un élément central des activités d’aventure animées par des professionnel.le.s. De ce fait, ce secteur est régi par certaines attentes professionnelles quant à la gestion des risques et de la sécurité, lesquelles proviennent de trois différentes sources :

  1. Pratiques des pairs ou ce que l’on estime être la « norme du secteur » : comportement dicté par celui adopté par d’autres professionnel.le.s ayant une formation et une clientèle semblables dans un contexte similaire.
  2. Décisions et avis judiciaires : utilisation des décisions judiciaires pour mesurer une circonstance particulière par rapport à une loi précise ou à des attentes sociétales.
  3. Acceptabilité sociale : attentes morales ou sociétales qui créent des exigences de rendement à respecter pour être jugé « acceptable » ou qui orientent vers la « bonne chose à faire ».

Obligations professionnelles des intervenant.e.s

Essentiellement, ces obligations professionnelles englobent la supervision, la diligence, la prudence, l’évaluation des risques, la transmission d’instructions de sécurité et l’obligation de faire les choses dans les règles.

En premier lieu, les intervenant.e.s supervisent. Il leur incombe de veiller à la sécurité du groupe et au bon déroulement de l’excursion. Ainsi, il est attendu que tout événement dans ce contexte se déroule sous la supervision ou la direction de l’intervenant.e. Cette attente peut être constatée par la mention « défaut de supervision » dans de nombreuses poursuites liées aux activités d’aventure (p. ex., Stations de la vallée de St-Sauveur Inc. c. M.A., 2010).

En deuxième lieu, les intervenant.e.s veillent sur les gens. Leur travail est de protéger leur clientèle dans les circonstances de l’activité, de l’excursion ou du milieu. Au Canada, le rôle des intervenant.e.s dépasse celui de guide en ce fait qu’il consiste aussi à veiller sur les gens (Jackson et Heshka, 2021).

En troisième lieu, les intervenant.e.s sont tenu.e.s d’agir comme le feraient d’autres intervenant.e.s dans la même situation. Il s’agit du test de l’» instructeur raisonnable » ou du « guide raisonnable » abordé dans un cadre de responsabilité juridique (Ochoa c. Canadian Mountain Holidays Inc., 1995; Roumanis c. Mt. Washington Ski Resort Ltd., 1995). Les intervenant.e.s doivent connaître les comportements typiques et attendus qui seraient adoptés par leurs pairs et s’y conformer de manière infaillible. Il faudrait des circonstances exceptionnelles pour justifier une dérogation aux mesures considérées comme « normales » par la plupart des intervenant.e.s, et une telle dérogation exposerait l’intervenant.e à des accusations de manquement à son devoir d’intervenant.e.

En quatrième lieu, les intervenant.e.s évaluent les risques et planifient en vue d’éventuelles situations d’urgence. L’évaluation dynamique des risques est un processus continu sur le terrain et l’évaluation des risques comme outil de planification fait partie intégrante de toute excursion et de toute réunion d’information du personnel avant une excursion. Les intervenant.e.s apprennent à voir le monde sous une perspective d’évaluation des risques et sont tenu.e.s d’appliquer les mesures de sécurité appropriées lorsqu’ils perçoivent des dangers ou des risques croissants. Il est attendu que l’intervenant.e dispose d’un plan d’urgence pour aider le groupe en cas d’événement anormal, de blessure ou d’une autre situation d’urgence (Isildar c. Rideau Diving Supply, 2008).

En cinquième lieu, les intervenant.e.s doivent transmettre au groupe des instructions de sécurité, en informant les participant.e.s des dangers attendus et en soulignant les attentes envers chaque membre du groupe quant à la gestion de certains aspects de leur propre sécurité (Isildar c. Rideau Diving Supply, 2008). Le règlement de Transports Canada (DORS/2010-91) précise que toutes les « excursions guidées » sur l’eau doivent comprendre un exposé sur la sécurité avant l’excursion, une logique qui peut raisonnablement s’appliquer à toutes les activités guidées en plein air, peu importe le secteur. La communication des risques peut aller au-delà des réunions d’information préalables à l’excursion ou des rencontres pour le consentement des parents. On peut affirmer que la gestion moderne des risques pour des activités axées sur l’aventure s’articule autour de cet échange d’information avant et pendant les activités guidées (Jackson et Heshka, 2021).

En sixième et dernier lieu, les intervenant.e.s comprennent que dans certains cas, leur rôle est défini et prescrit par leur superviseur.e et que dans d’autres cas, c’est à eux qu’il revient de prendre les bonnes décisions. L’auteur Robert Kegan décrit cette dualité comme le fait d’être à la fois ouvrier et maître de son destin (1994, p. 1). Une grande partie du rôle des intervenant.e.s en contexte d’aventure n’est pas supervisée. L’intervenant.e est seul.e pour diriger le bateau, guider le groupe ou établir un campement. Il n’y a personne pour superviser et veiller à ce qu’il ou elle fasse les choses correctement. L’organisation dont relève l’intervenant.e pourrait alors prescrire quelle descente choisir en rafting, indiquer quels sentiers sont sécuritaires ou dangereux et fournir un modèle de campement approprié. Les intervenant.e.s ont d’innombrables occasions de couper les coins ronds ou de lésiner sur la sécurité (même s’il est probable que tout se passe bien), mais des routines sont en place pour assurer la prestation de programmes cohérents et de qualité qui respectent les lignes directrices prescrites sur la tolérance au risque. Les intervenant.e.s doivent respecter en tout temps ces lignes invisibles, même lorsqu’il n’y a personne pour les superviser. Si les règles manquent de clarté ou qu’une situation hors de la routine normale survient, il revient aux guides d’évaluer le risque, de réfléchir aux options possibles et de réaliser avec prudence l’option optimale.

Tolérance au risque, organisation et intervenant.e.s

Le terme « tolérance au risque » a été introduit dans le secteur du plein air par le rapport de Ross Cloutier rédigé en 2003 à la suite d’une tragédie causée par l’avalanche de Connaught Creek en Colombie-Britannique. Il définit les limites articulées de la nature et l’ampleur des dangers auxquels une organisation peut s’exposer ainsi que sa clientèle et son personnel (Jackson et Heshka, 2021).

Dans son livre intitulé Target Risk (1994), Gerald Wilde explique que l’ensemble des humain.e.s ont dans leur vie un certain risque délibéré (se situant quelque part entre la sécurité absolue et le danger absolu) qu’ils acceptent et même recherchent. Ce phénomène qu’il a baptisé « homéostasie du risque » permet d’expliquer pourquoi certain.e.s alpinistes s’exposent au risque d’avalanche et d’éboulement de rochers, par exemple, tandis que d’autres alpinistes tout aussi compétent.e.s évitent ce type de terrain : les gens choisissent le niveau de risque auquel ils sont prêts à s’exposer. Autrement dit, ce phénomène désigne la prise de décisions d’une personne, sa tolérance au risque et son équilibre interne entre le risque et la récompense.

Lorsqu’elle est appliquée aux organisations, aux établissements d’enseignement ou aux activités commerciales de services de guides, la tolérance au risque adopte un ton et un degré de gravité bien différents. Dans le contexte du devoir de diligence des intervenant.e.s, la prise de décisions et la tolérance au risque de l’intervenant.e a une influence directe sur les personnes à sa charge. Chaque organisation a une certaine tolérance au risque qui se manifeste dans chacune de ses décisions. Si elle n’est pas explicitement mentionnée, cette tolérance est profondément enfouie dans les suppositions qui sous-tendent la mission, les valeurs et l’histoire de l’organisation. Ces suppositions fondamentales sont ou non admises universellement par tous les membres de l’organisation (Jackson, 2016).

En multipliant le danger par l’exposition, on obtient le risque.
Figure 1. Équation de base représentant le risque

L’un des modèles de base pour organiser et comprendre les risques suggère que le risque est le résultat des dangers et de l’exposition permise à ces dangers (figure 1). Si cette théorie se confirme, elle peut donc servir de base pour comprendre la tolérance au risque comme la somme des dangers relevés et de la limitation de l’exposition à ces dangers.

Équation : en multipliant les dangers relevés et la limitation de l’exposition, on obtient la tolérance au risque.e
Figure 2. Équation représentant la tolérance au risque

Le choix est inhérent à la tolérance au risque. Une organisation n’est pas à la merci de l’environnement dans lequel elle se trouve : elle doit choisir où elle se positionne, quelle direction prendre ou ne pas prendre, les dangers qu’elle juge utile d’affronter et les circonstances dans lesquelles elle expose sa clientèle, son personnel et son entité à une incertitude donnée. Ces choix peuvent aussi s’appliquer aux types d’excursion, aux lieux où se déroule le programme, aux groupes de client.e.s, à l’incertitude opérationnelle et aux décisions stratégiques. La tolérance au risque donne aux décideur.euse.s d’une organisation la capacité d’agir et permet de ne faire aucune supposition quant à ce qui doit ou ne doit pas se produire. Les décisions prises à ce palier organisationnel permettent de préparer directement les intervenant.e.s en contexte d’aventure et d’établir le risque inhérent aux activités menées au nom de l’organisation.

La tolérance organisationnelle au risque s’accompagne d’implications éthiques non négligeables. La théorie des « accidents normaux » proposée par Charles Perrow (1999) traite directement de cet enjeu et défend que la tolérance au risque n’est pas une question de culture d’entreprise (ces suppositions explicites ou intégrées), mais plutôt de pouvoir. La tolérance au risque se rapporte à qui prend les décisions. Qui décide des dangers qu’un programme devra sciemment affronter? Qui décide du degré d’exposition à ces dangers? Il s’agit rarement de la clientèle. Souvent, même les intervenant.e.s ne peuvent prendre ces décisions. Le tourisme d’aventure, particulièrement, est implicitement fondé sur une philosophie des risques caveat emptor (aux risques de l’acheteur). Les client.e.s qui choisissent une aventure ont rarement les connaissances pour présumer entièrement des dangers et du degré d’exposition qu’une organisation a intégrés dans les excursions et activités qu’elle offre. Appliquées aux enfants, aux écoles et à l’éducation par l’aventure, ces implications éthiques s’amplifient et ouvrent une boîte de Pandore en ce qui concerne la responsabilité. L’organisation a l’obligation de planifier des excursions et programmes appropriés comportant des risques que l’intervenant.e doit être en mesure de gérer.

Si elle est clairement définie et appliquée uniformément dans toute l’organisation, la tolérance organisationnelle au risque peut fournir une orientation claire pour l’intervenant.e, sous la forme, par exemple, de limites précises de temps ou de degrés de risque, d’annulations d’avis météorologiques ou d’exigences de base relatives au personnel. Si ces « règles » ne sont pas claires ni appliquées uniformément, l’interprétation de la tolérance au risque rajoute alors une couche d’ambigüité au rôle de l’intervenant.e professionnel.le. L’intervenant.e doit alors investir un effort cognitif pour saisir les nombreux indices indirects donnés par l’organisation ou par le gestionnaire afin d’estimer le degré de risque acceptable. Du point de vue des gestionnaires et selon une perspective de planification systémique, l’articulation de la tolérance au risque est la première étape pour former des systèmes efficaces de gestion des risques et de la sécurité.

Obligations en matière de planification des risques

La gestion des risques repose sur la planification : la principale et l’absolue fondation des activités, mécanismes et excursions d’aventure axés sur la sécurité. Les intervenant.e.s planifient la sécurité de leur excursion, de leur journée et de l’expérience créée pour leur clientèle; les gestionnaires planifient les systèmes, routines et formations, l’évaluation des risques et la documentation; l’organisation planifie la durabilité et le déroulement de ses activités dans les limites de sa tolérance au risque. Cette planification représente le côté « émoussé » de l’aventure : tous les processus qui s’opèrent avant même que l’excursion commence, mais qui définissent sa réussite.

La sécurité se traduit par des actions et des décisions individuelles qui limitent l’exposition à tout risque ou danger. Dans le cadre d’une excursion d’aventure, la sécurité relève de l’intervenant.e. Il s’agit d’une activité de première ligne, évaluée et gérée à chaque instant. La sécurité en tant que limitation de l’exposition au risque est omniprésente dans le secteur de l’aventure : vérifier que le gilet de sauvetage des client.e.s est bien attaché; vérifier le niveau de charge du cellulaire avant de commencer l’excursion; revérifier les nœuds de grappin; dégager la voie pour laisser passer le trafic; éponger une flaque d’eau dans une entrée; positionner la clientèle au bon endroit pendant que l’intervenant.e prépare l’équipement, etc. Chaque jour, la sécurité est assurée par les intervenant.e.s de première ligne.

La gestion des risques représente les systèmes en place pour garantir que les dangers sont réduits au minimum, que la sécurité est systématiquement assurée et que l’exposition globale aux risques est maintenue au degré accepté par l’organisation. La gestion des risques relève des gestionnaires. La certitude est que les structures, routines et systèmes organisationnels en place préparent le terrain pour aider ceux et celles qui sont en première ligne à travailler efficacement (Rasmussen, 1997). Une mauvaise planification ou des systèmes inadéquats mènent à un rendement médiocre du personnel. Un rendement médiocre ouvre la voie à des conditions dangereuses.

L’analyse des décès liés aux activités de plein air menées au Canada a relevé plusieurs facteurs clés au sein d’une organisation qui persistent dans le temps (Jackson et coll., 2023). La dépendance à une personne-ressource, où une seule personne est responsable de la prestation du programme et de la prise de décisions relative aux risques, s’est avérée un dénominateur commun et dans les cas examinés, a été associée à des lacunes dans l’estimation du besoin de supervision. Une personne dirigeait un programme à haut risque en vase clos. Des facteurs concomitants de tolérance organisationnelle au risque ambiguë et de signes de désensibilisation aux risques étaient également mis en évidence. La désensibilisation aux risques (risk creep) désigne l’augmentation progressive et imperceptible du risque au fur et à mesure que le programme avance et que le personnel s’habitue aux risques déjà présents (Jackson et Heshka, 2021). Puisque ces conditions persistent dans le temps, l’obligation de l’organisation en matière de planification des risques consiste à cibler et à atténuer à l’avance ces facteurs de risque connus.

Activités d’aventure : des systèmes sociaux complexes

Certaines catastrophes considérables dans le secteur des activités d’aventure ont obligé les praticien.ne.s à penser la gestion des risques au-delà des décisions de sécurité prises sur le terrain. Des chercheurs et chercheuses du secteur de l’aventure en Australie ont étudié la théorie de la sécurité industrielle et ont proposé une avancée importante en planification des risques (Carden, Goode, Salmon, 2017). Jens Rasmussen, un prédécesseur dans la recherche en sécurité industrielle, voyait la sécurité au-delà de l’» opérateur » dans l’usine. Dans son article marquant (1997), il émet la théorie selon laquelle la gestion du risque comporte plusieurs niveaux d’influence : les lois et règlements gouvernementaux influencent les règlements de l’industrie; ces règlements industriels influencent la structure, les objectifs, les politiques et les pratiques de l’organisation ou l’entreprise; ces objectifs organisationnels influencent ensuite les gestionnaires et les instructions qu’ils transmettent à leur personnel; enfin, le personnel s’oriente à partir de toutes les influences susmentionnées et les incorpore à titre de variables dans leur propre prise de décisions et de mesures de sécurité.

Au fond, l’intervenant.e en contexte d’aventure se trouve au bas de la chaîne décisionnelle, en dessous de nombreuses autres influences. Il est donc malhonnête d’accuser automatiquement l’intervenant.e lorsqu’un événement fâcheux survient, considérant que l’erreur pourrait lui avoir été transmise par un autre acteur de la planification de la gestion des risques ou une autre subtile influence sociale. James Reason, théoricien sur les accidents, estime que l’erreur humaine est une conséquence et non une cause. Chaque personne donne le meilleur d’elle-même et croit (presque toujours) qu’elle fait ce qu’il faut ou du mieux qu’elle peut (Reason, 2016). Les conditions dans lesquelles les guides travaillent pourraient avoir scellé leur échec : restrictions temporelles impossibles, conditions difficiles (p. ex., départ d’un groupe à l’approche imminente d’intempéries), guides adjoint.e.s qui se révèlent plus une responsabilité qu’une aide, client.e.s ayant des besoins particuliers qui dépassent les capacités de leur guide… La liste peut être longue. Bien que les paliers plus élevés du « système » échappent à l’influence des intervenant.e.s et (probablement) de l’organisation, on se doit de reconnaître les erreurs cachées que les règlements actuels, le manque de réglementation, la pratique réelle du secteur et les autres parties prenantes telles que les organismes de certification, peuvent créer par leur influence sur la structure du programme et les décisions des intervenant.e.s sur le terrain par rapport à la sécurité.

Conclusion

Les intervenant.e.s plein air sont tenu.e.s de créer les risques, puis de les contrôler. Cette position ambiguë ouvre la porte à une foule d’interprétations subjectives et est influencée par l’intervenant.e en soi, ses gestionnaires, l’organisation ainsi que les influences systémiques au-delà de l’organisation. La pratique des pairs, les attentes de la société et les décisions judiciaires orientent toutes directement les intervenant.e.s en contexte d’aventure et définissent leurs obligations professionnelles en matière de gestion des risques et de la sécurité. Au-delà de l’intervenant.e, l’organisation a la responsabilité de définir sa tolérance au risque et de planifier des activités d’aventure appropriées qui intègrent uniquement les dangers que l’intervenant.e est en mesure de gérer.

Bibliographie

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À propos de l’auteur

Jeff Jackson

Collège Algonquin

Jeff Jackson est titulaire d’un doctorat ainsi que professeur et coordinateur du programme de formation pour les guides d’aventure en plein air au Collège Algonquin de la vallée d’Ottawa en Ontario, Canada. Ses recherches portent sur le rendement individuel en matière de sécurité et sur la culture organisationnelle du risque. À titre de consultant, l’auteur a travaillé avec des systèmes de parcs provinciaux, des organismes de plein air, des groupes de tourisme autochtones et des décideurs provinciaux et municipaux en matière de gestion du risque et de politiques de loisirs. Il a également fourni son opinion d’expert dans des affaires judiciaires liées au secteur de l’aventure.

