Avant d’entrer dans l’analyse de la place des Communs et des néo-Communs dans la vie contemporaine, il est prudent de préparer le lectorat à des remises en question de la place et du rôle du droit que va induire l’anthropologie interculturelle qui a présidé à ces recherches. Commençons par noter que certains juristes nous y ont déjà préparés. Ainsi, François Ost, dans son dernier ouvrage de synthèse À quoi sert le droit? (2016), fait trois observations liminaires et avant de commenter ces trois propositions de François Ost, il est utile de revenir à ce qu’écrivait sur un sujet proche Jean Carbonnier dans Flexible droit où il proposait deux théorèmes (1995 : 21-22) : « Le droit est plus grand que les sources formelles du droit ». -- « Le droit est plus petit que l’ensemble des relations entre les hommes ».
À ces deux théorèmes, j’ai proposé d’en ajouter un troisième pour répondre à une demande de François Terré et pour célébrer la mémoire du maître dans L’Année sociologique, revenant à ma synthèse d’anthropologie dynamique de 1999, Le jeu des lois, et à la notion de juridicité empruntée au Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit d’André-Jean Arnaud (1993), avec l’objectif de « proposer un domaine commun de régulation dans lequel chaque tradition doit pouvoir se retrouver sans perdre ses caractères et sa dimension interculturelle » (Le Roy, 2007 : 345-346). J’ai ainsi formulé ce troisième théorème : « la juridicité est plus grande que la conception du droit développée par les sociétés occidentales [modernes] tout en la comprenant » (ibid., 2007 : 345).