 

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L’article Obligations professionnelles en matière de risques et de sécurité (2024), par Jeff Jackson, est distribué sous la licence Creative Commons Attribution – Pas d’utilisation commerciale – Partage dans les mêmes conditions 4.0 International, sauf indication contraire.

VIII

Enseignement

22

22.

INTRODUCTION À LA PÉDAGOGIE PAR LA NATURE

Bob Jickling, Sean Blenkinsop et Marcus Morse

Une époque particulière

Nous vivons à une époque hors du commun. La Terre est soumise à des contraintes que l’homme n’a jamais connues. L’histoire s’écrit en faisant état d’extinctions de masse, de phénomènes météorologiques extrêmes et de l’accélération du réchauffement climatique. Chaque rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) est plus catastrophique que le précédent. Comme en témoignent les incendies de forêt, les ouragans, les sécheresses et les inondations, le réchauffement climatique aura un impact considérable sur nos vies. Il est urgent d’agir. Cependant, les conséquences pour nos enfants et petits-enfants risquent d’être désastreuses (GIEC, 2023). Nous vivons aussi à une époque de bouleversements sociaux, de guerres, de pandémies, de protestations, de polarisation et de migrations climatiques. Pendant ce temps, la nature souffre.

Les mots manquent pour décrire l’ampleur du changement historique à venir. Des termes tels qu’Anthropocène ne suffisent pas à rendre compte de cette nouvelle ère géologique (Latour, 2014). Ce pourrait aussi être une autre erreur humaine de croire qu’il est possible de décrire tout ce qui se passe. La Terre écrit le scénario et les humains « modernes », pour la plupart, font la sourde oreille. Une chose est sûre, l’avenir est incertain.

Il serait illusoire de croire que nous, les humains, pouvons contrôler la crise qui s’annonce ou que nous pouvons l’éviter grâce à des innovations technologiques. Si nous voulons réorienter la trajectoire environnementale, ce ne sera pas en utilisant le même type de raisonnement que celui à l’origine de ce bouleversement social et environnemental. Nous ne pouvons continuer à agir comme nous le faisons. Quelles sont donc les solutions qui s’offrent à nous?

Problèmes en éducation

L’éducation est souvent invoquée comme outil pour se sortir d’une crise, mais cette avenue n’est pas sans embûches. Les forces motrices rationnelles, réductionnistes, mesurables et néolibérales sont, au mieux, répandues dans les nombreux modes d’éducation actuels qui opèrent à une échelle les rendant apparemment impénétrables au changement. Bauman (2005) est l’un des nombreux érudits qui doutent que le déploiement de stratégies éducatives typiques puisse entraîner un changement. Il se demande avec perspicacité si l’éducation peut être efficace, si elle pourra un jour éviter d’être mise au service des mêmes pressions qu’elle est censée défier (Bauman, 2005, p. 12). Nous partageons son scepticisme et sa crainte que la plupart des tentatives de changement dans le domaine de l’éducation tendent inévitablement à reprendre la direction du statu quo. Cette opinion semble particulièrement répandue chez ceux d’entre nous qui travaillent dans un environnement de discours éducatifs modernistes, mondialisés, occidentalisés, eurocentriques, néolibéraux, coloniaux, cartésiens ou anthropocentriques.

Si les faits montrent que de simples ajustements ne suffisent pas et qu’un changement culturel important s’impose, l’éducation doit être au cœur de ce projet. Le changement ne se produit pas en nommant un objectif et en espérant qu’il sera atteint. Pour changer la position des gens ou d’une culture des points de vue ontologique, éthique, métaphysique et pratique, l’enseignement et l’apprentissage sont essentiels. Pour freiner la destruction de l’environnement et le réchauffement climatique, nous ne pouvons pas continuer à faire les mêmes choses : nous ne pouvons pas continuer à être les mêmes personnes et nous ne pouvons pas continuer à être les mêmes pédagogues.

Évidemment, il y a beaucoup de formidables pédagogues qui repoussent les limites et bouleversent l’ordre établi. Comme le remarque Au (2011), même face à des épreuves aux enjeux élevés, il y en aura toujours qui trouveront des moyens d’enseigner les « vraies choses » (p. 39). Cette brève, mais éloquente expression de notre situation actuelle soulève deux questions sur l’éducation. Premièrement, qu’attendons-nous pour prendre soin des guérisseurs et restaurateurs de la Terre? Deuxièmement, qu’est-ce qui nous retient encore?

Émergence de la pédagogie sauvage

La pédagogie sauvage est une idée relativement nouvelle qui a d’abord vu le jour au Canada et qui a été adoptée en 2014 par un nouveau collectif international d’enseignants. Ensemble, nous cherchons à explorer et à développer cette idée pour instiller un changement significatif en éducation. Le livre Wild Pedagogies: Touchstones for Re-Negotiating Education and the Environment in the Anthropocene (Jickling et coll., 2018) a été publié en tant que recueil provisoire d’idées. Il repose sur le principe que la relation moderniste au monde naturel doit changer, de toute urgence, et que l’éducation est un partenaire nécessaire, voire fondamental, de ce projet. La pédagogie par la nature émane de deux questions. D’une part, pourquoi est-il si difficile de changer l’orientation éducative de notre époque; nous berçons-nous d’illusions lorsque nous croyons faire des progrès? D’autre part, qu’est-ce qui a si mal tourné dans les relations entre l’homme et la nature, sous l’influence des cultures occidentales? L’une des réponses de prédilection à ces questions se trouve dans les postulats non remis en question. Le mot qui relie ces deux questions à ces postulats est « contrôle ». Nous, les humains modernes, semblons le plus souvent croire devoir exercer un contrôle et être maîtres d’à peu près tout. Bien des lecteurs et lectrices protesteront contre cette idée, et dans un sens, à juste titre. Nous faisons de bonnes choses, nous rejetons d’emblée l’envie de tout contrôler et il y a de nombreux signes de progrès. Cependant, nous baignons généralement au quotidien dans les valeurs culturelles des sociétés occidentales et il est pratiquement impossible de suivre simultanément tous les postulats culturels qui s’imposent à nous. Même les plus consciencieux d’entre nous peuvent passer à côté de postulats profondément ancrés qui ramènent nos meilleures intentions vers le statu quo.

Dans notre démarche visant à comprendre le problème du contrôle, nous proposons de remettre en question les postulats existants, de repenser les possibilités, d’ouvrir la voie aux avenues pédagogiques, d’exposer les limites des méthodes utilisées pour découvrir le monde et y vivre, et d’embrasser les occasions d’apprentissage découlant de l’immersion dans un monde plus qu’humain. En bref, nous cherchons à lâcher prise dans une petite, voire grande mesure. Nous cherchons spécifiquement à renouveler notre art et notre pratique de l’enseignement pour les rendre moins contrôlés par les normes culturelles, moins dogmatiques au regard des attentes et plus rebelles. Nous aspirons à des activités intentionnelles au terrain fertile pour y cultiver une expérience réfléchie et personnelle, sans contrôler l’environnement et ses acteurs, les apprenants ou les résultats pédagogiques. En bref, nous cherchons à la rendre plus sauvage (Blenkinsop et Morse, 2017). Ainsi, dans notre travail, nous proposons la pédagogie par la nature. Nous examinons ci-dessous ce que cette approche signifie du point de vue de l’éducation et des relations dans le monde.

Pédagogie par la nature dans le milieu de l’éducation

En introduisant la pédagogie par la nature, nous pensons donner un nom à ce que bien des membres du personnel enseignant s’efforcent déjà de faire. Certains enseigneront en dehors du cadre de l’enseignement traditionnel. Certains seront des guides de plein air ou d’aventure, des pédagogues environnementaux ou des interprètes. D’autres s’impliqueront dans les questions de justice sociale et travailleront auprès des sans-abri et des personnes marginalisées ou ayant des besoins particuliers. D’autres encore participeront à des projets d’éducation communautaire ou à des activités interculturelles ou travailleront à l’étranger. Un lien qui unit généralement un tel groupe éclectique d’enseignants est l’envie de faire une différence dans le monde et la reconnaissance des lacunes de l’éducation traditionnelle. Bon nombre d’entre eux comprennent aussi que les expériences transformatrices cadrent difficilement avec les objectifs d’enseignement et les matières officielles imposés, le mot-clé étant peut-être ici « imposés ». L’apprentissage doit typiquement servir les objectifs du processus éducatif basé sur des résultats prédéterminés et de préférence mesurables. Les environnements d’apprentissage sont essentiellement des salles de classe. Le langage et les métaphores utilisés pour l’enseignement et l’apprentissage reflètent une culture éducative établie de manière prescriptive. Même au sein des facultés d’éducation, des efforts considérables peuvent être déployés pour encadrer la formation du personnel enseignant de demain (Jickling, 2009). Là où nous sentons que ces exigences sont devenues moins rigides se trouvent des possibilités.

Malgré le contrôle des programmes, les pressions exercées par les tests et ces constructions culturelles bien ancrées, de nombreux membres engagés du personnel enseignant trouvent des moyens de résister et de créer un espace pour ce qu’ils considèrent comme un enseignement transformateur, significatif, voire sauvage. Sans sombrer dans une mêlée générale non structurée, bien des enseignants de plein air trouvent des moyens de relâcher les formes de contrôle, d’agir en solidarité avec les personnes marginalisées, de sensibiliser la population étudiante à la cause des personnes sans voix et de s’opposer aux orientations anti-environnementales souvent implicites des cultures dans lesquelles ils baignent. Ils mettent en œuvre des pédagogies moins objectives et davantage construites en concertation, moins connues de l’expertise humaine, plus diffuses sur le plan épistémologique, moins universelles et plus adaptées aux lieux. En bref, ils s’aventurent en terrain sauvage.

Pratique en terrain sauvage

Tout changement significatif par rapport au statu quo nécessitera très probablement un changement profond dans le rapport que la plupart des gens entretiennent avec le monde qui les entoure. Nous devons changer. Pour réimaginer les relations dans le monde, il faudra bouleverser la pensée dominante centrée sur l’humain et la hiérarchie. Nous devrons passer du simple contrôle du monde qui nous entoure à une réflexion sur nous-mêmes en tant que partenaires émotionnels, éducatifs et écologiques au sein de ce monde plus qu’humain. Plutôt que d’essayer de domestiquer les terres que nous habitons, nous devons nous efforcer d’apprécier le caractère sauvage inhérent à ces terres, d’apprécier leur faculté d’agir et leur capacité à se façonner une compréhension de notre présence en leur sein. Pour ce faire, nous nous appuyons sur l’idée de la nature sauvage, et de sa sauvagerie relative, pour étayer notre réflexion. Nous croyons qu’il est opportun de repenser ce que ces concepts ont été, ce qu’ils sont et ce qu’ils pourraient devenir. Nous reconnaissons d’emblée l’héritage colonial de sauvagerie et l’impact découlant de la privation des droits des peuples et des cultures dans le monde entier (Bird Rose, 1996). Nous reconnaissons aussi que la nature peut être considérée d’une manière qui réduit sa valeur à une simple toile de fond, à un ensemble inanimé de ressources, et ce, à des fins égoïstes centrées sur l’humain (Cronon, 1996). La nature peut également être présentée comme un défi à relever, ce qui conduit souvent à des images de conquête héroïque ou coloniale. Nous reconnaissons ces critiques et en convenons. Cependant, après un certain réexamen, nous pensons qu’il est utile d’avoir une conception solide de la nature sauvage qui ne repose pas sur des clichés coloniaux et des récits héroïques.

Malgré le poids du passé, nous soutenons que la nature sauvage peut être revue en retraçant ses racines étymologiques à sa nature volontaire et, par conséquent, à son caractère sauvage inhérent à la liberté même. Cette nouvelle vision témoigne d’une compréhension plus profonde de cette relation, bien différente du concept imprégné par la colonisation. La capacité d’autodétermination, ou la sauvagerie, fait allusion à des concepts tels que la valeur inhérente, l’indépendance, la résistance, l’agentivité et les droits. En ce qui concerne le projet de pédagogie sauvage, cette faculté aide à problématiser les notions de contrôle. Le concept de nature sauvage recèle ainsi de sauvagerie et d’inspiration pédagogique. Selon nous, cette nature résiste aux types de contrôle qui peuvent limiter les possibilités éducatives. Ce concept évoque aussi que la nature sauvage n’est pas un lieu éloigné de la plupart des lieux investis par les humains, mais qu’on peut la trouver près de chez soi, dans les zones urbaines, suburbaines et industrielles, et qu’elle est en chacun de nous. Une question importante se pose : comment pouvons-nous permettre à la nature volontaire des humains et des autres êtres, ainsi qu’aux lieux que nous habitons, d’intégrer plus pleinement notre pratique?

Forme de la pédagogie sauvage

Il serait tentant de voir la pédagogie sauvage dans un cadre rigide, mais ce serait incorrect. Notre intention est qu’elle soit un agent provocateur à l’intersection de l’imagination et de la pratique ainsi qu’un agent actif de découverte, au penchant plus génératif que prescriptif. Il est question de rendre l’éducation plus sauvage et non de viser une destination particulière. La pédagogie sauvage ne vise pas à remplacer d’autres modèles d’éducation comme l’éducation à l’environnement, l’éducation axée sur le lieu ou l’éducation en plein air. Ce serait plutôt un outil destiné à tous les pédagogues pour qu’ils s’interrogent toujours plus profondément sur leurs pratiques. Ainsi, nous espérons que la pédagogie sauvage inspirera des réponses créatives, courageuses et radicales, car c’est ce que notre époque exige de toute urgence.

À qui s’adresse la pédagogie sauvage?

Les changements dans le domaine de l’éducation n’émergeront pas d’un seul endroit et doivent être une vaste entreprise. En tant que pédagogues, nous voyons les défis que l’éducation doit relever et il est naturel de commencer par notre réseau professionnel. Il est évident que nous écrivons pour les pédagogues en environnement, en plein air, en milieu naturel, en école de la forêt et un grand nombre de pairs qui partagent les mêmes idées. Cependant, on nous rappelle sans cesse que les problèmes en éducation de notre époque sont systémiques et profondément culturels. Nous pensons donc que cette démarche est pertinente pour tous ceux qui travaillent et étudient dans les systèmes d’éducation formelle, quelle que soit l’étiquette que vous choisissez pour décrire votre travail. L’éducation se fait aussi à la maison, au travail et dans les activités communautaires, avec nos enfants, nos pairs, nos amis et nos voisins. L’éducation a lieu dans les musées, les aquariums, les parcs, les terrains de jeux, les camps d’été et les agences de services sociaux. Les parents, les élèves, les pédagogues communautaires, le personnel enseignant ou de direction d’école, les universitaires, les chefs d’entreprise, les décideurs politiques, les prestataires de soins de santé, les guides d’aventure, les ministres de l’Éducation et les autres responsables politiques peuvent donc prendre des mesures éducatives. Le temps de cette réponse collective est venu. Nous devons examiner de manière critique et réfléchie les activités humaines sur terre en tenant compte de nos postulats, valeurs, visions du monde et idéaux les plus profonds. C’est le travail de tous ceux qui tentent de faire sortir l’éducation des sentiers battus.

Pierres angulaires de la pédagogie par la nature

Il n’est pas facile de faire taire le bavardage normatif omniprésent qui bombarde notre esprit. Lorsque nous tentons de perturber un ensemble de normes sociales, nous sommes entourés par d’autres qui nous poussent à nous conformer. Il est impossible de nous libérer entièrement de tous les instincts profondément ancrés et forts contrôlants. Dans cette section, nous proposons une série de pierres angulaires pour aider à couper court à ce bavardage et soutenir le travail pratique de la pédagogie par la nature. Les pierres angulaires nous rappellent ce que nous essayons de faire, ou sont des idées auxquelles nous pouvons revenir, et elles nous aident à nous attarder à certaines questions clés au cœur de ce projet éducatif. Chaque pierre ci-dessous commence par une brève description d’une considération pédagogique et se termine par une série de questions. Elles sont destinées à être affinées et réexaminées. Cette version en comporte deux de plus que dans la version originale (Jickling et coll., 2018). Ces pierres peuvent servir de points de départ et de lieux à revisiter. Elles ne se veulent donc pas dogmatiques, mais représentent simplement un recueil d’idées et de pratiques émergentes. Elles ne visent pas à définir la pédagogie sauvage et devraient plutôt agir comme agent provocateur de découverte chez les pédagogues inspirés. Nous espérons que vous les trouverez utiles.

Pierre angulaire no 1 : La nature comme collègue en enseignement

Nous pensons que l’éducation est plus riche, pour toutes les personnes impliquées, si le monde naturel et les nombreux habitants qui co-constituent les lieux sont activement engagés, écoutés et pris au sérieux dans le cadre du processus éducatif (Crex Crex Collective, 2018).

D’un certain point de vue, cette pierre angulaire peut sembler facile à comprendre et même à mettre en pratique. L’idée est que le monde naturel est un lieu vivant, actif et dynamique qui vaut la peine d’être écouté et bien traité afin d’entrer en relation avec lui et d’en retirer des apprentissages. L’adhésion à cette perspective signifie probablement que les pédagogues passeront plus de temps à l’extérieur et découvriront ainsi de nouvelles avenues pédagogiques et de nouveaux moyens d’action. Cependant, à un autre niveau, cette pierre angulaire revoit aussi la nature de la connaissance et le processus d’apprentissage. Si la nature devient une co-enseignante, l’humain, souvent considéré comme le seul détenteur, arbitre et vecteur du savoir, est décentré et l’apprentissage devient un projet partagé qui n’est plus jamais complet ou basé sur l’humain (Blenkinsop et Beeman, 2010). Si nous prenons ce concept au sérieux, les répercussions peuvent être profondes.

Comment les ressources ou les êtres hors du règne de l’humanité peuvent-ils être considérés comme des collaborateurs ou instigateurs actifs d’activités pédagogiques, au lieu d’être des objets d’étude? Autrement dit, comment l’étude de ce monde peut-elle être revue pour passer à une pratique collaborative avec ce monde afin d’en apprendre à son sujet? Comment reconnaître le rôle des ressources ou de l’être non humain en tant qu’agent actif, capable d’être mêlé aux activités pédagogiques? Quay et Jensen (2018), par exemple, affirment la nécessité d’élargir les approches éducatives et de dépasser les principes axés sur l’humain de la pédagogie centrée sur l’enseignant et de l’apprentissage centré sur l’élève, pour inclure un apprentissage centré sur un monde au-delà de l’humain.

Ces occasions d’apprentissage sont marquantes dans la vie des enfants et, pour les adultes, le défi peut être de reconnaître ces possibilités. Comme l’évoque Rautio (2013), « pour apprécier aussi le momentané et la liberté apparente dans le quotidien des enfants […], nous devrions accepter l’idée que les enseignants — ceux qui nous invitent, nous guident, nous soutiennent et nous orientent — peuvent aussi être plus que des êtres humains » (p. 402). Prenons l’exemple d’une promenade en plein air au cours de laquelle l’attention des élèves est attirée par de la mousse humide et un micromonde sur une dalle rocheuse. Ils peuvent s’allonger sur la surface chaude du rocher pour examiner de plus près l’univers de cette mousse. Ce changement de perspective pourrait susciter un vif enthousiasme. En ce moment, alors que des pistes de fourmis émergent ici et là, et que l’eau s’infiltre dans la forêt de mousse en traçant des rivières miniatures, la nature prend la relève de l’enseignement. Les élèves, attirés par la mousse, s’engagent dans toutes sortes de conversations : « Pourquoi la mousse est-elle si douce au toucher? », « Qu’est-ce qui vit dans la mousse? », « Quels sont les systèmes utilisés pour s’organiser? ». Cette pierre angulaire nous rappelle que la réponse pédagogique dans de tels moments (par le langage, le mouvement et le temps) doit refléter le rôle actif de la nature.

À la lumière de cette discussion, les pédagogues pourraient se demander :

  • Comment puis-je inviter le monde naturel à être présent dans ma pratique en tant que co-enseignant? Comment puis-je permettre à d’autres voix pédagogiques d’être entendues à leur manière?
  • Comment avons-nous pu en apprendre sur le monde naturel en son contact?
  • Comment ma classe et moi-même pouvons-nous contribuer à l’épanouissement des uns et des autres, en plus des autres êtres avec lesquels nous vivons?
  • Quelles sont mes habitudes d’enseignement qui peuvent éloigner, reléguer au second plan, sous-estimer ou dénigrer le monde naturel?

Pierre angulaire no 2 : Complexité, inconnu et spontanéité

Nous pensons que l’éducation est plus riche pour tout le monde s’il reste de la place pour les surprises. Si personne ne peut tout savoir sur quoi que ce soit, il reste toujours la possibilité d’établir un lien inattendu, d’assister à un événement imprévu et de voir une explication simple se complexifier (Crex Crex Collective, 2018, p. 84). Cette pierre angulaire priorise l’imprévisible en repoussant le désir de tout contrôler et contenir. Pour accueillir la complexité, il faut reconnaître qu’on ne peut pas tout savoir et que l’apprentissage ne peut pas être prédéterminé ou conditionné à l’avance, sans la perte potentielle de l’apprentissage fortuit. La complexité peut être comprise comme étant dynamique, fluide et imprévisible, et est mieux décrite en référence à des qualités sans limites fixes. La pédagogie sauvage invite les pédagogues à s’ouvrir à des événements spontanés, complexes et parfois surprenants. Pour les pédagogues, cette pierre angulaire peut comporter des risques, car l’émergent tend à complexifier les situations; la conception des programmes ne peut plus se contenter d’établir les résultats d’apprentissage souhaités et de pousser ensuite les élèves vers ces particularités choisies (Green et Dyment, 2018). En fait, le monde ne fonctionne pas de manière aussi nette, prévisible et linéaire, et quelque chose d’important se perd en présumant du contraire.

Dans de nombreux contextes éducatifs, l’apprentissage du monde repose sur des idées de séparation, de classification et d’objets connaissables. Les élèves, par exemple, peuvent être encouragés à délimiter des objets individuels, à les identifier, à les décrire et à développer des connaissances à leur sujet, en tant qu’objets d’étude. Pourtant, ces idées continuent de renforcer la compréhension du monde guidée par une conception relationnelle individualiste de l’objet. Cette pierre angulaire soulève la question suivante : que pourrait-il se passer si nous résistions à l’envie irrépressible de classer et de définir quelque chose, et si nous recherchions plutôt la complexité, la perméabilité, l’interconnexion et l’inconnu dans notre rencontre avec le monde?

Prenons l’exemple d’un moment où les élèves remarquent un champignon ayant poussé au pied d’un arbre. Ils peuvent être intrigués par la couleur, l’odeur et la forme. L’envie de classer le champignon, de noter sa couleur et sa forme (voire de le cueillir) et d’en savoir plus sur cette espèce peut se faire sentir. Pourtant, si nous résistons à ces envies, nous pourrions délibérément encourager la recherche de la complexité et de la spontanéité. Si nous leur donnons le temps et les encourageons à explorer et à réfléchir à ce qu’il est possible d’apprendre en leur posant des questions telles que : « Que remarquez-vous à propos des arbres, des plantes ou des surfaces où poussent les champignons? », « Pourquoi pensez-vous que ce champignon se trouve à cet endroit? » Les élèves pourraient alors déceler des pistes pour expliquer les relations entourant l’existence de ce champignon. La classe pourrait retirer de grands apprentissages non seulement de ce champignon, mais aussi de cette expérience qui accueille la complexité et l’enchevêtrement comme source de connaissance, de compréhension et même de position dans le monde.

À la lumière de cette discussion, les pédagogues pourraient se demander :

  • Comment ai-je intégré la complexité dans mon enseignement aujourd’hui? Y avait-il une ouverture à accueillir et à prendre au sérieux l’inconnu, la spontanéité et l’inattendu?
  • Comment ai-je incité les élèves à accepter la complexité de la connaissance et à ne pas chercher des réponses faciles? La classe a-t-elle fait aujourd’hui l’expérience de la nature incomplète du savoir?
  • Ai-je pris des risques en m’éloignant des tentatives de contrôle pour parvenir à des fins présumées? Comment puis-je continuer à le faire demain?

Pierre angulaire no 3 : Repérer la nature

Nous pensons que la nature peut se trouver n’importe où, mais que cette recherche et reconnaissance ne sont pas nécessairement faciles. Le sauvage peut être occulté par les outils culturels, par l’orientation coloniale de ceux qui en font la rencontre et, dans les espaces urbains, par le béton lui-même (Crex Crex Collective, 2018, p. 88). Pour de nombreux pédagogues à l’environnement en plein air, la nature sauvage devient plus apparente en s’éloignant de l’urbanisation. Il peut être difficile d’ignorer la nature lorsqu’on se trouve près d’une cascade au cœur de la forêt tropicale australienne ou au sommet d’un glacier norvégien. Mais cette pierre angulaire reconnaît que la nature se trouve partout : en milieu rural, debout sur la glace, à l’intérieur et dans l’urbain profond. Pourtant, dans n’importe quel contexte (y compris dans la forêt tropicale ou l’Arctique), la nature peut être, et est souvent, obscurcie par la superposition d’héritages culturels et coloniaux. L’enfant qui voit le champignon pousser à côté de l’arbre peut noter sa résistance, sa sauvagerie et sa nature volontaire. Tout aussi facilement, il peut valider l’arrogance humaine en le tenant pour acquis ou en l’écrasant. Les pédagogues seront également mis au défi de répondre de manière critique au langage, aux métaphores et aux actions qui confirment les récits problématiques en environnement et empêchent les élèves de rencontrer la nature sauvage, la leur ou celle des autres, et de se prévaloir de leur liberté. Malgré les efforts incroyables de nombreux pédagogues en environnement de plein air urbain, le murmure de la nature peut parfois être noyé dans les bruits, les odeurs, les impositions et les exigences d’une culture humaine qui revendique la supériorité et enterre l’autre dans sa myriade de constructions (Derby et coll., 2015).

Cette pierre angulaire introduit la critique dans la pédagogie sauvage. Elle met en garde contre les contraintes culturelles inhérentes à l’éducation publique contemporaine et aux orientations coloniales de la modernité à l’égard du monde naturel et de nombreuses personnes. En prenant cette pierre angulaire au sérieux, les pédagogues doivent réfléchir à leur propre position et à leurs privilèges, y compris ceux relatifs au monde plus qu’humain. Ils sont appelés à rester toujours conscients de la manière dont le statu quo est maintenu par le langage et les métaphores, les structures dans lesquelles ils travaillent et les outils qu’ils utilisent, ce qui les pousse à envisager comment perturber l’ordre établi. La nature sauvage affirme une résistance à de tels contrôles implicites. Une façon de repérer cette nature est de s’y ouvrir délibérément, de la reconnaître et de l’accueillir. Un changement de perception peut s’avérer nécessaire. Dans le domaine de l’éducation, par exemple, le contrôle est souvent structurellement affirmé par les murs des bâtiments, les horaires des cours, la disposition des pupitres et les résultats universels et mesurables. Ces structures renforcent les relations de pouvoir. Il y a quelque chose de confortable dans le fait de se conformer à des pratiques connues. La recherche délibérée de la nature pour interagir avec elle peut être risquée, car cette démarche perturbe ces relations.

À la lumière de cette discussion, les pédagogues pourraient se demander :

  • Comment puis-je favoriser la rencontre de mes élèves avec des communautés sauvages et volontaires dans les espaces qu’ils partagent? Comment faire en sorte que ces rencontres soient reconnues?
  • Comment reconnaître les habitudes centrées sur l’homme, les impulsions dominantes et les besoins de contrôler et de gérer le monde naturel qui nous entoure, qui se reflètent notamment dans nos programmes d’études? Comment pouvons-nous réagir à ces tendances?
  • Comment pouvons-nous aider les élèves à se pencher sur les rencontres difficiles, compliquées par les privilèges humains, l’aliénation et la domination?

Pierre angulaire no 4 : Temps et pratique

Nous pensons qu’établir des relations avec le monde naturel, comme toute relation, prendra du temps. Nous croyons aussi que la discipline et la pratique sont essentielles à ce processus (Crex Crex Collective, 2018, p. 92). Cette pierre angulaire se concentre sur deux discussions importantes : le processus et la pratique. Tous deux s’intéressent en fin de compte à l’établissement et au maintien de relations dans le monde naturel, en particulier dans les lieux que nous habitons. L’accent mis sur le processus suggère que l’établissement de relations est facilité par le fait de passer du temps dans des lieux, de s’immerger dans le monde et de l’écouter (Wattchow et Brown, 2011). Cependant, il pourrait aussi être utile de revoir notre conception du temps, de trouver des moyens de ralentir, de changer les habitudes qui nous séparent des autres, d’écouter notre corps et tous ceux qui nous entourent, de différentes manières, et de nous immerger dans ce que certains ont appelé le temps profond. Il faut de la discipline pour s’attarder à la pratique. Le travail nécessaire pour construire de riches relations rappelle le travail nécessaire pour développer une pratique méditative. Ces pratiques concernent la manière d’enseigner et les habitudes qui sous-tendent ce travail.

Toutefois, le fait de ralentir et de nous permettre, à nous comme à nos élèves, d’être présents et de nous impliquer directement dans le travail implique de s’éloigner de certaines méthodes d’enseignement que l’on nous a enseignées. Il faut donc prendre un risque et être prêt, en tant qu’enseignant, à renoncer au plein contrôle et à faire de la place au monde plus qu’humain et aux résultats inattendus. L’abandon du contrôle exige de la confiance : non seulement une confiance en nos élèves, mais aussi dans les lieux que nous habitons. La planification des séances d’enseignement peut être incertaine et nous amener à craindre que les élèves ne soient pas assez occupés ou n’apprennent pas assez. Toutefois, si nous faisons confiance aux élèves et aux lieux pour générer des possibilités pédagogiques, alors nous pourrons peut-être résister à l’envie de nous replier sur des séquences conventionnelles d’activités prédéterminées (voir Morse et coll., 2018). Nous pourrions trouver la confiance nécessaire pour permettre à la classe de s’installer avec authenticité dans un lieu, d’écouter une myriade de voix et de laisser les expériences suivre leur cours. Ce faisant, nous pourrions résister à ce que Jardine (1996) qualifie d’» hyperactivité pédagogique ».

Les pédagogues eux-mêmes ont besoin de temps et de pratique pour construire et maintenir des relations significatives avec le monde plus qu’humain et en son sein. Au cœur de cette pierre angulaire se trouve l’importance de prendre le temps d’aller délibérément à la rencontre de la nature. Il ne s’agit pas seulement de rencontrer la nature sauvage en soi, mais il faut aussi rencontrer la véritable nature sauvage à l’extérieur : les paysages, les animaux, les plantes et les situations. Une partie de cette pratique consiste à apprendre ou à réapprendre à être à l’extérieur. On peut également considérer qu’il s’agit d’une pratique qui exige d’écouter attentivement les co-enseignants potentiels, ce qui fait partie intégrante de la reconnaissance des autres sauvages et du travail avec eux.

À la lumière de cette discussion, les pédagogues pourraient se demander :

  • Puis-je laisser suffisamment de temps et d’espace dans mon enseignement à l’engagement et l’interaction avec les espaces naturels avoisinants et les êtres plus qu’humains?
  • Comment pouvons-nous sortir du temps linéaire des écoles et travailler ensemble de différentes manières? Comment reconnaître que certains auront besoin de plus de temps que d’autres?
  • Suis-je capable de remarquer et de soutenir les élèves qui essaient de nouvelles habitudes? Est-ce que j’essaie moi-même de nouvelles pratiques et est-ce que je réfléchis à ces tentatives?
  • Comment puis-je nourrir ma propre immersion dans des lieux? Comment construire des relations avec ces lieux et les êtres rencontrés?
  • Quelles sont les possibilités offertes à mes élèves pour développer leur intuition et d’autres méthodes marginalisées de connaissance et de compréhension?

Pierre angulaire no 5 : Changement culturel

Nous pensons que la façon dont de nombreux êtres humains vivent actuellement sur la planète doit changer, que ce changement est nécessaire au niveau culturel et que l’éducation a un rôle important à jouer dans ce projet de changement culturel. Nous pensons également que l’éducation est toujours un acte politique, et nous voyons des pédagogues du monde sauvage adopter le rôle d’activistes de la manière la plus réfléchie possible (Crex Crex Collective, 2018, p. 97).

Cette pierre angulaire commence par une prémisse radicale : une grande partie des pratiques éducatives actuelles, en particulier celles qui reposent sur les mêmes bases théoriques que la culture occidentale moderne, sont anti-environnementales. Le maintien du statu quo, ou la simple tentative d’en remanier quelques aspects mineurs, ne suffira pas à modifier le rapport entre l’humain et la nature, ni même à limiter la destruction en cours. Ainsi, la pédagogie par la nature est un projet de changement culturel. Cette approche fait de l’éducation un acte explicitement politique et place le pédagogue dans un rôle d’activiste. Elle reconnaît que les choix faits en classe ont des implications explicites et implicites sur la façon dont les élèves se découvrent et comprennent ce que signifie être humain et l’importance du monde naturel qui les entoure.

L’éducation est toujours un acte politique. Par le langage, les attitudes et les programmes d’études, nous reproduisons ou perturbons le statu quo et façonnons à notre tour l’avenir social, culturel et écologique. Dans de nombreux contextes d’éducation à l’environnement en plein air, il est possible d’affirmer, par le langage et les récits, l’agentivité des lieux. Par exemple, lorsque nous arrivons dans un lieu, nous pourrions d’abord prendre le temps de le présenter comme un lieu, une communauté, une culture, doté d’une faculté d’agir et d’une histoire (pas seulement d’un point de vue humain ou à l’échelle humaine). Nous pourrions même permettre au lieu de se présenter de manière subtile. Autrement dit, plutôt que d’arriver dans un lieu, de le revendiquer et de se préparer à l’utiliser pour une activité, nous devrions plutôt marcher lentement, écouter attentivement, être respectueux, prendre le temps de nous acclimater et proposer des histoires qui reconnaissent et prêtent délibérément attention à son agentivité.

À la lumière de cette discussion, les pédagogues pourraient se demander :

  • À quels égards mes vieilles habitudes limitent-elles les possibilités — en réponse aux programmes d’étude existants et aux valeurs ancrées dans mon lieu de travail? Que devrais-je faire pour être satisfait de ma réponse?
  • Qu’est-ce que je fais pour aider les élèves à développer l’agentivité politique? Est-ce que je leur offre des outils réalistes pour imaginer d’autres avenirs et soutenir le changement?
  • Quelles politiques du monde naturel avons-nous rencontrées? Comment les avons-nous introduites dans nos espaces d’apprentissage?
  • Est-ce que les élèves ont eu l’occasion de réfléchir à leurs relations actuelles avec les lieux qu’ils habitent et les autres êtres qui y vivent? Avaient-ils le droit de les modifier?

Pierre angulaire no 6 : Former des alliances et bâtir une communauté

Nous pensons que l’éthique coloniale de l’extraction des ressources n’est pas distincte des nombreuses hiérarchies de domination qui existent chez les humains, mais qu’elle en est une autre forme. C’est pourquoi les pédagogues par la nature cherchent des alliances et construisent des communautés avec d’autres, non seulement dans le monde de l’environnement, mais aussi avec toutes les personnes et tous les groupes concernés par la justice (Crex Crex Collective, 2018, p. 102).

Cette pierre angulaire vise à rappeler l’importance des alliances solides et des communautés florissantes ainsi qu’à œuvrer à leur création, tout en nous rappelant de ne pas oublier l’humain dans tout ce travail. L’objectif implicite est de relever les défis de l’individualisation et de l’aliénation et, en même temps, de résister à la tendance coloniale de séparer les groupes marginalisés, humains ou non, et de les opposer aux autres. Pour créer des communautés équitables et florissantes, nous devons nous écouter et apprendre les uns des autres. Les pédagogues des sphères officielles ou informelles peuvent travailler avec d’autres personnes et apprendre d’elles : animateurs de plein air, enseignants, élèves, activistes, Aînés et praticiens autochtones.

Souvent, les pédagogies intuitives peuvent consister à affirmer le contrôle et, ce faisant, nous pouvons nous soustraire aux risques de vulnérabilité, d’anxiété et d’incertitude, tant pour nous-mêmes que pour nos élèves. Pourtant, l’ouverture aux autres et la perception des connaissances comme étant contextualisées et incomplètes sont des éléments essentiels de la formation d’alliances et de l’élargissement des possibilités éducatives. Newbery (2012) mentionne, en étudiant la colonisation des pédagogies d’éducation à l’environnement en plein air, que « souvent, nos pédagogies cherchent à contenir le conflit et l’anxiété, limitant ainsi, au lieu d’ouvrir, les possibilités d’apprentissage » (p. 38). La formation proactive d’alliances et le développement d’un sentiment d’appartenance à la communauté pourraient consister à interagir avec les membres d’une communauté autochtone avant ou pendant une activité de plein air, leur demander la permission de parcourir des terres ou des voies navigables, prendre le temps d’écouter et de comprendre leurs histoires, y compris les histoires de traumatismes, dans un dialogue qui reconnaît notre propre culpabilité quant aux pratiques de colonisation.

Prendre des risques, former des alliances et renforcer les communautés offrent de nouvelles possibilités éducatives passionnantes. Comment, par exemple, les savoirs autochtones peuvent-ils nous éduquer sur la parenté avec les lieux? Comment ces types de connaissances favorisent-ils d’autres relations? Comment la vie de nos élèves se trouverait-elle enrichie par un plus grand sentiment d’appartenance à la communauté? La création d’une communauté peut aider à nouer des liens, à former un réseau de soutien et à favoriser la résilience lorsque tout le monde travaille à la réalisation d’objectifs communs, en plus d’être propice à d’importantes occasions d’apprentissage par l’expérience pour comprendre les relations. Former des alliances authentiques avec d’autres personnes implique de reconnaître, d’accueillir et d’apprécier les différences de manière à ce que le changement puisse se faire en collaboration.

À la lumière de cette discussion, les pédagogues pourraient se demander :

  • Qui compose mes communautés lorsque je pense à faire des activités de pédagogie sauvage? Qui est exclu, mais devrait être inclus? Pourquoi?
  • Comment est-ce que je soutiens mes communautés et comment me soutiennent-elles? Comment puis-je favoriser ces mêmes questions en salle de classe ou dans d’autres espaces d’apprentissage?
  • Comment ces différentes communautés prennent-elles leurs décisions? Qui est concerné par ces décisions?
  • Que puis-je faire pour intégrer plus explicitement le monde naturel dans le processus décisionnel de ces communautés?
  • Comment ces communautés peuvent-elles s’encourager mutuellement à s’écarter du statu quo? Comment nous encourageons-nous et nous mettons-nous au défi les uns les autres, comment nous autorisons-nous à commettre des erreurs et comment rebondissons-nous après un échec?

Pierre angulaire no 7 : Apprentissage de l’amour, de la bienveillance et de la compassion

Nous pensons que, s’ils en ont la possibilité, les humains sont capables de développer des relations riches avec une myriade de membres du monde naturel. Ces relations de bienveillance réciproque contribuent à surmonter l’aliénation qui existe entre de nombreux humains et le monde naturel (Jickling et Blenkinsop, 2020, p. 126).

D’où naissent la bienveillance et la compassion, quand se manifestent-elles et pouvons-nous les contrôler? Il est intéressant de revisiter certains écrivains écologistes contemporains et d’examiner la manière dont ils ont décrit, parfois implicitement, leurs propres relations de bienveillance et d’empathie avec les êtres du monde naturel.

Par exemple, l’écophilosophe norvégien Næss (1988) a été explicite sur les origines de sa propre compassion et de sa solidarité avec le monde qui l’entoure. Il a évoqué à plusieurs reprises l’expérience qu’il a vécue en regardant une puce se tordre et mourir dans un bain de produits chimiques acides. En reconnaissant son empathie et son affiliation à la souffrance de la puce, il a commencé à percevoir un changement dans sa façon de voir le monde, d’aller à sa rencontre et même d’y habiter. Il a continué à travailler sur ces révélations en développant sa théorie de l’écosophie pendant plus de quarante ans. De même, le célèbre écologiste américain Leopold a décrit sa propre découverte inéluctable de la bienveillance et des limites de sa compréhension le jour où il a vu un loup mourir. Ce moment ayant échappé au cadre de ses expériences habituelles l’a hanté jusqu’à la fin de sa vie. Au fur et à mesure que sa pensée évoluait, il s’est éloigné des idées reposant sur la présomption de la domination humaine et a avancé cette idée : « Nous ne pouvons être éthiques que par rapport à quelque chose que nous pouvons voir, sentir, comprendre, aimer, ou en quoi nous pouvons avoir foi de quelque autre façon » (Leopold, 1966, p. 251).

Carson (1962) s’est épanouie pendant son enfance à la ferme familiale. Elle y fait de nombreuses promenades, parfois en compagnie de sa mère, et développe son sens de la curiosité. En tant que jeune écrivaine inspirée, son amour, sa bienveillance, son émerveillement et son admiration pour le monde qui l’entoure sont apparus dans des histoires écrites pour des magazines pour enfants. Bien qu’elle n’y ait peut-être pas pensé en ces termes, ses écrits mettent en évidence l’agentivité de ses cohabitants et leur rôle en tant qu’enseignants. Elle a découvert que l’apprentissage, au cours de ces journées sur la piste, pouvait être joyeux. Ses expériences fondamentales vécues à l’enfance semblent avoir façonné la publication de son livre phare Printemps silencieux (Greenwood, 2018).

En examinant ces trois exemples, il est possible de repérer certains traits communs. Tous sont profondément sensoriels et naissent d’une expérience personnelle. Tous nécessitent d’être présent dans le monde. Tous évoquent la bienveillance à travers l’engagement émotionnel, l’empathie et la reconnaissance. Cette bienveillance peut aussi évoquer la tristesse, le désenchantement et l’angoisse. Ces exemples illustrent des apprentissages qui ne concernent pas qu’un seul humain; le monde naturel fait preuve d’agentivité et peut même être source d’enseignement.

Un tel ensemble de traits a des implications éducatives significatives. À quoi commence à ressembler la pratique de l’enseignement si nous prenons ces idées au sérieux? Si, comme Derby (2015) l’évoque, « nous en sommes venus à considérer la “vie scolaire” et l’apprentissage comme fondamentalement prosaïques, caractérisés par la fragmentation, dépourvus d’émotions et exacerbés par la priorisation de fondements épistémiques tels que l’anthropocentrisme, le réductionnisme, la causalité linéaire et le dualisme » (p. 25), nous pouvons en conclure qu’il y a beaucoup de travail à faire.

À la lumière de cette discussion, les pédagogues pourraient se demander :

  • Qu’ai-je fait aujourd’hui qui a demandé aux élèves de prendre part à leur apprentissage en mobilisant tous leurs sens? Comment ai-je incité les élèves à rencontrer l’autre, à se sentir concernés et à remarquer le monde naturel?
  • Qu’ai-je fait pour tenir compte des expériences qui existent au-delà de la capacité du langage à les décrire et à les évaluer pleinement?
  • Même si certains apprentissages ne peuvent être mesurés, ils existent tout de même. Comment puis-je créer un espace positif dans mon plan d’évaluation pour honorer cette existence?
  • Ai-je réfléchi à la manière de laisser de l’espace aux élèves lorsqu’ils font l’expérience de la gamme d’émotions que suscite la bienveillance bourgeonnante? Quels types de compétences et de soutien puis-je leur offrir lorsqu’ils agissent de manière pouvant confronter, voire menacer le système dans lequel ils vivent et apprennent?

Pierre angulaire no 8 : Développer l’imagination

Nous pensons que le monde écologique a changé de manière spectaculaire et que l’éducation publique doit évoluer en conséquence. Le personnel enseignant de demain ne peut plus être formé pour perpétrer un système qui laisse les élèves mal préparés à répondre aux crises actuelles et incapables d’avoir l’imagination nécessaire pour trouver de nouvelles réponses (Jickling et Blenkinsop, 2020, p. 131). Nous nous appuyons ici sur la recherche d’une école publique radicale pour mieux comprendre le rôle que joue l’imagination dans l’apprentissage (Blenkinsop et coll., 2018). Les auteurs de cette recherche se sont concentrés sur quatre façons dont la politique peut entraver l’innovation. Cependant, celle qui s’applique le mieux à cette discussion sur la formation du personnel enseignant s’appelle l’imagination autolimitée. L’émergence de cette catégorie a été une surprise, mais une fois nommée, sa présence est devenue des plus apparentes.

L’imagination autolimitée ne désigne pas le fait de penser à quelque chose sans en tenir compte. Il ne s’agit pas non plus de juger qu’une chose est impossible. Il est plutôt question d’autres politiques impossibles à imaginer! Il semble que des gens ne disposent pas du matériel expérimental, de la souplesse d’esprit, de l’autorisation institutionnelle ou des références culturelles — quel que soit l’obstacle — pour envisager consciemment une idée, même possible. Il s’agit de l’atteinte d’une limite imaginaire. Devant quelque chose qui dépasse ces limites imaginaires, la réponse est souvent un air absent ou un « je n’y ai jamais pensé…». C’est frappant. Si on n’y remédie pas, ce problème risque de contrecarrer les innovations radicales ou de grande envergure, même la pédagogie sauvage.

Il convient également de noter que la partie « autolimitée » de cette discussion peut être mal nommée. En effet, en explorant cette idée, il est apparu clairement que les limites de l’imagination sont contenues dans les cultures et les systèmes. Il faut avoir conscience que l’imagination n’est pas aussi large et souple que le suggère la compréhension courante. Pour les pédagogues, les implications sont importantes. Non seulement nous devons reconnaître que notre imagination est culturellement limitée, mais une partie de notre travail pédagogique pourrait consister à élargir l’éventail des options culturelles à la disposition du personnel enseignant. Les langues que nous apprenons à parler et les histoires fondamentales que l’on nous raconte façonnent notre identité dans le monde. Cependant, elles limitent aussi ce que nous pouvons penser et imaginer.

Le défi de développer l’imagination est difficile à relever et a des répercussions sur la manière dont nous nous imaginons et nous recréons en tant que pédagogues. Il y a toutefois quelques éléments à prendre en compte. Nous pouvons nommer cette limitation pour les pédagogues et l’intégrer dans notre pratique. Cette approche pourrait à son tour décentrer le pédagogue du rôle savant et ouvrir l’espace à la prise de risque, à l’exploration pédagogique et à l’humilité en ce qui concerne l’expertise. En effet, si notre imagination est limitée par notre histoire et notre culture, aucun d’entre nous n’a la réponse complète. Cette prise de conscience pourrait aussi laisser place à l’inhabituel, à la folie, à la spontanéité et aux idées vues comme « impossibles » pour trouver un terrain fertile où prospérer. Nous avons le sentiment que c’est de là que viendront les meilleures idées pour réagir à l’évolution de notre monde.

À la lumière de cette discussion, les pédagogues pourraient se demander :

  • Qu’ai-je fait dans ma pratique aujourd’hui pour aller au-delà des expériences précédentes des élèves et de ma propre imagination?
  • Quelles sont les nouvelles choses, expériences et histoires que j’ai ajoutées au mélange? Comment les élèves s’approprient-ils ces divers outils culturels, comment travaillent-ils avec eux et comment sont-ils transformés par eux?
  • Ai-je remarqué ma propension à « ne pas faire » ce qui semble inhabituel ou à freiner les élèves qui cherchent à faire de même? Ai-je fait une tentative réfléchie de laisser de la place à l’inhabituel?
  • Quels sont les outils cognitifs, physiques, culturels et naturels avec lesquels je travaille en ce moment? Quels nouveaux outils pourrais-je essayer d’introduire? Où pourrais-je puiser de nouvelles idées?
  • Quelles sont les limites de mon expérience qui pourraient restreindre la portée de mon imagination à l’égard d’une éducation différente? Quelles sont les limites de mon imagination?
  • Quelles sont les sources d’inspiration que je recherche pour appuyer et améliorer le changement et le développement pédagogiques?

Réflexions finales

Nous devons agir différemment. Nous ne pouvons pas continuer ainsi et l’éducation doit jouer un rôle dans le changement culturel qui s’impose. Orr (2017), comme beaucoup d’autres, appelle à de sérieux changements en éducation, puisque « sans exagération, il s’agira de savoir si les élèves terminent leur scolarité en étant des saboteurs plus futés de la Terre et de leurs pairs », d’une part, « ou bien des guérisseurs, restaurateurs, constructeurs et accoucheurs aimants, bienveillants et compétents, porteurs d’un avenir décent, durable et beau » (p. ix-x), d’autre part. Que faudra-t-il pour former des restaurateurs de la Terre attentionnés, compatissants et compétents? Grâce à la pédagogie par la nature, nous voulons créer des occasions de revoir les relations, de collaborer avec les communautés plus qu’humaines et de former des pédagogues bienveillants et compatissants. Toutefois, pour nous attaquer aux crises écologiques et sociales de notre époque, il faudra aller plus loin encore. En travaillant avec les élèves et les communautés pour mettre en œuvre un tel changement culturel, les pédagogues et les chercheurs sont appelés à repenser l’éducation, à réimaginer les pédagogies et, si nécessaire, à résister farouchement au statu quo; en somme, à être des pédagogues rebelles. En définissant les grandes idées qui sous-tendent la pédagogie par la nature, en les situant par rapport aux pierres angulaires et en expérimentant ensuite dans notre pratique, nous espérons avoir proposé une voie à suivre qui peut permettre à chacun d’entre nous de devenir de meilleurs pédagogues et alliés de, pour, avec et dans ce cher monde naturel.

Bibliographie

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Wattchow, B. et Brown, M. (2011). A pedagogy of place. Monash University Publishing.

À propos des auteurs

Bob Jickling

Université Lakehead

Bob Jickling est professeur émérite à l’Université Lakehead et s’intéresse à la philosophie environnementale, à l’éducation environnementale, expérientielle et en plein air, ainsi qu’à la philosophie de l’éducation. Dans Wild Pedagogies: Touchstones for Re-Negotiating Education and the Environment in the Anthropocene, il tente, avec d’autres membres du Crex Crex Collective, de trouver des ouvertures pour une refonte radicale de l’éducation. Adepte de longue date du tourisme d’aventure, il puise une grande partie de son inspiration dans le paysage du Yukon, où il demeure.

Sean Blenkinsop

Université Simon Fraser

Sean Blenkinsop est professeur à la faculté d’éducation de l’Université Simon Fraser, à Vancouver, au Canada. Il a grandi dans les forêts boréales du nord du Canada et possède plus de 30 ans d’expérience en éducation environnementale, expérientielle et en plein air. Aujourd’hui, en tant que chercheur et professeur, il a participé à la création et à la recherche de trois éco-écoles en nature axées sur l’environnement immédiat (toutes dans le réseau public).

Marcus Morse

Université de Tasmanie

Marcus Morse est professeur agrégé en éducation environnementale et en plein air à l’Université de Tasmanie, en Australie. Il a grandi en Tasmanie où il a exploré les rivières, les côtes et les montagnes de l’île et s’est découvert une passion pour les activités de plein air. Son enseignement est axé sur l’éducation environnementale attentive et relationnelle sur les lieux, tandis que ses recherches portent sur l’éducation environnementale en plein air, les études sur l’environnement immédiat, l’expérience de la rivière et la pédagogie par la nature.

 

Icône de la licence Creative Commons Attribution – Pas d’utilisation commerciale – Partage dans les mêmes conditions 4.0 International

L’article Introduction à la pédagogie par la nature (2024), par Bob Jickling, Sean Blenkinsop et Marcus Morse, est distribué sous la licence Creative Commons Attribution – Pas d’utilisation commerciale – Partage dans les mêmes conditions 4.0 International, sauf indication contraire.

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23.

PRATIQUES EXEMPLAIRES POUR L’EXCELLENCE DE L’ENSEIGNEMENT EN PLEIN AIR

Bryan Taylor

Comment pourrions-nous décrire le concept évoqué par le mot excellence? Existe-t-il une définition usuelle? Un point de départ pourrait être une description des éléments qui peuvent préciser la pensée attendue. On pourrait dire que la qualité doit être exceptionnelle. Comment pouvons-nous appliquer cette description définitive précise à l’enseignement en plein air (Asfeldt et coll., 2021)?

Tandis qu’une approche scientifique pratique de l’enseignement est courante même si l’enseignement comporte bien sûr un volet artistique, ce chapitre porte sur l’art de l’enseignement. Il examine sept principes qui vont au-delà de l’art et de la science de l’enseignement en plein air et présente plusieurs exemples canadiens.

Introduction

Prenez le temps de réfléchir à vos idées clés sur ce qui caractérise un.e excellent.e enseignant.e en plein air. Votre réflexion pourrait donner lieu à des questions comme : « Mes passions et mes talents sont-ils alignés avec la réalité et correspondent-ils bien à l’enseignement en plein air? » Nous pourrions convenir que le fait d’être efficace, pragmatique, organisé, créatif et intentionnel, ainsi que de suivre un plan bien réfléchi en vue de créer les résultats d’apprentissage souhaités, contribuerait grandement à l’excellence en enseignement. Cependant, le parcours du développement de son métier s’accompagne également d’un désir profond de poursuivre cette excellence, de sorte que chaque enseignant.e en plein air aspire naturellement à exceller. Tout d’abord, si nous observons des personnes considérées comme des maîtres dans un domaine, elles semblent accomplir leurs tâches avec aisance.

Commençons par examiner le cœur de notre métier : nos valeurs en tant que professionnel.le.s. Les lecteurs sont invités à examiner et à énumérer leurs valeurs personnelles. Ces valeurs émanent de nos cœurs et de notre désir de faire une différence et de responsabiliser les apprenant.e.s, comme les leaders en plein air devraient le faire. Si le leadership entre en jeu, nous aspirons à guider, habiliter et former les personnes pour qu’elles s’améliorent et deviennent plus compétentes. Comment se déroule donc l’ensemble de cette stratégie? La modélisation et la recherche peuvent aider à orienter l’élaboration d’une telle stratégie. Être stratégique dans l’environnement d’apprentissage est une qualité essentielle que tout leader en plein air devrait posséder : chercher intentionnellement à planifier, préparer, mettre en œuvre et réfléchir aux pratiques qu’il appliquerait dans un environnement extérieur.

Ensuite, considérons la qualité de l’enseignement et de l’apprentissage. L’assurance de la qualité est axée sur un modèle d’amélioration continue de la planification, de la prestation, de l’évaluation et du cycle d’amélioration qui s’applique à l’enseignement. La planification de chaque moment d’enseignement ou de chaque leçon constitue un point de départ crucial. En effet, la conception d’un programme de formation est un guide important pour organiser les éléments essentiels en vue de garantir que tous les facteurs sont pris en compte et organisés de manière systématique pour répondre aux besoins des apprenant.e.s. L’utilisation de principes d’assurance de la qualité, particulièrement pour la conception et la mise en œuvre de programmes de formation, établit des normes de qualité plus élevées et devient une référence pour les professionnel.le.s de l’enseignement en plein air et leurs programmes.

Pour favoriser une qualité d’enseignement et d’apprentissage élevée, les lecteurs peuvent examiner les valeurs de Quality Matters (QM) (2023) visant à soutenir la conception et la mise en œuvre de programmes. QM est une norme de conception qui guide les professionnel.le.s dans l’organisation des éléments clés essentiels pour créer des inventaires bien organisés et efficaces à inclure dans tout plan de programme d’enseignement (Cochran-Smith, 2003). Bien qu’il soit initialement conçu pour l’enseignement et l’apprentissage en ligne, le cadre QM a été appliqué au contexte de l’apprentissage hybride ou mixte en personne ou en salle de classe (Quality Matters, 2023). Cet auteur suggère que les enseignant.e.s en plein air peuvent aussi trouver ce cadre utile, même s’il n’a pas encore été testé dans des environnements naturels ou sur le terrain.

Enseigner en suivant un plan bien exécuté est comme jouer une symphonie. Le chef d’orchestre suit un programme composé et travaille de concert avec divers groupes et individus pour optimiser les potentialités de chacun, développer la force de chaque instrument et encourager un travail collaboratif exceptionnel. Cet effort et son objectif soulèvent une question provocatrice : comment tous ces éléments sont-ils réunis harmonieusement pour créer l’environnement spécial nécessaire pour produire une musique merveilleuse et un lieu où grandir et apprendre?

Selon cet auteur, la réponse peut être trouvée en combinant sept principes pour l’excellence de l’apprentissage et de l’enseignement (Université Griffith, 2009). Ce chapitre examinera ces principes plus en détail et explorera leur potentiel pour soutenir des environnements dynamiques et stimulants en classe et en plein air.

Sept principes d’excellence en enseignement

Les clés des pratiques exemplaires en enseignement sont l’engagement, la création d’un intérêt et la concentration de l’attention des élèves sur ce que vous communiquez. Raconter des histoires est un excellent moyen de créer une telle connexion mutuelle. Les apprenant.e.s sont venus à l’extérieur pour découvrir et se transformer. C’est une histoire pleine d’aventure, de mystère et de découvertes sur le monde et sur eux-mêmes. Comment pouvons-nous enrichir leur vie et permettre à cette expérience de changer leurs pensées, leurs sentiments ou leurs comportements?

1. Créer un environnement d’apprentissage dynamique, engageant, motivant et stimulant sur le plan intellectuel.
  • Montrer aux élèves l’excitation qui découle de la découverte, ainsi que la créativité nécessaire à l’exploration d’idées et à la résolution de problèmes importants et réels.
  • Trouver des façons de présenter des activités d’apprentissage suffisamment stimulantes de manière enthousiaste, intéressante, agréable et dynamique.
  • Favoriser la participation active et l’engagement passionné dans les activités d’apprentissage.
  • Encourager la reconnaissance mutuelle des talents, des aspirations et des connaissances antérieures que les apprenant.e.s et les enseignant.e.s apportent dans l’environnement d’apprentissage.

Pendant la récente pandémie, les professeurs et les étudiant.e.s de l’Université de Sherbrooke au Québec ont publié un guide sur l’éducation en plein air comme solution de rechange à l’enseignement supérieur en classe afin de réduire la transmission virale (Ayotte-Beaudet et coll., 2020). Ils ont recommandé une combinaison de pédagogies expérientielles fondées sur des problèmes et des projets ayant eu lieu « dans des situations concrètes » en solutionnant des problèmes « importants, motivants et aussi proches que possible d’une situation réelle » permettant aux apprenant.e.s de « s’engager dans un apprentissage… ancré dans la vraie vie » (page 8). Évidemment, l’éducation en plein air est applicable et mise en œuvre à tous les niveaux d’enseignement formel et informel.

Une autre pratique exemplaire consiste à appliquer et à créer une situation dynamique où les idées et les théories sont mises en pratique. Cela valide les points de vue scientifiques et permet aux apprenant.e.s de distinguer la réalité et la fiction, en plus de tester les limites des concepts appris dans le monde réel. Pensez à l’enseignement des concepts mathématiques de trigonométrie, où les longueurs des côtés et les angles des triangles (sinus, cosinus ou tangente) sont calculés les uns par rapport aux autres. On pourrait enseigner cela en classe, ou aller dehors pour mesurer la hauteur des arbres, la longueur des montagnes et la largeur des rivières en utilisant les mêmes techniques (Yamamura et coll., 2003). Voir les concepts en action favorise un niveau de compréhension qui complète les connaissances développées. Le concept clé est de faire le lien avec des situations concrètes qui engagent les apprenant.e.s dans chaque processus.

2. Mettre l’accent sur l’importance de la théorie et des connaissances, la pertinence et l’intégration avec la pratique professionnelle pour trouver des solutions à des défis réels.
  • Donner des exemples de sa propre pratique professionnelle ou disciplinaire pour illustrer les concepts, les compétences et les connaissances liés à la discipline.
  • Mettre en valeur la pertinence et l’importance du contenu du programme et des activités d’apprentissage pour les expériences professionnelles, disciplinaires, concrètes et personnelles.
  • Offrir aux élèves l’occasion de comprendre leur apprentissage en établissant des liens entre le contenu individuel, le programme d’études plus vaste et la pertinence et l’application de leur éducation dans l’avenir.
  • Fournir des expériences d’apprentissage qui simulent la pratique professionnelle et disciplinaire ou qui abordent des problèmes qui y sont liés.
  • Concevoir des programmes, des tâches d’apprentissage et des évaluations qui permettent aux élèves d’appliquer leurs connaissances disciplinaires dans un contexte réel et pratique.
  • Inviter la communauté, les professionnels et les experts de l’industrie à présenter des conférences, des séminaires ou d’autres activités.

Il y a plus de 50 ans, lorsque l’éducation en plein air venait d’émerger au Canada, le secrétaire de direction de l’Association canadienne d’éducation a souligné que « de plus en plus d’enseignant.e.s canadien.ne.s découvrent la valeur de l’éducation en plein air en tant que méthode d’apprentissage par l’expérience directe et la découverte, ainsi que comme méthode d’enseignement qui utilise le monde réel comme ressource » [traduction] (Passmore, 1972, p. 5). Aujourd’hui, de nombreux programmes en plein air reprennent la philosophie d’enseignement du monde réel prônée par l’école Blue Mountain WILD (2020, n. p.) en Ontario :

Notre salle de classe est la vie, notre campus est le monde naturel. Nous encourageons la curiosité dans l’apprentissage grâce à des expériences pratiques. Nous épluchons les connaissances comme un oignon, en explorant les nombreuses couches qui vont au-delà des perceptions initiales et nous examinons leurs intégrations et leurs relations. Notre pensée est critique, nos leçons sont ancrées dans la résolution de problèmes concrets à l’aide d’exemples pertinents. Cela stimule l’intérêt et la motivation à en découvrir davantage. Nous sortons la salle de classe à l’extérieur et dans la communauté pour intégrer des projets et des occasions dans le vrai monde.

Un autre élément s’inscrivant dans cette collection d’idées est la création d’un espace d’apprentissage où l’on peut exprimer ses origines culturelles et ses croyances, être encouragé à participer de manière équitable et être libre de participer, et se sentir respecté. Nous pouvons en apprendre beaucoup sur l’histoire des apprenant.e.s qui façonne la façon dont ils traitent l’information, et nous pouvons cerner les limites de ces croyances qui forgent les valeurs qui guident chaque personne. Nous avons tous été élevés différemment dans des environnements variés; nous avons été inspirés par certaines personnes et découragés par d’autres. Ce processus découlant de l’histoire de chaque personne donnera lieu à une manière de traiter les situations différemment. Cela peut remettre en question l’environnement et constituer l’une des perspectives personnelles.

3. Proposer des expériences d’apprentissage qui forment des diplômés sensibles aux enjeux internationaux et à la culture qui font une différence en tant que citoyens socialement et éthiquement responsables.

  • Donner l’exemple d’interactions respectueuses et compétentes sur le plan culturel avec les élèves.
  • Utiliser des études de cas et des représentations de dilemmes éthiques et professionnels.
  • Intégrer des questions et des approches éthiques aux activités d’apprentissage et d’évaluation des élèves basées sur l’investigation.
  • Utiliser des tâches coopératives et en équipe pour augmenter les occasions d’interaction entre les élèves des groupes interculturels.

En plein air, l’accent mis sur le fait de faire une différence évoque souvent le perfectionnement du participant dans sa relation avec lui-même, les autres et (ou) l’environnement. Au Canada, la sensibilité culturelle peut faire référence à notre société pluraliste et (ou) aux efforts de réconciliation avec les peuples autochtones. En enseignant en plein air, toutes ces dimensions doivent être abordées de manière intégrée, car tout dans le monde est connecté. En Colombie-Britannique, le ministère de l’Éducation a publié un guide interdisciplinaire sur l’enseignement en milieu naturel. Ses suggestions pratiques incluent de nombreuses références à une grande variété de perspectives culturelles sur l’apprentissage à propos de la terre et à depuis celle-ci. Plus particulièrement, « Il importe que les perspectives culturelles et religieuses d’autres provenances soient reconnues et respectées, et que leur portée environnementale soit analysée. » et « Les connaissances écologiques traditionnelles des communautés autochtones issues de régions morphologiques, géographiques et écologiques particulières peuvent être un atout précieux pour l’élaboration d’activités d’éducation à l’environnement culturellement adaptées et pertinentes. » (Ministère de l’Éducation de la Colombie-Britannique, 2007, p. 10). Les apprenant.e.s ne peuvent pas faire une différence s’ils ignorent les autres contributions importantes à la résolution de problèmes environnementaux.

Le président de la Commission de vérité et réconciliation du Canada a souligné que l’éducation détient la clé de la réconciliation future, car la mauvaise éducation était un outil d’oppression par le passé. De nombreux programmes à travers le pays enseignent l’éducation axée sur la terre selon cette perspective. Learning the Land, un excellent exemple qui se développe à l’échelle nationale depuis la Saskatchewan, relie les droits issus des traités aux droits intrinsèques des autochtones :

Learning the land est plus qu’un simple programme d’éducation en plein air. Il s’agit d’apprendre de la terre et de comprendre notre connexion avec elle. La compréhension de notre connexion donnera vie à ce que la terre peut nous enseigner, comment elle communique avec nous et comment elle veille sur toutes les formes de vie qu’elle abrite. La terre est en mesure de renforcer toute chose… Chaque culture, où qu’elle soit, est liée à l’environnement. C’est grâce à cette connexion que les cultures enseignent à leurs peuples comment leurs pratiques traditionnelles relient et respectent tout dans leur environnement. Les cultures autochtones ont vécu de la terre pendant des siècles, de sorte que les connaissances et les liens traditionnels sont profondément enracinés dans les relations ancestrales (Learning the Land, 2020, n. p.).

Le prochain volet porte sur le soutien et le maintien de l’environnement d’apprentissage. Sans l’établissement de mécanismes de soutien et de gestion de groupe, les comportements d’apprentissage peuvent devenir déraisonnables. Comme nous l’avons mentionné, les apprenant.e.s ont certaines limites et perceptions qui peuvent entraîner des comportements qui nuisent à l’efficacité du processus d’apprentissage. Cela met à l’épreuve la patience, la persévérance, la compassion et la force de limiter le discours émotionnel à l’intérieur de chacun de nous. Un environnement d’apprentissage devrait être un espace sacré où les apprenant.e.s se sentent en sécurité et parviennent à sortir de leur zone de confort. L’enseignement consiste principalement à favoriser le développement intellectuel, mental et physique des individus. Il les pousse à investir en eux-mêmes, tout en étant sensibles aux autres. Il encourage un désaccord respectueux dans des espaces collaboratifs et au cours d’activités relaxantes adaptées aux normes culturelles et sociales.

L’élément le plus important consiste à introduire des politiques ou des pratiques qui encadrent le désaccord afin d’obtenir un meilleur résultat, ainsi que des dispositions pour remédier aux comportements qui contournent ces politiques. Donner l’exemple tôt démontre généralement qu’il y a un suivi et donne de la crédibilité aux directives, qui constitueront une pierre angulaire de la gestion de la salle de classe. C’est l’un des facteurs les plus importants dans un environnement d’apprentissage sain où les apprenant.e.s sont soutenus et encouragés à être respectueux. L’enseignant.e a besoin d’un rapport avec les élèves pour bâtir la confiance. Sans cette confiance, le lien d’apprentissage sera moins fort.

4. Offrir un environnement inclusif de soutien et de respect à tous les élèves en accueillant la diversité et l’indigénéité, en restant attentif aux besoins des élèves, en écoutant la voix collective des élèves et en faisant participer les élèves, en tant qu’enseignant.e et leader.

  • Donner l’exemple en adoptant un comportement respectueux..
  • Reconnaître la valeur de la contribution des élèves.
  • Démontrer et encourager le respect de la diversité des élèves dans la classe.
  • Établir des règles de base pour les discussions de groupe et prendre rapidement des mesures en cas de commentaires ou de comportements discriminatoires des élèves.
  • Offrir du soutien aux élèves ayant des difficultés d’apprentissage et des déficiences physiques.
  • Apprendre les noms des élèves et découvrir leurs intérêts.
  • Créer un environnement d’apprentissage sécuritaire et non menaçant dans lequel les élèves sont encouragés à exprimer leurs points de vue et leurs opinions tout en respectant ceux de leurs pairs et du personnel, dans un contexte intellectuel respectueux.
  • Mettre l’accent sur la valeur de la diversité des élèves dans le contexte d’apprentissage et sur les avantages d’apprendre de différentes perspectives individuelles et culturelles.
  • Concevoir des tâches d’évaluation formative précoce pour évaluer les connaissances de base des élèves afin de déterminer les lacunes dans les connaissances ou les compétences requises et le soutien nécessaire aux élèves susceptibles d’échouer.
  • Adapter le rythme de l’enseignement pour accommoder différents styles d’apprentissages tout en maintenant la rigueur et les normes.
  • Fournir aux élèves l’information nécessaire sur le soutien disponible pour les aider à gérer les problèmes d’apprentissage et personnels, notamment en période de stress, afin de réduire le risque d’abandon ou d’échec.
  • Offrir aux élèves l’occasion de développer leurs compétences en présentation orale et d’utiliser les technologies multimédias dans un contexte de soutien.
  • Concevoir des activités d’évaluation qui encouragent les élèves à utiliser des espaces extérieurs, qu’ils soient réels ou virtuels, en particulier dans des contextes de groupe qui motivent les élèves à se rencontrer et à socialiser en dehors des cours officiels.

Une lauréate du Prix du Premier ministre pour l’excellence dans l’enseignement a souligné l’importance d’encourager les élèves à jouer le rôle d’enseignant.e.s. Ses cours de sixième année offerts à des enfants inuits au Nunavut ont offert :

une occasion d’apprendre des aînés, de profiter de la terre, d’établir des liens en tant que classe et de permettre aux élèves de faire preuve de leadership et d’enseigner. Les expériences sont des moments d’apprentissage et des références lors de l’utilisation d’une approche interdisciplinaire. L’apprentissage par projets a révolutionné mon enseignement différencié en classe; des élèves qui n’étaient pas engagés sont maintenant devenus les leaders de la classe et de l’école (Sawyers, 2013, p. 16).

Une autre personne qui enseigne en plein air et effectue des recherches dans des écoles de l’île de Vancouver a réalisé ce qui suit :

Ma nouvelle pratique d’enseignement consiste à garder à l’esprit la voix de mes élèves et leurs besoins. Pour apporter des changements importants, je dois adapter mes leçons pour qu’elles soient davantage dirigées par les élèves et moins dirigées par l’enseignant.e […] Permettre à mes élèves de dire ce qu’ils aimeraient apprendre, où et comment, dans les limites du programme, est le moteur de ma nouvelle perspective quant à l’enseignement [traduction] (Gleeson, 2013, p. 37).

Un élément essentiel consiste à accroître la curiosité et à encourager les pensées créatives lorsque l’esprit de l’apprenant.e cherche à explorer. Cela favorise l’expansion de l’imagination de l’élève. Une appréciation des découvertes personnelles est valorisante. Il y a une forme différente de prise de risque en plein air, où nous enseignons aux apprenant.e.s à découvrir de manière indépendante, ce qui constitue une étape cruciale pour leur développement futur. Il est essentiel de guider les apprenant.e.s de manière constructive pour qu’ils explorent tout en maintenant la portée du travail axée sur les sujets abordés.

5. Encourager l’esprit d’investigation, la compassion, la curiosité et la pensée critique et créative selon la recherche, les normes et les conditions actuelles.

  • Concevoir des activités et des évaluations où les élèves posent des questions de recherche et déterminent les réponses.
  • Utiliser l’apprentissage par problèmes, les approches de résolution de problèmes et d’autres stratégies pour développer les compétences d’analyse, de synthèse et d’évaluation.
  • Faire participer les élèves aux travaux de l’équipe de recherche.

En Alberta, une école privée enseigne l’éducation en plein air pour atteindre sa mission qui consiste à offrir des expériences engageantes, dynamiques et centrées sur les élèves qui favorisent une culture attentionnée et inclusive tout en inculquant un amour de l’apprentissage (Calgary Academy, 2021, n. p.). Un.e enseignant.e a fait part de l’importance des heureux hasards dans le développement de la curiosité, de la créativité et des aptitudes de réflexion :

Mes parties préférées de l’enseignement en plein air sont les moments de découverte où les enfants vivent quelque chose à l’extérieur pour la première fois et se découvrent une passion. J’apprécie aussi le sentiment de connexion que les élèves commencent à développer lorsqu’ils relèvent des défis et découvrent ce qui compte pour eux. Enfin, j’aime les relations qui sont établies au sein de nos cours et qui transcendent le temps. [traduction] – Jason Lindsey (Calgary Academy, 2021, n. p.).

À l’Université de la Saskatchewan, les camps d’écologie pour enfants offrent une éducation en plein air à travers les sens. « Les enfants s’étendent dans l’herbe et sont en communion avec les prairies. Grâce à leurs cinq sens, ils observent le vent bercer l’herbe, ils écoutent les oiseaux et les insectes, ils ressentent la chaleur du soleil et perçoivent quand un nuage passe devant lui. Ils visitent un milieu humide différent chaque jour, ils marchent pieds nus et sentent la boue entre leurs orteils » [traduction] (EcoFriendly Sask, 2018, n. p.). L’engagement est atteint grâce à une conscience multisensorielle.

L’engagement est un élément essentiel de la liste; sans participation ni intérêt, il y a une limite au transfert des connaissances et au développement des compétences. La communication, tant verbale que non verbale, est vitale. Des attentes claires guident les apprenant.e.s, ce qui est essentiel pour éviter les frustrations. L’établissement de buts et d’objectifs crée un parcours de progression permettant à chaque apprenant.e de réfléchir et se demander s’il est en train de progresser. Les mesures doivent être équitables et raisonnables. Il s’agit de l’expérience des apprenant.e.s; lorsque cela est encouragé, l’engagement s’améliore. Lorsque les mesures sont ambiguës, les apprenant.e.s les perçoivent comme injustes et se désintéressent. La création d’environnements d’apprentissage dynamiques avec des activités ludiques interactives à rythme libre aide les élèves à rester motivés.

6. Améliorer l’engagement et l’apprentissage des élèves en concevant un programme efficace, en associant la technologie à l’enseignement et en utilisant les méthodes d’évaluation appropriées.

  • Communiquer les buts et les objectifs des cours et des programmes.
  • Relier explicitement les activités d’enseignement et d’apprentissage et les tâches d’évaluation aux objectifs d’apprentissage, en veillant à ce que ces objectifs soient alignés.
  • Concevoir une évaluation valide et fiable qui garantit que les normes de formation les plus élevées demeureront des plus pertinentes.
  • Créer des évaluations équitables et prendre des mesures disciplinaires appropriées.
  • Appliquer des processus fiables pour la notation et l’attribution des notes, avec des processus de modération cohérents et systématiques utilisés au sein des cours et entre eux.
  • Fournir de l’information transparente sur les exigences relatives aux cours et aux évaluations, les critères de création et de mesure du travail et les normes de rendement élevées attendues.
  • Fournir une rétroaction ciblée et opportune sur l’évaluation afin d’améliorer l’apprentissage des élèves et prendre en compte les besoins individuels en matière d’apprentissage.
  • Mettre en place une combinaison d’évaluations formatives et sommatives, ainsi que la possibilité pour les élèves de bénéficier d’une rétroaction précoce.
  • Créer une bonne répartition et un bon calendrier des tâches d’évaluation, en tenant compte de la charge de travail des élèves dans tous leurs cours au moment de l’évaluation.
  • Utiliser une gamme de stratégies d’enseignement et d’évaluation pour tenir compte des différents styles d’apprentissages.
  • S’assurer que les élèves sont conscients des problèmes et des politiques liés à l’intégrité académique, ainsi que des sanctions associées aux infractions.
  • Dans la mesure du possible, offrez de la souplesse quant à la présentation du contenu du cours et au type/moment d’évaluation.

Yukon Experiential Learning (YEL) est une initiative du ministère de l’Éducation provincial qui soutient l’apprentissage en plein air en fournissant des conseils, une orientation en matière de gestion des risques, du matériel et d’autres ressources à toute école qui souhaite offrir ces programmes. Son site Web définit l’apprentissage expérientiel comme étant « l’enseignement et l’apprentissage qui intègrent l’expérience directe, la réflexion critique et la négociation comme base du processus d’apprentissage » et explique que, dans le cadre de l’apprentissage expérientiel en plein air :

les rôles principaux de l’éducateur.trice comprennent la création d’expériences adaptées, la présentation de problèmes, l’établissement de limites, le soutien aux apprenant.e.s, la garantie de la sécurité physique et émotionnelle et la facilitation du processus d’apprentissage. L’éducateur.trice reconnaît et encourage les occasions d’apprentissage inattendues. Les éducateur.trice.s s’efforcent d’être conscients de leurs préjugés, jugements et idées préconçues, de même que de leur incidence sur l’apprenant.e. La conception de l’expérience d’apprentissage comprend la possibilité d’apprendre à partir de conséquences naturelles, d’erreurs et de réussites (JEL, s. d., n. p.).

Comme nous l’avons mentionné plus tôt, cette pratique doit compléter le plan initial et le cycle d’enseignement de présentation, d’évaluation et d’amélioration. Pendant l’instruction, de petites vérifications peuvent aider l’enseignant.e à rester en lien avec les apprenant.e.s au fur et à mesure que la présentation du cours progresse. Les évaluations du rendement des élèves peuvent fournir rapidement des indices sur la façon dont ils assimilent les connaissances et leurs applications.

Après la présentation, le matériel peut être retravaillé ou remis au point, les approches pédagogiques ou les stratégies d’enseignement peuvent être peaufinées et les plans de cours peuvent être ajustés pour l’avenir, conformément au modèle d’amélioration continue. C’est aussi un excellent moment pour recueillir des commentaires sur la réalisation des attentes initiales des apprenant.e.s, comme nous l’avons mentionné au début. On peut également réfléchir à comment les apprenant.e.s se sont sentis et ont fait preuve d’autonomie dans le contexte en plein air. Obtenir de l’aide en établissant des relations avec d’autres enseignant.e.s collégiaux. Le dernier point, mais non le moindre, est l’importance cruciale du développement constant et de l’amélioration continue pour les enseignant.e.s en plein air eux-mêmes.

7. Améliorer la pratique de l’enseignement grâce à une prise de conscience de soi continue, à un perfectionnement professionnel constant et à une réflexion critique, comme le préconisent différentes approches d’évaluation. Saisir les occasions d’expérimenter avec des techniques d’enseignement novatrices tout en restant à jour, engagé et passionné par son sujet.

  • Surveiller régulièrement l’efficacité de l’engagement des élèves dans l’apprentissage de leurs cours et programmes.
  • Chercher à obtenir de la rétroaction des élèves et de ses pairs et à s’améliorer continuellement en cernant ses forces et ses faiblesses et en s’ajustant en conséquence.
  • Utiliser les commentaires des élèves sur l’enseignement, les cours et les programmes pour examiner et justifier d’éventuelles modifications des programmes et des pratiques d’enseignement.
  • Fournir une rétroaction aux élèves sur la façon dont les programmes se sont améliorés grâce à leurs commentaires.
  • S’appuyer sur des données probantes à propos de bourse d’apprentissage et d’enseignement issues de publications, de conférences, de séminaires, d’ateliers, etc.
  • Développer ses pratiques scolaires au moyen d’activités de perfectionnement professionnel.

Le programme d’éducation en plein air résidentiel de la région de l’Ouest du district scolaire anglophone de Terre-Neuve-et-Labrador est offert en partenariat avec le camp et le centre de conférences Killdevil, le parc national du Gros-Morne de Parcs Canada et les Premières Nations Qalipu. Cette expérience est liée au programme d’études, donne l’occasion à tous les élèves de la région d’y assister une fois pendant la 4e, la 5e ou la 6e année. Le personnel administratif assure la logistique, l’établissement des horaires et le transport, permettant ainsi aux enseignant.e.s de se concentrer sur l’enseignement :

Ce programme est également unique, car les enseignant.e.s qui y participent assurent une grande partie de l’enseignement pendant la visite de leur classe. Pour se préparer à ce programme, chaque enseignant.e qui participe au programme pour la première fois suivra une séance d’apprentissage professionnelle de deux jours au cours de laquelle il apprendra à enseigner aux élèves en plein air et à présenter des séances d’apprentissage spécifiques portant sur les résultats propres au programme […] En enseignant dans le cadre de ce programme, les enseignants peuvent observer leurs élèves dans des contextes très différents d’une salle de classe régulière et faire le suivi de ce qui est enseigné ici une fois de retour en classe. De plus, les enseignant.e.s qui sont à l’aise d’enseigner à leurs élèves en plein air ont des outils qui peuvent être utilisés pour enseigner dans des environnements extérieurs plus proches de leurs écoles (District scolaire anglophone de Terre-Neuve-et-Labrador, s. d., n. p.).

Conclusion

En conclusion, des îlots à l’échelle du pays semblent inclure certains de ces sept principes dans leurs programmes d’éducation en plein air. Evergreen, basé à Toronto, mais présent à l’échelle nationale, est un mouvement qui vise à faire passer les collectivités canadiennes à une approche plus verte, plus durable et prospère. Cet organisme résume une partie du présent chapitre dans un document qui constitue un excellent point de départ pour le perfectionnement de l’enseignement en plein air. Son document de 4 pages, Classroom Management: Outdoor Teaching Strategies (Evergreen, sans date), offre aux enseignant.e.s des suggestions, des conseils sur la planification de cours, des présentations d’activités, et directives liées au plein air. Le ministère de l’Éducation de la plupart des provinces offre des documents similaires. Par exemple, Get Outdoors! de WildBC (s. d.), contient plusieurs astuces et conseils pour les éducateur.trice.s en plein air débutants.

Ces pratiques définies, dans ces îlots canadiens, favorisent un meilleur enseignement en établissant des critères d’excellence auxquels on peut aspirer. Au fil des ans, cela s’est avéré être un modèle de croissance personnelle pour divers professionnels en plein air, en plus d’être très gratifiant sur le plan de leur développement personnel. Les objectifs du modèle restent les suivants : améliorer la pratique, être sensible à la culture, soutenir l’environnement d’apprentissage, rester connecté à la tâche pédagogique, être en relation avec les apprenant.e.s et exprimer les moyens d’enseignement et les méthodes pour les atteindre plus efficacement. Nous espérons que ces renseignements seront précieux et utiles, tandis que nous continuons tous à développer notre art, notre science, et surtout notre métier pour mieux répondre aux défis et aux besoins des élèves.

Bibliographie

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Ressources

Les chapitres d’introduction de ces deux livres canadiens traitent des techniques d’enseignement en plein air :

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  • Redmond, K., Foran, A. et Dwyer, S. (2010). Quality lessons plans for outdoor education. Human Kinetics.

À propos de l’auteur

Bryan Taylor

École des transports de l’Institut de technologie de la Colombie-Britannique

Bryan Taylor, PIDP, MSR, est un instructeur principal à l’école des transports de l’Institut de technologie de la Colombie-Britannique. Il a grandi à Vancouver, en Colombie-Britannique, et il explore les espaces extérieurs depuis son enfance. Au cours des 30 dernières années, il a enseigné à des jeunes en plein air afin de développer leurs aptitudes en survie. Il apprécie l’élaboration créative de systèmes d’apprentissage et il continue de répondre aux besoins de ses élèves en utilisant des conceptions de programmes efficaces et des pratiques d’enseignement novatrices.

 

Icône pour la licence Attribution - Utilisation non commerciale - Partage dans les mêmes conditions 4.0 International

L’article Pratiques exemplaires pour l’excellence de l’enseignement en plein air (2024), par Bryan Taylor, est distribué sous la licence Creative Commons Attribution – Pas d’utilisation commerciale – Partage dans les mêmes conditions 4.0 International, sauf indication contraire.

IX

Direction

24

24.

FORMATION ET COMPÉTENCES DE LEADERSHIP EN PLEIN AIR

Beau M. Williams-Orser

Dans ce chapitre, le leadership en plein air est à la fois « un processus d’influence sociale dans un contexte de plein air où les activités sont les moyens utilisés pour créer des aventures » (Priest et Gass, 2018, p. 416) et un produit de « responsabilité légale, morale et de supervision où le leader a satisfait aux évaluations de devoir de diligence et de norme de diligence » (Priest, Ritchie et St. Denis, 2022, p. 3). Le travail de l’animateur.trice en plein air consiste à s’occuper des client.e.s et des participant.e.s aux aventures et à leur permettre de s’amuser, d’apprendre et de se transformer. Cette personne porte plusieurs chapeaux qui touchent à des domaines multidisciplinaires, dont le tourisme, les loisirs, l’éducation, le travail social, la psychologie et la santé.

Son rôle exige souvent un éventail diversifié d’habiletés et de compétences pour gérer les résultats et la sécurité des programmes lors des activités en plein air. L’importance de ce rôle a été bien documentée (Holland, Powell, Thomsen et Monz, 2018), malgré le manque de cohérence entre la recherche sur les compétences et les normes de formation en leadership en plein air. Au Canada, la formation sur le leadership en plein air est offerte par des fournisseurs de formation privés et publics, y compris dans des programmes postsecondaires offerts dans les universités et les collèges (Williams-Orser, 2021). La formation requise est également complexe et comprend notamment une formation en secourisme, des interventions d’urgence, la gestion des risques, la navigation, le leadership, l’animation et autres compétences techniques propres à l’activité (Priest et Gass, 2018). La recherche liée à l’apprentissage en plein air a clairement souligné l’importance d’animateurs bien formés (Goldenberg et Soule, 2015; Houge-Mackenzie et Kerr, 2017; Phipps et Claxton, 1997; Powell, Kellert, et Ham, 2009; Vagias et Powell, 2010). De plus, les auteur.e.s d’une récente revue systématique ont conclu que l’efficacité d’un leader a une forte influence sur la réussite des résultats du programme (Holland et coll., 2018).

Compétences de leadership en plein air

Si l’importance de la formation sur le leadership en plein air n’est plus à prouver, la recherche à ce sujet manque de cohérence. Partout dans le monde, les compétences de leadership en plein air ont fait l’objet de recherches spécifiques à la fin des années 1970 et au début des années 1980, où de nombreuses études empiriques ont été réalisées (Buell, 1981; Cousineau, 1977; Green, 1981; Johnson, 1989; Priest, 1984; Priest, 1987; Raiola, 1986; Swiderski, 1981). L’objectif de ces études était principalement de relever et classer les caractéristiques, les traits, les habiletés, les connaissances, les attributs ou les compétences de leadership en plein air, et non à développer les programmes de formation.

Bien que les compétences de leadership en plein air aient fait l’objet d’études approfondies au cours de cette période initiale, l’examen de ces études a révélé que seules deux d’entre elles donnaient une définition du terme « compétence » et que seules quelques-unes d’entre elles fournissaient des définitions pour des termes connexes, tels que les habiletés, les connaissances et les caractéristiques. Au début de la recherche sur les compétences de leadership en plein air, le Council of Outdoor Educators of Ontario a commandé un ouvrage à Rogers (1979), qui proposait une alternative à la certification obligatoire pour le leadership en plein air et offrait un modèle plus global, suggérant que le développement du leadership en plein air est un processus continu d’apprentissage plutôt qu’un cours unique à suivre.

Après cette poussée dans la recherche sur les compétences de leadership en plein air, des efforts importants visant à synthétiser les recherches antérieures en une liste de compétences et un cadre de formation ont abouti à la publication de deux manuels populaires, rédigés par des universitaires. En 1997, Priest et Gass (2018) ont rédigé la première édition d’Effective Leadership in Adventure Programming. En 2006, Martin et ses collègues (2017) ont rédigé la première édition de Outdoor Leadership: Theory and Practice. Un manque d’harmonisation entre les premières recherches et les efforts de synthèse a été constaté, et les approches de la formation en leadership en contexte de plein air fondées sur les compétences ont été critiquées (Shooter, Sibthorp et Paisley, 2009; Warren, 2007). De plus, la formation sur le leadership en plein air a été critiquée pour son manque de méthodes empiriques permettant d’intégrer les compétences dans les programmes d’études (Berman et Davis-Berman, 2009; Pelchat et Karp, 2012). Malgré un nombre considérable de recherches et de publications sur l’apprentissage en plein air, la formation et les approches fondées sur les compétences restent très complexes et manquent de cohérence.

Par exemple, Priest et Gass (2018) ont suggéré treize compétences de leadership en plein air, tandis que Martin et ses collègues (2017) en ont suggéré huit (résumées dans le tableau 1). Outre les textes empiriques, un certain nombre de programmes d’études sur le leadership en plein air ont été publiés par des organismes réputés (Cockrell, 1991; Gookin et Leach, 2009; Raynolds et coll., 2007). Enfin, un cadre international pour la préparation progressive des animateur.trice.s de plein air a été diffusé (Priest et Gass, 2018) et est annexé à ce manuel.

Tableau 1 : Comparaison de deux manuels de leadership en plein air
Priest et Gass, 2018 (3e édition) Martin et coll., 2017 (2e édition)
COMPÉTENCES SPÉCIALISÉES
Informations de base 1. Connaissances fondamentales
Activité technique 8. Capacité technique
Sécurité et risques 7. Sécurité et gestion des risques
Environnement 5. Gestion de l’environnement
COMPÉTENCES GÉNÉRALES
Organisation 6. Gestion de programme
Enseignement 4. Enseignement et animation

Animation
MÉTA-COMPÉTENCES
Communication
Leadership conditionnel
Éthique professionnelle 2. Conduite professionnelle et conscience de soi
Résolution de problèmes
Prise de décision 3. Prise de décision et jugement

Jugement sûr

L’Organisation internationale de normalisation (ISO) a récemment publié quatre documents exclusifs décrivant des normes pour l’industrie du tourisme d’aventure, notamment : Bonnes pratiques en matière de durabilité (ISO, 2018), Informations aux participants (ISO, 2014a), Systèmes de management de la sécurité – Exigences (ISO, 2014b) et les Leaders – Compétence du personnel (ISO, 2020). Dans la norme ISO Leaders – Compétence du personnel, la compétence est définie comme « la capacité d’appliquer les connaissances et les habiletés pour obtenir les résultats escomptés » (ISO, 2020, p. 1). De plus, les compétences décrites dans cette norme sont réparties en trois sections : les connaissances, les habiletés et les attitudes ou caractéristiques. Les méthodes utilisées par l’ISO pour créer des normes sont très rigoureuses et impliquent une collaboration internationale. Cependant, aucune référence à ces normes ISO n’a été trouvée dans les recherches ou les manuels de formation en leadership en plein air. Il n’est donc pas possible de savoir dans quelle mesure ces normes sont utilisées ou acceptées dans le cadre de l’apprentissage en plein air au Canada.

Activités en plein air dirigées au Canada

Le Canada a une longue tradition d’apprentissage en plein air, avec une tradition particulière de voyages en pleine nature et d’utilisation de routes ayant une importance historique ou autochtone de longue date (Potter et Henderson, 2004). La vaste étendue géographique et la diversité linguistique du Canada ont souvent signifié que les expériences d’apprentissage en plein air se déroulaient dans des réseaux régionaux, et que les prestataires de formations et les opérateurs n’étaient pas toujours au courant de ce qui se passait dans d’autres réseaux ailleurs au pays (Potter et Henderson, 2004). Ritchie et coll. (2016) ont relevé des enjeux similaires en décrivant la fragmentation des programmes de formation en thérapie par l’aventure au Canada, un sous-domaine de l’apprentissage en plein air.

Récemment, la « méthode canadienne » d’éducation en plein air a fait l’objet d’une étude systématique de Purc-Stephenson et coll. (2019). Leurs conclusions suggèrent que les expériences d’éducation en plein air au Canada visent à recréer et à retracer les parcours historiques des premiers explorateurs et colons. De plus, Asfeldt et coll. (2020) ont étudié les points communs des programmes d’éducation en plein air au Canada. Leurs conclusions suggèrent que, malgré les nombreuses différences et les différents programmes, les programmes d’éducation en plein air au Canada ont des fondements philosophiques communs (tels que les expériences pratiques et le voyage à travers le pays), des objectifs communs (comme la croissance personnelle et le développement de la communauté) et des activités communes (comme la randonnée, le canoë, le kayak, le ski et la raquette).

Quelques décès tragiques notables ont influencé de manière significative l’histoire et la pratique de l’apprentissage en plein air au Canada, notamment la noyade d’un étudiant du C.W. Jefferys Collegiate Institute dans le parc Algonquin en 2017, la catastrophe de l’avalanche de l’école Strathcona-Tweedsmuir près du col Rogers en 2003, et la tragédie de l’école St. John’s au lac Timiskaming en 1978 (Jackson et coll., 2023). Malgré ces tragédies très médiatisées, le Canada n’a pas adopté de normes officielles pour la formation en leadership en plein air ou pour les emplois dans le domaine de l’apprentissage en plein air. Actuellement, aucune norme de formation, de compétence ou d’occupation ne s’applique de manière générale à l’apprentissage en plein air au Canada, bien que des initiatives récentes et continues de normalisation aient été lancées.

Le premier sommet canadien du plein air (repoussé en raison de la pandémie de COVID-19) a chargé un groupe de proposer un cadre de formation sur les compétences pour l’apprentissage en plein air (2021). De plus, RH Tourisme Canada, un organisme financé par le gouvernement, a récemment commencé à élaborer un cadre de compétences pour l’industrie du tourisme, qui comprend des compétences pour les guides d’aventure (RH Tourisme Canada, 2020).

Deux initiatives législatives provinciales récentes dans le domaine de l’apprentissage en plein air sont venues s’ajouter à cet effort. Au Québec, une norme provinciale de sécurité pour le tourisme d’aventure et l’écotourisme a été établie à la suite d’une tragédie en motoneige en 2020, offerte par Aventure Écotourisme Québec (AEQ), un organisme soutenu par le gouvernement (AEQ, 2021). Cette accréditation n’est pas obligatoire, toutefois les opérateur.trice.s qui en sont dépourvus ne sont pas admissibles au financement du ministère du Tourisme (AEQ, 2021). En Ontario, deux conflits de travail récents ont poussé le ministère du Travail de l’Ontario à devenir la première province ou le premier territoire à fixer un salaire minimum pour les guides d’aventure (gouvernement de l’Ontario, 2020). Selon cette loi, un guide d’aventure est :

« engagé pour guider, instruire ou aider une ou plusieurs personnes pendant qu’elles se livrent à des activités en milieu sauvage, notamment les activités suivantes : ski de randonnée nordique et raquette en pleine nature; canoë, kayak et rafting; traîneau à chiens; randonnée pédestre; équitation; escalade; conduite de véhicules tout-terrain ou de motoneiges; observation de la faune; formation de survie. »

Récemment, plusieurs groupes de défense représentant des leaders de l’apprentissage en plein air se sont formés en faveur de salaires équitables, de l’accès à l’assurance et de conditions de travail sécuritaires, comme la Canadian Outdoor Professionals Association, l’Association des guides professionnels en tourisme d’aventure et la Sea Kayak Guides Alliance de la Colombie-Britannique.

Préparation professionnelle

Les nombreux cheminements en leadership en plein air au Canada comprennent des programmes de formation et de certification propres aux activités et d’autres programmes de formation privés ou publics. De nombreux organismes à but non lucratif provinciaux et nationaux ont élaboré des programmes et des évaluations pour proposer des certificats individuels, principalement dans des disciplines spécifiques, comme l’Association canadienne des guides de montagne (escalade) et Pagaie Canada (canoë-kayak).

Par ailleurs, le Conseil canadien du plein air a développé son programme Leader terrain destiné aux non-professionnel.le.s et principalement axé sur les postes de garde, par exemple dans les écoles, les camps d’été et les clubs de plein air. De nombreux organismes privés et publics ont également mis au point des programmes de préparation en leadership de plein air, comme le programme Canadian Outdoor Leadership Training (COLT) du Strathcona Park Lodge and Outdoor Education Centre sur l’île de Vancouver (Tashiro, 2023). Il existe également divers camps d’été, qui ont une riche histoire au Canada en offrant une variété d’expériences d’apprentissage en plein air pour les jeunes. Ces programmes recrutent généralement du personnel saisonnier et proposent une formation avant le début des programmes. Les programmes postsecondaires sont également l’une des principales options de formation en leadership en plein air au Canada, mais ils semblent être axés sur les guides touristiques techniquement compétents.

Pour tenter de déterminer la répartition des programmes de formation postsecondaire, Williams-Orser (2021) a recensé 54 programmes dans les universités et les cégeps (les collèges d’enseignement général et professionnel du Québec sont fréquentés pendant deux ans après la 11e année). Si plusieurs programmes ont disparu depuis la fin de cette étude en 2019, quelques nouveaux programmes ont vu le jour. Une liste de certains établissements d’enseignement postsecondaire du Conseil canadien du plein air figure dans la dernière section de ce chapitre.

D’autres recherches sont nécessaires pour comprendre les tendances actuelles en matière de fermeture des programmes de formation postsecondaire en leadership en plein air. Dyment et Potter (2021) suggèrent que cette situation semble être due à une combinaison de tendances sociétales avec des croyances néolibérales, des désirs de changement des administrateur.trice.s compte tenu du manque de financement, et un manque de compréhension de l’efficacité de l’apprentissage en plein air en plus d’un manque de défense stratégique. De plus, ils recommandent la nécessité de :

[…] comprendre le programme néolibéral qui mène les universités, entretenir des relations stratégiques avec des universitaires éminents, se positionner à des postes universitaires de haut niveau, participer à des revues fondées sur des données probantes, défendre stratégiquement les programmes d’éducation ouverte et s’interroger sur le bien-fondé d’une trop grande humilité dans un monde où les données probantes font l’objet d’une compétition acharnée (p. 1).

Bibliographie

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À propos de l’auteur

Beau M. Williams-Orser

Université Laurentienne

Beau M. Williams-Orser est instructeur sur le terrain dans le cadre du programme Leadership: activités physiques de plein air de l’Université Laurentienne à Sudbury, en Ontario, au Canada. Il a récemment obtenu une maîtrise en sciences de l’activité physique, dans le cadre de laquelle ses recherches ont porté sur la formation au leadership en plein air, les résultats d’apprentissage et les compétences. Beau est également éducateur et guide d’aventure et pour divers pourvoyeurs et centres de plein air en Ontario, au Canada.

 

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L’article Formation et compétences de leadership en plein air (2024), par Beau M. Williams-Orser, est distribué sous la licence Creative Commons Attribution – Pas d’utilisation commerciale – Partage dans les mêmes conditions 4.0 International, sauf indication contraire.

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25.

DURÉE D’EMPLOI DES GUIDES D’EXCURSION

Liz Kirk

Quelle est la valeur des savoirs d’un ou d’une guide d’excursion qui cumule plus de 30 ans d’expérience au Canada? Les ouvrages suggèrent que les guides de plein air ayant un large éventail de connaissances, en contextes personnels et professionnels, se démarquent par leurs décisions et leur jugement des novices ayant peu, ou pas d’expérience dans le domaine (Galloway, 2007). Un instructeur sur le terrain soutient qu’avec l’âge, on sait mieux comment on travaille et ce dont on a besoin. On se connaît un peu mieux et, selon la situation, on gère les choses différemment (Kirk, 2013, p. 66). Même si les établissements valorisent les décisions réfléchies et l’expérience en gestion des risques des spécialistes du plein air plus âgés, le roulement de cette catégorie d’employé.e.s est très fréquent. C’est pourquoi de nombreuses directions de programmes font du recrutement et de la fidélisation des effectifs leur principale priorité (McCole, 2004, p. 328).

Le terme « carrière » est depuis peu associé avec le travail en plein air (Allin et Humberstone, 2006). Malgré les nombreux débouchés professionnels, on admet généralement […] que [la profession] ne propose pas un cheminement de carrière définie (Allin et Humberstone, 2006, p. 135). Un manque important d’occasions de mentorat, un soutien inadéquat pour encourager la longévité des jeunes professionnel.elle.s, en plus des marges de progressions restreintes pour les employé.e.s dans le secteur, contribuent au roulement fréquent du personnel sur le terrain (Thomas, 2003, p. 59).

À l’heure actuelle, on ignore le nombre personnes de la relève passionnées d’activités de plein air qui ont l’intention de faire de ce mode de vie exigeant une entreprise à long terme. Kirby (2006) suggère que le travail en plein air attire des personnes « passagères », vouées à quitter le milieu en peu de temps, sans égard à d’autres facteurs. Les employeurs peuvent souvent penser que les instructeur.trice.s refusent de s’engager à long terme. Un tel constat se confirme, car les personnes qui commencent ce travail dans la vingtaine optent pour une autre carrière dans les services à la personne ou quittent le milieu pour de bon (Kirby, 2006).

Étant donné leur probable désir de partager leur passion de la nature, plusieurs instructeur.trice.s soutiennent que l’altruisme a été un facteur déterminant dans le choix du métier (Marchand, 2009). Plusieurs candidat.e.s pour ce travail font preuve de talent, de passion et volonté de poser des gestes utiles (Ferguson, 1999, p. 11). La plupart des instructeur.trice.s soulignent que l’épanouissement personnel est un atout important du travail, et beaucoup estiment que « faire la différence pour les apprenant.e.s » et « vivre dans la nature » sont souvent valorisés (Marchand et coll., 2009, p. 368). D’après une étude qualitative sur les instructeur.trice.s des centres de thérapie en nature au Canada, le travail, en plus d’offrir des « conditions de rêves », favoriserait un équilibre parfait entre les champs de compétences d’une personne et sa passion pour l’environnement (Kirk, 2013 p. 63).

Les professionnel.elle.s des activités en plein air peuvent tant s’accomplir dans leur travail qu’ils ou elles ignorent délibérément, du moins pour un temps, des irritants comme le fardeau des tâches, les faibles revenus et l’impossibilité d’avoir un domicile permanent ou une vie confortable (Ross, 1989). Malgré tout, les professionnel.elle.s plus âgé.e.s, expérimenté.e.s, instruit.e.s et persévérant.e.s sont « trop souvent remplaçables » (Ross, 1989, p. 34) et risquent d’être exploité.e.s, car l’engouement de la relève pour la profession est palpable (Thomas, 2003, p. 59). Cependant, le recrutement et la rétention d’un personnel soucieux, dévoué, compétent, intéressé et motivé sont « primordiaux pour la pérennité de tout établissement » (Erickson et Erickson, 2006, p. 6).

Données démographiques

La plupart des professionnel.elle.s du plein air qui entament une carrière sont des personnes « blanches, jeunes, scolarisées et célibataires » (Kirby, 2006, p. 79). Une personne recrutée comme instructeur.trice à temps plein peut être tenue de suivre une formation de secourisme, d’avoir une certaine expérience de guide en milieu sauvage et d’être diplômé d’un programme de loisirs de plein air ou d’une discipline connexe (Russell et Hendee, 2000). Également appelés « guides d’aventure », « guides », « instructeur.trice.s de plein air » ou « personnel de terrain », de tels spécialistes fournissent des soins aux participant.e.s, enseignent les techniques de vie en milieu naturel et assurent la sécurité du groupe, tout en gérant efficacement tous les aspects des excursions de plusieurs jours en milieu naturel éloigné. Kirby (2006) affirme qu’une faible proportion de personnes estime le travail d’instructeur.trice sur le terrain gratifiant et agréable, et qu’il serait difficile de trouver des personnes en dehors du groupe démographique type qui exprime la même opinion (p. 68).

Les données démographiques sur les instructeur.trice.s montrent des tendances marquées au fil du temps. Le travail de première ligne en plein air est né d’une culture et d’une philosophie historiquement dominées par les hommes, inspirées de valeurs militaires comme l’aptitude physique et l’autorité de chefs masculins (Allin et Humberstone, 2006, p. 136). Il existe désormais une certaine parité entre hommes et femmes dans les fonctions d’instructeur.trice, dans certains cas, elles sont même plus nombreuses (Marchand, 2010). Néanmoins, si l’on compare la longévité, les hommes interrogés lors d’une enquête auraient travaillé six mois de plus en moyenne que les femmes (Marchand et coll., 2009). Les personnes employées dans les années 1980 étaient généralement âgées de 20 à 30 ans (Birmingham, 1989), mais à l’heure actuelle, la moyenne se situe plutôt autour de la mi-vingtaine. Par ailleurs, environ 60 à 70 % des instructeur.trice.s sont titulaires d’un baccalauréat, généralement en éducation à l’aventure, en loisirs ou en sciences sociales (Marchand et coll., 2009; Marchand et Russell, 2013). Les chiffres montrent une augmentation par rapport au début des années 1980, le pourcentage de diplômés de premier cycle étant alors de moins de 40 % (Birmingham, 1989).

Kirby (2006) suggère que les liens émotionnels forts qui se développent entre les instructeur.trice.s sur le terrain trouveraient une origine dans « les caractéristiques démographiques restreintes qui définissent ce groupe de travailleur.euse.s » (p. 78). En raison de l’éloignement du milieu de travail, le réseau social des instructeur.trice.s se compose en grande partie de jeunes adultes évoluant dans un même programme ou d’autres programmes d’excursion en milieu sauvage offerts à proximité. En restant à l’emploi dans un établissement pendant plusieurs années, le personnel de première ligne peut développer de solides réseaux de soutien et une compréhension commune au sein des groupes de pairs. Un système de soutien social s’appuyant sur la communication, soit sur le plan personnel ou professionnel, peut outiller les instructeur.trice.s sur le terrain pour répondre efficacement aux exigences liées à leur travail (Kirk, 2013).

Défis liés au travail

Pourquoi tant de personnes au Canada abandonnent la profession à la fin de la trentaine? La plupart des instructeur.trice.s sur le terrain comprennent la nature difficile d’une carrière dans le domaine, mais la durée d’emploi dans le milieu lorsqu’ils commencent est pratiquement inconnue (Thomas, 2003, p. 54). La déception liée à la réalité du travail et l’épuisement dû aux exigences croissantes liées au mode de vie requis pour le travail peuvent, de manière inattendue, inciter des instructeur.trice.s les plus aptes à démissionner (Marchand, 2009).

Des limitations physiques ou des blessures peuvent rendre le rôle ingérable. Il en va de même pour des choix alimentaires limités. La nature exténuante du travail peut conduire à l’épuisement physique et mental, à la fin de la première année à l’emploi. Une participante à l’étude a révélé qu’elle était souvent très épuisée à cause de toutes les interactions, des questions posées aux enfants et de sa propension à être drôle, amusante et captivant (Kirk, 2013 p. 96)

Les motivations d’une personne à changer d’emploi peuvent être également externes au contexte professionnel. On parle de facteurs comme la pression sur les relations intimes, la difficulté de nouer des liens avec des personnes autres que des collègues ou un sentiment de déconnexion ou de manque de temps avec amis et famille (Bunce, 1998; Marchand et coll., 2009, p. 368). Il est probable que les employé.e.s de première ligne, aspirant à un horaire moins chargé et plus de temps libre, migrent rapidement vers d’autres domaines qui comblent mieux les aspects professionnels et personnels de leur vie (Marchand et coll., 2009). Dans une étude d’Allin (2004, p. 64), les instructrices de plein air ont qualifié de « très problématique » la conciliation entre une carrière dans leur champ d’activités et les responsabilités familiales de la maternité.

Les excursions dans l’arrière-pays peuvent provoquer un sentiment d’isolement chez certains. Dans une étude de Marchand et coll. (2009), 48 % des répondant.e.s étaient célibataires, 9 % étaient marié.e.s et 22 % ont déclaré que leur emploi avait la source d’une rupture amoureuse. Une autre étude a révélé que la majorité des instructeur.trice.s étaient célibataires (63 %), 12 % marié.e.s et 25 % en couple (Marchand et Russell, 2013). Les participant.e.s mariés ou dans une relation à long terme se sentaient davantage confrontés aux contraintes de temps et d’horaire liés au travail que les célibataires (Marchand et coll., 2009).

Les difficultés financières étaient également propices au roulement du personnel. Les départs précoces des détenteur.trice.s de diplômes d’études postsecondaires sont probablement associés à une prise de conscience de la valeur monétaire ou à l’appréhension de se retrouver coincé dans une profession toujours sous-estimée. À propos de la rémunération, Kirk rapporte que certains estiment très difficile d’avoir un revenu adéquat et que l’on s’attend à ce que les instructeur.trice.s vivent en dessous d’un certain seuil (Kirk, 2013 p. 65).

Cela dit, les gestionnaires et les directions d’établissements canadiens de plein air ne pourraient-ils prendre davantage en compte de telles préoccupations? Pour faire une comparaison avec ailleurs dans le monde, je m’attarderai sur Outward Bound en Nouvelle-Zélande.

Outward Bound New Zealand

Lors d’un séjour en Nouvelle-Zélande en 2008, l’un des responsables m’a informé que l’âge moyen de leurs instructeur.trice.s sur le terrain était de 33 ans. Le formulaire de candidature de 2021 indique que l’âge moyen est de 30 ans, ce qui montre que la tendance à conserver du personnel expérimenté se maintient depuis plus d’une décennie. Qu’est-ce qui rend cet exemple si différent des établissements canadiens qui semblent compter très peu d’instructeur.trice.s de plus de 30 ans dans leur équipe?

La grande considération accordée aux instructeur.trice.s est explicite. Le site Web de l’organisme vante l’excellence de ces dernier.ère.s et le formulaire de candidature précise qu’ils et elles contribuent grandement à la qualité des activités. L’horaire de travail normal est également clairement défini : 4 jours de congé pendant les activités, au moins 5 jours de congé entre, pas plus de 9 jours de travail consécutifs et 5 à 6 semaines de vacances, deux fois par an.

En fait, il était évident que l’organisme avait des problèmes de rotation du personnel : personne ne voulait partir! J’ai appris que l’établissement avait consacré plus de deux ans dans la collecte des commentaires des employé.e.s au cours du processus de révision de la déclaration de mission, des valeurs organisationnelles et des programmes offerts. Chaque instructeur.trice a signé un contrat de trois ans lors de l’embauche, mais bon nombre ont joué un rôle central au sein de l’organisme pendant une période beaucoup plus longue. À ce propos, Outward Bound a remporté à plusieurs reprises le titre de meilleur milieu de travail en Nouvelle-Zélande (par rapport à des établissements de taille similaire) en raison d’une vision claire et dynamique, d’un véritable sens de la communauté parmi les employé.e.s, d’une volonté à faire progresser et à perfectionner son personnel, et d’une culture de haute performance (Scoop Independent News, février 2008).

Outward Bound est un bon modèle montrant que la priorité accordée à la croissance, au soutien et à la formation des employé.e.s de première ligne crée une forte culture d’équipe. Par exemple, en offrant aux instructeur.trice.s et familles l’hébergement au sein de la communauté, il est possible de réduire le sentiment d’isolement et de déconnexion. J’espère que la poursuite inlassable d’objectifs similaires favorise un même effet et diminue le « problème » de rotation ailleurs.

Révolutionner le visage de la dotation en personnel instructeur au Canada

Le travail en première ligne d’un ou une instructeur.trice de terrain au Canada est-il un choix de carrière durable et pertinent? Les établissements qui misent sur la fidélisation du personnel peuvent récolter les fruits des efforts et des ressources pour faire progresser la formation et l’expérience des employé.e.s de première ligne. La rétention des instructeur.trice.s d’expérience permet de disposer d’un personnel apte à piloter un programme de meilleure qualité et à prendre des décisions plus appropriées sur la gestion des risques en cas de crise médicale (Galloway, 2007). Le taux élevé de roulement au Canada, qui perdure depuis longtemps, montre que la profession doit évoluer. Si les établissements envisagent sérieusement de recruter et retenir un personnel expérimenté, performant et fidèle, ils doivent investir les ressources pour mettre en œuvre ou adapter les politiques et procédures actuelles afin de mieux répondre aux besoins de ces personnes. Ils en sortiraient tous gagnants.

Pistes d’amélioration de la rétention des instructeur.trice.s de terrain au Canada

Le taux élevé de rotation du personnel engendre des répercussions financières liées à la sélection, à l’embauche et à la formation des employé.e.s, et d’autres contraintes comme la perte de savoirs, la perturbation du flux de travail, la baisse du moral des effectifs ou l’incertitude pour ceux qui restent dans le domaine (Kirby, 2006; Marchand et coll., 2009). Cependant, si les directions se mettent au travail en proposant des solutions aux problèmes du personnel liés au travail, les instructeur.trice.s pourraient poursuivre une plus longue carrière. La mise en œuvre de stratégies visant à créer des communautés de travail solidaires et durables est primordiale pour répondre aux multiples demandes liées au travail qui submergent les employé.e.s de première ligne (Thomas, 2003). Si les établissements qui proposent des programmes d’excursion en milieu naturel insistent sur la qualité de la formation donnée par une équipe dévouée, expérimentée et professionnelle, ils doivent par le fait même adopter des pratiques d’embauche et d’incitation ciblées pour concrétiser une telle démarche (Ross, 1989).

Privilégier les occasions de débreffage

Le débreffage permet aux participant.e.s d’intégrer l’apprentissage et d’acquérir ainsi un sentiment d’accomplissement ou de réalisation de l’expérience (Hammel, 1993, p. 231). Généralement verbal, il peut prendre des formes non verbales : journal de bord, schématisation ou autoréflexion (Gass, 1993). Un débreffage officieux peut avoir lieu pendant les congés ou les interactions entre collègues sur le terrain ou qui font du covoiturage (Kirk, 2013).

Étant donné la difficulté pour les instructeur.trice.s de trouver des moments opportuns pendant les quarts de travail, l’intégration d’un processus officiel et cohérent dans les politiques du programme permet d’échanger sur des incidents ou sur des problèmes en cours de manière confidentielle et professionnelle. On parle par exemple d’appels téléphoniques ou de rencontres en personne. Un ou une employé.e de première ligne qui a besoin d’un soutien doit disposer de moyens efficaces d’accéder au nécessaire. Une culture organisationnelle qui met de l’avant le débreffage est de mise afin d’améliorer les habiletés des instructeur.trice.s (Kirk, 2013).

Mettre sur place des processus d’intégration transparents

Les premières impressions pendant le recrutement et l’intégration peuvent être des facteurs clés pour encourager la longévité des instructeur.trice.s. Expliquer clairement et exhaustivement au nouveau personnel les responsabilités professionnelles en plus d’établir en amont des liens avec les membres de la communauté avec lesquels il travaillera, permettrait de réduire les taux d’épuisement professionnel et la rotation des employé.e.s récemment embauché.e.s (Marchand et Russell, 2013). La formation pourrait être remodelée en augmentant la période d’observation d’un ou une instructeur.trice d’expérience, en alternant les responsabilités sur le terrain avec d’autres lieux, comme le bureau ou le camp de base, et en adoptant des mesures pour que les nouveaux effectifs fassent d’abord partie d’une équipe expérimentée et ne soient pas associés à des novices tant qu’ils ne connaissent pas bien les rôles.

Offrir du mentorat et de la rétroaction constructive

Lorsque le mentorat est une priorité, le nouveau personnel de terrain peut avoir l’impression d’être mieux intégré à l’équipe et de pouvoir s’adresser à un ou une collègue d’expérience pour poser des questions. Parsons (1992) soutient que la mise en place et la consolidation d’un programme de mentorat ne sont pas rentables à cause de la faible productivité du nouveau personnel submergé et du coût du recrutement des remplaçants (p. 8). Si de tels programmes ne sont pas déjà en place officiellement, les employé.e.s doivent être encouragé.e.s à trouver des mentors au sein de la profession.

S’ils ou elles servent une clientèle exigeante lors d’excursions de plusieurs jours, les gestionnaires ne doivent pas sous-estimer la pertinence de formuler des commentaires positifs et de souligner leur travail (Thomas, 2003). Un instructeur sur le terrain affirme d’ailleurs que la rétroaction en toute transparence d’une personne en qui on a confiance est inestimable (Kirk, 2013, p. 105). Dans cette optique, tout commentaire non constructif des responsables peut poser problème. Un participant à une étude juge que le manque de collaboration avec les gestionnaires nuit au développement du programme et au personnel et dénonce des lacunes de réflexion pour renforcer l’équipe et améliorer l’expérience (Kirk, 2013).

Proposer des stages rémunérés et des activités de perfectionnement professionnel

Au fil du temps, la plupart des professionnel.elle.s des activités de plein air participent à divers cours et ateliers de certification. Miser sur le perfectionnement professionnel continu pour approfondir compétences et connaissances est une bonne solution au sentiment de stagnation au travail. Les occasions d’enrichissement professionnel et de formation en dehors du travail sont importantes pour optimiser la longévité des effectifs (Thomas, 2003). Teschner et Wolter (1984) suggèrent que l’épuisement professionnel du personnel est davantage lié au manque de possibilités de croissance personnelle continue (p. 19) qu’à de longues heures de travail et à des exigences élevées. En favorisant la participation du personnel à des stages de formation rémunérés, tout établissement démontre clairement un souci du perfectionnement professionnel de son personnel de première ligne.

Créer une culture de respect, de compréhension et d’ouverture

Il est impératif que la direction tienne compte du point de vue du personnel de première ligne. Lorsque des problèmes sont soulevés, les gestionnaires doivent répondre de manière adéquate aux besoins des effectifs, sous peine d’en perdre. L’insatisfaction peut s’accumuler au fil du temps pour les instructeur.trice.s qui ont l’impression que rien ne change et que l’établissement évite des problèmes relevés par les travailleur.euse.s en première ligne (Kirk, 2013, p. 98). Plusieurs participant.e.s à une étude ont souligné la crainte de ne pas être pris au sérieux ou de fournir des recommandations à des personnes qui font la sourde oreille ou qui ne comprennent rien (Kirk, 2013, p. 99). Quelqu’un a même précisé ressentir de la frustration parce qu’on ne l’écoutait pas (Kirk, 2013, p. 99).

Le sentiment de déconnexion avec la direction, perçu par certain.e.s, traduirait un manque de soutien et provoque un sentiment d’aliénation par rapport à l’établissement. Plusieurs ont déclaré que le manque d’écoute de la direction avait fortement influencé leur intention de changer d’emploi. Une personne soutient qu’elle en avait marre que les gens ne comprennent pas la nature de son travail et les attentes de l’équipe, en dépit des demandes et des situations soulevées (Kirk, 2013, p. 101). Son homologue rapportait que la réaction de la direction, qui ignorait plus ou moins des problèmes, est à l’origine de sa décision de jeter l’éponge (Kirk, 2013, p. 101). Un autre participant a attribué sa ferme intention de démissionner au sentiment constant que toute demande faite à la direction ne serait pas prise en considération (Kirk, 2013, p. 101).

La participation du personnel dans la prise de décisions importantes et dans l’élaboration de politiques et de programmes pourrait favoriser la rétention. Une telle collaboration permet de développer un sentiment plus fort d’intégration et d’acceptation, de donner un point de vue et de se sentir responsabilisé (Mulvaney, 2011). Outre la nature du travail, Parsons (1992) suggère que d’autres variables déterminantes, dont les relations avec les collègues et le sentiment d’influence, favorisent le sentiment de satisfaction au travail. Une culture du respect, dans laquelle les tâches des équipes de première ligne sont comprises et appréciées à tous les paliers de l’établissement, peut réduire le sentiment de manque de valorisation et de sous-estimation. Les employé.e.s sur le terrain des camps d’été qui ont déclaré ressentir l’appréciation des membres de l’équipe ont également mis en lumière une plus grande cohésion du groupe, ce qui se traduit par un investissement considérable dans le travail (Bailey et coll., 2011). Par conséquent, donner la possibilité de faire part de commentaires et d’idées sur la restructuration du programme montre qu’ils et elles sont des éléments importants de l’établissement et que leur opinion compte.

Calendriers

Les instructeur.trice.s se plaignent souvent des contraintes liées à l’horaire de travail. Les personnes qui s’intègrent dans un emploi ou entament une carrière à long terme dans le secteur du plein air peuvent être confrontées à des options limitées lorsqu’elles essaient d’obtenir des conditions répondant à leurs besoins et à leurs préférences. Les horaires de travail atypiques occasionnent donc souvent des relations incompatibles et instables avec amis et famille. Dans les recherches de Thomas (2001, 2003) sur les éducateur.trice.s de plein air, les facteurs de stress liés au travail sont le plus souvent les longues heures de travail et le temps loin de la maison, car ils peuvent conduire à un manque apparent de stabilité, même dans les relations.

Le sentiment qu’un horaire de travail nuit aux relations dans la vie peut être abordé en adoptant des approches créatives comme modifier les calendriers, travailler parfois en dehors du terrain ou diversifier les tâches (Marchand et coll., 2009; Ross, 1989). Adapter des horaires de travail aux employé.e.s permettrait d’équilibrer le temps sur le terrain, ce que ces derniers perçoivent comme adéquat pour avoir une vie saine et stable en dehors du travail (Marchand et coll., 2009).

Changer le discours sur la rotation des effectifs

Une instructrice canadienne s’est souvenue qu’un supérieur avait affirmé que son emploi était sans avenue. Il soutenait que les travailleur.euse.s ne restaient pas à l’emploi longtemps avant d’aller voir ailleurs, et que seulement une douzaine d’employé.e.s répondaient encore à l’appel (Kirk, 2013, p. 64). Dans les établissements canadiens, la conception que le métier n’est pas viable est généralement acceptée par les directions et même par beaucoup d’instructeur.trice.s. Un employé a tenu les propos suivants : « Depuis que je travaille sur le terrain, les gens parlent toujours du haut taux de rotation. Tout le monde en est conscient » (Kirk, 2013, p. 130). Le roulement des employé.e.s de première ligne est « énorme », « rapide », « inévitable » et « trop élevé » (Kirk, 2013, p. 65). Un participant a affirmé que tous les établissements où il a travaillé ont un taux de rotation élevé et qu’il est très rare de rester à l’emploi pendant trois ans ou plus (Kirk, 2013, p. 65). Compte tenu d’une vision, faut-il s’étonner que les instructeur.trice.s sur le terrain quittent un établissement après seulement une courte période?

Améliorer les salaires et la reconnaissance

Les employé.e.s de première ligne doivent être mieux rémunéré.e.s en raison des risques élevés, des responsabilités, des conditions difficiles et de l’éloignement semaine après semaine. Des congés maladie ou payés, des horaires flexibles et des assurances peuvent contribuer à une importante augmentation de la satisfaction au travail, de la fidélisation envers l’établissement et de la longévité. L’argent n’est pas la motivation principale des instructeur.trice.s de plein air quand vient le temps de choisir un emploi. Néanmoins, le salaire est souvent un reflet de la valeur et, par conséquent, se sentir sous-payé peut provoquer de la frustration et du roulement (Marchand et Russell, 2013). Des recherches doivent être également menées pour déterminer la structure salariale de base jugée adéquate par les instructeur.trice.s pour le travail et les incitatifs financiers qui les motiveraient à rester plus longtemps à l’emploi.

Selon des participant.e.s d’une étude, la fidélisation du personnel découle en grande partie du fait que les employé.e.s se sentent valorisés, « pris en charge » par un établissement « qui compte sur eux », plutôt que de se sentir « exploités » (Kirk, 2013, p. 101). Un instructeur a d’ailleurs rapporté : « Si l’on veut conserver le personnel de première ligne, il faut que l’expérience soit reconnue d’une manière ou d’une autre. On ne peut s’attendre à ce que je fasse un travail aussi difficile sans augmentation salariale, sans changement » (Kirk, 2013, p. 101).

Un salaire qui augmente en fonction du coût de la vie est un élément important du sentiment de valorisation, mais ce n’est pas le seul (Kirk 2013). Les démarches d’orientation professionnelle qui portent sur un plan de perfectionnement axé sur la croissance, l’appréciation et l’investissement dans les personnes sont significatives et positives du point de vue d’un ou d’une employé.e de première ligne (Kirk, 2013, p. 102). Par exemple, un participant s’est senti valorisé par ses supérieurs lorsque le gestionnaire a pris le temps de lui élaborer un plan d’amélioration au travail (Kirk, 2013, p. 102).

Le sentiment de progrès professionnel, qui se traduit par une augmentation des responsabilités, des outils, des connaissances, des prises de décisions et de l’influence, est également important pour éviter un sentiment de stagnation chez le personnel de première ligne. Par exemple, la promotion à un poste de cadre supérieur peut entraîner des avantages considérables lorsqu’il est question d’expérience, d’apprentissage et de croissance professionnelle. Les instructeur.trice.s ont souligné leur appréciation de la possibilité d’apprendre dans de nouvelles circonstances et de nouveaux postes et ont été stimulés à l’idée d’évoluer professionnellement et de découvrir des nouveautés (Kirk, 2013, p. 76).

Conclusion

Malgré le sentiment commun qu’un taux élevé de rotation est inévitable, des instructeur.trice.s de terrain restent à l’emploi des années, voire beaucoup plus longtemps. Cependant, d’importantes questions sur l’efficacité des démarches organisationnelles axées sur le maintien en poste du personnel demeurent sans réponse. Les instructeur.trice.s de tous types font partie d’un groupe peu étudié et sont souvent au second plan en raison de la nature transitoire de leur travail et du contexte particulièrement éloigné dans lequel ils travaillent.

En conclusion, il faut s’attendre à un parcours de carrière sinueux dans la profession, dont le volet plein air n’évoluera peut-être jamais. La rémunération pour le travail de première ligne risque d’ailleurs de ne jamais être compétitive par rapport à d’autres domaines. Néanmoins, j’espère qu’il sera chose possible et accessible pour les professionnel.elle.s du plein air de première ligne de vivre leur passion aussi longtemps qu’ils et elles le souhaitent, avec le soutien et les ajustements nécessaires de la part des employeurs.

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À propos de l’auteure

Liz Kirk

Liz Kirk vit dans la région de Niagara en Ontario et a récemment acquis le titre de guide certifiée en sylvothérapie. Elle a travaillé comme guide d’excursion en nature sauvage et éducatrice de plein air jusqu’à la fin de la trentaine. Elle a également œuvré bénévolement au Council of Outdoor Educators (conseil des éducateur.trice.s de plein air) de l’Ontario et à Get Kids Paddling. Afin de remédier à la rareté de mentorat dans l’industrie, elle a joué un rôle phare dans la mise sur pied de l’Ontario Wilderness Leadership Symposium (OWLS), lancé en 2015.

 

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L’article Durée d’emploi des guides d’excursion (2024), par Liz Kirk, est distribué sous la licence Creative Commons Attribution – Pas d’utilisation commerciale – Partage dans les mêmes conditions 4.0 International, sauf indication contraire.